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Date :  20070712

Dossier :  IMM-2604-07

Référence :  2007 CF 738

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

MENDOZA DURAN Beatriz Eugenia

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

AU PRÉALABLE

[1]               La Cour a établi que les agents de renvoi ont un pouvoir discrétionnaire limité, qui se restreint à reporter le renvoi en raison de circonstances spéciales ou impérieuses.

[37]      Il est bien établi en droit que le pouvoir discrétionnaire de différer une mesure de renvoi est fort restreint. Il serait contraire aux buts et objectifs de la Loi d'étendre, au moyen d'une déclaration judiciaire, le pouvoir discrétionnaire restreint que possède l'agent chargé du renvoi, de façon à exiger un "mini" examen des raisons d'ordre humanitaire avant le renvoi (Davis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1628, paragraphe 4 (1re inst.) (QL); John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 A.C.F. no 583 (1re inst.) (QL))...

 

(Adviento c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1837, par. 45 (QL), 2003 CF 1430 ; Voir également : Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2000] A.C.F. no 936, par. 12 (QL) (CF); Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 853, [2002] A.C.F. no 1133, par. 21 (QL); Prasad Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614, [2003] A.C.F. no 805, par. 32 (QL); Griffith c. Canada (Solliciteur Général), 2006 CF 127, [2006] A.C.F. no 182, par. 26 (QL).)

 

[2]               La demanderesse n’a pas démontré qu’elle avait soumis à l’agent de renvoi des éléments de preuve qui auraient pu constituer une justification suffisante permettant à l’agent d’exercer son pouvoir discrétionnaire, qui se restreint à reporter le renvoi en raison de circonstances spéciales ou impérieuses :

[45]      En l'instance, la mesure dont on demande de différer l'exécution est une mesure que le ministre a l'obligation d'exécuter selon la loi. La décision de différer l'exécution doit donc comporter une justification pour ne pas se conformer à une obligation positive imposée par la loi. Cette justification doit se trouver dans la loi, ou dans une autre obligation juridique que le ministre doit respecter et qui est suffisamment importante pour l'autoriser à ne pas respecter l'article 48 de la Loi [sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2]. (La Cour souligne.)

 

(Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295, par. 45 (QL).)

 

 

 

INTRODUCTION

[3]               La demanderesse, citoyenne du Mexique, présente une requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi prise à son encontre. Cette requête est rattachée à une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ) à l’encontre du refus de l’agent de renvoi de reporter son renvoi.

 

[4]               Une requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi a aussi été déposée dans le dossier IMM-2603-07, rattachée à une DACJ à l’encontre de la décision négative rendu le 17 mai 2007 dans la demande d’évaluation des risques avant renvoi de la demanderesse.

 

FAITS

[5]               La demanderesse est citoyenne du Mexique et a demandé l’asile au Canada le 22 juin 2004. (Page 2, « Risks identified by the Applicant », Notes to file – Pre-removal Risk Assessment, (Motifs ERAR), pièce « D » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[6]               La demanderesse alléguait craindre dans son pays en raison de son homosexualité. (Voir les « Motifs » de la décision rendue le 6 janvier 2005 par la Section de protection des réfugiés (SPR), pièce « E » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[7]               La demande d’asile a été entendue par la SPR de la Commission de l’Immigration et du Statut de Réfugié (CISR) qui a rejeté sa demande, en raison de l’absence de crédibilité de la demanderesse, le 6 janvier 2005. La demanderesse n’a pas déposé de DACJ à l’encontre de cette décision.

 

[8]               La demanderesse a présenté une demande d’évaluation des risques avant renvoi le 25 février 2007. (Application for a Pre-Removal Risk Assessment (Demande ERAR), pièce « F » de l’Affidavit de Francine Lauzé.) Une décision négative a été rendue le 17 mai 2007. (Motifs ERAR, pièce « D » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[9]               La demanderesse serait présentement en union de fait avec un homme, tel qu’il appert des affidavits de la demanderesse et de son conjoint, et aurait déposé une demande de résidence permanente à titre de conjoint au Canada, le 9 février 2007.

 

[10]           La décision négative sur la demande ERAR a été communiquée à la demanderesse le 9 juin 2007. Une DACJ de cette décision a été déposée le 28 juin 2007, dans le dossier IMM-2603-07. (Voir « Convocation pour le 9 juin 2007 », pièce « A » de l’Affidavit de Francine Lauzé et après « Notes de l’agent du 9 juin 2007 », pièce « B » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[11]           Lors de la rencontre du 9 juin 2007, la demanderesse a reçu une lettre l’informant qu’elle devait se présenter au plus tard le 4 juillet 2007 aux bureaux de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en possession d’un billet d’avion ayant une date de départ au plus tard le 13 juillet 2007.

 

[12]           La demanderesse ne s’est pas présentée le 4 juillet 2007, et l’ASFC était alors en position d’émettre un mandat d’arrestation à l’encontre de la demanderesse vu son défaut. En raison du défaut de la demanderesse, aucune date de départ n’a pu être fixée. (Voir la note au dossier signée d’Éric Gagnon, datée du 05-07-2007, pièce « L » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[13]           Le 4 juillet 2007, la demanderesse a signifié et déposé des requêtes en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi dans le dossier présent et le dossier IMM-2603-07.

 

[14]           Le 6 juillet 2007, la demanderesse s’est finalement présentée aux bureaux de l’ASFC et, puisque la demanderesse avait en sa possession un billet d’avion partant le 13 juillet 2007, la date de départ a été fixée au 13 juillet 2007. (Voir les « Notes de l’agent », datée du 6 juillet 2007, pièce « G » de l’Affidavit de Francine Lauzé et la confirmation de date de départ le 13 juillet 2007, datée du 6 juillet 2007, pièce « H » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

ANALYSE

[15]           Afin d’évaluer le bien-fondé de la requête en sursis, la présente Cour doit déterminer si la demanderesse satisfait aux critères jurisprudentiels émis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 86 N.R. 302 (C.A.).

 

[16]           Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a retenu trois critères qu’elle a importés de la jurisprudence en matière d’injonction, plus particulièrement de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110. Ces trois critères sont :

(1)        l’existence d’une question sérieuse;

(2)        l’existence d’un préjudice irréparable; et

(3)        l’évaluation de la balance des inconvénients.

 

[17]           Les trois critères doivent être rencontrés afin que cette Cour accorde le sursis demandé. Si un seul d’entre eux n’est pas rencontré, cette Cour ne peut pas accorder le sursis demandé.

 

[18]           En l’espèce, la demanderesse n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée dans le cadre de sa DACJ à l’encontre de la décision de l’agent sur la demande pour motifs humanitaires, ni l’existence d’un préjudice irréparable et finalement, les inconvénients de la demanderesse ne sont pas supérieurs à ceux de l’intérêt public qui veut que le renvoi soit exécuté dès que les circonstances le permettent en vertu de l’alinéa 48(2) de la LIPR.

 

QUESTION SÉRIEUSE

[19]           La demanderesse n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée par cette Cour.

 

[20]           La demanderesse doit démontrer qu’elle a des chances raisonnables d’avoir gain de cause dans son recours principal, soit sa DACJ à l’encontre de la décision de l’agent.

 

Pouvoir discrétionnaire limité de l’agent de renvoi

[21]           La Cour a établi que les agents de renvoi ont un pouvoir discrétionnaire limité, qui se restreint à reporter le renvoi en raison de circonstances spéciales ou impérieuses.

[37]      Il est bien établi en droit que le pouvoir discrétionnaire de différer une mesure de renvoi est fort restreint. Il serait contraire aux buts et objectifs de la Loi d'étendre, au moyen d'une déclaration judiciaire, le pouvoir discrétionnaire restreint que possède l'agent chargé du renvoi, de façon à exiger un "mini" examen des raisons d'ordre humanitaire avant le renvoi (Davis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1628, paragraphe 4 (1re inst.) (QL); John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 A.C.F. no 583 (1re inst.) (QL))...

 

(Adviento, ci-dessus; Voir également : Simoes, ci-dessus; Williams, ci-dessus; Prasad, ci-dessus; Griffith, ci-dessus.)

 

[22]           La demanderesse n’a pas démontré qu’elle avait soumis à l’agent de renvoi des éléments de preuve qui auraient pu constituer une justification suffisante permettant à l’agent d’exercer son pouvoir discrétionnaire, qui se restreint à reporter le renvoi en raison de circonstances spéciales ou impérieuses :

[45]      En l'instance, la mesure dont on demande de différer l'exécution est une mesure que le ministre a l'obligation d'exécuter selon la loi. La décision de différer l'exécution doit donc comporter une justification pour ne pas se conformer à une obligation positive imposée par la loi. Cette justification doit se trouver dans la loi, ou dans une autre obligation juridique que le ministre doit respecter et qui est suffisamment importante pour l'autoriser à ne pas respecter l'article 48 de la Loi [sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2]. (La Cour souligne.)

 

(Wang, ci-dessus.)

 

[23]           La demanderesse allègue tout simplement dans son affidavit que l’agente « a refusé de surseoir au renvoi malgré qu’elle fut informé sur les procédure des parrainage en cours ». (Paragraphe 16, Affidavit de la demanderesse, page 12 du Dossier de requête.)

 

[24]           Il est de droit constant qu’une demande pendante de parrainage n’est pas en soi un obstacle au renvoi.

[52]   Quant à la question soumise au contrôle judiciaire sous-jacent, le refus de l'agent chargé du renvoi de différer l'exécution du renvoi jusqu'à ce qu'on ait tranché la demande invoquant des motifs d'ordre humanitaire, je considère qu'il n'y a pas de question sérieuse à trancher au sujet de sa conduite. Comme je l'ai expliqué plus tôt, une demande pendante invoquant des motifs d'ordre humanitaire fondée sur la séparation d'avec la famille n'est pas en soi un motif de remettre un renvoi à plus tard. La traiter comme étant un tel motif aurait pour résultat de créer un sursis que le législateur n'a pas voulu inclure dans la Loi : Green c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1984] 1 C.F. 441 (C.A.), (1983) 49 N.R. 225, cité dans Cohen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 589, (1995), 31 Imm. L.R. (2d) 134, le juge Noël (alors juge à la Section de première instance)...

 

(Wang, ci-dessus ; Voir également : Banwait c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 522, par. 17 à 19 (1e inst.) (QL).)

 

[25]           La demanderesse n’a de toute évidence soumis aucun élément de preuve qui aurait pu constituer une justification permettant à l’agent de renvoi de reporter le renvoi.

 

[26]           Tenant compte de tout ce qui précède, la demanderesse a fait défaut de soulever une question sérieuse au soutien de sa requête. La demande d’un sursis de renvoi pourrait être rejetée pour ce seul motif.

 

LA DEMANDERESSE NE BÉNÉFICIE PAS D’UN DÉLAI ADMINISTRATIF

 

[27]           La demanderesse a été convoquée par lettre datée du 22 janvier 2007 à rencontrer un agent d’exécution de la LIPR, le 10 février 2007, afin de mettre à jour son dossier pour un éventuel renvoi du Canada. (Lettre de convocation à une entrevue préalable au renvoi, datée du 22 janvier 2007, pièce « I » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[28]           Ce n’est que suite à cette lettre que la demanderesse a déposé une demande de résidence permanente à titre de conjoint au Canada. En fait la demande a été déposée le 9 février 2007.

 

[29]           La demanderesse n’aurait pu bénéficier de la Politique que si sa demande de parrainage avait été déposée avant qu’elle ne soit convoquée à une rencontre :

Quand un client est-il prêt au renvoi?

Pour l’application de cette politique d’intérêt public, au moment où le demandeur se présente à une entrevue préalable au renvoi, il est habituellement prêt au renvoi. Cela signifie qu’un client qui a été convoqué à une entrevue préalable au renvoi d’une façon ou d’une autre (lettre, appel, etc.) et qui n’a pas encore présenté une demande CH en tant qu’époux ou à titre de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada ne peut pas, à partir du moment où il a été convoqué à l’entrevue, bénéficier de la suspension administrative du renvoi décrite dans la présente Politique d’intérêt public, sauf dans les circonstances limitées énoncées ci-dessous (cas visés par les dispositions transitoires). (La Cour souligne.)

 

(Page 60, « F. SUSPENSION ADMINISTRATIVE DU RENVOI », Appendice H—Politique d’intérêt public établie en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR pour faciliter le traitement selon les règles de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, Guide IP8 : Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, pièce « J » de l’affidavit de Francine Lauzé.)

 

[30]           La demanderesse n’était donc pas éligible à la politique, puisque sa demande a été déposée après qu’elle ait été convoquée pour l’entrevue préalable au renvoi. Qui plus est, le sursis administratif est d’une durée de 60 jours et, eut-il été applicable, serait aujourd’hui expiré.

 

préjudice irréparable

[31]           La notion de préjudice irréparable a été définie par la Cour dans l’affaire Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992) 53 F.T.R. 93, [1992] A.C.F. no 237, par. 15 (QL) (1re inst.), comme étant le renvoi d’une personne vers un pays où il existe un danger pour sa vie et sa sécurité.

 

[32]           Le juge Sandra J. Simpson dans l’affaire Calderon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 393, par. 22 (QL) mentionnait d’ailleurs ce qui suit relativement à la définition du préjudice irréparable établie dans Kerrutt, ci-dessus :

[22]      Dans l'affaire Kerrutt c. MEI (1992), 53 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay avait conclu que, dans le cadre d'une demande de sursis à exécution, la notion de préjudice irréparable sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d'un requérant. Le critère est très exigeant et j'admets son principe de base selon lequel on entend par préjudice irréparable quelque chose de très grave, c'est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ. (La Cour souligne.)

 

[33]           La demanderesse reprend en partie les faits qui avaient déjà été allégués au niveau de la demande d’asile et de la demande ERAR concernant son homosexualité alléguée alors qu’elle habitait au Mexique.

 

[34]           La SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse le 6 janvier 2005, en concluant qu’elle ne croyait pas aux allégations de la demanderesse. La demanderesse n’a pas déposé de DACJ à l’encontre de cette décision. (Motifs de la SPR, pièce « E » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[35]           D’autre part, les risques soulevés par la demanderesse dans sa demande ERAR sont basés sur les allégations entourant son homosexualité alors qu’elle était au Mexique. Elle ne veut pas retourner au Mexique et revivre ce qu’elle a enduré.

 

[36]           L’agent ERAR a conclu que la demanderesse n’était pas à risque advenant un retour au Mexique. (Motifs ERAR, pièce « D » de l’Affidavit de Francine Lauzé.)

 

[37]           La demanderesse explique qu’elle réalise aujourd’hui qu’elle n’aurait pas été réellement homosexuelle, mais qu’elle agissait ainsi pour faire preuve d’excentricité. Par ailleurs, elle est aujourd’hui ouvertement, et à la connaissance de sa famille, dans une relation avec un homme.

[38]           La demanderesse ne peut, dans le cadre d’une requête en sursis de la mesure de renvoi, alléguer les mêmes risques qui ont été rejetés au niveau de la SPR et de l’ERAR.

[2]        ...Bien plus, ses allégations, à cet égard, sont en substance les mêmes que celles invoquées lors de sa revendication du statut de réfugié devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ses allégations ayant alors été évaluées et rejetées parce que non crédibles ne peuvent servir de base à une allégation de préjudice irréparable (voir, par exemple, Akyol c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2003] A.C.F. no 1182, 2003 CF 931).

 

(Dimouamoua c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 940, [2005] A.C.F. no 1172 (QL).)

 

[39]           La demanderesse allègue par ailleurs au soutien de sa requête en sursis que son conjoint étant musulman, ses parents l’ont renié et qu’elle craint pour son « avenir, réputation et sécurité » si elle devait retourner au Mexique. (Paragraphes 28 et 30, Affidavit de la demanderesse, page 13 du Dossier de requête.)

 

[40]           Ces allégations de la demanderesse sont vagues et ne fournissent aucun détail sur les préjudices irréparables qu’elle subirait si elle devait retourner au Mexique. Il n’est pas clair si ces risques seraient en raison du fait que son conjoint est musulman ou lié à ses allégations d’homosexualité.

 

[41]           Pour ces raisons, le préjudice allégué est purement spéculatif :

[7]        Deuxièmement, l'allégation d'un préjudice irréparable ne doit pas être une simple hypothèse ni être fondée sur une série de possibilités. La Cour doit être convaincue que ce préjudice surviendra si la réparation sollicitée n'est pas accordée : Atakora, précitée, au paragraphe 12; Syntex Inc. c. Novopharm Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 129, à la page 135 (C.A.F.); Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 559, 2001 CFPI 325, au paragraphe 15.

 

(Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931 [2003] A.C.F. no 1182 (QL).)

 

CONJOINT DE LA DEMANDERESSE 

[42]           Le conjoint de la demanderesse a indiqué dans son affidavit qu’il ne pourrait aller vivre au Mexique avec la demanderesse, sa famille les ayant reniés.

 

[43]           De plus, il invoque les engagements financiers que lui et la demanderesse ont pris ensemble et qu’il lui serait impossible de payer ces dettes à lui seul.

 

[44]           Les problèmes soulevés par le conjoint de la demanderesse sont des conséquences normales d’un renvoi. De plus, aucun détails ni preuve ne sont fournis sur ces engagements.

 

[45]           Par ailleurs, aucun détail sur la relation n’est soumis à la Cour.

 

[46]           Il est de droit constant que la séparation de la famille n’est pas en soi un préjudice irréparable puisqu’il s’agit d’une conséquence normale d’un renvoi.

[3]        Deuxièmement, la séparation de la famille ne constitue pas, en soi, un préjudice irréparable, parce qu'il s'agit d'une conséquence normale de l'expulsion (voir, par exemple : Asomadu-Acheampong c. M.E.I. (22 mars 1993), IMM-1008-93; Boda c. M.E.I. (1992), 56 F.T.R. 106; Mobley c. M.C.I. (12 juin 1995), IMM-107-95; Jones c. M.C.I. (12 juin 1995), IMM-454-95; Ram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 883 (QL); Mario Ernesto Huezo et al. c. M.C.I. (21 avril 1997), IMM-1491-97; William Geovany Castro c. M.C.I. (14 octobre 1997), IMM-2729-97; Melo c. Canada (M.C.I.) (2000), 188 F.T.R. 39 et Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 766 (QL)). La situation du demandeur ne diffère en rien des autres situations d'expulsion.

 

(Celis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1231 [2002] A.C.F. no 1679, par. 3 (QL); Voir aussi : Parsons c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF913 [2003] A.C.F. no 1161, par. 10 (QL); Damiye c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 70, par. 24 (QL).)

 

[47]           La séparation d’avec un conjoint n’est pas le type de préjudice auquel le test tri-partite fait référence pour l’obtention d’un sursis. Ainsi que le mentionnait le Juge Denis Pelletier dans Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 403 (1e inst.) (QL) :

[21]      Ce sont là les conséquences déplaisantes et désagréables d'une expulsion. Mais pour que l'expression "préjudice irréparable" conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne de séparations forcées et de coeurs brisés. Il n'y a rien de plus dans la situation de M. Melo que les conséquences normales d'une expulsion.

 

[48]           Ultimement, la demanderesse et son conjoint connaissaient le statut précaire de la demanderesse lorsqu’ils auraient pris des engagements financiers, qui n’ont par ailleurs pas été prouvés devant la Cour, et ont pris leurs décisions en toute connaissance de cause. Dans les termes du Juge Paul Rouleau, ils l’ont fait à leurs propres risques :

[16]      Je ne vois pas en quoi le ministre aurait agi irrégulièrement ou aurait suscité des attentes chez le demandeur; si celui-ci a décidé de se marier alors que sa situation n'avait pas encore fait l'objet d'une décision favorable de la part des autorités canadiennes, c'est à ses propres risques, et non à ceux du ministre qui a l'obligation de faire respecter les lois du Canada.

 

(Banwait c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 522 (1e inst.) (QL).)

 

[49]           Par conséquent, et en l’absence d’une question sérieuse à être tranchée par cette Cour, la demanderesse n’a pas démontré l’existence d’un préjudice irréparable.

 

BALANCE DES INCONVÉNIENTS

[50]           En plus de démontrer que la DACJ sous-jacente soulève une question sérieuse à trancher et qu’elle subira un préjudice irréparable s’il n’y a pas de sursis à son renvoi, la personne qui demande un sursis doit établir que, eu égard à toutes les circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis. (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Ltd., ci-dessus; R.J.R. – Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; Toth, ci-dessus.)

 

[51]           Pour déterminer la prépondérance des inconvénients, la Cour doit décider laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse le sursis. (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Ltd., ci-dessus.)

 

[52]           En l’absence de questions sérieuses et de préjudice irréparable, la balance des inconvénients favorise le Ministre, qui a intérêt à ce que l’ordonnance de renvoi soit exécutée à la date qu’il a fixée. (Mobley c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 65, par. 2 (QL).)

 

[53]           En effet, le paragraphe 48(2) de la Loi prévoit qu’une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.

48.      (1) Mesure de renvoi - La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

(2) Conséquence - L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

48.      (1) Enforceable Removal Order - A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

(2) Effect - If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

[54]           Le juge Barbara Reed, dans l'affaire Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 306 (1re inst.), [1992] A.C.F. no 535, par. 18 (QL), a d'ailleurs élaboré sur la question de la balance des inconvénients en matière de sursis, et de l'intérêt public qui doit être pris en considération :

[18]   Cependant, d'après la prépondérance des inconvénients, il faut se demander à quel point le fait d'accorder des sursis risque de devenir une pratique qui contrecarre l'application efficace de la législation en matière d'immigration. Chacun sait que la procédure actuelle a été mise en place parce qu'une pratique s'était développée par laquelle de très nombreuses demandes, tout a fait dénuées de fondement, étaient introduites devant la Cour et encombraient les rôles, uniquement pour permettre aux appelants de demeurer plus longtemps au Canada. Il y va de l'intérêt public d'avoir un régime qui fonctionne de façon efficace, rapide et équitable, et qui, dans la mesure du possible, ne se prête pas aux abus. Tel est, à mon avis, l'intérêt public qu'il faut soupeser par rapport au préjudice que pourrait éventuellement subir le requérant si un sursis n'était pas accordé.

[55]           La balance des inconvénients penche en faveur du Ministre.

 

CONCLUSION

[56]           Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2604-07

 

INTITULÉ :                                       MENDOZA DURAN Beatriz Eugenia

                                                            c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario (par téléconférence)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 11 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 12 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Patricia Nobl

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ANTHONY KARKAR

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

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