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Date : 20070731

Dossier : IMM-4665-06

Référence : 2007 CF 803

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

KAILA YASMEIRA PARIS ROMERO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demande présentée par Mme Romero à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), selon laquelle elle serait exposée au risque de persécution au Panama du fait qu’elle est lesbienne, a été rejetée. La Commission a conclu qu’elle pourrait être victime de discrimination au Panama, mais non de persécution. Elle a également conclu que la protection de l’État existait au Panama, bien que la demanderesse n’ait jamais tenté de s’en réclamer. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

II.         CONTEXTE

[2]               La demanderesse entretenait une relation homosexuelle qui a pris fin de façon bouleversante. Elle a quitté le Panama pour entreprendre des études de premier cycle, mais elle y est retournée pour effectuer des études supérieures, après quoi elle a mis sur pied sa propre entreprise de services de consultation. Elle dit avoir été victime de discrimination à l’école, au sein de sa famille et à l’église, et que cette discrimination s’est poursuivie lorsqu’elle est retournée au Panama.

 

[3]               La demanderesse a communiqué avec son ancienne petite amie et, de ce fait, le père de cette dernière a menacé de la tuer. Elle a allégué que le père de cette dernière avait tenté de convaincre la police qu’elle avait forcé son ancienne petite amie à avoir des rapports sexuels. Elle s’est alors cachée pendant deux semaines, jusqu’à ce que la police conclut qu’elle n’avait rien fait de mal. Les menaces de mort ont continué, c’est pourquoi la demanderesse a quitté le pays. Elle n’a jamais signalé les menaces à la police, car elle pensait que cette dernière ne protégerait pas les personnes homosexuelles.

 

[4]               La décision de la Commission repose sur deux conclusions. Premièrement, la Commission a conclu que la demanderesse avait peut-être été victime de discrimination, mais non de persécution. Elle a souligné que la demanderesse n’avait pas été renvoyée de l’école, qu’elle était revenue au Panama à partir du Costa Rica, qu’elle avait poursuivi des études supérieures malgré le fait que son orientation sexuelle était connue, qu’elle avait mis sur pied une entreprise fructueuse et qu’elle avait vécu avec sa famille jusqu’à ce qu’elle quitte le pays pour venir au Canada.

 

Deuxièmement, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas absence de protection de l’État, puisque la demanderesse n’avait jamais tenté de s’en réclamer. Il n’y avait aucune preuve établissant que, si elle avait tenté de se réclamer de cette protection, celle-ci lui aurait été refusée. Enfin, la preuve documentaire confirme que les personnes homosexuelles pouvaient se réclamer de la protection de l’État.

 

III.       ANALYSE

[5]               La Cour est au courant du fait qu’il y a un appel en instance sur la question de savoir si la protection de l’État est une présomption de droit ou de fait. L’affaire qui nous occupe ne porte pas sur cette question. J’adopte la norme de contrôle de la décision raisonnable comme il en a été question dans la décision Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 232 (QL).

 

[6]               La demanderesse n’a pas été en mesure de réfuter la conclusion selon laquelle il y a absence de persécution. On peut soutenir que le comportement de la demanderesse est incompatible avec celui d’une personne qui craint d’être persécutée au Panama. D’après les faits mentionnés au paragraphe 4, la conclusion de la Commission est tout à fait raisonnable.

 

[7]               En ce qui a trait à la question relative à la protection de l’État, dans l’arrêt Canada (Attorney General) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la Cour a souligné que la protection de l’État est une présomption qui peut être réfutée sur le fondement d’une preuve claire et convaincante.

 

[8]               Selon la preuve documentaire, le Panama est une démocratie dotée d’un service de police et d’un système judiciaire efficaces, aucun incident de harcèlement n’a été signalé lors de défilés de fierté gaie et les lois contre l’homosexualité ne sont pas appliquées (voir : Rapport du Département d’État des États-Unis).

 

[9]               La demanderesse se fonde sur deux facteurs : l’absence de renseignements plus positifs que ceux fournis selon lesquels le Panama protégerait les personnes homosexuelles et sa croyance selon laquelle une telle protection n’existe pas.

 

[10]           Pour ce qui est du premier facteur, il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure qu’en l’absence de renseignements négatifs, la protection de l’État était offerte.

 

[11]           En ce qui a trait au deuxième facteur, la demanderesse n’a jamais cherché à se réclamer de la protection de l’État, même quand la police a conclu qu’elle n’avait rien fait de mal à l’égard de son ancienne petite amie. La seule preuve qu’elle a présentée portait sur ses propres sentiments non fondés.

[12]           De façon générale, plus le pays est démocratique et plus les organes de l’appareil étatique sont développés, plus il est difficile au demandeur d’invoquer cet appareil pour conclure qu’il est inutile de chercher à se réclamer de la protection de l’État.

 

[13]           Il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que la protection de l’État était offerte, compte tenu de la preuve documentaire et de l’absence de preuve convaincante attestant de l’inutilité de se réclamer de la protection de l’État.

 

IV.       CONCLUSION

[14]           Ayant conclu que la décision de la Commission était raisonnable, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[15]           Compte tenu du fondement de la conclusion de la Cour, il n’y a aucune question aux fins de certification, comme on l’a fait dans la décision Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 320.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B, trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                        IMM-4665-06

 

INTITULÉ :                                                                       KAILA YASMEIRA PARIS

                                                                                            ROMERO

                                                                                            c.

                                                                                            LE MINISTRE DE LA

                                                                                            CITOYENNETÉ ET DE

                                                                                            L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                               LE 25 JUILLET 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                             LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                                     LE 31 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John M. Guoba

 

POUR LA DEMANDERESSE

Martin Anderson

 

            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John M. Guoba

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                   POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

          POUR LE DÉFENDEUR

 

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