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Date : 20070706

Dossier : T-2682-87

Référence : 2007 CF 716

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

ENTRE :

SINCLAIR M. STEVENS

demandeur

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Au terme de l’audience relative à la présente affaire, les parties ont demandé à présenter des observations tant écrites qu’orales relativement aux dépens. La demande a été accueillie. À la suite du dépôt des observations écrites et de l’audition des observations orales, les parties ont présenté une demande en vue de déposer des observations écrites supplémentaires. Ces dernières ont été reçues par la Cour.

 

[2]               Le demandeur réclame les dépens suivants :

            1.         Sur une base avocat-client, la somme de 289 111 $, plus les débours et la taxe sur les produits et services (TPS);

            2.         Subsidiairement, l’adjudication d’une somme globale en vertu du paragraphe 400(4) des Règles des Cours fédérales (les Règles), au montant de 220 000 $, plus les débours et la TPS;

            3.         À titre encore subsidiaire, les dépens selon la colonne V du tarif B des Règles, au montant de 144 540 $, plus les débours et la TPS.

 

[3]               Le défendeur soutient que le demandeur devrait se voir adjuger ses dépens de la présente affaire conformément à la colonne III du tarif B, puisqu’il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel et qu’il n’existe aucune circonstance particulière justifiant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour, en vertu de l’article 400 des Règles, d’augmenter les dépens selon le tarif. Il soutient aussi que les dépens liés à la demande d’accès à l’information ne devraient pas être inclus dans l’adjudication des dépens du demandeur. Il a souligné que les calculs du demandeur ne compensent pas la somme de 8 540,43 $ que ce dernier lui doit en raison du fait qu’il a eu gain de cause dans les dossiers du tribunal A-263-97 et T-2682-87.

 

[4]               Les parties ne se sont pas entendues sur les montants figurant dans les mémoires de frais proposés. À l’audience, l’avocate du défendeur a indiqué que le mémoire de frais ne devrait pas être taxé en raison de l’imprécision des services facturés, du nombre d’avocats inscrits au dossier, de l’absence de dossiers et du nombre d’heures réclamées.

 

[5]               Deux questions doivent être résolues en ce qui a trait aux dépens, à savoir le type de dépens qui doit être accordé et la façon dont le montant des dépens doit être déterminé.

 

[6]               L’article 400 des Règles des Cours fédérales, 1998 énonce ce qui suit :

400(1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

 

 

(2) Les dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle.

 

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants:

 

a) le résultat de l’instance;

 

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

 

c) l’importance et la complexité des questions en litige;

 

d) le partage de la responsabilité;

 

e) toute offre écrite de règlement;

 

f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;

 

g) la charge de travail;

 

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

 

i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

 

j) le défaut de la part d’une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;

 

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas:

 

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

 

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

 

l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;

 

m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;

 

n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299;

 

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

 

(4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

 

(5) Dans le cas où la Cour ordonne que les dépens soient taxés conformément au tarif B, elle peut donner des directives prescrivant que la taxation soit faite selon une colonne déterminée ou une combinaison de colonnes du tableau de ce tarif.

 

(6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut:

 

a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une question litigieuse ou d’une procédure particulières;

 

b) adjuger l’ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu’à une étape précise de l’instance;

 

c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client;

 

d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause.

 

(7) Les dépens sont adjugés à la partie qui y a droit et non à son avocat, mais ils peuvent être payés en fiducie à celui-ci.

 

400.(1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

 

 

(2) Costs may be awarded to or against the Crown.

 

 

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

 

 

 

 

(a) the result of the proceeding;

 

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

 

(c) the importance and complexity of the issues;

 

(d) the apportionment of liability;

 

(e) any written offer to settle;

 

 

(f) any offer to contribute made under rule 421;

 

(g) the amount of work;

 

(h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;

 

 

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

 

(j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;

 

 

(k) whether any step in the proceeding was

 

 

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

 

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

 

 

(l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;

 

 

(m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily;

 

 

(n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299; and

 

 

 

 

(o) any other matter that it considers relevant.

 

(4) The Court may fix all or part of any costs by reference to Tariff B and may award a lump sum in lieu of, or in addition to, any assessed costs.

 

(5) Where the Court orders that costs be assessed in accordance with Tariff B, the Court may direct that the assessment be performed under a specific column or combination of columns of the table to that Tariff.

 

 

(6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may

 

(a) award or refuse costs in respect of a particular issue or step in a proceeding;

 

 

(b) award assessed costs or a percentage of assessed costs up to and including a specified step in a proceeding;

 

(c) award all or part of costs on a solicitor-and-client basis; or

 

 

(d) award costs against a successful party.

 

(7) Costs shall be awarded to the party who is entitled to receive the costs and not to the party's solicitor, but they may be paid to the party's solicitor in trust.

 

 

[7]               Bien qu’elle puisse déterminer, à son entière discrétion, le montant des dépens, la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée.

 

[8]               Dépens sur une base avocat-client

            Le demandeur a demandé que les dépens lui soit adjugés sur une base avocat-client. La présente Cour, par sa jurisprudence, a établi les paramètres entourant l’adjudication des dépens sur une base avocat-client. Dans l’arrêt TMR Energy Ltd. c. Le Fonds des biens de l’État ukrainien, (2005), 339 N.R. 254, 2005 CAF 231, le juge Décary a indiqué au paragraphe 4 :

Je ne suis pas convaincu de l’opportunité d’adjuger les dépens sur une base avocat-client. Généralement de tels dépens ne sont accordés que « s'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties » et dans « des cas exceptionnels » (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; 243 N.R. 22, à la page 864).

 

 

 

[9]               Le demandeur se fonde sur le volet du critère portant sur « des cas exceptionnels », en vue d’obtenir des dépens sur une base avocat-client.

 

[10]           Le demandeur allègue qu’il s’agit en l’espèce d’un cas exceptionnel, au motif qu’il était une partie innocente en ce qui a trait au décret. Il n’a pas été consulté au sujet du décret et il ne l’a pas rédigé. Il était innocent du fait que c’est le défendeur qui avait choisi les mauvaises lignes directrices.

 

[11]           Le demandeur a aussi fait mention de la décision Capital Vision Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national-MNR) (2003), 241 F.T.R. 121, 2003 CF 1253, dans laquelle le juge Heneghan a indiqué ce qui suit aux paragraphes 19 et 20 :

Comme on l’a vu ci-dessus dans l’arrêt Young, précité, de tels dépens sont généralement octroyés lorsque l’une des parties a montré une « conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante ». Il n’y a ici aucune conduite semblable, et les demandeurs le reconnaissent. Cependant, des dépens avocat-client peuvent également être octroyés pour indemniser une partie innocente. Selon les demandeurs, le ministre a agi d’une manière oppressive en émettant les nouvelles directives sans obtenir d’abord une autorisation judiciaire et, ce faisant, il a contraint les demandeurs à engager les frais nécessaires pour contester cette décision par demande de contrôle judiciaire.

 

À mon avis, par leurs conclusions en la matière, les demandeurs n’ont pas réussi à montrer que l’adjudication de dépens avocat-client est ici justifiée.

 

[12]           En l’espèce, malgré que le décret était entaché d’un défaut, il n’existe aucune preuve établissant que ce défaut n’était plus qu’une erreur de la part des personnes responsables. Dans la présente affaire, je ne suis pas convaincu qu’il existe, à la lumière de la preuve, des circonstances particulières justifiant une adjudication des dépens sur une base avocat-client.

 

[13]           Adjudication d’une somme globale en vertu du paragraphe 400(4) des Règles des Cours fédérales

            Je ne suis pas prêt à accorder l’adjudication d’une somme globale puisque, à mon avis, la même partie du tarif B peut être utilisée pour calculer de façon juste les dépens que le demandeur devrait se voir adjuger. J’ai examiné la jurisprudence citée par le demandeur avant d’en arriver à cette conclusion. Bien que l’instance ait duré longtemps, les questions, quoique complexes, n’étaient pas aussi complexes que ce qu’avait laissé entendre le demandeur.

 

[14]           Adjudication des dépens

            À mon avis, le demandeur devrait se voir adjuger ses dépens selon la valeur supérieure prévue dans la colonne V du tarif B, plus la somme globale de 20 000 $, les débours et la TPS.

 

[15]           La Cour a établi que lorsqu’il existe des circonstances particulières, des dépens supérieurs à ceux prévus à la colonne III et au tarif B peuvent être accordés entre parties, en vertu du paragraphe 400(4) des Règles. La Cour a examiné les facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles pour déterminer s’il existe des circonstances particulières justifiant une adjudication des dépens plus élevée. En l’espèce, le demandeur a allégué que les facteurs suivants justifiaient un montant plus élevé en ce qui a trait aux dépens :

            1.         Le résultat de l’instance

                        Le demandeur a eu gain de cause lors de sa demande de contrôle judiciaire et a fait annuler le rapport de la Commission.

 

            2.         L’importance et la complexité des questions en litige

                        Les questions étaient très importantes pour le demandeur, puisque le rapport de la Commission avait dans les faits mis fin à sa carrière politique. Ces questions étaient soulevées pour la première fois et il n’existait aucun précédent, sauf peut-être la décision Landreville c. La Reine (no 2) (1977), 75 D.L.R. (3d) 380 (C.F. 1re inst.), dont le contexte était différent.

            3.         La charge de travail

                        Il n’y a aucun doute qu’énormément de travail a été effectué dans ce dossier.

            4.         Le fait que l'intérêt public dans la résolution judiciaire de l'instance justifie une adjudication particulière des dépens

 

                        À mon avis, les questions faisant l’objet du présent contrôle judiciaire qui portaient sur la conduite d’une enquête publique devaient être résolues.

 

[16]           Outre ces facteurs, la Cour a le droit de tenir compte d’autres facteurs. J’ai mentionné qu’il s’agissait d’une instance qui a duré longtemps et que l’erreur dans le décret n’avait pas été commise par le demandeur. Le demandeur n’avait d’autre choix que d’engager une action pour que l’affaire soit éclaircie. Le fait que le décret ne contenait aucune définition de l’expression « conflit d’intérêt » avait été soulevé devant la Commission mais n’avait pas été rectifié.

 

[17]           Pour tous ces motifs, j’adjugerais au demandeur ses dépens selon la valeur supérieure prévue dans la colonne V du tarif B, plus la somme globale de 20 000 $, les débours et la TPS.

 

[18]           Le mémoire de frais ne doit pas prévoir de montant pour les questions d’accès à l’information, puisque ces dernières ont déjà été examinées par les tribunaux.

 

[19]           La Cour demeure compétente pour traiter de la question du second avocat, si les parties ne parviennent pas à s’entendre.

 

[20]           Étant donné que le défendeur n’a pas pris connaissance des dossiers, le demandeur devrait les mettre à sa disposition dans les dix jours suivant la date de l’énoncé des présents motifs.

 

[21]           Les parties ont trente jours suivant la réception des dossiers et des documents pour convenir d’un mémoire de frais conformément à la colonne V du tarif B. Si les parties ne peuvent en arriver à un accord au cours de cette période de temps, elles devront me présenter, dans les dix jours suivants, les questions toujours non résolues.

 

[22]           J’applique la présente procédure dans le but d’éviter de prolonger la détermination de la taxation. Cependant, si les parties ne peuvent arriver à un accord, la requête devra alors m’être présentée pour que je décide de la façon dont cette affaire sera tranchée.

 

[23]           Je demeure compétent pour connaître de la présente affaire.

 


 

ORDONNANCE

 

[24]           LA COUR STATUE :

            1.         Le demandeur a droit à ses dépens selon la valeur supérieure prévue à la colonne V du tarif B, plus la somme globale de 20 000 $, les débours et la TPS.

            2.         Le mémoire de frais ne peut pas prévoir de montant pour les questions d’accès à l’information, puisque ces dernières ont déjà été examinées par les tribunaux.

            3.         La Cour demeure compétente pour traiter de la question du second avocat, si les parties ne parviennent pas à s’entendre, et de toute autre question toujours non résolue, tel que mentionné au paragraphe 21 des présents motifs.

            4.         Étant donné que le défendeur n’a pas pris connaissance des dossiers, le demandeur devrait les mettre à sa disposition dans les dix jours suivant la date de l’énoncé des présents motifs.

            5.         Les parties ont trente jours suivant la réception des dossiers et des documents pour convenir d’un mémoire de frais conformément à la colonne V du tarif B. Si les parties ne peuvent arriver à un accord au cours de cette période de temps, elles devront me présenter, dans les dix jours suivants, les questions toujours non résolues.

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                              T-2682-87

 

INTITULÉ :                                                                             SINCLAIR M. STEVENS

                                                                                                  c.

                                                                                                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                                                  DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                     LE 19 SEPTEMBRE 2006

 

ET SUR OBSERVATIONS ÉCRITES DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 6 JUILLET 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Jervis

Gillian Hnatiw

 

POUR LE DEMANDEUR

Kathryn Hucal

 

                               POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lerners LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

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