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Date :  20070801

Dossier :  IMM-558-07

Référence :  2007 CF 810

OTTAWA (Ontario), le 1er août 2007

En présence de L'honorable Max M. Teitelbaum

 

ENTRE :

RUSUDAN MIKIANI & LEVANI OSASHVILI

Demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à l’encontre d’une décision refusant aux demandeurs leur demande d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue le 10 janvier 2007 par un agent ERAR.

 

 

 

 

FAITS PERTINENTS

[2]               Les demandeurs sont citoyens de Géorgie. La demanderesse principale est d’ethnie mixte, soit demi-géorgienne et demi-abkhaze. Elle est mère de deux enfants qui sont également inclus dans cette demande.

 

[3]               Le 24 avril 2003, les demandeurs se sont présentés à la frontière canadienne de Lacolle, en provenance des États-Unis, afin de revendiquer le statut de réfugié, ayant voyagé avec de faux passeports. La demanderesse principale a allégué une crainte de persécution fondée sur sa double origine abkhaze et géorgienne dans le sens qu’il lui était difficile de trouver un emploi en raison de son origine ethnique. Les demandeurs ont aussi allégué leur crainte de persécution en raison du rôle politique de la demanderesse au sein du « Round Table-Free Georgia Party (Zviadists) ». Leur demande fut rejetée par la Section de protection des réfugiés (la SPR) pour des motifs de crédibilité.

 

[4]               Après avoir entendu leur demande de contrôle judiciaire, celle-ci a été rejetée par le juge Pinard le 28 septembre 2005 qui a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’intervenir dans la décision de la SPR.

 

[5]               La demande d’ERAR a été reçue au CIC le 4 octobre 2006. Dans celle-ci, la demanderesse a allégué des risques de retour en Géorgie en raison de sa double ethnicité et une crainte de persécution pour des motifs politiques. Elle a allégué aussi qu’en raison de la situation économique actuelle en Géorgie, de sa condition de mère monoparentale et de ses origines ethniques, il lui était difficile de trouver un emploi et de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants.

[6]               Le 16 mars 2007, la Cour a refusé d’entendre la requête de sursis présentée par les demandeurs.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[7]               Dans sa décision datée le 10 janvier 2007, l’agent ERAR a conclu que, malgré une présentation différente, il s’agissait des mêmes risques et faits que ceux soumis et évalués par la SPR. L’agent ERAR a aussi conclu que les demandeurs ne risquaient pas d’être torturés ou persécutés, de subir des traitements ou un châtiment cruels ou inhabituels ou de voir leurs vies menacées advenant un renvoi vers la Géorgie.

 

SOUMISSIONS DES PARTIES

Les demandeurs

[8]               Les demandeurs soutiennent principalement que l’agent ERAR n’a pas pris en considération la documentation qui lui a été soumise sur la situation des abkhazes en Géorgie, et donc n’a pas tenu compte des risques invoqués par les demandeurs, et de plus n’a pas indiqué les motifs pour lesquels il a accepté ou rejeté certains éléments de preuve. Il s’agit là en fait de l’argument principal des demandeurs.

 

Le défendeur

[9]               Le défendeur soutient principalement que l’agent ERAR n’a pas erré puisqu’il a conclu que les demandeurs alléguaient essentiellement les mêmes risques et faits que devant la SPR et ne pouvait conclure différemment. De plus, le défendeur soutient que l’agent ERAR a considéré la documentation soumise par les demandeurs dans son analyse des risques, en plus de conclure que cette documentation ne démontre aucun risque pour les demandeurs.

 

QUESTION EN LITIGE

[10]           L’agent ERAR a-t-il commis une erreur méritant l’intervention de cette Cour?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]           En général, il faut faire preuve d'une grande retenue à l'égard des décisions des agents d'ERAR. Si la décision de l'agent d'ERAR n'a rien de déraisonnable, il n'y a pas de question sérieuse. Dans l’affaire Kandiah c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 1307, 2005 CF 1057, le juge Dawson au paragraphe 6 explique la norme de contrôle à appliquer :

 

"Pour ce qui est de la norme de contrôle appropriée devant être appliquée à une décision d'un agent d'ERAR, le juge Mosley, après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, a conclu dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 540, ce qui suit : "la norme de contrôle applicable aux questions de fait devrait être, de manière générale, celle de la décision manifestement déraisonnable; la norme applicable aux questions mixtes de fait et de droit, celle de la décision raisonnable simpliciter; et la norme applicable aux questions de droit, celle de la décision correcte". Le juge Mosley a également endossé la conclusion du juge Martineau dans la décision Figurado c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 458, selon laquelle la norme de contrôle appropriée pour la décision d'un agent d'ERAR est celle de la décision raisonnable simpliciter quand la décision est examinée "globalement et dans son ensemble". Mme la juge Layden-Stevenson a suivi cette décision dans l'affaire Nadarajah c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 895, au paragraphe 13. Pour les motifs énoncés par mes collègues, j'accepte qu'il s'agit là d'une analyse exacte au sujet de la norme de contrôle applicable."

 

 

[12]           En l’espèce, je vais retenir la norme d’une décision raisonnable simpliciter puisque la décision a été examinée globalement et dans son ensemble.

 

ANALYSE

L’agent ERAR a-t-il commis une erreur méritant l’intervention de cette Cour?

[13]           Les demandeurs soutiennent que l’agent ERAR n’a pas pris en considération la documentation qui lui a été soumise sur la situation des abkhazes en Géorgie, et donc n’a pas tenu compte des risques invoqués par les demandeurs. Les demandeurs avancent aussi que l’agent ERAR a pris la décision de la SPR comme la sienne sans s’engager dans une évaluation des risques.

 

[14]           Premièrement, l’agent ERAR a d’abord tenu compte de la décision de la SPR et, lors de son évaluation ERAR, a conclu que la demande ERAR était fondée sur les mêmes risques et faits que ceux invoqués devant la SPR. Dans de tels cas, un agent ERAR peut tirer les mêmes conclusions que la SPR :

 

¶ 14      Les agents d'ERAR ne sont pas liés par les conclusions de la SPR. Par contre, lorsque les éléments de preuve dont disposait l'agent d'ERAR sont essentiellement les mêmes que ceux dont disposait la SPR, il est raisonnable pour un agent d'ERAR de tirer les mêmes conclusions (voir Klais c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 949, 2004 CF 783 au para. 11). En plus, les agents d'ERAR ne siègent pas en appel ni en révision judiciaire, et ils peuvent donc se fier aux conclusions de la SPR lorsqu'il n'y a pas de nouvelle preuve (voir Jacques v. Canada (Solliciteur général), [2004] A.C.F. no 1788, 2004 CF 1481.

(Voir Isomi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 1753).

 

 

[15]           À mon avis, les demandeurs ont soumis les mêmes risques et faits que ceux invoqués devant la SPR. Donc, à cet égard, l’agent n’a commis aucune erreur.

 

[16]           Deuxièmement, en ce qui a trait à l’argument des demandeurs que l’agent ERAR n’a pas considéré la preuve documentaire relative aux risques soumise par ceux-ci et n’a pas indiqué les motifs pour lesquels il a accepté ou rejeté certains éléments de preuve, je suis d’avis que l’agent ERAR n’a pas commis d’erreur à cet égard non plus.

 

[17]           À moins de preuve au contraire présenté par un demandeur, un agent ERAR est présumé avoir considéré toute la preuve devant lui (Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] F.C.J. No. 598; Houssou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 1730, 2006 FC 1375).

 

[18]           Dans sa décision, l’agent mentionne la documentation qu’il a considérée. De surcroît, tel qu’il est établi par la jurisprudence, malgré la soumission de nouvelle preuve documentaire, les demandeurs doivent démontrer un risque personnalisé (Ahmad c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 995 (QL); Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 FC 409, [2005] A.C.F. no 506 (C.F.) (QL); Ould c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2007] A.C.F. no 103, 2007 CF 83).

 

[19]           L’agent a indiqué à deux reprises que la preuve documentaire déposée par les demandeurs ne permettait pas de conclure qu’il y avait des changements dans la situation en Géorgie pour constituer de nouveaux éléments de preuve qui permettraient de conclure différemment de la SPR et qu’il y aurait un risque personnalisé pour les demandeurs.

 

[20]           Ainsi, prise globalement et dans son ensemble, je suis d’avis que la décision de l’agent ERAR n’était pas déraisonnable.

 

[21]           De plus, d’après la preuve au dossier il est possible que les demandeurs pourraient faire l’objet de discrimination s’ils devaient être retournés en Géorgie mais rien ne vient confirmer une possibilité de persécution.

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été soumise pour certification.

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-558-07

 

INTITULÉ :                                       RUSUDAN MIKIANI et al v. Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            TEITELBAUM J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er août 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Andrea C. Snizynsky

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Brendan Naef

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Andrea C. Snizynsky

8772, rue Lajeunesse

Montréal (Québec)

H8N 3G9

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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