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Date : 20070719

Dossier : T-2033-06

Référence : 2007 CF 757

ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

demanderesse

et

 

LE CARAPEC No. 1

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

[1]               Il s’agit d’une requête de la demanderesse en vertu des règles 298 et 490 et suivantes des Règles des Cours fédérales (les règles) afin d’obtenir de cette Cour une ordonnance autorisant la vente du navire « Carapec No. 1 » (le Navire) à un soumissionnaire, retenu par la demanderesse suite à un processus d’appel d’offres, dans le but annoncé de démanteler le Navire afin que le Port de Matane en soit libéré.

Contexte essentiel

[2]               Il ressort que le Navire est amarré au port de Matane depuis le 4 janvier 2001, soit depuis plus de six (6) ans, sans équipage à son bord.

[3]               Depuis que le Navire est amarré au Port de Matane, ses propriétaires n’ont jamais payé les droits d’amarrages dus et devraient apparemment à la demanderesse plus de 40 000$ à ce titre.

[4]               De plus, les autorités de Transports Canada ont ordonné à plusieurs reprises aux représentants et propriétaires du Navire qu’ils déplacent ce dernier à l’extérieur du Port de Matane.  Ce déplacement n’est jamais survenu.

[5]               Le Navire est sous saisie depuis le 21 novembre 2006 sans qu’aucun cautionnement pour son relâchement ne soit déposé en cette Cour.

[6]               Dans sa requête, la demanderesse fait valoir que le Navire constitue une nuisance ainsi qu’un risque à l’environnement et à la sécurité maritime dans le Port de Matane.  Suivant la demanderesse, puisque le navire n’a pas été entretenu depuis de nombreuses années, sa condition se détériore rapidement, laissant craindre qu’un incident l’impliquant se produise.

[7]               Il ressort, de plus, que malgré de nombreux engagements des représentants et personnes étant apparemment responsables du Navire de le déplacer à l’extérieur du Port de Matane, celui‑ci est toujours, comme mentionné ci-haut, amarré au Port de Matane en date des présentes.

[8]               Selon une évaluation de la valeur marchande du navire effectuée pour le compte de la demanderesse par M. Richard Breton, expert maritime, en date du 21 août 2006 (le rapport Breton), le Navire a une valeur marchande de 0$.

[9]               Le défendeur conteste cette requête de la demanderesse en soulignant qu’il ne reconnaît pas devoir des droits d’amarrage à la demanderesse et qu’il est faux de considérer comme fondées les prétentions de la demanderesse quant aux divers risques posés par le Navire puisque ce dernier est amarré au Port de Matane depuis plus de six (6) ans et que rien n’est arrivé.  De plus, il produit partie d’une évaluation effectuée en novembre 2003 par un architecte naval qui évaluait la coque du Navire à environ 400 000$.

[10]           Le défendeur souligne, également, via M. Gaston Langlais qui se présente comme le représentant autorisé du propriétaire du Navire, soit la compagnie Figaro Transport Inc., qu’il est présentement à la recherche de financement afin de transformer le Navire en traversier et, qu’en plus, il poursuivait encore récemment des pourparlers avec un acheteur potentiel où un montant de 100 000$ est discuté.

[11]           Enfin, M. Langlais indique à la Cour qu’il s’est déjà engagé à libérer le quai de Matane du Navire au plus tard le 30 septembre 2007.  Ainsi, même si la Cour en venait à accorder la présente requête de la demanderesse, le Navire aurait quitté le quai du Port de Matane avant que les conclusions recherchées ne puissent être exécutées.

Analyse

[12]           Il ne fait pas de doute que cette Cour a juridiction sur tous les aspects du dossier et qu’elle peut, en vertu de la règle 490(1)(a) et de la jurisprudence de cette Cour, ordonner une vente privée d’un navire alors même que le litige de fond n’est pas terminé.

[13]           Ici, je ne pense pas que ce soit le droit très vraisemblement fondé de la demanderesse à ses droits d’amarrage passés qui doive nous amener à aller dans le sens de la demanderesse.  L’opération de déplacement et de démantèlement qu’elle propose ne lui rapportera rien en termes d’argent et va plutôt, au contraire, lui coûter un montant d’argent certain.  Toutefois, le déplacement du Navire mettrait un terme à l’augmentation de la facture de ces droits et des coûts d’entretien du Navire qu’elle appert avoir encourus dans le passé.

[14]           Quant au risque à l’environnement à strictement parler, je ne pense pas que le rapport Breton ni l’affidavit de M. Bélanger soumis par la demanderesse au soutien de sa requête établissent un risque, à court ou à moyen terme, qu’un incident environnemental survienne en raison de la présence du Navire.  Bien que chaque semaine qui s’écoule rajoute au temps passé où le Navire est laissé à se détériorer, un risque imminent ne semble pas présent sous ce strict aspect.

[15]           Toutefois, il ressort que le défendeur, via M. Langlais, a été sommé par les autorités concernées à au moins deux occasions par le passé de déplacer le Navire à l’extérieur du port.  Le défendeur n’a jamais obtempéré, et ce, en plus, malgré une promesse en ce sens de M. Langlais.

[16]           Dans son affidavit daté du 28 mai 2007, M. Bélanger indique, entre autres, que le 3 novembre 2005, il ordonna à M. Langlais, en vertu des pouvoirs statutaires dont il dispose, de déplacer le Navire à l’extérieur du Port de Matane.  Aux paragraphes 12 à 15 de son affidavit, il indique qu’il ordonna cette mesure en raison du contexte suivant :

12.    Je jugeais alors que le navire Carapec No. 1 représentait un risque pour les installations portuaires de Matane et représentait un risque à la sécurité maritime en raison de son état pitoyable;

13.    Par cette même ordonnance, j’informais également monsieur Gaston Langlais qu’à défaut de respecter cette ordonnance, des mesures seraient prises pour corriger cette situation et ce, au frais du propriétaire et de tout responsable du navire;

14.    Suite à une rencontre entre monsieur Gaston Langlais et moi-même, monsieur Langlais s’est engagé à prendre les mesures nécessaires pour sécuriser le navire pour l’hiver 2005-2006 et à déplacer celui-ci hors du port de Matane au plus tard le 1er juin 2006, le tout tel qu’il appert d’une copie d’une lettre de monsieur Gaston Langlais en date du 5 novembre 2005, jointe à mon affidavit comme pièce « D »;

15.    Or, malgré cet engagement, le navire Carapec No. 1 est toujours amarré au port de Matane en date des présentes;

(Mes soulignés)

[17]           Cette ordonnance ne fut jamais contestée en contrôle judiciaire.  Son à-propos, sa raisonnabilité et sa validité sont donc en place depuis son émission.  On doit donc tenir que cette perception de la demanderesse quant aux risques liés aux installations portuaires de même qu’à la sécurité maritime sont effectivement toujours présents, qu’elles sont d’une importance certaine et que le défendeur en fait totalement fi vu, d’une part, l’écoulement du temps depuis l’ordonnance de déplacement de novembre 2005 et, d’autre part, le non-respect de sa promesse de déplacer le Navire.  À cet égard, on ne peut donner aucun poids à l’engagement nouveau du défendeur de déplacer le Navire pour le 30 septembre 2007.  De même, les démarches de vente ou de financement soulevées par le défendeur demeurent beaucoup trop vagues et d’un caractère trop récent pour que la Cour puisse les retenir pour éviter le déplacement du Navire.

[18]           Enfin, quant à la valeur présente du Navire, la production partielle par le défendeur d’une étude remontant à 2003 établie à des fins particulières ne saurait l’emporter face à la production et au contenu du rapport Breton.  Ainsi cette Cour retient ce dernier rapport quant à l’absence totale de valeur marchande du Navire et quant au processus de vente du Navire proposé par la demanderesse.

[19]           Somme toute, les droits d’amarrage et d’entretien qui s’accumuleront toujours si rien n’est fait avec le Navire, le risque établi que pose le Navire quant aux installations portuaires et à la sécurité maritime et le fait que le Navire n’est pas entretenu sont toutes de bonnes raisons pour autoriser maintenant la vente du Navire.  (Voir, entre autres, les arrêts Brotchie v. Ship Karey T (1994), 83 F.T.R. 262 et Canada v. Horizons Unbound Rehabilitation & Training Society) (1996), 125 F.T.R. 81).  De plus, l’absence de valeur marchande du Navire justifie pleinement le processus suggéré par la demanderesse.

[20]           En conséquence, cette requête de la demanderesse sera accueillie, le tout avec dépens, et la Cour se rendra dans l’ordonnance accompagnant les présents motifs aux conclusions recherchées par la demanderesse.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2033-06

 

 

INTITULÉ :                                       SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                            demanderesse

                                                            et

                                                            LE CARAPEC No. 1

                                                            défendeur

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               19 juillet 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      19 juillet 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean-Robert Noiseux

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Sylvain Chouinard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Langlois Kronstrom Desjardins S.E.N.C.R.L.

Québec (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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