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Date : 20070731

Dossier : IMM-1852-06

Référence : 2007 CF 804

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

TRACY-ANN SPENCER

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 22 mars 2006, par laquelle un tribunal de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que Mme Tracy-Ann Spencer (la demanderesse) était interdite de territoire pour grande criminalité conformément à l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi).

 

[2]          Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que les questions soulevées dans le cadre de la présente demande ont été tranchées définitivement dans un jugement antérieur rendu par le juge Blais dans l’affaire Spencer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 990. La présente demande sera donc rejetée.

 

[3]          La demanderesse est une citoyenne de la Jamaïque qui, depuis 1993, est résidente permanente au Canada. Le 13 septembre 2002, la demanderesse a été déclarée coupable d’importation de cocaïne, en contravention du paragraphe 6(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et, en fin de compte, a été condamnée à vingt mois d’emprisonnement. La demanderesse ne conteste pas le fait que sa déclaration de culpabilité est visée par la définition de l’expression « grande criminalité » prévue à l’alinéa 36(1)a) de la Loi. Elle reconnaît donc avoir été déclarée coupable d’une infraction punissable d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins dix ans, pour laquelle une peine d’emprisonnement de plus de six mois a été imposée.

 

[4]          Par suite de cette déclaration de culpabilité, les défendeurs ont amorcé une procédure pour déterminer si la demanderesse devait être déclarée interdite de territoire au Canada, puis expulsée.

 

[5]          Ron Legault, l’agent d’immigration, a interrogé la demanderesse le 27 juillet 2005, au Centre Vanier pour les femmes à Milton, en Ontario. Le but de l’entrevue était de déterminer si la demanderesse devait être interdite de territoire et si l’agent devait établir un rapport conformément au paragraphe 44(1) de la Loi. Dans une décision rendue le 31 août 2005, l’agent Legault a établi un rapport conformément au paragraphe 44(1) de la Loi (le rapport de l’article 44) indiquant que la demanderesse était interdite de territoire pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la Loi. Le rapport de l’article 44 a alors été examiné et un suivi aux fins d’enquête a été effectué en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi.

 

[6]          Tel que la Loi l’exige, l’étape suivante était la tenue d’une enquête par la Commission. Cette enquête s’est déroulée sur quelques jours entre le 8 novembre 2005 et le 22 mars 2006. Deux questions très importantes ont été soulevées devant la Commission. Plus précisément, la Commission devait décider : a) si la demanderesse avait été privée du droit à l’équité procédurale lors de l’établissement du rapport de l’article 44; b) si la demanderesse était interdite de territoire aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la Loi. La Commission a répondu par l’affirmative aux deux questions dans une décision rendue oralement le 22 mars 2006. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[7]          La demanderesse a présenté deux demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire. La première demande portait sur la décision de l’agent Legault de rejeter sa demande de réexamen du rapport de l’article 44. Dans le cadre de cette demande, la demanderesse cherchait à obtenir l’annulation du rapport en question. L’autorisation a été accordée et l’affaire a été entendue le 9 août 2006 par le juge Blais de la présente Cour. Le juge Blais a rejeté la demande de contrôle judiciaire (Spencer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 990). La question fondamentale soulevée par la demanderesse était de savoir si elle avait été privée du droit à l’équité procédurale lors de l’établissement du rapport de l’article 44. Dans cette affaire, les conclusions suivantes tirées par le juge Blais en réponse aux questions soulevées sont particulièrement importantes :

 

  • L’agent Legault n’a pas commis d’erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, puisqu’il a tenu compte des motifs d’ordre humanitaire.

 

  • L’agent Legault a satisfait à l’obligation de respecter les règles d’équité procédurale à l’égard de la demanderesse. Plus précisément, le juge Blais a conclu que l’agent avait bien expliqué le but de l’entrevue à la demanderesse et l’issue possible, et que la demanderesse avait eu l’occasion de présenter des observations à l’encontre de son renvoi du Canada.

 

  • L’agent Legault a tenu compte de la preuve.

 

[8]          La deuxième demande de contrôle judiciaire, celle dont je suis saisie, porte sur la décision rendue par la Commission. Bien que cette demande semble à première vue différente et nécessiter un examen distinct, une lecture attentive de celle-ci et des questions qui y sont soulevées par la demanderesse indique qu’il s’agit, en fait, d’une demande visant le réexamen des mêmes questions que celles qui ont été tranchées par le juge Blais.

 

[9]          Dans le cadre de la présente demande, la demanderesse soulève les trois questions suivantes :

 

1.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que l’agent avait satisfait à l’obligation de respecter les règles d’équité procédurale à l’égard de la demanderesse?

 

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve ou en l’interprétant incorrectement?

 

3.                  Y a-t-il eu manquement à la justice naturelle du fait que la transcription du témoignage de la demanderesse avait été perdue et n’était pas disponible?

 

[10]   Chacune de ces questions se rapporte exclusivement à la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse n’a pas été privée du droit à l’équité procédurale lors de l’établissement du rapport de l’article 44 par l’agent Legault. Il s’agit exactement de la question dont le juge Blais était saisi et qu’il a tranchée. Aucune question distincte n’a été soulevée.

 

[11]   Les défendeurs allèguent que je devrais par courtoisie judiciaire adopter la décision du juge Blais. La demanderesse fait valoir que le dossier dont je dispose est différent et que, par conséquent, la courtoisie n’est pas justifiée. Selon les faits de la présente affaire, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse.

 

[12]   Lors de l’audience devant le juge Blais, tous les éléments de preuve dont je dispose ont été ou auraient pu être présentés à la Cour. Plus particulièrement, la décision de la Commission a été présentée en tant que preuve. Si la demanderesse avait voulu contester la fiabilité de cette preuve, elle aurait pu le faire. À mon avis, la demanderesse ne fait que soulever à nouveau les mêmes questions dont était saisi le juge Blais. Dans le but d’obtenir un résultat différent, la demanderesse a présenté d’autres éléments de preuve à l’appui de ses arguments. Cependant, après avoir examiné ces éléments de preuve, je conclus qu’il n’y a absolument aucune preuve qui n’était pas à la disposition de la demanderesse au moment de l’audience devant le juge Blais. Par exemple, les transcriptions avaient été fournies à la demanderesse en mai 2006, c’est-à-dire environ quatre mois avant l’audience. Le fait qu’aucune transcription n’était disponible pour un jour au cours de l’enquête était aussi connu de la demanderesse et de son avocat.

 

[13]   En résumé, les parties sont les mêmes, les questions relatives au rapport de l’article 44 établi par l’agent Legault sont exactement les mêmes, les avocats sont les mêmes pour les deux parties, et je ne dispose actuellement d’aucune preuve qui n’aurait pas pu être présentée au juge Blais. Dans les circonstances, je ne suis pas prête à tirer une conclusion différente.

 

[14]   Il s’agit non seulement d’une question de courtoisie, mais aussi d’une question relative au caractère définitif des décisions. Le juge Blais a conclu qu’il n’y avait pas eu manquement à l’obligation d’agir équitablement en matière de procédure dans la décision de l’agent Legault. Le juge a tranché de manière définitive la question et sa décision ne devrait pas être modifiée du seul fait que la demanderesse a présenté d’autres (mais non de nouveaux) éléments de preuve ou arguments dans une instance parallèle.

 

[15]   Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Bien que la demanderesse ait proposé une question aux fins de certification qui porte sur le bien-fondé de sa demande, cette question n’est pas déterminante et ne sera pas certifiée.

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

  1. que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;
  2. qu’aucune question de portée générale ne soit certifiée.

 

 

 

   « Judith A. Snider »

                                                       

                                                                                                Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B, trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                        IMM-1852-06

 

INTITULÉ :                                                                       TRACY-ANN SPENCER

                                                                                            c.

                                                                                            LE MINISTRE DE LA

                                                                                            CITOYENNETÉ ET DE

                                                                                            L’IMMIGRATION ET AUTRE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                               LE 26 JUILLET 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                      LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                                     LE 31 JUILLET 2007  

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Timothy Wichert

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Negar Hashemi

 

                     POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Jackman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

                        POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

                   POUR LES DÉFENDEURS

 

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