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Date : 20070626

Dossier : T‑1515‑06

Référence : 2007 CF 678

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

demanderesse

et

 

ALLEN SMALL

défendeur

 

TRANSCRIPTION DES MOTIFS

 

Que la version revue ci‑jointe de la transcription des motifs de mon ordonnance, prononcés oralement à l’audience à Halifax (Nouvelle‑Écosse) le 9 mai 2007, soit déposée en conformité avec l’article 51 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.

 


T‑1515‑06

 

 

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

demanderesse

 

et

 

 

ALLEN SMALL

défendeur

 

 

 

J U G E M E N T

 

 

AUDIENCE TENUE DEVANT :     Monsieur le juge Barnes

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le mercredi 9 mai 2007

 

COMPARUTIONS :                         Allan T. Matte 

                                                      Avocat de la demanderesse

 

                                                            Allen Small

                        Autoreprésenté

 

 

GREFFIER : Mike Kowalchuk

____________________________________________________________________

 

Enregistrement :

Drake Recording Services Limited

1592, rue Oxford

Halifax (N.‑É.)  B3H 3Z4

Par : Phil Drake, sténographe judiciaire agréé

 

 

 


          LE JUGE BARNES (oralement) : La Couronne sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission d’appel des pensions – que j’appellerai dorénavant la Commission – qui a accordé au défendeur, Allen Small, une prorogation du délai dont il disposait pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel de la décision d’un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada, que j’appellerai le tribunal. Il s’agit ici des motifs que j’ai prononcés oralement à Halifax le 9 mai 2006 et qui font droit à la demande présentée par la Couronne.

          Il est apparu, au vu du dossier présenté à la Cour, que l’appel interjeté par M. Small concernait la détermination par le tribunal de la date présumée de son invalidité, date qui, selon le tribunal, était avril 2002, les prestations devant débuter en août 2002.

La requête de M. Small en autorisation

d’interjeter appel se présentait sous la forme d’une lettre reçue par la Commission le 31 janvier 2006, c’est‑à‑dire environ six semaines au‑delà du délai de dépôt de 90 jours fixé par le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada. Dans sa lettre, M. Small ne donnait aucune explication des raisons pour lesquelles il n’avait pas respecté le délai d’appel de 90 jours. Sa lettre était aussi quelque peu imprécise quant à la décision qu’il contestait, et la Commission a présumé qu’il souhaitait faire appel de la décision du tribunal. Comme M. Small n’a déposé aucun document devant la Cour en même temps que cette demande de contrôle judiciaire, ce n’est que ce matin qu’il a informé la Cour et la Couronne que son intention était de faire appel d’une décision ministérielle antérieure qui avait rejeté sa première demande de prestations d’invalidité. Apparemment, on lui a conseillé, plutôt que de faire appel de ladite décision, de déposer une nouvelle demande de prestations, ce qu’il a fait. C’est en rapport avec ladite demande qu’il a finalement obtenu gain de cause devant le tribunal.

Néanmoins, il croit que sa demande de

prestations d’invalidité aurait dû être évaluée d’après la date de sa première demande, c’est‑à‑dire une différence d’environ huit mois de prestations. Il a dit aujourd’hui que cette première demande avait été présentée à temps par la poste, mais qu’elle s’était perdue quelque part durant son acheminement.

Inutile de le dire, la décision rendue par la Commission dans cette affaire était fondée sur une supposition erronée. M. Small ne conteste pas la décision du tribunal qui faisait droit à sa demande de prestations d’invalidité, et il sait que la date du début des prestations, établie à la suite de sa deuxième demande de prestations, était exacte. Il veut simplement que le ministre réexamine la décision de refuser sa première demande et qu’il lui verse des prestations à compter de la date de cette demande antérieure de prestations.

          Vu que la décision de la Commission reposait sur une supposition erronée, une supposition faite innocemment, elle devrait à l’évidence être annulée pour cette seule raison. J’examinerai aussi cependant la position adoptée par la Couronne quant au bien‑fondé de cette demande de contrôle judiciaire parce que là également la Commission a commis une eneuf.

          Selon le paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada, la Commission avait le pouvoir d’accorder une prorogation de délai pour permettre à M. Small d’interjeter appel. Cette décision a été rendue par la Commission le 14 juillet 2006. La Commission s’est fondée sur les motifs suivants pour lui accorder l’autorisation d’interjeter appel en dehors du délai imparti.

          [traduction] « La décision du tribunal de révision porte la date du 27 juillet 2005, mais elle n’a semble‑t‑il été communiquée au demandeur que le 16 septembre 2005.

          Le délai d’appel de 90 jours aurait expiré vers le 16 décembre 2005.

          La lettre non datée du demandeur, que je considérerai comme une demande de prorogation du délai imparti pour interjeter appel et une demande d’autorisation d’interjeter appel, a été reçue par la Commission d’appel des pensions le 31 janvier 2006, c’est‑à‑dire environ un mois et demi après l’expiration du délai d’appel.

          Dans le jugement Ministre du Développement des ressources humaines c. Josephine Gattellaro, la juge Snider écrit que la décision d’un membre d’autoriser une partie à interjeter appel après l’expiration du délai de 90 jours est « hautement discrétionnaire ».

          La juge Snider ajoutait ensuite que quatre critères doivent être observés avant qu’une prorogation de délai puisse être accordée en vertu du paragraphe 83(1). Ce sont les critères suivants :

1) il y a intention constante de poursuivre la demande ou l’appel;

2)   la cause est défendable;

3)   le retard a été raisonnablement expliqué;

4)   la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

     La juge Snider est arrivée à la conclusion que Mme Gattellaro n’avait pas expliqué suffisamment son retard à interjeter appel et le fait que la prorogation du délai ne causerait pas un préjudice au ministre.

     En raison du court laps de temps qui s’est écoulé entre l’expiration du délai d’appel et la réception de la demande, je suis disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire et à conclure qu’il y a eu intention constante d’interjeter appel et qu’il n’est pas nécessaire pour le défendeur d’expliquer son retard à déposer l’appel.

     Je ne crois pas que le ministre subira un préjudice dans la préparation de sa réponse à l’appel.

     J’ai quelques réserves sur la question de savoir si le demandeur a un argument défendable à faire valoir, aux fins de cette demande, pour ce qui concerne la date de début de sa période d’invalidité, mais je suis disposé à dire qu’il a un tel argument.

     Pour les motifs susmentionnés, la demande de prorogation du délai imparti pour interjeter appel et la demande d’autorisation d’interjeter appel sont accordées. »

          Ainsi se termine l’extrait de la décision de la Commission.

          Il est tout à fait clair que la Commission a accordé la prorogation dans cette affaire sans obliger M. Small à apporter la preuve qu’il répondait aux quatre conditions établies dans le jugement Gattellaro.

          L’octroi d’une prorogation du délai imparti pour interjeter appel est un recours discrétionnaire, mais ce recours doit néanmoins être considéré d’une manière structurée. Après tout, la justice a un intérêt légitime à ce que les décisions rendues dans les différends de ce genre acquierent un caractère définitif.

          J’accepte l’argument de la demanderesse selon lequel la norme de contrôle à appliquer pour les questions de droit dans la présente affaire est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de droit et de fait est celle de la décision raisonnable. Je m’en rapporte ici au jugement Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, rendu en 2006 par la Cour fédérale.

          Il ressort de la décision de la Commission qu’elle a correctement exposé le critère juridique qui présidait à l’octroi d’une prorogation de délai à M. Small. Il est tout aussi évident qu’elle a alors laissé le critère de côté en accordant une prorogation de délai malgré l’absence de toute preuve attestant d’abord une intention constante d’interjeter appel, ensuite une explication raisonnable du retard et enfin une absence de préjudice pour la Couronne. Il s’agit là manifestement d’une erreur de droit, qui n’appelle aucune retenue dans un contrôle judiciaire. Même dans les cas où le retard est d’une durée relativement brève, la Commission doit avoir devant elle une certaine preuve qui réponde aux conditions de l’octroi d’une prorogation de délai. Ici, elle n’avait aucune preuve semblable.

          Il ne suffit pas non plus à la Commission de présumer simplement l’existence d’un argument défendable. Ici, je ferais appel à la sagesse de mon collègue, le juge  Yves de Montigny, dans une affaire très semblable soumise à la Cour fédérale, Procureur général du Canada c. Causey, jugée en 2007, où il s’est exprimé ainsi sur la question, au paragraphe 23, et je cite ici son jugement : « Non seulement le membre de la Commission n’a‑t‑il pas relevé un motif d’appel défendable, mais il est allé jusqu’à dire qu’il doutait du caractère défendable de la cause. Donner l’autorisation d’interjeter appel en l’absence de motifs appropriés, surtout lorsque le membre de la Commission doute de l’existence d’une cause défendable, constitue une erreur de droit, quelle que soit la norme de contrôle appliquée. » Voir le jugement Canada c. Roy, un jugement rendu en 2005 par la Cour fédérale.

          En l’espèce, la lettre de M. Small adressée à la Commission ne révélait pas un argument défendable, et naturellement, comme je l’ai déjà dit, il voulait par cette lettre dire une chose, et la Commission en a supposé une autre. Cette absence d’un argument défendable dans la lettre ne serait sans doute pas fatale si la Commission était à même de trouver un tel argument dans le dossier dont elle était saisie. Ici, cependant, la Commission a exprimé une réserve générale sur cet aspect et n’a rien trouvé qui puisse justifier le temps et les coûts d’un appel. Sans vouloir préjuger cette question, je ferais seulement observer que la demanderesse semble avoir raison de dire que la date de l’invalidité présumée et celle du début des prestations sont fixées par la loi et calculées à la date de la demande de prestations, et M. Small a d’ailleurs admis ce matin que c’était là la bonne manière de voir la date de début, du moins pour sa deuxième demande.

          Dans ce contexte, il est difficile de trouver un motif défendable de modifier les conclusions du tribunal; si la Commission n’est pas en mesure de déceler un argument défendable, elle ne devrait pas présumer qu’il en existe un. Une telle présomption constitue une erreur de droit.

          En définitive, pour les motifs que j’ai exposés, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Étant donné ce que nous avons appris ce matin, il serait inutile de renvoyer l’affaire à la Commission pour nouvelle décision, parce que la décision de la Commission était fondée sur une supposition erronée, comme je l’ai mentionné plus haut dans les présents motifs, mais cela ne devrait pas empêcher M. Small de tenter d’obtenir un redressement, soit directement en s’adressant au ministère ou peut‑être au tribunal, soit en revenant devant la Cour, la Cour fédérale, s’il a le sentiment qu’il est nécessaire de tenter de ressusciter, ou de mener à bien, sa première demande et le redressement qu’il sollicitait en rapport avec sa première demande.

          Donc, M. Small, vous avez sans doute certains droits ici et certaines possibilités d’aller de l’avant avec la première demande, mais pour l’essentiel ce que vous allez devoir faire, c’est décider de la manière dont vous allez vous y prendre, et je crois que le point de départ consisterait à vous adresser au ministère pour savoir quels conseils il peut vous donner quant à la manière de faire avancer le dossier, si vous décidez de le faire avancer.

          Ce sont là mes motifs. Merci messieurs.

 

 

CERTIFICAT DE LA STÉNOGRAPHE JUDICIAIRE

 

Je, soussignée, Philomena Drake, sténographe judiciaire, certifie que j’ai transcrit ce qui précède, et qu’il s’agit d’une transcription exacte et fidèle du jugement rendu dans cette affaire, SA MAJESTÉ LA REINE c. ALLEN SMALL, transcription exécutée par enregistrement électronique.

 

 

 

                                                            __________________________________________

Philomena Drake

Sténographe judiciaire (Reg. #2006‑36)

 

Halifax (Nouvelle‑Écosse),

le mardi 29 mai 2007

 

 

Traduction certifiée conforme

     Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1515‑06

 

 

INTITULÉ :                                       SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                            ‑ et ‑

 

ALLEN SMALL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 HALIFAX (Nouvelle‑Écosse)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 MAI 2007

 

 

TRANSCRIPTION DES MOTIFS :            LE JUGE BARNES

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 JUIN 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Allan Matte

 

POUR LA DEMANDERESSE

Allen Small

 

EN SON PROPRE NOM

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

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