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Date : 20070710

Dossier : T-650-06

Référence : 2007 CF 736

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

TOMASZ JAHOLKOWSKI

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, relativement à une décision datée du 14 mars 2006 par laquelle un agent du fisc, agissant au nom du ministre du Revenu national (la ministre, en l’espèce), a rejeté la requête du demandeur concernant une renonciation aux intérêts et aux pénalités associés à des arriérés de paiements de taxe sur les produits et services (TPS).

 

LES FAITS

[2]               Au début des années 1990, Tomasz Jaholkowski (le demandeur) a formé avec

Greg Palamarz une société de personnes (la société) : « Manhattan Railings ». Les deux ont inscrit leur société auprès de la ministre aux fins de la TPS, et la société était de ce fait tenue de verser la TPS aux trois mois. La société n’a pas versé de TPS à la ministre pour la période du 1er juin 1992 au 24 février 1994. Le demandeur a quitté la société à la fin de février 1994.

 

[3]               Le 22 juin 2003, le demandeur s’est adressé à la ministre pour obtenir une renonciation aux intérêts et aux pénalités (cette requête porte aussi le nom de « demande fondée sur les dispositions d’équité ») liés à la créance de TPS de la société pour la période en question. La ministre a indiqué qu’elle ne serait disposée à prendre en considération la demande fondée sur les dispositions d’équité que si le demandeur s’engageait à conclure un plan de remboursement acceptable à l’égard de la créance principale.

 

[4]               Le 21 août 2005, le demandeur a proposé un tel plan, et il a réitéré sa demande fondée sur les dispositions d’équité à la ministre, soutenant que ce n’était pas lui qui s’occupait du volet financier de la société. La ministre a traité cette requête comme la demande fondée sur les dispositions d’équité de premier niveau du demandeur. Le 6 décembre 2005, jugeant que rien ne justifiait que l’on accepte la requête, la ministre s’est prononcée contre le fait de renoncer à une part quelconque du montant exigible.

 

[5]               Le 27 décembre 2005, le demandeur a présenté une demande fondée sur les dispositions d’équité de second niveau, demandant à la ministre de reconsidérer sa décision et réitérant que c’était M. Palamarz qui était responsable du non-paiement des versements de TPS. Il a déclaré aussi qu’en raison du cumul des intérêts et des pénalités, il lui était impossible d’acquitter la totalité de la créance. Après avoir pris en considération les circonstances de l’affaire, la ministre a décidé qu’il n’y avait aucune raison de renoncer aux intérêts et aux pénalités, et elle a fait part de sa décision au demandeur le 14 mars 2006.

 

[6]               Pour arriver à cette décision, la ministre a conclu, notamment, que, en tant que co-associé de la société Manhattan Railings, le demandeur n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable dans la conduite de ses affaires. Elle a également conclu que le demandeur était solidairement responsable, en application de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, de la créance de Manhattan Railings et qu’il ne l’avait pas convaincue que le paiement de la totalité de la créance causerait des difficultés financières.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[7]               La présente demande soulève la question suivante :

La ministre a-t-elle commis une erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire de refuser la requête du demandeur concernant une renonciation aux intérêts et aux pénalités relatifs à une créance de TPS?

 

L’ANALYSE

[8]               Il ressort des dispositions législatives applicables que la ministre jouit du vaste pouvoir discrétionnaire de renoncer à des intérêts et à des pénalités (voir aussi Vitellaro et al. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 166, 2005 DTC 5275, au paragraphe 3) (Vitellaro CAF) :

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR)

 

220(3.1) Le ministre peut, a tout moment, renoncer a tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

***

 

220(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la LTA)

 

281.1 (1) Le ministre peut annuler les intérêts payables par une personne en application de l'article 280, ou y renoncer.

 

(2)  Le ministre peut annuler la pénalité payable par une personne en application de l'article 280, ou y renoncer.

 

***

 

281.1 (1) The Minister may waive or cancel interest payable by a person under section 280.

 

(2) The Minister may waive or cancel penalties payable by a person under section 280.

 

[9]               Les paragraphes qui précèdent font partie des dispositions dites d’« équité » qui figurent dans les lois susmentionnées, et rien n’y est dit au sujet des critères que doit appliquer la ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La ministre a diffusé des lignes directrices dressant une liste non exhaustive de facteurs qui sont pris en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que prévoit la loi, dont celui de savoir si le fait d’obliger le contribuable à payer lui causerait des difficultés financières excessives, de même que le dossier de ce dernier en matière d’observation (Vitellaro CAF, précité, au paragraphe 4; voir aussi, Vitellaro et al. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CF 561, 2004 DTC 6362, au paragraphe 3).

 

[10]           Une analyse pragmatique et fonctionnelle révèle que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à une décision de nature discrétionnaire semblable à celle dont il est question en l’espèce est la décision raisonnable simpliciter (Vitellaro CAF, au paragraphe 5; Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, 2005 DTC 5245, aux paragraphes 3 à 7).

 

[11]           Le demandeur soutient que la société de personnes en question n’a jamais été légalement officielle et que Douanes et Revenu Canada (DRC) a fondé sa conclusion relative à l’existence de cette société uniquement sur un compte en banque tenu conjointement. Il soutient aussi que le fait que ce compte a été fermé en mars 1994 et que M. Palamarz en a ouvert un nouveau pour Manhattan Group/Manhattan Railings montre que les liens du demandeur avec la société ont pris fin à cette époque-là.

 

[12]           Il soutient en outre que le défendeur est responsable du fait d’avoir laissé la créance en litige atteindre un point où elle est devenue, pour lui, impossible à gérer, car la ministre a omis de l’informer des créances de Manhattan Railings pendant une période de trois ans et quatre mois.

 

[13]           Selon le défendeur, la décision de la ministre est raisonnable, compte tenu du vaste pouvoir discrétionnaire qu’elle détient, du fait que le demandeur a été un associé pendant toute la période en cause, des antécédents de ce dernier, et d’autres facteurs. Aux termes du paragraphe 272.1(5) de la LTA, le demandeur est solidairement responsable de la créance de la société.

 

[14]           Premièrement, il n’est pas nécessaire de décider à quel moment la société a effectivement cessé d’exister car il n’est pas contesté que le demandeur était un associé de Manhattan Railings à l’époque à laquelle se rapporte la présente décision (du 1er juin 1992 au 24 février 1994).

 

[15]           Je conclus que l’argument du demandeur selon lequel la société n’était pas

« légalement officielle » est dénué de fondement. La preuve du défendeur montre que le demandeur et M. Palamarz ont inscrit leur société auprès de la ministre aux fins de la TPS et qu’un numéro de compte leur a été attribué. Les observations du demandeur, qui par ailleurs n’a pas fourni de preuve contraire, étayent généralement la thèse qu’il était l’un des deux associés de Manhattan Railings au cours de la période visée par la présente demande.

 

[16]           Je conclus qu’il était raisonnable pour la ministre de prendre en considération les antécédents du demandeur en matière d’observation volontaire à l’égard de ses obligations relatives à  la TPS. La ministre a considéré qu’il n’avait fait que huit paiements totalisant 3 410 $ sur une créance totale de 43 292 $, dont cinq paiements involontaires. Dans le même ordre d’idées, même si la ministre a reconnu que le demandeur avait présenté sans délai une « demande fondée sur les dispositions d’équité » en juillet 1997, elle a conclu qu’il n’avait pas agi rapidement pour remédier à une omission ou à un retard, car il avait essentiellement évité d’effectuer des paiements durant dix ans. Il ne s’agit pas là d’une conclusion déraisonnable.

 

[17]           À mon avis, il n’était pas déraisonnable non plus que la ministre exprime des doutes à propos du fait que le demandeur n’avait pas présenté avec exactitude sa situation financière, car celui-ci avait omis d’étayer son allégation selon laquelle sa banque avait refusé de lui prêter des fonds. Dans le même ordre d’idées, il n’était pas déraisonnable pour la ministre de conclure que le demandeur, en tant qu’associé, aurait dû être au courant de tous les aspects de l’entreprise, y compris les finances.

 

[18]           Au vu de la preuve soumise à la ministre, j’estime qu’il n’était pas déraisonnable pour cette dernière de conclure que le demandeur n’a pas fait la preuve que le paiement de la totalité de la créance lui causerait des difficultés financières. Il n’a pas établi que la ministre a omis de prendre en considération des éléments de preuve, ou de se conformer à ses propres lignes directrices, pour arriver à la décision contestée.

 

[19]           Enfin, le paragraphe 272.1(5) de la LTA dispose que chacun des associés d’une société de personnes est solidairement responsable du paiement ou du versement des montants devenus à payer ou à verser qui sont à payer ou à verser par la société avant ou pendant la période au cours de laquelle l’associé en est un associé. En l’espèce, le demandeur a été associé de Manhattan Railings pendant la totalité de la période relative à la créance de TPS. De ce fait, il est solidairement responsable de cette dernière, de même que des intérêts et des pénalités connexes qui se sont accumulés.

 

[20]           Je conclus donc que la ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable en rejetant la requête du demandeur en vue d’obtenir une renonciation aux intérêts et aux pénalités accumulés à l’égard de la créance de TPS.

 

[21]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


 

JUGEMENT

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

                                                                                                         « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-650-06

 

INTITULÉ :                                       TOMASZ JAHOLKOWSKI

 

c.

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 5 JUILLET 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 10 JUILLET 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Tomasz Jaholkowski

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Par : Susan Wong

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Le demandeur lui-même

9228, Bodner Terrace

Mission (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Par : Susan Wong

840, Howe Street, bureau 900

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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