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Date : 20070615

Dossier : IMM-6105-06

Référence : 2007 CF 631

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

NINA GAKINULYAN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 31 octobre 2006, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (la Commission) a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni de « personne à protéger ».

 

 

QUESTION EN LITIGE

[2]               La décision de la Commission était-elle manifestement déraisonnable?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la réponse à cette question est négative. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

CONTEXTE

[4]               La demanderesse est une citoyenne de la Russie de nationalité arménienne qui est née le 1er juin 1933 à Gyorgyes.

 

[5]               Elle est arrivée au Canada le 7 novembre 2005 sans avoir l’intention de demander l’asile. Cependant, peu avant l’expiration de son visa de visiteur, elle a appris le 27 février 2006 qu’elle était recherchée par le procureur général de la Russie (le PGR) en raison d’allégations selon lesquelles elle avait hébergé des terroristes de nationalité tchétchène dans son appartement qui avait été saisi par le PGR.

 

[6]               La demanderesse a allégué qu’avant son arrivée au Canada en vue de visiter sa fille et son petit‑fils, ses voisins l’avaient dénoncée aux autorités pour avoir hébergé des Tchétchènes chez elle. En tant qu’Arménienne, elle a été victime de violence verbale et autres types de violence par des skinheads et par le PGR. La demanderesse craignait donc d’être persécutée dès son retour imminent en Russie et a décidé de présenter une demande d’asile au Canada.

 

[7]               La Commission n’a tout simplement pas été convaincue par l’histoire incroyable de la demanderesse et a décidé de rejeter sans perdre de temps sa demande. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DE CONTRÔLE

[8]               La Commission a rendu une décision plutôt brève dans laquelle elle a souligné le fait que la demanderesse avait attendu quatre mois avant de présenter une demande d’asile. La Commission a conclu que les explications de la demanderesse à l’audience étaient insatisfaisantes, puisque cette dernière a indiqué qu’elle n’avait pas demandé l’asile à son arrivée au Canada parce qu’elle croyait que la situation changerait et qu’elle pourrait retourner chez elle. Il ne s’agit pas là du comportement d’une personne qui a une crainte fondée de persécution.

 

[9]               En outre, la Commission était préoccupée par les contradictions entre le témoignage de la demanderesse et les réponses aux questions 19 (devrait plutôt être 9a) et 31 de son formulaire de renseignements personnels (le FRP)) et ses réponses aux questions 19 et 20 de son entrevue avec un agent d’immigration. La Commission indique ce qui suit à la page 2 de sa décision :

À la question 19 de son entrevue, la demandeure d’asile a répondu « non » quand l’agent lui a demandé si elle était recherchée par la police ou l’armée. Elle a aussi répondu « non » à la question 20, quand il lui a demandé si elle avait été détenue. Pourtant, dans son FRP, à la question 31, elle a mentionné avoir été détenue et être recherchée par la police.

 

Tenue de s’expliquer, la demandeure d’asile a répondu qu’elle avait été détenue par le bureau du procureur, et non la police. Cependant, dans son FRP, elle écrit effectivement avoir été détenue par la police. Quant à son omission du fait que la police la recherchait, elle prétend qu’elle ne le savait pas à ce moment-là et qu’elle ne l’a découvert que plus tard, ce qui est possible.

 

Cependant, le tribunal rejette cette dernière explication et considère qu’il s’agit d’une omission importante qui nuit grandement à la crédibilité de la demandeure d’asile. Personne n’oublie l’expérience d’avoir été détenu toute une nuit et interrogé.

 

[10]           Enfin, la Commission a conclu que la demanderesse pouvait se prévaloir d’une possibilité de refuge intérieur à Savatov, par exemple, où elle a vécu et travaillé pendant sa brillante carrière professionnelle. Cependant, la demanderesse a indiqué qu’elle préférerait rester dans la maison familiale à Gheorghievsk. La Commission a conclu que ce comportement était incompatible avec celui d’une personne qui craignait pour sa vie, plus particulièrement du fait que la demanderesse alléguait que ses problèmes avaient commencé quand elle avait loué une chambre dans la maison familiale à une femme mariée à un Tchétchène.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[11]           Les directives portant sur la présentation d’affidavits sont énoncées aux articles 80 et 81 des Règles des Cours fédérales (les Règles), DORS/98-106 :

Preuve par affidavit et interrogatoires

Affidavits

Forme

80(1) Les affidavits sont rédigés à la première personne et sont établis selon la formule 80A.

 

[…]

 

Pièces à l’appui de l’affidavit

(3) Lorsqu’un affidavit fait mention d’une pièce, la désignation précise de celle-ci est inscrite sur la pièce même ou sur un certificat joint à celle‑ci, suivie de la signature de la personne qui reçoit le serment.

 

Contenu

81(1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

 

Poids de l’affidavit

(2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

Affidavit Evidence and Examinations

Affidavits

Form of affidavits

80. (1) Affidavits shall be drawn in the first person, in Form 80A.

 

 

Exhibits

(3) Where an affidavit refers to an exhibit, the exhibit shall be accurately identified by an endorsement on the exhibit or on a certificate attached to it, signed by the person before whom the affidavit is sworn.

 

Content of affidavits

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the personal knowledge of the deponent, except on motions in which statements as to the deponent's belief, with the grounds therefor, may be included.

 

 

Affidavits on belief

(2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

 

 

[12]           Les Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés (les Règles en matière d’immigration), DORS/93-22 prévoient expressément le contenu d’un affidavit en matière d’immigration. Les passages pertinents se trouvent à l’alinéa 10(2)d) :

MISE EN ÉTAT DE LA DEMANDE

D’AUTORISATION

10(1) Le demandeur met sa demande d’autorisation en état en se conformant au paragraphe (2) 

 

[. . .]

 

(2) Le demandeur signifie à chacun des défendeurs qui a déposé et signifié un avis de comparution un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

 

[. . .]

 

d) un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués à l’appui de sa demande,

 

[. . .]

PERFECTING

APPLICATION FOR LEAVE

10. (1) The applicant shall perfect an application for leave by complying with subrule (2)

 

 

(2) The applicant shall serve on every respondent who has filed and served a notice of appearance, a record containing the following, on consecutively numbered pages, and in the following order

 

 

(d) one or more supporting affidavits verifying the facts relied on by the applicant in support of the application,

 

 

ANALYSE

CONTESTATIONS PRÉLIMINAIRES

Affidavit insuffisant

[13]           Dès le départ, le défendeur a contesté l’affidavit présenté par la demanderesse et allégué que celui-ci devrait être radié ou ne recevoir aucun poids, puisqu’il ne satisfait pas à l’alinéa 10(2)d) des Règles en matière d’immigration. L’affidavit ne se limite pas exclusivement aux faits et les paragraphes 7 et 14 ne sont pas rédigés à la première personne.

 

[14]           De plus, un bon nombre des paragraphes portent sur des conclusions et des arguments relatifs au bien-fondé de la décision de la Commission plutôt que sur des faits. L’affidavit constitue essentiellement la réponse de la demanderesse à la décision de la Commission et, comme le souligne le défendeur, c’est ce qui ressort clairement du fait que les paragraphes contenus dans l’affidavit sont repris intégralement dans le mémoire des arguments de la demanderesse.

 

[15]           Bien qu’il soit vrai que certains paragraphes de l’affidavit contiennent des arguments polémiques et des conclusions visant à réfuter les divers éléments de la décision de la Commission, il ne s’agit pas d’une affaire où la Cour devrait radier l’affidavit ou ne lui accorder aucun poids. En fait, seuls les paragraphes 7 et 14 ne sont pas rédigés à la première personne. Le paragraphe 7 expose l’argument de la demanderesse selon lequel la Commission n’a pas tenu compte de son explication voulant qu’elle n’eût aucune raison de présenter une demande d’asile au Canada avant le 26 février 2006. Le paragraphe 14 fait référence aux paragraphes 3 à 6 figurant à la page 2 de la décision de la Commission. En l’espèce, les faits ne sont pas les mêmes que dans l’affaire Bakary c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1111, [2006] A.C.F. no 1418 (C.F.) (QL), où le juge Yvon Pinard a conclu ce qui suit au paragraphe 5 :

Selon le défendeur, les paragraphes 8, 17, 48 et 51 de l’affidavit du demandeur, déposé au soutien de sa demande d’autorisation, consistent en des conclusions et des arguments sur le bien-fondé de la décision de la CISR au lieu de porter sur les faits et, par conséquent, ces affirmations sont inadmissibles. Je suis d’accord avec le défendeur.

 

[16]           La Cour n’est également pas d’accord avec l’argument du défendeur, fondé sur l’arrêt Metodieva c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 629 (C.A.F.) (QL), selon lequel l’affidavit est insuffisant et incomplet au point d’aboutir à une absence d’affidavit. Ce n’est pas le cas en l’espèce et, par conséquent, l’affidavit ne sera pas radié du dossier.

 

[17]           Quant à la question de fond relative à la présente demande, la Cour est d’avis qu’il était raisonnable que la Commission en arrive à la décision qu’elle a rendue en se fondant sur la preuve dont elle disposait et après avoir examiné longuement la transcription de l’audience, ainsi que le dossier. La présente affaire peut se distinguer de l’affaire R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] A.C.F. no 162 (C.F. 1re inst.) (QL) citée par la demanderesse, puisque le contexte et les faits dans cette affaire ne sont pas les mêmes qu’en l’espèce (citée par la demanderesse à l’audience comme l’affaire Kaur).

 

[18]           Les parties n’ont soulevé aucune question aux fins de certification.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

  1. que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
  2. qu’aucune question ne soit certifiée.

 

 « Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-6105-06

 

INTITULÉ :                                                                           NINA GAKINULYAN c.

                                    LE MINISTRE DE LA

                                    CITOYENNETÉ ET DE

                                    L’IMMIGRATION

                                                                                                                                               

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 13 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 15 JUIN 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alain Joffe                                                                                POUR LA DEMANDERESSE

                                                                                               

Evan Liosis                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Joffe                                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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