Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20070706

Dossier : IMM‑3692‑06

Référence : 2007 CF 714

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

PIRIYATHARSAN KENGKARASA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Devant une conclusion relative à la crédibilité, il n’appartient pas au demandeur de substituer son interprétation de la conclusion en question à celle du tribunal spécialisé, pas plus qu’il n’appartient à la Cour, dans l’exercice de ses compétences en matière de contrôle judiciaire, de substituer sa propre interprétation de la conclusion quant à la crédibilité à celle du tribunal spécialisé, à moins que la conclusion ne soit abusive, arbitraire ou tirée sans tenir compte des éléments de preuve.

 

[2]               [24]      [...] Le tribunal se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve. [...]

 

(Siad c. Canada (Secrétaire d’État) (C.A.), [1997] 1 C.F. 608, [1997] A.C.F. no 1575 (QL).)

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[3]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire déposée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27, conformément à la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, le demandeur demande à la Cour de contrôler et d’annuler la décision, en date du 16 juin 2006, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

CONTEXTE

[4]               Le demandeur, M. Piriyatharsan Kengkarasa, est un Tamoul sri‑lankais né dans la péninsule de Jaffna. M. Kengkarasa a demandé asile au Canada, faisant valoir que les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) avaient tenté de l’enrôler de force.

 

[5]               La Commission a jugé M. Kengkarasa peu crédible lorsqu’il a affirmé avoir été en butte aux visées des TLET au Sri Lanka. Elle a estimé qu’il a livré un témoignage contradictoire, modifiant son récit pour l’adapter aux objections qui lui étaient opposées. La Commission a aussi relevé des incohérences dans son témoignage. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, la Commission a conclu que le demandeur n’a pas établi qu’il avait vécu, comme il l’a prétendu, dans une zone contrôlée par les TLET, et a estimé qu’il existait tout au plus une simple possibilité qu’il soit persécuté ou exposé à des risques s’il rentrait au Sri Lanka et s’installait dans une zone contrôlée par les autorités gouvernementales.

 

QUESTION EN LITIGE

[6]               Le fondement de la décision de la Commission que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger repose-t-il sur une conclusion quant à la crédibilité erronée?

 

NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[7]               La Cour n’a pas à intervenir dans les conclusions de fait tirées par la Commission, à moins qu’elle ne soit convaincue que ces conclusions sont fondées sur des considérations non pertinentes ou qu’elles ne tiennent pas compte des éléments de preuve dont la Commission était saisie. En outre, face à des inférences ou à des conclusions que la Commission pourrait raisonnablement tirer au vu du dossier, la Cour ne devrait pas intervenir, qu’elle soit ou non en accord avec les inférences de la Commission (Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 437 (QL).)

 

[8]               Pour qu’une erreur de fait alléguée fasse l’objet d’un contrôle, il faut que la conclusion de fait en question soit réellement erronée, que la Commission y soit parvenue abusivement ou sans tenir compte des éléments de preuve et que la décision se fonde sur cette conclusion erronée (Rohm and Haas Canada Ltd. c. Canada (Tribunal Antidumping), (1978), 22 N.R. 175, 91 D.L.R. (3d) 212 (C.A.F.); Loi sur les Cours fédérales, art. 18.1; Bhuiyan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993), 66 F.T.R. 310, [1993] A.C.F. no 906 (QL).)

 

ANALYSE

            1)         Fondements de la décision quant à la crédibilité

[9]               La Commission peut tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur si elle relève des contradictions ou des incohérences dans son récit ou entre son récit et d’autres éléments de preuve portés devant la Commission. (Aguebor c. (Canada) Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL); Leung c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] A.C.F. no 908 (C.A.F.) (QL); Alizadeh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 11 (C.A.F.) (QL).)

 

[10]           La Commission a estimé en l’occurrence que les événements dont fait état le demandeur ne se sont pas produits. Il s’agit d’une conclusion de fait. Dans la décision Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 173 F.T.R. 280, [1999] A.C.F. no 1283 (QL), la Cour a statué que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait aux conclusions de fait de la Commission.

 

[11]           La décision Singh, précitée, a été constamment suivie. (Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (C.F. 1re inst.) (QL); Chaudhry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 708 (C.F. 1re inst.) (QL); Gnanapragasam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 786 (C.F. 1re inst.) (QL); Chow c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 788 (C.F. 1re inst.) (QL); Tvauri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 192 F.T.R. 106, [2000] A.C.F. no 1188 (C.F. 1re inst.) (QL); Moore c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1772 (C.F. 1re inst.) (QL); Emirbekov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 391, [2001] A.C.F. no 639 (QL); Ehmann c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 108, [2002] A.C.F. no 137 (QL); Geng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 275, [2002] A.C.F. no 488 (QL); Kirac c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 362, [2002] A.C.F. no 476 (QL); Dudar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1277, [2002] A.C.F. no 1733 (QL).)

 

[12]           Pour satisfaire à la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision a) est entachée d’un vice manifeste qui appelle l’intervention de la Cour; b) est déraisonnable à première vue; c) n’est pas étayée par la preuve ou est viciée par le défaut de tenir compte des facteurs appropriés.

 

[13]           Le demandeur n’a pas satisfait à ce critère; la Commission est parvenue à sa décision de manière raisonnable.

 

2)         Contradictions et omissions dans le témoignage du demandeur

[14]           La Commission avait le droit de se fonder sur sa connaissance spécialisée du fait que les TLET recrutent de jeunes enfants. Elle a jugé par conséquent peu crédible le témoignage selon lequel le demandeur n’a été abordé par le mouvement qu’à l’âge de 18 ans. La Commission a en outre conclu que le demandeur ajustait son témoignage lorsqu’il était remis en cause par la Commission grâce aux connaissances spécialisées de celle-ci. Cette tactique a fourni à la Commission un motif supplémentaire pour conclure que le demandeur n’était pas crédible :

[Traduction]

Il a commencé par affirmer que les TLET les avaient tous deux abordés lorsqu’ils avaient 18 ans. On a alors signalé au demandeur que le tribunal savait, en raison de centaines de demandes d’asile présentées par des Sri Lankais, que, après avoir repris le contrôle de la péninsule de Jaffna, l’armée [...] Après cinq ans de combats continus, les rangs des TLET étaient dégarnis. Ils ont recruté de force des enfants d’à peine neuf ou dix ans, ainsi que des retraités. Le tribunal a donc dit qu’il avait peine à croire que les TLET aient attendu que le demandeur d’asile et son frère atteignent l’âge de 18 ans avant d’essayer de les recruter. [...] Il a répondu que lorsqu’ils étaient beaucoup plus jeunes, son frère et lui se mettaient à pleurer lorsque les Tigres leur demandaient de se joindre à eux [...] Quand il circulait sur la route, les Tigres tentaient de le recruter, il prétendait toujours être plus jeune qu’il ne l’était en réalité et son frère faisait de même. [...]

 

Selon la Commission, le demandeur avait ajusté son témoignage.

 

(Dossier certifié du tribunal (DCT), page 5.)

 

 

[15]           La Commission a en outre estimé que, même si le demandeur avait menti au sujet de son âge, cela n’aurait rien changé aux efforts de recrutement des TLET. (DCT, page 2.)

 

[16]           La Commission était en droit de conclure que le récit du demandeur manquait de crédibilité pour les raisons suivantes :

1)         l’écart entre sa version et les connaissances spécialisées de la Commission;

2)         l’opinion de la Commission selon laquelle le demandeur ajustait son témoignage lorsqu’elle le mettait en doute;

3)         la Commission a également jugé peu crédible le témoignage ajusté du demandeur;

4)         l’omission du demandeur de ne serait-ce que mentionner, dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), les multiples tentatives de recrutement des TLET.

 

[17]           La Commission a en outre relevé un certain nombre d’incohérences dans le témoignage du demandeur. Devant la Commission, il a déclaré avoir quitté le Sri Lanka le 10 janvier 2005, alors que, selon son FRP, il serait resté dans son village jusqu’en février 2005. Confronté à cette contradiction, il n’a pu fournir d’explication à la Commission. (DCT, page 3.)

 

[18]           Pour conclure à la non‑crédibilité du demandeur, la Commission s’est fondée sur un troisième aspect de son témoignage, à savoir le fait qu’il avait enjolivé de façon notoire sa demande d’asile. Le demandeur n’avait pas précisé au départ avoir été recherché par les TLET après sa fuite. Il n’en a parlé pour la première fois que lors de son témoignage devant la Commission. Lorsqu’on lui a demandé des précisons, il n’a pas fait la moindre allusion au fait que les TLET se sont lancés à sa recherche. (DCT, pages 160 et 161.)

 

[19]           Les contradictions ou incohérences du témoignage d’un demandeur ou d’un témoin sont un motif reconnu pour conclure à un manque de crédibilité. (Dan Ash c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] A.C.F. no 571 (C.A.F.) (QL); Rajaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 1271 (C.A.F.) (QL).)

 

[20]           Le demandeur a entre outre déclaré qu’on voulait l’obliger à se joindre aux TLET en janvier 2005, et qu’il avait donc quitté Colombo. Cela contredit les renseignements donnés dans son FRP où il a affirmé avoir vécu à Thiruvyaru jusqu’en février 2005 ainsi que ses notes écrites au point d’entrée, datées du 28 février 2005, où il a affirmé avoir été détenu par les TLET deux mois plus tôt. Selon la Commission, le demandeur aurait dû connaître la date à laquelle il s’était enfui de son village en raison du danger immédiat que les TLET lui faisaient courir. (DCT, page 173.)

 

[21]           La Commission avait une autre raison de conclure que le témoignage du demandeur au sujet des activités de recrutement des TLET à son école n’était pas crédible. Il a déclaré que les TLET s’étaient rendus dans son école plus souvent en 2004, où il a étudié jusqu’à son départ. Cette déclaration contredit elle aussi ses propos antérieurs selon lesquels il avait fréquenté l’école jusqu’en avril 2004 seulement. Le demandeur a expliqué qu’il avait cessé d’aller à l’école, mais qu’il avait dû passer les examens qu’il avait manqués. La Commission n’était aucunement tenue de croire cette explication. (DCT, pages 177 et 180.)

 

[22]           À l’issue de l’audience, l’avocat du demandeur a reconnu l’existence de contradictions, ajoutant que la preuve permettait néanmoins de démontrer que le demandeur était effectivement arrivé récemment du Nord. L’avocat a par conséquent demandé à la Commission d’accorder à son client le bénéfice du doute. Compte tenu de la preuve, cette demande n’empêchait pas la Commission d’avoir une opinion à cet égard différente de celle du demandeur ou de son avocat. (DCT, pages 204 et 208.)

 

3)         Absence de preuve documentaire corroborante

[23]           Outre son témoignage, jugé peu fiable par la Commission, le demandeur n’a produit aucune preuve documentaire crédible de nature à corroborer sa prétention qu’il avait bien vécu dans le Nord du pays. La Commission a jugé que la photographie sur la carte d’identité nationale n’était pas celle du demandeur et elle ne s’est par conséquent pas fiée à ce document. Le demandeur a fait valoir qu’il paraît plus jeune que son âge sur cette photo, mais on ne peut relever aucune erreur dans la conclusion de la Commission. En tant que juge des faits, elle était en droit de tirer cette conclusion, même dans le cadre d’une audience par vidéoconférence, où elle pouvait faire, et a fait, un gros plan sur le visage du demandeur. (DCT, page 4 et 190.)

 

[24]           Vu l’absence de preuve documentaire corroborant le récit du demandeur et ses préoccupations profondes en matière de crédibilité, la Commission pouvait à bon droit rejeter la demande d’asile. Elle a estimé que les craintes de vivre à Colombo dont a fait état le demandeur n’étaient pas objectivement fondées même s’il a affirmé qu’on le prendrait pour un partisan des TLET sans aucune pièce d’identité. La Commission a estimé que le demandeur pourrait toujours montrer son certificat de naissance et qu’il n’attirerait pas nécessairement plus d’attention que toute autre personne dans sa situation. La Commission a signalé que 400 000 Tamouls vivent à Colombo.

 

[25]           Selon la Commission, il n’existait tout au plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté ou exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était obligé de retourner au Sri Lanka et de vivre dans une zone contrôlée par le gouvernement.

 

RÉFUTATION DES ARGUMENTS PRÉCIS DU DEMANDEUR

[26]           Contrairement à la prétention du demandeur que la Commission n’a pas évalué le risque qu’il courait en tant que jeune Tamoul né dans le Nord du pays, la Commission a dans les faits procédé à une évaluation et a conclu qu’il ne courait pas de risque à Colombo et que ses craintes d’être perçu comme un partisan des TLET étaient sans fondement.

 

[27]           La prétention du demandeur selon laquelle les conclusions de la Commission ne reposent sur aucune preuve n’est pas fondée.

 

[28]           Concernant la carte d’identité, la Commission a refusé de lui accorder toute force probante après qu’un membre eut conclu que la photo n’était pas celle du demandeur. La question de savoir si une carte d’identité valablement délivrée au demandeur aurait porté un « V » est secondaire, mais la Commission était en droit de tirer une conclusion à cet égard. Selon le demandeur, il n’était pas du tout invraisemblable qu’un jeune ayant presque atteint l’âge de 18 ans se soit vu délivrer une carte portant un « V », indiquant qu’il avait le droit de voter, mais la Commission pouvait, en raison de ses connaissances spécialisées, parvenir à sa propre conclusion.

 

[29]           Le demandeur a soutenu que la Commission ne pouvait pas tirer de conclusion sur le fondement de l’apparence du demandeur étant donné que l’audience avait eu lieu par vidéoconférence, mais cet argument n’est pas fondé. La Commission a estimé que la personne sur la photo de la carte ne ressemblait même pas au demandeur. Cette conclusion était d’ailleurs loin d’être le seul facteur ayant porté la Commission à conclure au manque de crédibilité du demandeur. Il ne s’agissait que de l’un des facteurs importants ayant considérablement miné la crédibilité du demandeur.

 

[30]           Concernant le défaut du demandeur de fournir un titre de transport, la Commission a affirmé que rien ne corroborait son voyage au Canada. Il s’agit d’un fait et le demandeur n’est par conséquent pas fondé à prétendre que la Commission a écarté des [Traduction] « preuves cruciales ».

 

[31]           La Commission paraît aussi avoir correctement interprété le témoignage du demandeur au sujet de l’ultimatum des TLET, en janvier 2005, pour qu’il se joigne à eux. Les déclarations du demandeur concernant l’intérêt que lui auraient porté les TLET paraissent improvisées, n’ayant été faites qu’en réponse à des questions pointues de la Commission. Le demandeur ne peut par conséquent pas invoquer cet argument pour contester la décision de la Commission.

 

[32]           En ce qui a trait à l’explication du demandeur concernant son incapacité à clarifier les renseignements contenus dans ses notes faites au point d’entrée, à savoir qu’il était [traduction] « mauvais pour les dates », La Commission n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité sur le fondement du témoignage du demandeur et des notes en question. Elle a cependant retenu l’inconséquence du témoignage selon lequel le demandeur a quitté son village immédiatement après avoir été recruté par les TLET le 10 janvier 2005. Cela est incompatible avec l’allégation dans le FRP selon laquelle il a vécu dans son village jusqu’en février 2005. Comme l’a relevé la Commission, le demandeur n’a pu ni fournir d’explication à cet égard ni en ce qui concerne la période en cause. (DCT, page 6.)

 

[33]           La conclusion concernant les dates de fréquentation de l’école par le demandeur ne fait apparaître aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire, mais démontre simplement que le témoignage et les explications du demandeur à ce sujet ne semblent pas cohérentes. Certes, le demandeur peut estimer que son explication est plausible, mais la Commission n’est aucunement tenue de partager cet avis.

 

[34]           Le demandeur a tenté de démontrer que la conclusion de la Commission concernant la question de savoir s’il avait effectivement vécu dans la région de Vanni n’était pas fondée. Il devrait être évident que le juge des faits doit considérer comme une question fait et non de droit la question de savoir où le demandeur a résidé aux époques pertinentes.

 

[35]           Le demandeur sollicite une nouvelle appréciation des éléments de preuve par la Cour. La Commission a examiné [Traduction] « les nombreux documents évoquant la détérioration grave et rapide de la situation des droits de la personne » au Sri Lanka. Il existe une présomption que le tribunal a pris en compte tous les éléments de preuve versés au dossier.

 

[36]           Les cachets de la poste sur des enveloppes en provenance du Sri Lanka ne corroborent pas les affirmations du demandeur. Les enveloppes n’indiquent pas qu’elles proviennent du Nord du pays et elles ne peuvent par conséquent pas confirmer que le demandeur y avait résidé en dernier.

 

[37]           Enfin, la Commission n’avait pas besoin de procéder à une analyse distincte des éléments de preuve pour la demande relative aux menaces à la vie du demandeur ou au risque de traitements ou peines cruels ou inusités fondée sur l’article 97 puisqu’il n’a pas produit de preuve indépendante à cet égard. Les éléments de preuve qu’il a invoqués pour se réclamer de l’article 97 étaient en effet les mêmes que ceux à l’appui de sa demande d’asile. Les motifs de la Commission permettent de constater qu’elle a examiné la question du risque prévue à l’article 97. Les demandes fondées sur cet article n’exigent pas la preuve d’une crainte subjective, mais cela est dénué de pertinence en l’espèce car la Commission a rejeté la demande d’asile non pas en raison de l’absence de crainte subjective, mais plutôt parce qu’elle entretenait de sérieux doutes quant à la crédibilité du demandeur.

 

CONCLUSION

[38]           Il est bien établi en droit que la Cour n’a pas, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, à substituer sa décision à celle de la Commission. Lors du contrôle judiciaire d’une décision factuelle d’un tribunal d’instance inférieure tel que la Section de la protection des réfugiés, la principale question est de savoir si la décision était raisonnable au vu des éléments de preuves produits. Si elle l’est, elle doit être maintenue. Pour les conclusions de fait, le contrôle judiciaire ne vise qu’à voir si ces conclusions ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont disposait le tribunal. (Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, alinéa 18.1(4)d).)

 

[39]           En l’espèce, la Section du statut de réfugié n’a pas tiré de conclusions abusives et ses conclusions sont toutes étayées par les éléments de preuve dont elle disposait. (arrêt Aguebor, précité.)

 

[40]           Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑3692‑06

 

INTITULÉ :                                       PIRIYATHARSAN KENGKARASA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS                       

ET DU JUGEMENT :                       LE 6 JUILLET 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert I. Blanshay

 

POUR LE DEMANDEUR

Lorne McClenaghan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROBERT I. BLANSHAY

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.