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Date :  20070615

Dossier :  IMM-2275-07

IMM-2276-07

 

Référence :  2007 CF 647

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

MOHAMED SOUL KABA

demandeur

et

 

Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration

ET Ministre de la Sécurité publique

et de la Protection civile

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

[1]               L’agent de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) n’a pas le devoir de se prononcer sur tous et chacun des documents en cause.

Contrairement aux prétentions du demandeur, la preuve documentaire sur un pays est insuffisante pour justifier une évaluation des risques de retour positive puisque le risque doit être personnel :

[28]      Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné (Ahmad c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 995 (C.F.); Gonulcan c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 486 (C.F.); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no 56, 2005 CF 18 (C.F.).

 

 

(Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409 , [2005] A.C.F. no 506 (QL);Voir également : Rizkallah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 156 N.R. 1 (C.A.F.), [2002] A.C.F. no 412 (QL); Moussaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 133, [2004] A.C.F. no 146 (QL); Sanusi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 FC 987, [2004] A.C.F. no 1215 (QL); Zilenko v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FC 846, [2003] A.C.F. 1086 (QL); Sivagnanam v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FC 1216, [2003] A.C.F. no 1542 (QL).)

 

Donc, en l’espèce, la preuve documentaire générale sur la situation économique et politique en Guinée, ne peut, à elle-seule, établir le bien-fondé de la demande de protection lorsque le lien entre cette preuve et le demandeur lui-même n’est pas établi et ce, tant en vertu de l’article 96 que de l’article 97 de la LIPR.

[5]        A mon avis la demande du requérant est tout à fait sans fondement. Il est bien établi qu'un requérant doit démontrer une crainte objective et subjective de persécution. En l'occurrence, il n'était pas suffisant de simplement déposer de la preuve documentaire. Il fallait tout au moins démontrer que le requérante lui-même avait une crainte réelle de persécution. En l'absence de cette preuve, les membres de la Section étaient en droit de conclure comme ils l'ont fait.

 

 

(Sinora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 66 F.T.R. 113, [1993] A.C.F. no 725 (QL), aux pp. 114 et 115 (juge Marc Noël); Voir également : Alexibich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 53, [2002] A.C.F. no 57; Ithibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 288, [2001] A.C.F. no 499 (Juge Pierre Blais).)

 

Le demandeur doit obligatoirement établir un lien entre la situation actuelle dans son pays et sa situation personnelle. L’agent ERAR n’était pas satisfait que le demandeur a établi ce lien.

 

            En plus, dans ses motifs, l’agent a noté et analysé, de façon détaillée, les allégations et les documents déposés par le demandeur au soutien de sa demande CH et au soutien de sa demande ERAR, puisque le demandeur, au niveau du risque, avait spécifiquement référé à sa demande ERAR. Les motifs de l’agent sont clairs, détaillés et ils se fondent sur la preuve soumise. (Motifs de la décision CH, pages A-9 à A-13.)

 

L’agent a conclu que les circonstances personnelles alléguées par le demandeur, incluant les risques de retour allégués, n’étaient pas telles qu’il subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’il était tenu de présenter, hors du Canada, une demande de visa de résidence permanente.

 

 

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit de deux requêtes demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi émise contre le demandeur. Ces requêtes sont respectivement greffées à :

  • La décision refusant la demande d’ERAR (IMM-2275-07);
  • La décision refusant au demandeur une dispense de l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada en raison de l’existence de considérations d’ordre humanitaire (CH, IMM-2276-07).

 

[3]               Ces décisions ERAR et CH ont été rendues le 13 avril 2007 par l’agent ERAR.

 

REMARQUE PRÉLIMINAIRE  - Demande d’amendement à l’intitulé

[4]               Compte tenu de l’entrée en vigueur de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile (L.C. 2005, ch. 10), le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile devrait être désigné comme défendeur en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration, le tout conformément au décret émis le 4 avril 2005 (C.P. 2005-0482).

 

[5]               Conséquemment, le défendeur demande que l’intitulé soit amendé afin d’ajouter comme défendeur le Ministre de la Sécurité publique et de la protection civile, en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

 

FAITS

[6]               Les faits suivants ressortent du dossier de requête du demandeur ainsi que de son dossier d’immigration auprès de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) :

  • Le 7 juin 2005, le demandeur est arrivé au Canada.
  • Le 17 juin 2005, il a revendiqué le statut de réfugié, alléguant qu’il a été membre du parti Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et qu’il aurait été arrêté et détenu à la suite des opérations gouvernementales visant l’arrestation des responsables de l’attentat dirigé contre le président de la Guinée ayant eu lieu en janvier 2005.
  • Le 28 mars 2006, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande d’asile. La décision repose sur l’absence totale de crédibilité du demandeur et de son récit.
  • Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision de la SPR et cette Cour l’a rejetée en date du 25 juillet 2006.
  • En novembre 2006, le demandeur a déposé une demande de dispense de l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada en invoquant des considérations humanitaires (CH). Cette demande a été refusée le 13 avril 2007.
  • En mars 2007, le demandeur a déposé une demande d’ERAR. Le 13 avril 2007, l’agent ERAR a rejeté cette demande présentée par le demandeur.
  • Ce sont les deux décisions que le demandeur conteste par voie de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.
  • Depuis la mi-mai 2007, le demandeur a été convoqué au bureau de CIC en vue de fixer ses arrangements de départ du Canada.
  • L’agent chargé de son renvoi lui a même consenti des délais afin de lui permettre de s’acheter un billet d’avion pour se rendre au Mali, puisque le demandeur l’avait informé de son désir de quitter le Canada en direction du Mali plutôt qu’en Guinée.
  • Le demandeur, en date du 23 mai 2007, a signé une déclaration dans laquelle il déclare accepter son départ, qu’il quittera le Canada. Suite au rendez-vous du 23 mai, l’agent de renvoi a eu la confirmation qu’un visa était nécessaire pour le Mali. Ainsi, elle le reconvoquera pour le 24 mai 2007.
  • Or, le demandeur ne s’est pas présenté à son rendez-vous fixé au 24 mai 2007, pas plus qu’il ne s’est présenté à l’autre rendez-vous qui avait été fixé au 6 juin 2007. Concernant ce dernier rendez-vous, l’avocate du demandeur a communiqué avec l’agent de renvoi pour l’aviser que son client pensait que son rendez-vous avait été fixé au 7 juin 2007. Une autre entrevue pour arrangement de départ a donc été fixée pour le 12 juin 2007.
  • À cette date, l’agent de renvoi a remis en main propre au demandeur son avis de convocation pour son renvoi du Canada fixée au 16 juin 2007 à 18h30. Lors de cette rencontre, le demandeur a déclaré : « Je respecterai la Loi – si je dois quitter, je vais le faire et j’irai en Guinée. Au Mali, c’est 4 000 $ et je n’ai pas d’argent ».
  • Le 13 juin 2007 vers 14h00, le demandeur a signifié au défendeur, la présente requête en sursis.

 

[7]               Le défendeur renvoi cette Cour à la pièce « A », en liasse, de l’affidavit de Ketsia Dorceus.

 

[8]               Ainsi, il ressort clairement du dossier que le demandeur a présenté et épuisé tous les recours qui lui étaient permis par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR) afin de ne pas être renvoyé du Canada.

 

[9]               De plus, en faisant défaut de se présenter à deux de ses rendez-vous pour arrangements de départ pour lesquels il avait été dûment convoqué, le demandeur ne se présente pas devant cette Cour « les mains propres ». Ceci constitue un motif pour rejeter la présente requête en sursis. (Manohararaj c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 376, [2006] A.C.F. no 495 (QL); Sook c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-2186-06, 18 mai 2006; Thakorbhai PATEL c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), IMM-3442-06, 28 juin 2006; Vernege c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), IMM-4346-05, 16 juillet 2005.)

 

[10]           Afin d’évaluer le bien-fondé de la requête en sursis, cette Cour doit déterminer si le demandeur satisfait aux critères jurisprudentiels émis par la Cour d’appel fédérale dans l'affaire Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988) 86 N.R. 302, [1988] A.C.F. no 587 (QL).

 

[11]           Les trois critères doivent être rencontrés pour que cette Cour accorde le sursis demandé. Si un seul d’entre eux n’est pas rencontré, cette Cour ne peut pas accorder le sursis demandé. (Pao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 941, [2005] A.C.F. no 1173 (QL).)

 

[12]           Or, il appert clairement du dossier de requête du demandeur que ce dernier n’a fourni aucune preuve satisfaisante permettant d’établir l’existence :

(a)        d’un préjudice irréparable;

(b)        d’une question sérieuse;

(c)        d’inconvénients supérieurs à ceux que le défendeur pourrait subir en raison du sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[13]           Le demandeur n’a aucunement établi par une preuve claire et convaincante qu’il subirait un préjudice irréparable advenant son renvoi du Canada vers la Guinée, pendant que ses procédures en Cour fédérale suivent leur cours.

 

[14]           La notion de préjudice irréparable a été définie dans l’affaire Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992), 53 F.T.R. 93, [1992] A.C.F. no 237 (QL), comme étant le renvoi d’une personne vers un pays où il existe un danger pour sa vie et sa sécurité.

 

[15]           Au niveau du préjudice irréparable, le demandeur allègue les éléments ou arguments suivants :

[16]           Le demandeur allègue que l’exécution de la mesure de renvoi rendrait inefficace le redressement recherché par ses demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire et que ceci lui causerait un préjudice irréparable.

 

[17]           Cette Cour a conclu à maintes reprises qu’il ne s’agissait pas là de préjudice irréparable. Notamment, le juge Yvon Pinard dans la décision Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 16, [2005] A.C.F. no 36 (QL), a dit ceci :

[6]        Pour ce qui est de l'argument de la demanderesse voulant que son appel devienne théorique parce qu'elle ne pourra pas revenir au Canada si elle est renvoyée, un argument allant dans le même sens a récemment été rejeté par la Cour d'appel fédérale dans Ghanaseharan Selliah c. Canada (M.C.I.), 2004 CAF 261. Dans cette affaire, les demandeurs avaient fait valoir que le renvoi allait rendre leur appel illusoire. La Cour d'appel a dit :

Puisque l'appel pourra être habilement plaidé par une avocate d'expérience, en l'absence des appelants, et puisque, si les appelants obtiennent gain de cause en appel, ils seront probablement autorisés à revenir au Canada aux frais de l'État, je ne puis souscrire à l'idée que leur renvoi rendra illusoire leur droit d'appel.

 

(Voir également : Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, [2004] A.C.F. no 1200 (QL); El Ouardi c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 42, [2005] A.C.F. no 189 (QL); Uzkar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1734, [2005] A.C.F. no 2146 (QL).)

 

[18]           Le demandeur allègue que l’exécution de la mesure de renvoi porterait atteinte à sa liberté, à sa sécurité et à sa santé en raison de son arrestation prévisible.

[19]           Dans la décision Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), le Juge Luc Martineau a précisé que le préjudice irréparable ne doit pas être spéculatif ni fondé sur des possibilités :

[7]        ...irréparable ne doit pas être une simple hypothèse ni être fondée sur une série de possibilités. La Cour doit être convaincue que ce préjudice surviendra si la réparation sollicitée n'est pas accordée : Atakora, précitée, au paragraphe 12; Syntex Inc. c. Novopharm Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 129, à la page 135 (C.A.F.); Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 559, 2001 CFPI 325, au paragraphe 15.

(Voir aussi: Kerrutt, ci dessus; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994), 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. no 1990 (QL); Williams c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 167, [1994] A.C.F. no 258 (QL).)

Les risques invoqués au sein du sursis sont les mêmes que ceux invoqués dans la demande d’asile, l’ERAR et la demande CH

 

[20]           Au surplus, la demande d’asile du demandeur à l’égard de la Guinée a déjà été refusée alors que sa crainte était basée sur les mêmes faits en cause. De plus, la Cour fédérale a rejeté le contrôle judiciaire de cette décision. (Décision ERAR, pages A-1 à A-8.)

 

[21]           Devant la SPR, le demandeur a été jugé complètement non crédible sur :

·        Son implication politique au sein du RPG – incohérence entre le témoignage et la carte de membre du RPG concernant l’adhésion au parti. Concernant son implication, le demandeur a témoigné de façon vague et superficielle en répétant qu’il sensibilisait les gens (décision de la SPR, page A-27).

·        Les convocations des autorités – Invraisemblance du témoignage et anomalies à la face même des convocations. Ces documents comportent plusieurs erreurs d’orthographe et anomalies associées aux documents frauduleux. Ces éléments démontrent que le demandeur n’a jamais réellement été convoqué par la police, élément déterminant de la demande d’asile, de la demande ERAR et de la demande CH.

·        Recherché par la police : Le demandeur a clairement allégué au point d’entrée qu’il n’était pas recherché par la police, ce qui ressort clairement de la décision de la SPR et contredit directement les convocations de la police qu’il a soumises en preuve.

·        Sa détention – Incohérence de la preuve concernant la date d’évasion (8 mai 2005 versus 15 mai 2005) du demandeur et la durée de sa détention (10 jours versus 17 jours) – Même en admettant la simple erreur de date concernant l’évasion, il est tout à fait invraisemblable qu’il y ait également erreur sur la durée de la détention.  Le tribunal constate que le demandeur a modifié la date de sa prétendue évasion afin de rendre sa preuve conforme à l’article de presse faisant état que la prison avait été attaquée le 15 mai permettant l’évasion de détenus – décision de la SPR, pages A-25).

  • Son départ du pays – Contradictions - D’un côté, il allègue avoir passé l’immigration sans problèmes avec un faux passeport. Par après, il allègue être monté dans l’avion sans passer par l’immigration, sa tante ayant tout arrangé pour lui.

 

 

[22]           Ainsi, se fondant sur les nombreuses déficiences, contradictions et invraisemblances relevées dans la preuve, la SPR a conclu que le demandeur avait présenté une histoire fabriquée de toutes pièces.

 

[23]           Le demandeur a également eu une ERAR ainsi qu’une évaluation des risques de retour dans le cadre d’une demande CH. Ces demandes ont été refusées et ceci, à la lumière de la preuve personnelle présentée, de la situation du demandeur et de la situation objective existant en Guinée en date d’avril 2007 (Il y a à peine 2 mois).

 

[24]           Ainsi, le risque allégué par le demandeur a été évalué à plusieurs reprises et chaque fois, une décision négative a été rendue.

 

[25]           En l’espèce, l’agent ERAR a conclu tant dans la décision ERAR que dans la décision CH qu’il n’y avait pas de preuve de risque personnel pour le demandeur en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[26]           À cet égard, voici une décision récente relativement à l’absence de préjudice irréparable lors d’une telle conclusion de l’agent ERAR :

[11]      En l'espèce, la preuve comporte des points qui ont déjà été examinés dans des instances antérieures ou elle est conjecturale et vague.

[12]      Le point i) a déjà été examiné par la SPR et par l'agent chargé de l'ERAR et il n'a pas été retenu. La demanderesse ne présente pas de nouveaux éléments de preuve à cet égard; elle se contente de réitérer les affirmations qui ont déjà été faites devant ces deux décideurs. Pour satisfaire au critère énoncé dans l'arrêt Toth, il ne suffit pas de simplement reprendre les affirmations qui ont été faites dans des instances antérieures (voir Nalliah c. Canada (S.G.), 2004 CF 1649, au paragraphe 27).

(David c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 1486, [2006] A.C.F. no 1872 (QL).)

 

Voir également :

[27]      Le fait d'alléguer simplement que les personnes en cause subiront le préjudice allégué dans leurs demandes d'ERAR ne suffit pas pour les besoins du critère. Je tiens d'abord à faire remarquer que la grande majorité des personnes touchées ont bénéficié d'un certain nombre d'examens des risques. Avant les décisions relatives aux ERAR, les personnes touchées ont dans tous les cas été parties à des procédures antérieures engagées en vertu de la LIPR.

(Nalliah c. Canada (Solliciteur général) (C.F.), [2005] 3 R.C.F. 210, [2004] A.C.F. no 2005 (QL).)

[8]        ...La jurisprudence de la Cour établit que lorsque le récit d'un demandeur est jugé non crédible, ce récit ne peut servir de base à une allégation de préjudice irréparable dans le cadre d'une demande de sursis...

 

(Akyol, ci-dessus.)

(Voir aussi: Ulusoy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-3277-05, 3 juin 2005 (juge Yves De Montigny); Cerna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-5744-04, 12 juillet 2004 (juge Michel Beaudry); Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-5752-04, 12 juillet 2004 (juge Beaudry).)

 

[27]           Au surplus, dans la décision CH, l’agent mentionne que la preuve documentaire objective publique et fiable démontre que les individus arrêtés dans le cadre de l’enquête sur la tentative d’assassinat du président Conte, (l’élément à la base de sa demande d’asile), ont été libérés alors que certains sont en exil volontaire.

 

[28]           Ainsi, ces faits démontrent que même si l’histoire du demandeur avait été crédible, ce qui n’est clairement pas le cas, il ne serait plus visé dans son pays, en date d’aujourd’hui, étant donné la libération des détenus qui ressort de la preuve documentaire objective.

 

[29]           Par ailleurs, suite à l’évaluation de la preuve générale et objective consultée sur la Guinée, l’agent ERAR a également constaté que le simple fait d’être membre d’un parti politique d’opposition, à lui seul, ne constitue pas un facteur de risque. L’agent conclut que le profil du demandeur ne correspond pas à celui d’un opposant de haut rang. L’adhésion du demandeur au RPG a été jugée non crédible et les activités politiques alléguées se résumaient à la distribution de T-Shirts au logo du parti devant son commerce. (Décision CH et décision de la SPR, pages A-12 et A-26 et A-27.)

 

[30]           Au soutien de la présente requête, le demandeur produit un affidavit du secrétaire politique du RPG – Section Canada, M. Lancine Sakoh, afin d’appuyer ses prétentions à titre de préjudice irréparable.

 

[31]           Concernant l’affidavit du secrétaire politique du RPG – Section Canada, le défendeur soumet :

·        La SPR a jugé le demandeur non crédible (en raison de contradictions et de la mauvaise qualité de son témoignage en général) concernant son adhésion au parti politique RPG, les convocations de la Police, sa détention et son départ de la Guinée. Ainsi, cet affidavit porte sur les mêmes faits que ceux soumis devant la SPR, et jugés non crédibles sur des points centraux de la revendication. Au surplus, cette décision a été confirmée par la Cour fédérale qui a refusé la demande d’autorisation. Donc, les faits et l’implication politique du demandeur en Guinée sont chose jugée. Cet affidavit ne peut servir à rétablir la crédibilité du demandeur à l’égard de son récit en Guinée. (Décision de la SPR, pages A-22 à A-29);

·        Cet affidavit ne provient pas d’une source neutre et objective;

·        Cet affidavit n’apporte aucun nouveau fait concernant l’implication politique du demandeur en Guinée;

·        Il n’est aucunement démontré que l’auteur de cet affidavit avait une connaissance personnelle du demandeur et des faits vécus par le demandeur en Guinée à l’époque en cause en 2005, d’autant plus que M. Lancine Sakoh est au Canada depuis le 26 septembre 2000. Au même effet, l’auteur de cet affidavit n’indique aucune source d’élément neutre, fiable et objective afin d’appuyer son allégation à l’effet que le demandeur est recherché par les autorités de la Guinée et qu’il sera détenu à son arrivée, ni même qu’il serait perçu par les autorités comme un opposant politique;

·        Au Canada, les activités du demandeur se limitaient à sa participation aux réunions mensuelles du RPG et à quelques manifestations. Rien ne démontre que les prétendues activités du demandeur sont connues des autorités de son pays;

·        Par ailleurs, selon le paragraphe 16 de cet affidavit, M. Sakoh affirme que certains membres du RPG aux États-Unis et en Europe ont déjà reçu des menaces de représailles en raison de leurs activités à l’étranger. À cet égard, premièrement, il n’y a aucune preuve de telles menaces à l’égard du demandeur. Deuxièmement, l’affidavit n’élabore aucunement en quoi constitueraient ces prétendues « représailles ». Troisièmement, il n’y a aucune preuve concernant le profil de ces personnes apparemment menacées aux États-Unis et en Europe. Quatrièmement, il y a encore moins de preuve établissant que le demandeur a un profil politique comparable à ces personnes apparemment menacées. Cinquièmement, il n’y a aucune preuve objective qui démontre que des Guinéens en provenance du Canada ont déjà été arrêtés en raison de leurs activités au Canada.

  • Finalement, cet affidavit ne peut certes pas contrer la preuve documentaire fiable et objective analysée en avril dernier par l’agent ERAR, qui démontre que la simple appartenance à un parti politique d’opposition ne constitue pas, à elle seule, un facteur de risques. (Décision CH page A12, décision ERAR, pages A-27 et A-28.)

 

 

[32]           Pour toutes ces raisons, cet affidavit ne peut valablement servir à établir un préjudice irréparable dans le cas du demandeur.

 

[33]           Finalement, la preuve documentaire générale relative à la situation économique et politique en Guinée a déjà été analysée lors de la demande d’asile, la demande ERAR et la demande CH.

 

[34]           Cette preuve générale ne peut aucunement servir à établir un préjudice irréparable personnel au demandeur.

 

[35]           Par ailleurs, l’agent ERAR, avant de rendre sa décision relativement au risque allégué en Guinée, a consulté des rapports provenant d’organismes fiables et désintéressés, qui démontrent que la simple appartenance à un parti politique d’opposition ne rend pas une personne à risque, tels ceux de :

  • Freedom in the world Report 2006 Guinea;
  • U.S. Department of State Country Report on Human Rights Practices 2006 Guinea;
  • Amnesty International Rapport annuel 2006 Guinée;
  • Human Rights Watch World Report 2007 Guinée.

 

[36]           Au niveau du préjudice, il est fort important de considérer que le demandeur a déclaré à l’agent des renvois en date du 12 juin 2007 : « Je respecterai la Loi – si je dois quitter, je vais le faire et j’irai en Guinée. Au Mali, c’est 4 000 $ et je n’ai pas l’argent. »

 

[37]           Pour toutes ces raisons, la requête en sursis devrait automatiquement être rejetée pour absence de preuve de préjudice irréparable.

 

QUESTION SÉRIEUSE

Décision ERAR

[38]           Le demandeur conteste la décision ÉRAR en alléguant les points suivants :

 

Confusion entre nouveaux éléments de preuve et nouveaux faits et erreur sur le test de 113 a) de la LIPR

 

[39]           Les éléments de preuve en cause dans cette argumentation concernent :

  • la lettre de l’épouse du demandeur (pages B-82 B-83 du dossier du demandeur et élément de preuve #18 dans la décision ERAR, page A-4) ;

 

  • Liste des membres du bureau politique du R.P.G (B-32 à B-38 et élément de preuve #8 dans la décision ERAR).

 

[40]           Concernant ces éléments de preuve, il appert de la décision ERAR qu’ils ont clairement été introduits en preuve au sens de l’article 113a) de la LIPR. Ainsi, ces éléments ont été considérés et analysés par l’agent. Il s’agit simplement de l’évaluation de la valeur probante des éléments de preuve par l’agent ERAR. À cet égard, l’agent a fourni des motifs raisonnables afin de justifier sa position (décision ERAR).

 

Ignorance d’allégations nouvelles de risque et de nouvelles preuves :

paragraphes 22 à 27 du mémoire du demandeur

 

[41]           La lettre B-65 apparaît dans la décision ERAR comme un élément admis en preuve par l’agent. Donc, le demandeur ne peut valablement alléguer que cet élément a été ignoré.

 

[42]           La pièce B-45, article de presse concernant la protestation de Guinéens à Montréal. Le défendeur reconnaît que ce document n’est pas analysé spécifiquement par l’agent dans ses motifs. Toutefois :

  • Comme déjà mentionné, l’agent n’a pas le devoir de se prononcer  sur tous et chacun des documents présentés et;

 

  • Contrairement aux prétentions du demandeur, ce document n’est pas déterminant puisque cet article de journal ne démontre aucunement les activités politiques personnelles du demandeur, ni même celles des représentants du RPG. Ce document n’apporte aucun nouveau fait relatif au demandeur personnellement.

 

[43]           Les documents B-14 et B-17 constituent des éléments admis en preuve par l’agent et considérés comme de la preuve documentaire générale sur les conditions du pays. Ces éléments ne peuvent servir à démontrer un risque personnel pour le demandeur.

 

Conclusions déraisonnables

[44]           La lettre B-65 ne peut servir à établir que le demandeur est personnellement à risque à titre de membre du RPG puisque :

  • Ces mêmes faits ont déjà été évalués par la SPR et jugés non crédibles en tout points. Ainsi, cette lettre ne peut anéantir toutes ces contradictions concernant des points centraux de la revendication (décision de la SPR, pages A-22 à A-29);

 

  • Cette lettre n’apporte aucune nouvelle information différente de celle présentée devant la SPR concernant le récit du demandeur en Guinée;

 

  • Il n’est aucunement démontré que l’auteur de cette lettre a une connaissance personnelle de faits survenus en Guinée concernant le demandeur puisque cet auteur était déjà au Canada lors des événements en cause;

 

  • L’implication du demandeur au Canada n’a pas été alléguée dans la demande ERAR et dans les observations du demandeur, donc il ne s’agit pas d’un risque que l’agent avait à évaluer.

 

 

LE RISQUE PERSONNEL

[45]           Le demandeur allègue que l’agent a erré en droit en exigeant que le demandeur démontre un risque personnalisé de persécution.

 

[46]           Contrairement aux prétentions du demandeur, la preuve documentaire sur un pays est insuffisante pour justifier une évaluation des risques de retour positive puisque le risque doit être personnel :

[28]      Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné (Ahmad c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 995 (C.F.); Gonulcan c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 486 (C.F.); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no 56, 2005 CF 18 (C.F.).

(Jarada, ci-dessus); Voir également : Rizkallah, ci-dessus; Moussaoui ci-dessus; Sanusi, ci-dessus; Zilenko, ci-dessus; Sivagnanam, ci-dessus.)

 

[47]           Donc, en l’espèce, la preuve documentaire générale sur la situation économique et politique en Guinée, ne peut, à elle-seule, établir le bien-fondé de la demande de protection lorsque le lien entre cette preuve et le demandeur lui-même n’est pas établi et ce, tant en vertu de l’article 96 que de l’article 97 de la LIPR.

[5]        A mon avis la demande du requérant est tout à fait sans fondement. Il est bien établi qu'un requérant doit démontrer une crainte objective et subjective de persécution. En l'occurrence, il n'était pas suffisant de simplement déposer de la preuve documentaire. Il fallait tout au moins démontrer que le requérante lui-même avait une crainte réelle de persécution. En l'absence de cette preuve, les membres de la Section étaient en droit de conclure comme ils l'ont fait.

 

 

(Sinora, ci-dessus; Voir également : Alexibich, ci-dessus; Ithibu, ci-dessus.)

 

[48]           Le demandeur doit obligatoirement établir un lien entre la situation actuelle dans son pays et sa situation personnelle. L’agent ERAR n’était pas satisfait que le demandeur a établi ce lien.

 

Crédibilité et DROIT À L’ENTREVUE

 

[49]           L’obligation d’équité qui incombe à l’agent est déterminée par le paragraphe 113b) de la LIPR et l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002/227 (Règlement). Le paragraphe 113b) de la Loi prévoit qu’une audience peut être tenue si le ministre (donc l’agente ERAR qui assume sa responsabilité par délégation ministérielle) l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires. Ces facteurs sont prévus à l’article 167 à du Règlement :

167.   Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

167.   For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[50]           Comme le démontre clairement la version anglaise de cet article, ces critères sont conjonctifs; si la situation du demandeur ne répond pas à un critère, l’audience n’est pas tenue. (Bhallu c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1324, [2004] A.C.F. no 1623 (QL); Malhi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 802, [2004] A.C.F. no 993 (QL.)

 

[51]           En l’espèce, le demandeur ne rencontrait pas les conditions prévues à cet article du Règlement et par conséquent, l’agent ERAR n’avait pas à convoquer le demandeur en entrevue. (Abdou c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 752, [2004] A.C.F. n° 916 (QL); Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 321, [2003] A.C.F. n° 452 (QL); Allel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 533, [2003] A.C.F. n° 688 (QL), au par. 25; Youmis c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 266, [2004] A.C.F. n° 339 (QL); Sylla v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 475, [2004] A.C.F. n° 589 (QL), au par. 6.)

 

[52]           Au surplus, ce qu’argumente le demandeur, c’est que l’agent d’ÉRAR aurait commis une erreur grave en n’accordant aucune audience au demandeur alors qu’il a mis en doute la crédibilité du demandeur au même titre que la SPR.

 

[53]           Cette allégation est erronée en droit puisque, même si l’agent ERAR avait émis des conclusions de crédibilité, ce qui n’est pas le cas, sa décision était fondée sur l’insuffisance de preuve soumise par le demandeur pour se décharger de son fardeau de preuve d’établir qu’il encourt personnellement des risques de retour tels que ceux prévus aux articles 96 et 97 de la LIPR dans l’éventualité d’un retour en Guinée. (Allel, ci-dessus; Sylla, ci-dessus; Houcine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-795-03, 29 avril 2003 (juge Paul Rouleau).)

 

[54]           Par conséquent, l’agent ERAR n’avait pas à convoquer le demandeur en entrevue puisqu’il n’a pas remis sa crédibilité en cause. Il a simplement énoncé que le demandeur soumettait en preuve les mêmes risques qu’il a invoqués devant la SPR et qui ont été jugés non crédibles.

 

[55]           Relativement à la lettre de l’épouse du demandeur, il est tout à fait loisible pour l’agent ERAR d’évaluer la valeur probante de cette lettre sans qu’une audience soit tenue. Comme l’agent le mentionne, cette lettre supporte des faits déjà évalués par le tribunal et pour lesquels le demandeur a été jugé non crédible. Pour ces raisons, et du fait que la lettre provient d’une source non indépendante, l’agent a accordé peu de valeur probante à cet élément. Cette conclusion ne rencontre aucunement les critères de l’article 167 du Règlement.

 

[56]           L’affaire Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 1 R.C.S. 177, citée par le demandeur, ne s’applique pas en l’espèce car le demandeur a effectivement eu droit à une audition complète devant la SPR.

 

[57]           Il n’y a donc pas de question sérieuse à cet égard.

 

 

DÉCISION CH

[58]           Le demandeur ne démontre pas l’existence d’une question sérieuse qui invaliderait la décision CH.

 

Norme d’intervention des tribunaux en matière de Demandes CH

[59]           Il est bien établi qu’une demande de dispense est une mesure d’exception qui est de nature purement discrétionnaire. À ce titre, la norme de contrôle applicable aux demandes de dispense de visa est la norme raisonnable simpliciter. Le pouvoir discrétionnaire conféré à l’agent d’immigration devrait être considéré avec une certaine déférence et respect : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1570 (QL); Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748.

Le bien-fondé de la décision CH en l’espèce

[60]           La décision CH est bien fondée en faits et en droit, compte tenu du but et des objectifs recherchés par la procédure d’évaluation des demandes de dispense présentées en vertu du paragraphe 25 (1) de la Loi.

 

[61]           Dans sa demande CH (voir pièce « A » de l’affidavit de Ketsia Dorceus), le demandeur a allégué :

  • D’une part, des risques de retour en Guinée. À cet égard, il réfère au risque qu’il allèguera dans sa demande ERAR;
  • D’autre part, les liens qu’il a établis avec le Canada.

 

[62]           Le demandeur ne conteste pas les conclusions de l’agent concernant ses liens et son intégration depuis qu’il est au Canada. À cet égard, l’agent a noté que toute la famille du demandeur est en Guinée (dont quatre enfants) et la courte période d’employabilité du demandeur (3 mois).

 

[63]           Dans son formulaire de demande CH, concernant le risque de retour, le demandeur a indiqué «  Je crains toujours de retourner en Guinée, pour les raisons que j’évoquerai éventuellement au moment de me prévaloir de l’ERAR ». Ainsi, le demandeur s’est limité à réitérer exactement les mêmes faits et risques que ceux qu’il avait allégués devant la SPR et dans sa demande ERAR et qui ont été jugés non crédibles ou insuffisants pour démontrer un risque personnel.

 

[64]           Dans ses motifs, l’agent a noté et analysé, de façon détaillée, les allégations et les documents déposés par le demandeur au soutien de sa demande CH et au soutien de sa demande ERAR, puisque le demandeur, au niveau du risque, avait spécifiquement référé à sa demande ERAR. Les motifs de l’agent sont clairs, détaillés et ils se fondent sur la preuve soumise. (Motifs de la décision CH, pages A-9 à A-13.)

 

[65]           L’agent a conclu que les circonstances personnelles alléguées par le demandeur, incluant les risques de retour allégués, n’étaient pas telles qu’il subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’il était tenu de présenter, hors du Canada, une demande de visa de résidence permanente.

 

[66]           Cette décision que le demandeur cherche à faire annuler a été rendue en vertu du paragraphe 25 de la LIPR, qui est une mesure d’exception, discrétionnaire. Ainsi que le note le juge Frank Iacobucci dans l’affaire Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2002] 1 R.C.S. 84, (qui traitait du paragraphe 114(2) de l’ancienne Loi et qui a été remplacé par l’article 25 de la présente LIPR, au para. 64 :

:...la demande faite au ministre en vertu du par. 114(2) est essentiellement un plaidoyer auprès de l'exécutif en vue d'obtenir un traitement spécial qui n'est même pas explicitement envisagé par la Loi. (La Cour souligne.)

 

(Voir aussi: Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), aux paras. 15 et 16.)

 

[67]           En l'espèce, l'agent a énoncé de façon claire et détaillée dans ses motifs les raisons au soutien de sa conclusion négative, lesquelles sont juridiquement valables, parce que judicieuses et fondées sur la preuve qu’il avait devant lui.

 

BALANCE DES INCONVÉNIENTS

[68]           Étant donné que le demandeur n’a pas établi de question sérieuse ni de préjudice irréparable, la balance des inconvénients penche en faveur de l’exécution de la mesure de renvoi du défendeur. (Morris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 24 janvier 1997, IMM-301-97.

 

[69]           La balance des inconvénients favorise le ministre qui a intérêt à ce que l’ordonnance de renvoi soit exécutée à la date qu’il a fixée. (Mobley c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 18 janvier 1995, IMM-106-95 (juge Simon Noël).)

 

[70]           En effet, le paragraphe 48(2) de la LIPR prévoit qu’une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.

 

[71]           La Cour d’appel a développé la question de la balance des inconvénients en matière de sursis et de l'intérêt public qui doit être pris en considération :

Équilibre des inconvénients

[21]      L'avocate des appelants dit que, puisque les appelants n'ont aucun casier judiciaire, qu'ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu'ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l'équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu'à l'issue de leur appel.

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu'ils sont arrivés ici. À mon avis, l'équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de l'obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s'agit pas simplement d'une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

(Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, [2004] A.C.F. no 1200 (QL); Voir aussi: Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427, [2004] A.C.F. no 2118 (QL); Pao, ci-dessus; Dasilao c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1168, [2004] A.C.F. no 1410 (QL); Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 306, [1992] A.C.F. no 306 (QL); Jean  c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1 avril 1996, IMM-1051-96; Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992), 53 F.T.R. 93, [1992] A.C.F. no 237 (QL).)

 

[72]           Dans le cas présent, le demandeur a pu revendiquer le statut de réfugié, contester cette décision devant la Cour fédérale, faire une demande d’ERAR ainsi qu’une demande CH.

 

[73]           Le demandeur a épuisé les recours qui lui sont permis par la loi.

 

[74]           L’intérêt du défendeur d’exécuter la mesure de renvoi avec célérité prime sur les inconvénients que subirait le demandeur.

 

[75]           La balance des inconvénients est donc en faveur du défendeur.


 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que les deux requêtes demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi émise contre le demandeur soient rejetées.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2275-07

                                                            IMM-2276-07

 

INTITULÉ :                                       MOHAMED SOUL KABA c.

Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration ET Ministre de la Sécurité publique ET DE la Protection civile

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE

PAR TÉLÉCONFÉRENCE :            le 15 juin 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 15 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Johanne Doyon

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Patricia Deslauriers

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DOYON & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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