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Date : 20070710

Dossier : IMM-3884-06

Référence : 2007 CF 734

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2007

En présence de Monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

LUIS FERNANDO RODRIGUEZ ZAMBRANO

CAROLINA GOMEZ

KATHERINE ABIGAIL RODRIGUEZ

JOSHUA ALEXANDER RODRIGUEZ

CAROLINA GOMEZ

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision d’une agente de renvoi, qui a refusé de reporter leur renvoi du Canada. La Cour a accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.

 

II.        LE CONTEXTE

[2]               Les demandeurs (le père, la mère et un enfant) sont respectivement des citoyens de l’Équateur, du Venezuela et des États-Unis. Un autre enfant est un Canadien de naissance. Les parents ont vécu illégalement aux États-Unis pendant 10 ans avant de venir au Canada.

 

[3]               La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande d’asile en partie parce qu’elle ne croyait pas leur récit de persécution. Aucune nouvelle question n’a été soulevée pendant l’ERAR, qui a également entraîné un résultat défavorable.

 

[4]               En mars 2006, les demandeurs ont soumis, pendant que leur ERAR était en suspens, une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire; cette demande n’a pas encore été tranchée.

 

[5]               En janvier 2006, les demandeurs ont appris qu’ils seraient renvoyés aux États-Unis si leur ERAR avait un résultat défavorable. Ils ont demandé que leur renvoi soit reporté, affirmant qu’ils s’y conformeraient volontairement et qu’ils se chargeraient de leurs propres préparatifs de voyage vers un autre pays pour ne pas être renvoyés aux États-Unis, où ils pourraient être appréhendés aux termes d’un mandat de l’immigration. Le report a été accordé pour permettre à la famille de s’occuper de ces préparatifs de voyage.

 

[6]               Le 7 juillet 2006, les demandeurs ont déposé une deuxième demande de report en attendant qu’une décision soit rendue relativement à leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. En plus de soulever des préoccupations quant à leur capacité de demeurer au Venezuela ou en Équateur (les pays de citoyenneté des parents), les demandeurs ont produit le rapport d’un psychologue faisant état du stress découlant de la crainte des parents d’être renvoyés en Équateur, où ils ont affirmé avoir été persécutés.

 

[7]               La demande de report a été rejetée. L’agente de renvoi a pris connaissance du rapport du psychologue, elle a pris en considération les antécédents de la famille en matière d’immigration, notamment la condamnation du père pour conduite avec facultés affaiblies et conduite avec un permis suspendu à Miami en 1992, et elle a tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants de divers points de vue.

 

[8]               En fin de compte, l’agente de renvoi n’a pu trouver de motif justifiant un report. L’agente a tiré comme conclusion fondamentale que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne pourrait être accueillie parce que le père avait été reconnu coupable d’une infraction qui le rendait inadmissible à l’établissement au Canada. Le paragraphe crucial est libellé de la façon suivante :

[traduction]

Je crois sincèrement qu’il serait dans l’intérêt supérieur des enfants de rester avec la famille, qui devrait s’établir dans un endroit où tous les membres peuvent être ensemble. À l’heure actuelle, cet endroit semble être l’Équateur. Comme le père, le chef de la famille, a reconnu avoir été déclaré coupable d’une infraction qui le rend inadmissible à l’établissement au Canada, la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne pourrait pas être approuvée et, en fin de compte, la famille devrait quitter le Canada, même si elle était autorisée à rester ici pendant le traitement de cette demande.

 

III.       L’ANALYSE

[9]               Les demandeurs contestent la décision de l’agente de renvoi pour plusieurs motifs qui seront exposés ci-dessous. Il appert toutefois de la décision, prise dans son ensemble, que l’agente avait manifestement de la compassion pour la famille, sauf en ce qui concerne la condamnation prononcée à Miami en matière de conduite avec facultés affaiblies, et qu’elle s’est livrée à un examen approfondi et pondéré de l’affaire.

 

[10]           Selon ce qui ressort de la décision Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (QL), les pouvoirs de l’agent de renvoi sont grandement limités. La demande de report n’est ni un examen de l’ensemble des décisions antérieures ni une conclusion quant à la possibilité que soient accueillies d’autres demandes en instance.

 

[11]           La norme de contrôle judiciaire applicable à une décision de report a fait l’objet d’un débat à la Cour quant à savoir s’il faut appliquer la norme de la « décision raisonnable simpliciter » ou celle de la « décision manifestement déraisonnable ». En l’espèce, toutefois, la réponse à cette question n’influe pas sur l’issue de l’affaire.

 

[12]           L’agente de renvoi n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a tenu compte du rapport psychologique, qui n’avait pas à faire l’objet d’une analyse détaillée. S’il était accepté, le rapport ferait en sorte que les demandeurs ne pourraient jamais être renvoyés parce qu’ils craignent de retourner dans le pays où ils ont été persécutés, ce qui leur cause du stress. Quel que soit le bien-fondé du fondement subjectif du rapport, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et l’agent d’ERAR ont jugé non crédible la base factuelle sur laquelle reposaient la crainte et le stress allégués.

 

[13]           Les demandeurs ont mis en cause les efforts que l’agente de renvoi a déployés en dehors de ses heures de travail pour s’assurer que tous les membres de la famille pouvaient vivre ensemble en Équateur. Il s’agissait d’une question qui se pose depuis 2004, question que les demandeurs auraient dû résoudre, et aucune allégation n’a été faite selon laquelle la conclusion de l’agente était erronée.

 

[14]           L’agente a été plus que « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants. L’agente avait manifestement de la compassion quant à la situation de la famille et voulait que les membres de la famille restent ensemble.

 

[15]           C’est à l’égard de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, qui est toujours en instance, que la décision de l’agente pose problème. Aucun élément de preuve n’indique que l’infraction de conduite avec facultés affaiblies et celle de conduite avec un permis suspendu constituent de la « grande criminalité ». En outre, l’agente ne semble pas avoir tenu compte du Bulletin opérationnel 121 de CIC, qui confère à l’agent qui évalue des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire le pouvoir d’accorder une dispense d’interdiction de territoire prévue par la Loi, notamment pour une condamnation qui ne constitue pas de la grande criminalité.

 

[16]           Malgré la prétention valable de l’avocate du défendeur selon laquelle la question de la criminalité était accessoire, cette question était étroitement liée à l’examen de l’« intérêt supérieur des enfants ».

 

[17]           La Cour n’est pas convaincue que la conclusion relative à la criminalité était accessoire et elle doit donc conclure que l’agente n’a pas pris en compte valablement un fait essentiel et qu’elle a tiré une conclusion de droit qui ne peut résister à l’examen en fonction de quelque norme de contrôle que ce soit.

 

[18]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie pour ce motif. La décision de report est annulée et la demande de report est renvoyée pour nouvel examen afin qu’un autre agent de renvoi rende une décision le plus rapidement possible. Malgré la requête des demandeurs, la Cour ne donnera aucune directive au nouvel agent.

 

[19]           Il n’y a aucune question à certifier.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de report est annulée et la demande de report est renvoyée pour nouvel examen afin qu’un autre agent de renvoi rende une décision le plus rapidement possible.

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

D. Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3884-06

 

INTITULÉ :                                       LUIS FERNANDO RODRIGUEZ ZAMBRANO et al.

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 10 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Janet Chisholm

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MATTHEW JEFFERY

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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