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Date : 20070807

Dossier : IMM-4171-06

Référence : 2007 CF 819

Ottawa (Ontario), le 7 août 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

XIU YING CAO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Xiu Ying Cao dit craindre d’être persécutée par les autorités si elle retourne en Chine, pour deux motifs : elle est mère célibataire et elle a fréquenté une église chrétienne clandestine. Elle a présenté une demande d’asile au Canada, mais un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande. Mme Cao soutient que la Commission a commis une erreur en ne prêtant pas foi à son témoignage et en ne tenant pas compte de la preuve documentaire qui étayait sa demande d’asile. Elle demande la tenue d’une nouvelle audience. Je partage l’avis de Mme Cao, en partie, et j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.        La question en litige

[2]               La Commission a-t-elle commis une erreur en ne prêtant pas foi au témoignage de Mme Cao ou en ne tenant pas compte d’une preuve pertinente?

 

II.     Analyse

a)  Les faits pertinents

[3]               Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), Mme Cao a déclaré être devenue membre d’une église chrétienne dans la province de Fujian en 2003. Elle assistait au service religieux le dimanche soir. La même année, elle a rencontré un homme dont elle est devenue amoureuse; celui-ci était cuisinier à l’hôtel où elle travaillait comme serveuse. En 2005, elle a constaté qu’elle était enceinte. Elle a demandé à son petit ami de l’épouser, mais celui-ci a refusé. Elle a alors découvert que ce dernier avait été marié et qu’il avait déjà un enfant. Le petit ami de Mme Cao a quitté son emploi et a abandonné cette dernière. Mme Cao savait qu’avoir un enfant hors mariage était illégal et elle craignait que les autorités ne l’obligent à se faire avorter. Elle est donc allée se cacher chez une tante. Elle a su peu après que les autorités, au courant de sa situation, étaient à sa recherche. Avec l’aide de sa famille, Mme Cao s’est alors enfuie vers le Canada.

 

b)  La décision de la Commission

[4]               La Commission n’a pas cru que Mme Cao était chrétienne, pour les quatre raisons qui suivent :

•           Mme Cao n’a pu préciser ce que signifiait le baptême. Elle a dit qu’il s’agissait d’une profession de foi, sans faire référence au pardon des péchés.

 

•           Mme Cao  n’a pas décrit en détail un service religieux typique de l’église chrétienne en Chine. Elle a dit que les participants se présentaient les uns aux autres, priaient, lisaient la Bible, puis en parlaient. Elle n’a pas dit que les participants chantaient des hymnes ni qu’ils récitaient le Notre Père, même si elle a ensuite reconnu que cela faisait bien partie du service religieux.

 

•           Mme Cao  ne savait pas ce qu’était une « bénédiction ».

 

•           Lors de son arrivée au Canada, Mme Cao n’a pas indiqué qu’elle appartenait à une église chrétienne clandestine.

 

[5]               La Commission n’a pas cru, non plus, que Mme Cao avait démontré craindre avec raison les responsables de la planification familiale en Chine, pour les trois raisons qui suivent. 

•           Il était invraisemblable que les autorités aient eu vent de la grossesse de Mme Cao en mars 2005, comme celle-ci l’a prétendu, parce qu’elle n’était alors enceinte que d’un mois.

 

•           Dans son FRP, Mme Cao a indiqué que les responsables de la planification familiale s’étaient rendus une fois chez elle alors que, pendant son témoignage de vive voix, elle a dit qu’ils se rendaient chez elle une fois par mois.

 

•           Selon la preuve documentaire, Mme Cao pouvait se voir infliger une amende si elle retournait en Chine, mais ne risquait pas de se faire stériliser. En outre, le montant de l’amende infligée serait vraisemblablement moindre que la somme payée par Mme Cao pour venir au Canada.

 

c)      Dispositif

 

[6]               Relativement à la question de la crainte de Mme Cao d’être persécutée pour des motifs religieux, certains éléments de preuve étayaient, à mon avis, la conclusion de la Commission. Celle‑ci était saisie d’éléments appuyant, et d’autres mettant en doute, la prétention de Mme Cao selon laquelle elle était membre d’une église chrétienne clandestine. Étant donné la grande retenue dont il faut faire preuve à l’égard des conclusions de fait de la Commission, rien ne justifie selon moi l’intervention de la Cour à cet égard.

 

[7]               Toutefois, quant à la question de la crainte de la part de Mme Cao des responsables de la planification familiale, j’en suis venu à une conclusion contraire. Premièrement, je n’estime pas invraisemblable, contrairement à la Commission, que ces responsables aient pu apprendre la grossesse de Mme Cao peu après qu’elle en eut fait l’annonce à sa famille, à son petit ami et à ses coreligionnaires. Lorsqu’il s’agit d’une conclusion d’invraisemblance, la Cour est souvent en aussi bonne situation que la Commission pour décider s’il est raisonnable de croire un scénario ou une série d’événements particuliers décrits par un demandeur d’asile (Divsalar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CFPI 653, [2002] A.C.F. n° 875 (QL)(1re inst.) (paragraphe 6)).

 

[8]               Deuxièmement, j’estime que la Commission a commis une erreur en traitant la preuve documentaire. La Commission a relevé à juste titre que l’enfant né à l’étranger d’un couple chinois ne serait probablement pas inclus dans le compte d’enfants aux fins de la politique de l’enfant unique. Toutefois, la Commission n’était saisie d’aucune preuve justifiant sa conclusion selon laquelle les autorités seraient tout aussi tolérantes face à une mère célibataire retournant en Chine avec un enfant né à l’étranger. La Commission savait qu’il était illégal en Chine pour une célibataire d’avoir un enfant et, qu’à tout le moins, celle-ci pouvait se voir infliger une lourde amende. Malgré cela, la Commission n’a pas fait état d’éléments de preuve pouvant étayer la crainte alléguée par Mme Cao de subir un avortement forcé (avant son départ) ou une stérilisation forcée (une fois de retour en Chine). Finalement, la preuve documentaire faisait voir clairement qu’il est extrêmement difficile d’obtenir de l’information sur l’application de la réglementation en matière de planification familiale dans certaines régions de la Chine, y compris la province du Fujian. Cela étant, il était risqué de conclure qu’en l’absence d’une preuve directe du traitement réservé aux personnes dans la même situation que Mme Cao, la crainte de persécution de cette dernière n’était pas fondée.

 

[9]               Par conséquent, j’accueillerai la présente demande et ordonnerai qu’un tribunal différemment constitué de la Commission procède à une nouvelle audition, portant uniquement sur la question de la crainte de Mme Cao d’être persécutée en tant que mère célibataire. Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé la certification d’une question de portée générale, et aucune ne sera formulée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et il est ordonné qu’un tribunal différemment constitué procède à une nouvelle audition, portant uniquement sur la question de la crainte de Mme Cao d’être persécutée en tant que mère célibataire.

2.      Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4171-06

 

INTITULÉ :                                       XIU YING CAO c. LE MINSITRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 24 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 7 AOÛT 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

David Knapp

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

LEVINE ASSOCIATES

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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