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Date : 20070726

Dossier : IMM-3003-07

Référence : 2007 CF 783

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

BARRINGTON RICHARDS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION; LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ

PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Le demandeur est un étranger qui a été dépouillé de sa résidence permanente en raison de son lourd casier judiciaire, qui comprend 33 condamnations sur une période de neuf ans. Il a déjà comparu devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) en 2002, mais il a poursuivi ses activités criminelles et il s’est retrouvé de nouveau devant la SAI, moins de cinq années plus tard, en 2007. Le demandeur a été informé de son renvoi prévu le 23 juillet 2007 et, à l’époque, il a exprimé son accord à l’égard d’un retour en Jamaïque. Il a ensuite exprimé son souhait d’être renvoyé en Jamaïque le 25 juillet 2007. Le demandeur a néanmoins présenté une requête en sursis à court préavis, à 14 h 30, le 25 juillet 2007, reconnaissant que son renvoi était prévu pour le 27 juillet 2007. Il est prévu qu’il soit escorté par deux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), en raison de ses activités criminelles passées. Le défendeur considère que le demandeur n’est pas réhabilité, qu’il est violent, un criminel de longue date ainsi qu’un alcoolique, qui a passé une partie importante de son temps au Canada en détention. Sa demande de sursis est rejetée, car l’intérêt et la sécurité du public exigent qu’il fasse l’objet d’une mesure de renvoi.

 

LE CRITÈRE POUR L’OCTROI D’UN SURSIS

[2]               Le critère pour l’octroi d’un de sursis est bien établi. Le demandeur doit établir :

1.         qu’il existe une question sérieuse à juger;

2.         que la partie requérante subirait, si l’injonction n’était pas accordée, un préjudice irréparable;

3.         que la prépondérance des inconvénients favorise la partie requérante.

(Toth c. Canada (M.E.I.) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.); RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311.)

 

[3]               Les exigences du critère à trois volets sont conjonctives. Cela dit, le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère avant que notre Cour puisse octroyer la suspension des procédures. (Toth, précitée; Marenco c. Canada (M.C.I.), (1994), 86 A.C.F. 299.)

 

[4]               Le demandeur conteste le refus de l’agente de renvoi de reporter le renvoi. Étant donné que le fait d’accueillir la requête du demandeur lui conférerait effectivement la réparation qu’il cherche à obtenir dans sa demande principale d’autorisation et de contrôle judiciaire, notre Cour doit s’adonner à un examen plus exhaustif du bien‑fondé de la demande. Cette manière de procéder a été confirmée dans Wang c. Canada (M.C.I.), (2001) 3 C.F. 682, au paragraphe 11, dans laquelle Denis Pelletier a confirmé que le seuil pour le volet relatif à la question grave du critère à trois volets dans les requêtes telles que celle‑ci, n’est ni frivole ni vexatoire, mais plutôt la « vraisemblance que la demande sous‑jacente soit accueillie ». Sa demande d’autorisation concernant le refus de l’agente de renvoi de reporter le renvoi n’est pas fondée et sa demande n’a vraisemblablement aucune chance de réussite en contrôle judiciaire. (On fait également mention de : RJR-MacDonald, précité.)

 

[5]               L’octroi d’un sursis constitue une mesure extraordinaire dans laquelle le demandeur doit démontrer « des circonstances spéciales et décisives » qui donneraient ouverture à « une intervention judiciaire exceptionnelle ». Le demandeur est un étranger dont le statut de résident permanent a été révoqué en raison de ses 33 condamnations au criminel. Il n’a pas démontré de circonstances qui justifieraient qu’il soit autorisé à rester au Canada et, dans les faits, la SAI, qui a examiné son appel en fonction des circonstances de son affaire, y compris les motifs d’ordre humanitaire, a conclu qu’il devrait être expulsé du Canada. (Tavaga c. Canada (M.E.I.), (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 82; Machado c. Canada (M.E.I.), (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 90; Ikeji c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 885, au paragraphe 8.)

 

LA QUESTION SÉRIEUSE

Aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’agente

[6]               L’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (LIPR) exige qu’une mesure de renvoi doit « être exécutée dès que possible » (LIPR, article 48).

 

[7]               Les agents de renvoi ont le pouvoir de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi uniquement dans des circonstances très limitées, par exemple celles qui surviennent immédiatement avant la date de renvoi. En l’espèce, il relevait tout à fait du pouvoir discrétionnaire de l’agente de conclure que les circonstances du demandeur ne justifiaient pas de surseoir à la mesure de renvoi. (Pavalaki c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 338; Wiltshire c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 571, au paragraphe 6; Simoes c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 936; Wang, précitée, paragraphes 31, 32 et 45; Prasad c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 614, paragraphe 32; Padda c. Canada (M.C.I.), 2003 CF 1081, paragraphes 8 et 9.)

 

L’agente a pris en considération les litiges criminels du demandeur

[8]               Le demandeur affirme que l’agente n’a présenté aucun motif pour justifier sa décision. Cette affirmation est inexacte; au contraire, l’agente a bel et bien présenté des motifs, mais le demandeur a négligé de demander lesdits motifs. Le défendeur les a fournis dans le dossier.

 

[9]               Le demandeur affirme aussi que l’agente a ignoré le fait que sa condamnation datée d’août 2006 fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel de l’Ontario. L’agente l’a toutefois expressément souligné dans ses motifs de la décision; par conséquent, cet argument est sans fondement.              

 

[10]           Le demandeur soutient également que s’il est renvoyé, son appel devant la Cour d’appel de l’Ontario deviendra illusoire. La jurisprudence de la Cour d’appel de l’Ontario elle-même n’appuie pas cet argument.

 

[11]           Dans Diakite c. Canada (M.P.S.E.P.), le 17 avril 2007, IMM-1530-07, la juge Johanne Gauthier a rejeté la requête en sursis du demandeur, soulignant que la Cour d’appel de l’Ontario avait jugé qu’il était inutile qu’il demeure au Canada pour poursuivre son appel et qu’il pourrait le faire par écrit à partir de la Guinée.

 

[12]           Suite à cette affaire dans Diakite, précitée, devant la Cour d’appel de l’Ontario, cette cour a refusé d’ordonner que le demandeur reste au Canada en attendant l’instruction de son appel et a déclaré [traduction] « [s]i le demandeur est expulsé avant la date de son appel, cela ne l’empêche pas d’y donner suite. Il peut le faire par écrit à partir de la Guinée » (Approbation du juge Michael J. Moldaver, Cour d’appel de l’Ontario, Diakite c. Sa Majesté la Reine, le 29 mars 2007).

 

[13]           De plus, la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Bish, [1998] O.J. no. 5215, a déclaré que [traduction] : « il était reconnu que, dans les circonstances de la présente affaire, l’expulsion du demandeur ne rendra pas son appel théorique ». La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté sa requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.

 

[14]           La jurisprudence de la Cour d’appel de l’Ontario, elle-même, indique que l’appel du demandeur ne serait pas théorique dans l’éventualité où il serait expulsé du Canada avant d’être entendu. Le demandeur a retenu les services d’un avocat aux fins de cet appel et cet avocat peut recevoir des instructions du demandeur à partir de la Jamaïque.

 

[15]           Le demandeur allègue, en outre, que, si sa déclaration de culpabilité d’août 2006 est annulée, la mesure d’expulsion à son encontre ne serait pas valide.

 

[16]           Le demandeur a été reconnu coupable hors de tout doute raisonnable après un procès. Il a interjeté appel de cette décision et son appel a été rejeté dans une longue décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[17]           C’est seulement conjecture que de présumer que la Cour d’appel de l’Ontario annulera la déclaration de culpabilité du demandeur. Une déclaration de culpabilité est maintenue tant qu’elle n’est pas annulée. Qui plus est, même si c’était le cas, le demandeur compte tout de même 32 autres déclarations de culpabilité au criminel, dont une déclaration de culpabilité remontant à février 2004, en vertu de l’article 267, pour agression armée, à savoir exactement la même infraction qu’il a de nouveau commise en août 2006. Peu importe l’issue de l’appel du demandeur devant la Cour d’appel de l’Ontario, il demeure interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[18]           Le demandeur soutient qu’il ne peut pas être renvoyé du Canada alors qu’il fait appel de sa déclaration de culpabilité pour la deuxième fois. Il n’a cité aucune jurisprudence ou disposition législative pour appuyer cet argument. Aucune disposition dans la loi n’exige qu’il soit autorisé à demeurer au Canada pendant qu’il épuise le processus d’appel au criminel dans son intégralité. Le demandeur est un étranger qui, indépendamment de l’issue de son appel, est interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[19]           La SAI a retiré au demandeur son statut de résident permanent et il a omis de demander un contrôle judiciaire de cette décision. Le demandeur n’est plus un résident permanent et il a décidé de ne pas exercer ses droits en matière de contrôle judiciaire. Le demandeur a également choisi de ne pas participer au processus d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Ce sont les propres actions du demandeur qui l’ont placé dans la situation où il se trouve désormais susceptible de faire l’objet d’une mesure de renvoi légale avant l’issue de son appel devant la Cour d’appel de l’Ontario.

 

[20]           Si le demandeur, après avoir été renvoyé, a gain de cause devant la Cour d’appel de l’Ontario et que sa déclaration de culpabilité est annulée, il sera en mesure de présenter une demande en vue d’obtenir la permission de revenir au Canada. Si la déclaration de culpabilité d’août 2006 est annulée, elle ne sera pas prise en considération dans la décision de l’autoriser ou non à revenir. Ses 32 autres déclarations de culpabilité, néanmoins, le rendraient interdit de territoire pour grande criminalité. Une fois de plus, c’est le demandeur qui en est responsable, en ceci qu’il s’est livré de façon répétée à des activités criminelles.

 

préjudice irréparable

[21]           Notre Cour a conclu qu’un préjudice irréparable est un critère sévère qui oblige à démontrer l’existence d’une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité du demandeur. Le demandeur n’a présenté aucune preuve qu’il existe une menace à sa vie ou à sa sécurité. (Duve c. Canada (M.C.I.), [1996] A.C.F. 387 (1re inst.), au paragraphe 22; on mentionne également : Mikhailov c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 642, aux paragraphes 12 et 13; Frankowski c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 935, au paragraphe 7; Csanyi c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. 758, au paragraphe 4.)

 

[22]           Le demandeur affirme que ses enfants subiront un préjudice s’il n’est pas en mesure de leur dire au revoir, car il croit qu’ils se trouvent actuellement en vacances en Floride. Il est évident d’après le propre dossier du demandeur qu’il n’a pas parlé ou vu ses enfants, qui sont âgés de 15 et de 12 ans, depuis au moins une année et demie. La décision de la SAI révèle que la preuve démontre clairement qu’il n’a visité ses enfants que rarement depuis qu’il s’est séparé de leur mère dans les années 1990 et qu’il avait passé une partie importante de son temps au Canada en détention. Ni son ex‑épouse ni ses enfants n’ont fourni une lettre quelconque pour son compte pour qu’il demeure au Canada aux fins de son appel devant la SAI. Il s’agit d’une forte indication que les enfants du demandeur ne subiraient aucun préjudice découlant de son renvoi sans qu’il leur dise au revoir. Qui plus est, la question de savoir si et quand il pourra voir ses enfants à l’avenir, qu’il soit renvoyé ou non, relève de la conjecture.

 

[23]           Les allégations du demandeur selon lesquelles il ne sera pas en mesure de poursuivre sa demande d’autorisation devant la Cour fédérale en ce qui a trait au refus de surseoir à la mesure de renvoi ont déjà été rejetées dans le cadre d’un contexte beaucoup plus grave, à savoir celui où des demandeurs d’ERAR où une menace à la vie est alléguée.

 

[24]           Sur ce point, le juge James O’Reilly a conclu dans Kim c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 321 : « Je ne vois rien dans la Loi ou dans le Règlement qui fasse obstacle au droit d’un demandeur d’un ERAR qui a été renvoyé du Canada et dont la demande de contrôle judiciaire a été accueillie d’obtenir un nouvel examen de sa demande ». En outre, comme l’a tranché le juge Luc Martineau dans Akyol c. Canada (M.C.I.), 2003 CF 931 :

[11]      Sixièmement, l’expulsion de personnes alors qu’elles ont présenté des demandes d’autorisation ou engagé d’autres instances devant la Cour ne constitue ni une question sérieuse ni un préjudice irréparable : Ward c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 86 (1re inst.), au paragraphe 12; Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1166 (1re inst.). Je note également que le traitement de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire continuera peu importe où les demandeurs se trouvent et qu’ils peuvent donner à leur avocat, à partir des États-Unis ou à partir de la Turquie, s’ils se retrouvaient là, les directives à suivre pour la poursuite de leur litige.

 

(On mentionne également : Ryan c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 1939, au paragraphe 8.)

 

[25]           En effet, notre Cour et la Cour d’appel rejettent régulièrement des demandes de sursis dans le cadre desquelles il y a des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire ou d’appel en suspens. (Selliah c. Canada (M.C.I.), précitée; El Ouardi c. Canada (S.G.), 2005 CAF 42; Sivagnanansuntharam c. Canada (M.C.I.), (le 16 février 2004, no de dossier A-384-03) (C.A.F.); Tesoro c. Canada (M.C.I.), 2005 CAF 148 (C.A.F.).)

 

[26]           L’approche convenable et persuasive qui fait autorité est celle établie par la Cour d’appel fédérale, qui a statué que le renvoi d’un demandeur du Canada, alors qu’il attend que son appel de la décision défavorable concernant l’ERAR soit instruit, n’a pas pour effet de rendre ses droits illusoires. In Selliah c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 1200 (C.A.F.), le juge John Maxwell Evans a déclaré :

[20]      Puisque l’appel pourra être habilement plaidé par une avocate d’expérience, en l’absence des appelants, et puisque, si les appelants obtiennent gain de cause en appel, ils seront probablement autorisés à revenir au Canada aux frais de l’État, je ne puis souscrire à l’idée que leur renvoi rendra illusoire leur droit d’appel.

 

[27]           En outre, la juge Judith Snider a examiné, mais a rejeté un argument similaire à celui présenté par le défendeur et, en fin de compte, a conclu que la demande n’est pas rendue illusoire par le renvoi. La juge Snider s’est appuyée sur Kim, précitée, ainsi que sur la décision de la Cour d’appel dans Selliah, précitée, et a fait observer ce qui suit dans Nalliah c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 1649 :

[30]      Le deuxième volet de l’argument de M. Nalliah est que la perte du droit de poursuivre le litige constitue un préjudice irréparable. Contrairement à ces prétentions, si l’injonction est refusée, le droit à un recours efficace ne deviendra pas illusoire. Comme le juge O’Reilly l’a indiqué dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CFPI 321, paragraphe 9 : « [...] rien dans la Loi ou dans le Règlement [ne fait] obstacle au droit d’un demandeur d’un ERAR qui a été renvoyé du Canada et dont la demande de contrôle judiciaire a été accueillie d’obtenir un nouvel examen de sa demande ».

 

[31]      Dans l’arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2004] A.C.F. no 1200, paragraphe 20, (C.A.F.) (QL), le juge Evans, de la Cour d’appel, a dit ce qui suit :

Puisque l’appel pourra être habilement plaidé par une avocate d’expérience, en l’absence des appelants, et puisque, si les appelants obtiennent gain de cause en appel, ils seront probablement autorisés à revenir au Canada aux frais de l’État, je ne puis souscrire à l’idée que leur renvoi rendra illusoire leur droit d’appel.

[32]      Il est possible de faire une distinction à l’égard des décisions Suresh et Resulaj, précitées, dont M. Nalliah a fait mention pour le motif que, dans les deux cas, bon nombre d’éléments de preuve étayaient l’existence d’un risque personnel. En me fondant sur un examen de la jurisprudence, je conclus que le préjudice irréparable ne peut pas uniquement être fondé sur le fait qu’il est difficile pour l’intéressé qui a été renvoyé du Canada de faire valoir ses droits de contestation.

 

[28]           En outre, comme je l’ai dit plus tôt, le demandeur n’a pas la possibilité, en vertu de l’article 52, de présenter une demande en vue de revenir au Canada après l’exécution de sa mesure d’expulsion.

 

[29]           Le préjudice irréparable allégué par le demandeur relève de la conjecture et de répond pas au critère.

 

La PRÉPONDÉRANCE des inconvénients

Le demandeur n’a pas satisfait au critère

[30]           Le demandeur n’a pas satisfait au troisième volet du critère, dans la mesure où la prépondérance des inconvénients favorise le ministre et non le demandeur.

 

[31]           Les inconvénients que pourrait subir le demandeur en raison de son renvoi du Canada ne l’emportent pas sur l’intérêt public à l’égard de l’exécution des mesures d’expulsion dès que possible en application de l’article 48 de la LIPR.

 

[32]           L’intérêt public doit être pris en considération et mis en balance en même temps que l’intérêt des plaideurs privés. (Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd, [1987] 1 R.C.S. 110, à la page 146.)

 

[33]           Le demandeur sollicite une mesure équitable extraordinaire. Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en considération dans l’appréciation de ce dernier critère. Pour démontrer que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, ce dernier devrait démontrer qu’il existe un intérêt public de ne pas le renvoyer comme prévu. (RJR-MacDonald, précité; Blum c. Canada (M.C.I.), (1994) 90 F.T.R. 54, tranchée par le juge Paul Rouleau.)

 

[34]           Dans ce contexte, comme l’a statué le juge Evans dans Selliah, la prépondérance des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du demandeur, en qualité de personne faisant l’objet d’une mesure de renvoi exécutable, de quitter le Canada immédiatement, ou l’obligation du ministre de le renvoyer dès que possible. « Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système » (Selliah c. Canada (M.C.I.), 2004 CAF 261, au paragraphe 21 et 22; Dasilao c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 1168).

 

[35]                       La prépondérance des inconvénients favorise de nouveau le ministre lorsque le casier judiciaire du demandeur est pris en considération. Le demandeur, en l’espèce, a accumulé 33 déclarations de culpabilité pendant qu’il se trouvait au Canada, dont plusieurs déclarations de culpabilité pour voies de fait et agression armée. Selon la SAI, qui a entendu récemment son appel, il est un criminel de longue date non réhabilité ayant démontré un faible établissement au Canada. Comme le juge Marshall Rothstein l’a déclaré dans Mahadeo, les déclarations de culpabilité au criminel sont des « considérations d’intérêt public qui militent fortement contre le demandeur dans l’appréciation de la balance des inconvénients ». Le juge William P. McKeown était d’accord avec ce raisonnement dans Gomes c. Canada (M.C.I.), (1995), 26 Imm. L.R. (2d) 308 (1re inst.) et il a conclu ce qui suit :

[7]        Pour ce qui est du critère relatif à la répartition des inconvénients, je suis d’accord avec le raisonnement du juge Rothstein dans l’arrêt Mahadeo c. Canada (Secrétaire d’État), 31 octobre 1994, (inédit), dossier de la Cour IMM-4647-94 (C.F. 1re inst.). Le juge Rothstein a déclaré dans cette décision que lorsqu’un requérant est coupable de fraude en matière d’aide sociale ou qu’il a été reconnu coupable d’un acte criminel au Canada, la prépondérance des inconvénients penche énormément en faveur de l’intimé. Le requérant en l’espèce a été reconnu coupable de voies de fait infligeant des blessures corporelles et cela, à mon avis, l’emporte sur toute considération ayant trait au grave choc émotif infligé à la famille du requérant. Je conclus par conséquent que la répartition des inconvénients joue en faveur de l’intimé.

 

(On fait également mention de : Mahadeo c. Canada (Secrétaire d’État), [1994] A.C.F. no 1624 au paragraphe 3 (1re inst.) (QL); Moncrieffe c. Canada (M.C.I.), [1995] A.C.F. no 1576 (1re inst.) (QL) et Choubaev c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 816.)

 

CONCLUSION

[36]           Pour tous ces motifs, la présente requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande du demandeur en vue d’obtenir une ordonnance de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3003-07

 

INTITULÉ :                                       BARRINGTON RICHARDS c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario) (par téléconférence)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me F. Zeenath Zeath

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Maria Burgos

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ZEENATH ZEATH

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous‑procueur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

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