Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20070704

Dossier : T‑1570‑06

Référence : 2007 CF 693

Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2007

En présence de Monsieur le juge Kelen

 

ENTRE :

JOHN CHAIF

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Chaif, a été reconnu coupable le 28 mai 1983 du meurtre au premier degré de sa conjointe et a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité d’obtenir une libération conditionnelle avant 25 ans. Maintenant âgé de 52 ans, le demandeur aurait normalement dû être admissible à une libération conditionnelle à compter du 1er mai 2008. Toutefois, le 13 juin 1988, il s’est évadé de l’établissement de Collins Bay et est demeuré en liberté jusqu’à ce qu’il soit arrêté au Tennessee le 6 juillet 1989. Par la suite, il a été reconnu coupable par la cour de district américaine du Western District of Tennessee de vol de banque à main armée et a été condamné à une peine d’emprisonnement de 168 mois.

[2]               Le 22 mars 1994, pendant qu’il purgeait sa peine au pénitencier américain de Leavenworth, au Kansas, le demandeur a invoqué la Loi sur le transfèrement des délinquants, L.R.C. 1985, ch. T‑15 (la Loi sur le transfèrement), afin d’être ramené au Canada pour y purger le reste de la peine qui lui avait été imposée aux États-Unis. Le 27 juillet 1995, sa demande de transfèrement a été approuvée, et le demandeur est revenu au Canada le 21 septembre 1995.

 

[3]               Conformément au paragraphe 139(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi sur le système correctionnel), la partie non expirée de la peine américaine du demandeur a été fusionnée à sa peine d’emprisonnement à perpétuité antérieure au Canada. Au moment de son évasion en 1988, il lui restait 7 262 jours d’emprisonnement à purger avant d’être admissible à une libération conditionnelle. Les parties conviennent que, au moment de l’évasion du demandeur le 13 juin 1988, le décompte de la durée de la peine imposée au Canada s’est arrêté.

 

[4]               La présente demande de contrôle judiciaire a pour but de déterminer à quel moment le décompte de la peine a recommencé. Selon le Service correctionnel du Canada (SCC), le décompte a repris seulement lors du transfèrement du demandeur au Canada le 21 septembre 1995. La date d’admissibilité du demandeur a une libération conditionnelle, comme le Commissaire en a décidé dans la décision qui fait l’objet du présent contrôle, a donc été reportée du 1er mai 2008 au 9 août 2015. Le demandeur avait tout d’abord soutenu qu’il avait droit à une remise de peine pour son temps d’incarcération dans les prisons américaines ou après sa demande de transfèrement au Canada le 22 mars 1994. À l’audience, il a reconnu qu’il n’était pas admissible à une remise de peine pour le temps qu’il a passé en prison aux États-Unis, ni pour la période qui a suivi sa demande de transfèrement au Canada. Le demandeur a plutôt soutenu que la seule question à trancher est de déterminer s’il a droit à une remise de peine pour les 57 jours qui se sont écoulés entre le moment où sa demande de transfèrement a été approuvée par le SCC et la date à laquelle il a physiquement réintégré une prison canadienne.

La décision à l’étude

[5]               Quand le demandeur est revenu au Canada, le SCC a recalculé sa date d’admissibilité à une libération conditionnelle et a reporté celle-ci du 1er mai 2008 au 9 août 2015. Le demandeur a déposé un grief au troisième palier pour contester le calcul effectué par le SCC quant à sa date d’admissibilité à une libération conditionnelle. Dans une décision en date du 16 août 2006, le Commissaire a rejeté son grief :

[Traduction]

M. Chaif, le grief au troisième palier que vous avez présenté par l’entremise de votre avocat, M. Hill, concernant le calcul de votre peine d’emprisonnement a été examiné. Notre réponse tient compte de vos dossiers du SGD, de la politique applicable et de la loi en vigueur. Des consultations ont eu lieu avec Mme Millbury, de l’Administration des peines de l’Ontario, votre agent de libération conditionnelle, Mme Lazette, M. Hill et vous-même.

 

Vous indiquez que le calcul de votre peine, par suite de l’application de la Loi sur le transfèrement des délinquants, est erroné. Vous purgiez une peine d’emprisonnement à perpétuité à l’établissement de Collins Bay quand vous vous êtes évadé aux États-Unis, où vous avez été arrêté 387 jours plus tard. Pendant que vous vous trouviez aux États-Unis, vous avez fait l’objet d’autres condamnations, ce qui a ajouté environ 168 mois à votre première peine.

 

Dans votre grief, vous soutenez que le décompte s’est arrêté pour toute la période que vous avez passée aux États-Unis. Vous prétendez que ce décompte aurait dû recommencer à partir du moment où vous avez présenté une demande pour revenir au Canada, et non pas à partir de votre véritable retour au pays. M. Hill a cité un précédent judiciaire relatant un cas semblable au vôtre, où le temps de détention à l’étranger n’avait pas été pris en compte dans le calcul de la peine. Il prétend que vous avez fait des efforts pour rentrer au Canada, mais que vous avez été empêché d’y revenir.

 

L’examen des renseignements disponibles indique que votre formulaire de demande 614 a été reçu le 6 juin 1994, et qu’il était incomplet; toutefois, le traitement de votre demande de transfèrement a commencé à cette date. Un deuxième formulaire de demande 308 a été reçu le 9 juin 1995 et votre transfèrement a été effectué le 21 septembre 1995.

 

Le paragraphe 2 de l’article 719 du Code criminel du Canada indique ce qui suit :

 

Les périodes durant lesquelles une personne déclarée coupable est illégalement en liberté ou est légalement en liberté à la suite d’une mise en liberté provisoire accordée en vertu de la présente Loi ne sont pas prises en compte dans le calcul de la période d’emprisonnement infligée à cette personne.

 

L’alinéa 14c) de la Directive 704 du Commissaire sur les transfèrements internationaux énonce ce qui suit :

 

Sur réception d’une demande de transfèrement au Canada, l’Unité des transfèrements internationaux doit s’assurer : c) que la peine peut être administrée en application des lois et procédures du Canada, y compris de toute disposition prévoyant la réduction de la période de détention par la libération conditionnelle, la libération d’office ou tout autre mécanisme;

 

Le paragraphe 16 de la DC 704 indique ce qui suit :

 

Le sous-commissaire adjoint, Opérations doit s’assurer que le calcul de la peine, demandé aux fins d’un transfèrement international, est transmis à l’Unité des transfèrements internationaux dans les 30 jours suivant la réception de la demande du calcul de la peine.

 

Comme il en a été question au cours de votre entrevue, la cause que vous avez présentée constitue le fondement servant à déterminer le calcul de la peine dans le cas des délinquants qui quittent illégalement le pays, qui sont arrêtés et qui purgent une peine dans un pays étranger. À l’heure actuelle, la loi ne renferme aucune disposition qui permette de modifier le calcul de la peine en se fondant sur votre intention de revenir au Canada. La question qui a été étudiée dans la cause que vous avez mentionnée indique clairement qu’une peine imposée au Canada doit être purgée dans un pénitencier canadien. Bien que vous ayez cité d’autres affaires dans lesquelles le décompte a continué pendant qu’une personne purgeant une peine imposée au Canada était détenue dans un pays étranger, les situations que vous décrivez diffèrent considérablement de votre cas, en ce sens que ces personnes ne se sont pas évadées, mais ont plutôt été contraintes d’aller purger une peine à l’étranger et que les autorités canadiennes les ont mises à la disposition des autorités étrangères.

 

Votre grief est rejeté.

La question en litige

[6]               La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le Commissaire a commis une erreur lorsqu’il a rejeté le grief au troisième palier déposé par le demandeur en refusant de lui accorder une remise de peine applicable à sa période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour les 57 jours qu’il a passés en détention aux États-Unis entre le moment où son transfèrement dans une prison canadienne a été approuvé et son transfèrement effectif.

Les lois applicables

[7]               Les lois applicables à la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

1.                  la Loi sur le transfèrement des délinquants, L.R.C. 1985, ch. T‑15;

2.                  la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20;

3.                  le Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46.

La norme de contrôle

[8]               Pour déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer, la Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 26, que la Cour doit avoir recours à l’analyse pragmatique et fonctionnelle :

Selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels — la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel; l’expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l’objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question -- de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. [...]

 

Comme l’a indiqué le juge Linden dans l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404 :

¶ 46 […] [L]a cour de révision doit effectuer de nouveau l’analyse pragmatique et fonctionnelle chaque fois qu’une instance administrative rend une décision et non seulement pour chaque type de décision que rend un décideur en particulier en vertu d’une disposition précise.

 

 

[9]               Comme je l’ai déclaré dans la décision Macdonald c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1326, au paragraphe 38 :

Le premier facteur que la Cour doit examiner, c’est la présence ou l’absence d’une clause privative ou d’un droit d’appel. En l’occurrence, la Loi ne renferme aucune clause privative mettant à couvert les décisions prises par le commissaire dans le cadre de la procédure de grief, ni ne prévoit de voie d’appel à l’égard de telles décisions. Ce facteur, par conséquent, est neutre.

 

[10]           Le deuxième facteur à examiner est l’expertise du décideur relativement à celle de la Cour. Il est bien établi que le Commissaire a une connaissance spécialisée des questions ayant trait à l’administration des prisons. Voir, par exemple, Tehrankari c. Canada (Service correctionnel), [2000] A.C.F. no 495, 188 F.T.R. 206, 38 C.R. (5th) 43; MacDonald, précitée. Pour ce qui est de l’objet de ce grief en particulier, toutefois, ce ne sont pas les connaissances du Commissaire en matière d’administration des prisons qui sont sollicitées. La décision à l’étude porte plutôt sur une question d’interprétation des lois au sujet de laquelle la Cour a une connaissance spécialisée relative. Par conséquent, ce facteur suppose un moindre degré de retenue judiciaire.

 

[11]           Le troisième facteur à examiner est l’objet de la Loi applicable. Comme je l’ai déclaré dans la décision MacDonald, précitée, au paragraphe 40 :

L’article 3 de la Loi prévoit quel est l’objet général de celle‑ci  :

 

3. Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

 

On reconnaît dans la Loi la nécessité pour le SCC de superviser lui‑même les questions liées à son administration interne, comme en fait foi la procédure de grief à trois paliers prévue aux articles 90 et

91 de la Loi et aux articles 72 à 84 du Règlement et permettant aux détenus de demander réparation.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

L’objectif de la Loi sur le système correctionnel qui consiste à assurer l’exécution des peines infligées au demandeur par les tribunaux ne peut, dans le contexte de ce grief, être réalisé qu’en interprétant de façon appropriée la durée de la période d’inadmissibilité du demandeur à une libération conditionnelle. Dans la mesure où, pour donner effet au but de la Loi, il faut faire appel à l’expertise relative de la Cour sur les questions d’interprétation des lois, ce facteur entraîne un degré moindre de retenue judiciaire.

 

[12]           Le quatrième facteur pertinent est la nature de la question : il faut établir s’il s’agit d’une question de droit, d’une question de fait ou d’une question mixte de droit et de fait. La question soulevée dans le grief fait intervenir des éléments de fait, mais ceux-ci ne sont pas contestés. Il s’agit donc d’une pure question de droit, qui consiste notamment à déterminer si le demandeur était « illégalement en liberté » au sens du paragraphe 719(2) du Code criminel pendant qu’il purgeait sa peine aux États-Unis. La Cour est tout à fait apte à se prononcer sur des questions d’interprétation des lois et n’a pas à faire preuve de retenue à l’égard de la décision du Commissaire sur ce point.

 

[13]           Compte tenu des quatre facteurs, la décision du Commissaire de rejeter le grief du demandeur au motif qu’il n’avait pas droit à une remise de peine pour le temps qu’il a passé en prison à l’étranger doit être évaluée au regard de la norme de la décision correcte.

L’analyse

[14]           Le calcul de la peine du demandeur est régi par les paragraphes 719(1) et (2) du Code criminel :

Début de la peine

719. (1) La peine commence au moment où elle est infligée, sauf lorsque le texte législatif applicable y pourvoit de façon différente.

Exclusion de certaines périodes

(2) Les périodes durant lesquelles une personne déclarée coupable est illégalement en liberté ou est légalement en liberté à la suite d’une mise en liberté provisoire accordée en vertu de la présente loi ne sont pas prises en compte dans le calcul de la période d’emprisonnement infligée à cette personne.

Commencement of sentence

719. (1) A sentence commences when it is imposed, except where a relevant enactment otherwise provides.

Time at large excluded from term of imprisonment

(2) Any time during which a convicted person is unlawfully at large or is lawfully at large on interim release granted pursuant to any provision of this Act does not count as part of any term of imprisonment imposed on the person.

 

[15]           Le défendeur prétend que le demandeur était « illégalement en liberté » du 13  juin 1988, date à laquelle il s’est évadé de l’établissement de Collins Bay, jusqu’au 21 septembre 1995, date de son transfèrement au Canada en provenance des États-Unis.

 

[16]           Les faits de l’espèce sont semblables à ceux qui ont été examinés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Leschenko c. Canada (Procureur général), [1983] 1 C.F. 625 :

1. Le 20 décembre 1975, l’appelant s’est évadé du pénitencier canadien où il purgeait une peine privative de liberté pour des crimes perpétrés au Canada. Au moment de son évasion, il lui restait à purger environ 20 ans.

 

2. Le 18 février 1976, l’appelant a été arrêté aux États-Unis et gardé à vue. Le 11 juin 1976, une juridiction américaine le condamnait à 15 ans de prison pour des crimes perpétrés aux États‑Unis.

 

3. Postérieurement à sa condamnation aux États-Unis, l’appelant a été ramené au Canada conformément à la Loi sur le transfèrement des délinquants, S.C. 1977-78, chap. 9. Il était incarcéré aux États-Unis depuis presque trois ans.

 

4. L’appelant de retour dans un pénitencier canadien, les autorités responsables de l’interprétation et du calcul de ses condamnations estimèrent qu’il lui restait à purger, concurremment, la partie non purgée, au moment de son évasion, des condamnations prononcées contre lui au Canada (quelque 20 ans) et la partie non purgée de sa condamnation américaine (quelque 12 ans); elles refusèrent de porter à son actif, et de réduire en conséquence le temps de peine qu’il lui restait à purger relativement à ses condamnations canadiennes, les trois ans d’incarcération aux États-Unis.

 

 

[17]           Dans l’arrêt Leschenko, précité, le juge Pratte a déclaré, au nom d’une Cour unanime, ce qui suit à la page 629 :

Lors de son incarcération aux États-Unis, l’appelant se trouvait illégalement absent du pénitencier canadien où il devait purger les condamnations prononcées contre lui. En common law, le temps pendant lequel un prisonnier est en fuite n’est pas inclus dans son temps de peine. [Re MacDonald and Deputy Attorney-General of Canada (1981), 59 C.C.C. (2d) 202 (C.A. Ont.); The Queen v. Dozois (1981), 61 C.C.C. (2d) 171, 22 C.R. (3d) 213 (C.A. Ont.); R. v. Law (1981) 63 C.C.C. (2d) 412, 24 c.R. (3d) 322 (C.A. Ont.).] Il en est ainsi, selon moi, même s’il y a eu, pendant une partie de ce temps, incarcération dans l’État étranger, puisqu’une condamnation canadienne à une peine privative de liberté doit être purgée dans une prison canadienne.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Dans l’arrêt Leschenko, précité, la Cour d’appel fédérale a également examiné les articles 4 et 11 de la Loi sur le transfèrement des délinquants et le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle. Après avoir examiné le libellé de ces dispositions tel qu’il existait au moment de l’évasion de M. Leschenko, le juge Pratte a rejeté, à la page 631, la prétention de l’appelant selon laquelle la période de détention à l’étranger devait être considérée comme du temps d’incarcération dans un établissement pénitentiaire canadien :

L’avocat de l’appelant a soutenu, si j’ai bien compris, que, puisque la condamnation prononcée contre son client aux États-Unis était réputée, de par l’article 4 de la Loi sur le transfèrement des délinquants, assimilable à une condamnation par une juridiction canadienne, il s’ensuivait que le temps d’incarcération de l’appelant aux États-Unis, en vertu de la condamnation prononcée par la juridiction américaine, devait être considéré comme du temps d’incarcération dans un établissement pénitentiaire canadien, purgé conformément à une condamnation prononcée par une juridiction canadienne. Je ne partage pas cet avis. Le juge en chef adjoint, dont le jugement sur ce point a été approuvé par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt The Queen v. Dozois [précité] a, à bon droit selon moi, rejeté cet argument. La Loi sur le transfèrement des délinquants porte qu’un délinquant canadien peut purger au Canada la condamnation qu’a prononcée le tribunal d’un pays étranger. L’objet des articles 4 et 11 est de déterminer la durée du temps d’incarcération au Canada du délinquant canadien transféré par suite de la condamnation étrangère. Ces dispositions ne modifient en rien, à mon avis, le calcul des condamnations antérieures prononcées par les juridictions canadiennes.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[19]           À la date du transfèrement du demandeur, les articles 4 et 11 de la Loi sur le transfèrement des délinquants étaient rédigés comme suit :

Conséquence du transfèrement

4. Lorsqu’un délinquant canadien est transféré au Canada, sa déclaration de culpabilité et sa sentence, le cas échéant, par un tribunal de l’État étranger d’où il est transféré sont présumées être celles qu’un tribunal canadien compétent lui aurait imposées pour une infraction criminelle. […]

 

Réduction de peine

 

11. (1) Un délinquant canadien transféré au Canada :

 

a) bénéficie des remises de peine que lui a accordées l’État étranger où il fut déclaré  coupable et condamné calculées au jour de son transfèrement;

 

 

(b) peut bénéficier d’une réduction de peine comme s’il était incarcéré le jour de son transfèrement conformément à une condamnation prononcée par un tribunal canadien.

 

Déchéance

 

(2) Les remises de peines mentionnées à l’alinéa (1)a) acquises par un délinquant canadien assujetti à la Loi sur les prisons et les maisons de correction, sauf celles accordées pour le temps véritablement passé en détention conformément à la sentence que lui a imposée le tribunal étranger, sont sujettes à déchéance pour une infraction disciplinaire comme s’il s’agissait de réductions de peine acquises en vertu de cette loi.

 

 

Effect of transfer

4. Where a Canadian offender is transferred to Canada, his finding of guilt and sentence, if any, by a court of the foreign state from which he is transferred is deemed to be a finding of guilt and a sentence imposed by a court of competent jurisdiction in Canada for a criminal offence. . . .

 

 

Remission

 

11. (1) A Canadian offender transferred to Canada

 

(a) shall be credited with any time toward completion of his sentence that was credited to him at the date of his transfer by the foreign state in which he was convicted and sentenced; and

(b) is eligible to earn remission as if he had been committed to custody on the date of his transfer pursuant to a sentence imposed by a court in Canada.

 

 

Forfeiture

 

(2) Any time referred to in paragraph (1)(a) credited to a Canadian offender who is subject to the Prisons and Reformatories Act, except time actually spent in confinement pursuant to the sentence imposed by the foreign court, is subject to forfeiture for a disciplinary offence as if it were remission credited under that Act.

 

 

[20]           Il est bien établi dans la jurisprudence qu’aucune remise de peine n’est accordée à l’égard d’une peine non expirée au Canada pour le temps d’incarcération à l’étranger : voir, par exemple, Leschenko, précité; Dozois, précité; Re McClarty (1990), 58 C.C.C. (3d) 211, à la page 213; Charron c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 442, au paragraphe 34; Jolivet c. Canada (Procureur général), 2006 CF 811, aux paragraphes 14 à 16. Qui plus est, la réduction de peine prévue à l’article 11 de la Loi sur le transfèrement des délinquants est une remise de peine à l’égard d’une peine purgée aux États-Unis à la date du transfèrement dans une prison canadienne en provenance des États-Unis. Comme le juge Pratte l’a déclaré dans l’arrêt Leschenko, précité, la Loi sur le transfèrement des délinquants n’a aucun effet sur le calcul de la partie non expirée de la peine infligée au Canada.

 

[21]           Pour les motifs précédemment énoncés, je conclus que le Commissaire n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a rejeté le grief au troisième palier présenté par le demandeur en refusant de lui accorder une remise de peine à l’égard de sa période d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour son temps d’incarcération aux États-Unis après que sa demande de transfèrement eut été approuvée. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael A. Kelen  »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’août 2007

 

D. Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1570‑06

 

INTITULÉ :                                       JOHN CHAIF

 

c.

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Hill                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Charmaine De Los Reyes                                             POUR LE DÉFENDEUR

Christine Mohr

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John Hill                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.