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Date : 20070726

Dossier : IMM-2363-07

Référence : 2007 CF 772

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

Ahmed DJEBLI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ

PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Le renvoi du demandeur du Canada est prévu le 31 juillet 2007. Il demande un sursis de son renvoi jusqu’à ce que la demande sous-jacente de contrôle judiciaire de la décision datée du 26 avril 2007, par l’agente d’examen des risques avant renvoi (« ERAR »), soit tranchée par la Cour.

 

[2]               Plus récemment, la Cour a confirmé que, lorsque la décision relative à l’ERAR est considérée comme un ensemble, la norme de contrôle applicable doit être celle de la décision raisonnable simpliciter. Cependant, la conclusion de fait atteinte par l’agente d’ERAR peut seulement faire l’objet d’un contrôle par la Cour si elle est manifestement déraisonnable (Chong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 584, [2007] A.C.F. no 791), comme l’a indiqué le juge Pierre Blais.

 

[3]               La Cour a également indiqué que les agents d’ERAR ont une expertise spécialisée dans l’évaluation des risques et que leurs conclusions sont habituellement fondées sur les faits. La pondération de la preuve est également une décision factuelle. Par conséquent, les conclusions de fait et la pondération de la preuve devraient attirer une retenue importante d’une cour de révision (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, [2004] A.C.F. no 1134 (QL), au paragraphe 16; Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, [2005] A.C.F. no 540 (QL), au paragraphe 19; Ray c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 731, [2006] A.C.F. no 927 (QL), aux paragraphes 28 et 29).

 

[4]               Le demandeur n’a pas démontré que l’une des conclusions de fait de l’agente d’ERAR était manifestement déraisonnable ou que, dans l’ensemble, la décision était déraisonnable.

 

[5]               Le demandeur n’a pas établi l’existence d’une question grave en lien avec la demande sous-jacente de contrôle judiciaire. Puisque les trois éléments du critère à trois volets établi dans Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration), (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), doivent être prouvés par le demandeur, la présente requête doit être rejetée pour cette seule raison.

 

[6]               Le demandeur a également omis d’établir qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé en Algérie. Il n’a pas non plus démontré que la prépondérance des inconvénients était en sa faveur (Toth, précitée; RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (C.S.C.); Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst.) [2001] 3 C.F. 682; Mikhailov c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 642 (QL)).

 

[7]               Pour ces motifs également, sa requête d’un sursis à la mesure de renvoi est rejetée.

 

REMARQUE PRÉLIMINAIRE

[8]               À titre préliminaire, il convient de noter qu’il n’y a pas de sursis prévu par la loi en l’espèce, puisque les circonstances décrites aux articles 231 et 232 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), plus précisément, à l’alinéa 232c) ne s’appliquent plus au demandeur. Par conséquent, le seul recours dont il disposait était un arrêt des procédures prévu par l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

 

FAITS

[9]               Le 8 septembre 1999, le demandeur a été admis au Canada à titre de membre de l’équipage d’un navire possédé par une société de l’État algérien. Le 10 septembre 1999, le demandeur a déserté ce navire. Cinq jours plus tard, le 15 septembre 1999, le demandeur a demandé le statut de réfugié.

 

[10]           Le 24 mars 2000, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté la demande du demandeur. La CISR ne croyait pas l’histoire du demandeur selon laquelle il a été persécuté par deux personnes qui voulaient qu’il les aide à quitter l’Algérie clandestinement sur le navire à bord duquel il était un membre d’équipage (Décision de la CISR, datée du 24 mars 2000, pièce « E » de l’affidavit de Sylvie Boutin, aux pages 23 à 27 du dossier de requête du défendeur).

 

[11]           Le 8 mai 2000, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada au sens de la définition d’un demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Cependant, l’étude de cette demande a été reportée en raison de la suspension temporaire des envois en Algérie ordonnée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) de l’époque (première page de la demande au titre de la DNRSRC et document interne indiquant le report de la requête au titre de la DNRSRC, pièce « F » de l’affidavit de Sylvie Boutin, aux pages 29 et 30 du dossier du défendeur).

 

[12]           Le 2 août 2000, la Cour a rejeté la demande d’autorisation d’appel et de contrôle judiciaire de la décision négative de la CISR du demandeur (ordonnance du juge Pierre Denault, datée du 2 août 2000, pièce « G » de l’affidavit de Sylvie Boutin, dossier du défendeur à la page 32).

 

[13]           Le 5 avril 2002, le ministre a levé la suspension temporaire de la mesure de renvoi en Algérie (affidavit de Sylvie Boutin, au paragraphe 14; dossier du défendeur à la page 10).

 

[14]           Le 29 janvier 2003, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Le 26 février 2003, le demandeur a été informé que sa demande avait été transférée au « ministère des Relations avec les Citoyens et de l’Immigration du Québec » (MRCI), conformément au programme établi pour les Algériens par les gouvernements du Québec et du Canada (affidavit de Sylvie Boutin, au paragraphe 15, dossier du défendeur, au paragraphe 34).

 

[15]           Le 28 octobre 2003, le MRCI a conclu que l’intégration du demandeur au Canada était insuffisante pour justifier d’admettre sa demande de résidence permanente (décision du MRCI, datée du 28 octobre 2003, pièce « I » de l’affidavit de Sylvie Boutin, dossier du défendeur, aux pages 36 à 40).

 

[16]           Le 17 mars 2006, après avoir reçu une demande de résidence permanente du demandeur, mise à jour, faite à l’intérieur du Canada, le 7 mars 2003, son cas a été évalué une deuxième fois par une agente d’immigration canadienne. Cette dernière a conclu que l’intégration du demandeur au Canada était minimale. De plus, l’agente d’immigration a également étudié l’allégation du demandeur selon laquelle il risquait d’être emprisonné pour avoir déserté son bateau, s’il devait retourner en Algérie. L’agente d’immigration a examiné la preuve documentaire et a conclu que le traitement des prisonniers et les conditions de détention en Algérie s’étaient beaucoup améliorés. Par conséquent, l’agente d’immigration a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaires pour justifier d’exonérer le demandeur de l’exigence de demander une résidence permanente depuis l’extérieur du Canada (mise à jour du demandeur pour sa demande pour motifs d’ordre humanitaire, la décision et les notes au dossier de l’agente d’immigration, pièce « J » de l’affidavit de Sylvie Boutin, aux pages 42 à 55, dossier du défendeur).

 

[17]           le 25 octobre 2006, le demandeur a été appelé pour une entrevue par les autorités d’immigration canadiennes qui l’ont informé de son droit de demande d’un examen des risques avant renvoi (ERAR). Le 26 avril 2007, la demande d’ERAR du demandeur a été rejetée. C’est cette décision qui fait l’objet de la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

 

QUESTION EN LITIGE

[18]           Le demandeur a-t-il démontré qu’il satisfait au critère à trois volets?

 

DISCUSSION

QUESTION SÉRIEUSE

a)   L’agente d’ERAR n’a pas mal interprété l’exposé de position du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en ce qui a trait aux risques possibles des Algériens qui retournent en Algérie

 

[19]           Le demandeur affirme que l’agente d’ERAR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’exposé de position du HCR de décembre 2004 indique un risque pour les Algériens qui retournent en Algérie, qui sont soupçonnés d’avoir des liens avec des mouvements islamistes.

 

[20]           Le demandeur affirme que l’exposé de position du HCR indique qu’il y a un risque pour tous les demandeurs d’asile rejetés qui retournent au pays. De plus, selon son interprétation de ce document, le risque se présente en raison de sa propre absence prolongée d’Algérie.

 

[21]           L’argument du demandeur est équivalent à dire qu’aucun pays ne peut renvoyer un demandeur d’asile rejeté en Algérie, lorsque les personnes ont été absentes de leur pays pour une période prolongée. Cet argument est intenable.

 

[22]           De plus, une lecture attentive de l’ensemble de l’exposé de position (trouvé aux pages 21 et 22 du dossier de requête du demandeur) démontre que l’interprétation de l’agente d’ERAR de ce document est raisonnable.

 

[23]           Il reconnaît, par exemple, au deuxième paragraphe dudit document, qu’il est indiqué qu’il y a une préoccupation pour les demandeurs d’asile qui retournent dans leur pays, en raison de la perception du gouvernement algérien selon laquelle ils ont pu être impliqués dans le [traduction] « terrorisme international ». Dans le même paragraphe, il y a également une référence aux [traduction] « rapports publics » selon lesquels les organismes de renseignements européens ont découvert des réseaux relatifs aux groupes interdits par le gouvernement des États-Unis (É.-U.) après le 11 septembre 2001. Le paragraphe se poursuit en indiquant que l’on allègue que ces réseaux sont en activité en Algérie.

 

[24]           Le troisième paragraphe indique que le HCR ne commentera pas le fond de ces [v] « rapports publics ». Cependant, il note qu’ils contribuent à la suspicion avec laquelle les demandeurs d’asile qui rentrent chez eux peuvent être considérés, [traduction] « notamment ceux qui ont eu des liens antérieurs avec des mouvements islamistes ».

 

[25]           Dans le quatrième paragraphe, le HCR renvoie au risque potentiel, associé à une absence prolongée. C’est seulement raisonnable de conclure que la signification de cet énoncé peut seulement être vraiment comprise si l’on tient compte du contexte, c’est-à-dire le contenu du document, dans son ensemble.

 

[26]           Le sens manifeste et ordinaire de l’exposé de position du HCR est celui que l’agente d’ERAR a indiqué. Les demandeurs d’asile qui retournent au pays et qui ont des liens antérieurs avec des mouvements islamistes peuvent être à risque.

 

[27]           Puisque le demandeur ne correspond pas à ce profil, l’agente d’ERAR a raisonnablement conclu qu’il n’était pas à risque simplement en raison de son retour en Algérie après une absence prolongée.

 

[28]           Il y a davantage de soutien pour l’interprétation par l’agente d’ERAR de l’exposé de position qui est fourni dans le document, comme présenté à la note de bas de page 15 de sa décision. Ce document est une Réponse à la demande d’information (RDI) préparée par la CISR, affichée sur le site Web du HCR (affidavit de Mélanie Leducm pièce « A »).

 

[29]           Après avoir cité l’exposé de position du HCR, la RIR précise que [traduction] « Aucune autre information sur le traitement réservé aux demandeurs d’asile déboutés renvoyés en Algérie […] n’a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches ». Cependant, la RDI a également précisé, entre autres, ce qui suit :

  • Un article publié dans The Guardian a mentionné qu’en 2002, 55 des 1 330 [traduction] « demandeurs d’asile déboutés » au Royaume-Uni auraient été renvoyés en Algérie, alors qu’en avril 2005, ils avaient [traduction] « presque tous [été] renvoyés ».
  • Dans une communication écrite du 13 décembre 2005 envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a mentionné ce qui suit :

[traduction]

 

En aucun temps pendant le processus de renvoi les autorités étrangères ne sont informées qu’une personne a demandé l’asile au Canada […]

 

  • Selon Mohammed Sekkoum, président du Conseil algérien pour les réfugiés en Grande-Bretagne [traduction] « plus de 12 000 Algériens [sont] revenus en Algérie depuis que (le président Abdelaziz Bouteflika] a engagé le processus législatif de concorde civile en 1999 ».
  • Toutefois, les organisations de défense des droits de la personne ont affirmé que les rapatriés soupçonnés de terrorisme subissaient [traduction] « de mauvais traitements, y compris la torture ».

 

[30]           La RDI citée par l’agente d’ERAR confirme que son interprétation de l’exposé de position du HCR était raisonnable. Elle confirme également que de nombreux Algériens sont retournés dans leur pays depuis la fin des années 1990. De plus, elle indique que les autorités algériennes ne savent peut-être pas que le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada, qui a été rejetée. Elle n’indique pas qu’une absence prolongée, en soi, expose à un risque un Algérien qui y retourne.

 

[31]           Selon ce qui précède, le demandeur n’a pas démontré que l’agente d’ERAR a commis une erreur dans son interprétation de l’exposé de position du HCR.

 

b)   L’agente d’ERAR n’a pas commis d’erreur de droit en lien avec l’allégation du demandeur selon laquelle il peut être emprisonné en raison de sa désertion en Algérie

 

[32]           Le demandeur ne mentionne aucunement une conclusion de fait essentielle de l’agente d’ERAR, soit, qu’il est raisonnable de penser que, s’il était recherché par les autorités algériennes, conformément à ses allégations, d’autres assignations, convocations ou mandats lui auraient été envoyés.

 

[33]           L’agente d’ERAR remarque que la convocation présentée par le demandeur (page 19 du dossier du demandeur) est datée du 14 mai 2002. Pourtant, cinq ans, par la suite, au moment de l’évaluation de l’ERAR, aucun autre document n’est présenté.

 

[34]           De plus, comme le remarque l’agente d’ERAR, on ne lui a jamais fourni l’original de la convocation.

 

[35]           Le demandeur a déserté son navire en septembre 1999. Il est difficile de comprendre pourquoi les autorités algériennes attendraient trois ans pour délivrer une convocation pour la désertion de son navire.

 

[36]           De plus, la formulation de la convocation est lacunaire, à tout le moins. Elle ne mentionne pas l’article du code pénal algérien en vertu duquel le demandeur est prétendument accusé, pas plus qu’il ne prévoit de description des circonstances de l’infraction.

 

[37]           À la lumière de ce qui précède, il était raisonnable pour l’agente d’ERAR de conclure que la convocation ne démontre pas que les autorités algériennes sont à la poursuite du demandeur.

 

[38]           Même si le demandeur pouvait faire l’objet de poursuites en vertu de l’article 527 du Code national algérien, une simple lecture de la formulation de cette disposition de la loi permet de conclure qu’une condamnation est très invraisemblable. L’article 527 indique qu’un membre d’équipage qui déserte son navire est susceptible d’être reconnu coupable s’il occupe « un poste de garde ou de sécurité » et si sa désertion cause un dommage. Le demandeur a dit à l’agent responsable des renvois qu’il était un assistant mécanicien (notes au dossier de Sylvie Boutin, pièce « L » de son affidavit aux pages 71 et 72 du dossier du défendeur).

 

[39]           À la lumière de ce qui précède, les énoncés aux paragraphes 10 et 11 des observations écrites du demandeur que [traduction] « M. Djebli craint une détention prolongée » et qu’il « est passible d’une peine d’emprisonnement obligatoire » semblent infondées.

 

[40]           Même si l’agente d’ERAR a étudié l’amende financière à la page 5 de sa décision, à la page 1, sous l’intitulé « Risques allégués par le demandeur » elle fait expressément référence à l’allégation du demandeur selon laquelle il peut faire l’objet de poursuites selon la loi algérienne qui punit la désertion par l’emprisonnement. De plus, à partir de la page 5, après avoir parlé de la possibilité d’une amende, l’agente d’ERAR a étudié les droits juridiques accordés par le système juridique algérien et les conditions d’emprisonnement. Son paragraphe de conclusion sous l’intitulé « Conditions de détention » indique que, même si le demandeur devait être emprisonné, elle est convaincue que ses droits seraient respectés.

 

c)   L’agente d’ERAR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le droit algérien en question n’était pas excessif ou contraire aux normes internationales

 

[41]           Le demandeur affirme que les pénalités algériennes pour la désertion sont complètement disproportionnées compte tenu de la nature de l’infraction. Il affirme que l’agente d’ERAR aurait dû étudier si de telles peines d’emprisonnement constituent une peine cruelle et inusitée.

 

[42]           Pourtant, le demandeur ne fournit pas de jurisprudence qui soutient spécifiquement son argument selon lequel l’emprisonnement pour avoir déserté un navire constituerait une peine cruelle et inusitée.

 

[43]           Dans Zolfagharkhani c. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] 3 C.F. 540 (C.A.), [1993] 3 C.F. 540 (QL), la Cour d’appel fédérale a établi la proposition générale suivante en lien avec la question de savoir si une loi d’application générale peut relever de la persécution.

[traduction]

[19]      Après cet examen de la loi, je m’aventure maintenant à établir quelques propositions générales relatives au statut d’une loi ordinaire d’application générale pour trancher la question de la persécution.

[20]      (1) La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l’objet (ou tout effet principal) d’une loi ordinaire d’application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l’existence d’une persécution.

[21]      (2) Mais la neutralité d’une loi ordinaire d’application générale, à l’égard des cinq motifs d’obtention du statut de réfugié, doit être jugée objectivement par les cours et les tribunaux canadiens lorsque cela est nécessaire.

[22]      (3) Dans cet examen, une loi ordinaire d’application générale, même dans des sociétés non démocratiques, devrait, je crois, être présumée valide et neutre, et le demandeur devrait être tenu, comme c’est généralement le cas dans les affaires de réfugiés, de montrer que les lois revêtent, ou en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution.

[23]      (4) Il ne suffira pas au demandeur de démontrer qu’un régime donné est généralement tyrannique. Il devra plutôt prouver que la loi en question a un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la Convention.

 

[44]           Selon les principes établis dans Zolfagharkhani, précité, une loi ordinaire d’application générale, comme l’article 527 du Code national algérien, est présumée valide et neutre. Il revient au demandeur de prouver qu’elle est intrinsèquement, ou pour une certaine raison, persécutrice.

 

[45]           À cet égard, très récemment, dans Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, [2007] A.C.F. no 584 (QL), aux paragraphes 46 à 49, même s’il ne traitait pas particulièrement de la question de savoir si une loi d’application générale est persécutrice, la Cour d’appel fédérale a conclu que la preuve relative au traitement réel des déserteurs militaires aux É.-U., y compris de savoir s’ils sont habituellement emprisonnés pour avoir déserté, était très pertinente à la demande du demandeur.

 

[46]           Pour ce qui est de savoir si l’emprisonnent pour avoir déserté, en soi, est cruel et inusité, le demandeur n’a pas entrepris l’analyse prescrite dans R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045. Il n’a pas non plus apporté de fondement à son argument selon lequel une peine d’emprisonnement pour désertion d’un navire est tellement impropre, eu égard à l’infraction et au délinquant, qu’elle est manifestement disproportionnée.

 

d) Conclusion relative à la question d’un enjeu grave

[47]           À la lumière de tout ce qui précède, le demandeur n’a pas démontré qu’il y a un problème grave en lien avec la décision sous-jacente d’ERAR.

 

[48]           Puisque tous les éléments du critère à trois volets doivent être établis, cette requête doit être rejetée pour ce motif seulement.

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[49]           La jurisprudence de la Cour établit que la notion de [traduction] « préjudice irréparable » sous-entend « un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d’un requérant » (Calderon c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 393 (QL); Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL); Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 237 (QL); Simpson c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 380 (QL)).

 

[50]           Pour les motifs qui précèdent, le demandeur n’a pas démontré qu’il court un risque, en tant que demandeur d’asile débouté, de retourner en Algérie.

 

[51]           La lettre d’« Amnistie internationale » est une nouvelle preuve qui n’a pas été présentée à l’agente d’ERAR. Elle est par conséquent inadmissible pour la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

 

[52]           Si la Cour doit étudier cette lettre en lien avec la question du préjudice irréparable, ce qui suit doit être noté :

  • Peu importe à quel point Amnistie internationale est bien intentionnée, elle ne devrait pas être autorisée à usurper les fonctions de l’agente d’ERAR ou de la Cour.
  • Cette lettre parle du risque associé à une absence prolongée. Cependant, d’autres éléments de preuve documentaire associaient le risque au soupçon des autorités algériennes qu’une personne a des liens avec les mouvements islamistes.
  • La lettre en soi cite des renseignements qui parlent des risques personnels d’être détenu par le « Département du Renseignement et de la Sécurité » (DRS).
  • De plus, la lettre indique que le DRS prend part à des activités antiterroristes. Par conséquent, des cibles prétendument potentielles sont des terroristes soupçonnés, ou des personnes que le DRS soupçonne d’avoir des liens avec les mouvements islamistes.

 

[53]           Dans cette affaire, l’agente d’ERAR a remarqué que le demandeur ne correspond pas à ce profil.

 

[54]           En ce qui concerne la possibilité d’emprisonnement, elle est extrêmement petite et plus probablement non existante.

 

[55]           Même en assumant que l’emprisonnement du demandeur est possible, l’agente d’ERAR a raisonnablement conclu que le demandeur ne serait pas à risque en Algérie, même s’il était en prison.

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[56]           Les mesures de renvoi doivent être exécutées dès que raisonnablement possible. De plus, il s’agit d’un principe élémentaire de droit que l’intérêt public soit être pris en compte lorsque la Cour évalue si la prépondérance des inconvénients est en faveur du demandeur ou du ministre. Dans ce cas, à la lumière de ce qui précède, il est dans l’intérêt du public que le demandeur soit renvoyé aussi rapidement que possible (article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27; RJR-MacDonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311; Blum c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994), 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. no 1990 (QL), juge Paul Rouleau).

 

[57]           Par conséquent, la prépondérance des inconvénients est en faveur du ministre. Pour cette raison également, cette requête d’un sursis à la mesure de renvoi doit être rejetée.

 

CONCLUSION

[58]           Pour tous les motifs qui précèdent, la requête du demandeur pour un sursis à la mesure de renvoi est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur pour un sursis à la mesure de renvoi soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2363-07

 

INTITULÉ :                                       AHMED DJEBLI c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jared Will

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Gretchen Timmins

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JARED WILL

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

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