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Date : 20070810

Dossier : T-2113-06

Référence : 2007 CF 833

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 10 août 2007

En présence de Me Kevin R. Aalto, protonotaire

 

ENTRE :

GLAXOSMITHKLINE BIOLOGICALS S.A.

 

demanderesse

(partie requérante)

et

 

 

 

NOVARTIS VACCINES AND DIAGNOSTICS, INC.

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente requête vise à faire radier la demande reconventionnelle de la défenderesse sans autorisation de modification et à faire radier le paragraphe 7 de la défense sans autorisation de modification.

 

Résumé des faits

[2]               La demanderesse (« GSK ») a intenté cette action le 4 décembre 2006 en application de l’art. 60 de la Loi sur les brevets pour faire invalider le brevet canadien no 2 017 507 (le « brevet 507 ») dont la défenderesse (« Novartis ») est titulaire.

 

[3]               GSK sollicite une déclaration d’invalidité du brevet 507. Le brevet 507 divulgue un adjuvant destiné aux vaccins. Ce brevet expire le 24 mai 2010. GSK fonde son allégation d’invalidité aux motifs d’absence de nouveauté, d’évidence, de manque d’utilité, de la trop grande étendue de son mémoire descriptif, d’ambiguïté et de son caractère indéfini.

 

[4]               Comme il est décrit dans la déclaration, le brevet 507 concerne de manière générale les adjuvants de vaccin contenant une huile métabolisable et un agent émulsifiant, avec ou sans agent immunostimulant distinct, dans lesquels l’huile et l’agent émulsifiant sont présents sous la forme d’une émulsion « huile dans eau », la quasi-totalité des gouttelettes d’huile ayant moins d’un micron de diamètre, et qui sont exempts de copolymère séquencé polyoxypropylène-polyoxyéthylène.

 

[5]               GSK fait valoir dans sa déclaration qu’elle souhaite vendre au Canada un vaccin contenant un adjuvant composé des mêmes éléments que ceux décrits dans le brevet 507 (les « adjuvants de GSK »). GSK fait ensuite valoir que Novartis pourrait alléguer que les adjuvants de GSK constituent une contrefaçon d’une partie ou de l’ensemble du brevet 507.

 

[6]               Au paragraphe 7 de sa défense, Novartis fait valoir notamment que [traduction] « GSK a l’intention de fabriquer, importer, distribuer, utiliser, offrir en vente et vendre au Canada des adjuvants ». Novartis prétend que [traduction] « la fabrication, l’importation, la distribution, l’utilisation, la mise en vente et la vente d’adjuvants par GSK » constitue une contrefaçon des réclamations du brevet 507.

 

[7]               Dans sa demande reconventionnelle, Novartis sollicite une déclaration établissant que les adjuvants de GSK sont une contrefaçon du brevet 507 et sollicite notamment une injonction interdisant à GSK de fabriquer, distribuer, offrir en vente, vendre des adjuvants de GSK au Canada, à octroyer des licences relatives à ces adjuvants ou à rendre les adjuvants disponibles ou utilisables au Canada d’autres façons. Dans toute la demande reconventionnelle, Novartis décrit la conduite de GSK de façon hypothétique. Novartis prétend que GSK « propose » de vendre, « a l’intention » de vendre, « a l’intention d’utiliser » et « a l’intention de formuler » les adjuvants de GSK.

 

[8]               Étant donné qu’elle propose et a l’intention de vendre des adjuvants, conclut Novartis, GSK a réalisé ou réalisera un profit illégal et Norvatis subit ou subira des pertes et des dommages. Dans sa plaidoirie, Novartis précise qu’elle ne mesure pas la portée des activités de contrefaçon de GSK.

 

Question en litige

 

[9]               Je ne vois ni au paragraphe 7 de la défense ni en aucune partie de la demande reconventionnelle des faits substantiels qui viendraient appuyer les allégations de contrefaçon du brevet 507 par GSK. Ces allégations sont purement hypothétiques.

 

[10]           La demande reconventionnelle et le paragraphe 7 de la défense se fondent entièrement sur une action quia timet. Quia timet signifie en latin « parce qu’il craint ». Pour obtenir réparation à titre préventif ou quia timet, la menace doit être réelle ou imminente (voir Dukelow, The Dictionary of Canadian Law, Thomson Carswell [3d ed.], p. 1055). Par conséquent, la question à trancher est de savoir si Novartis a invoqué une cause raisonnable d’action pour empêcher la radiation de sa demande reconventionnelle et du paragraphe 7 de sa déclaration.

 

Analyse

 

[11]           La Cour peut radier un acte de procédure lorsque cet acte ne révèle pas de cause d’action valable. L’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales prévoit ce qui suit :

221 (1)  À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable [. . .]

 

[12]           Il est de jurisprudence constante qu’un acte de procédure ne peut être radié sauf s’il est évident et manifeste qu’il ne révèle aucune cause d’action valable (voir par exemple Hunt c. Carey, [1990] 2 R.C.S. 959, paragraphe 18). En outre, les faits substantiels d’un acte de procédure doivent être considérés comme véridiques. Les actes de procédure visés sont des actes préventifs. Il est possible d’alléguer dans un acte de procédure quia timet la contrefaçon d’un brevet. Le critère à appliquer pour déterminer si une procédure préventive a été formulée correctement a été établi par le juge Gibson dans la décision Connaught Laboratories Ltd. c. SmithKline Beecham Pharma Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 36, p. 42 :

De cette jurisprudence, je tire à l’égard des allégations les critères suivants qui doivent être respectés, de manière évidente, au vu de la déclaration dans une procédure préventive alléguant la contrefaçon de brevet : la déclaration doit alléguer une intention exprimée et délibérée de s’engager dans une activité dont le résultat implique une forte possibilité de contravention; il doit être allégué que l’activité en question est imminente et que le préjudice en résultant est très important, sinon irréparable; et, finalement, les faits plaidés doivent être pertinents, précis et déterminants. Des allégations vagues, ne portant que sur une intention ou relevant de la pure spéculation ne suffisent pas. (Non souligné dans l’original.)

 

 

[13]           Lorsque ce critère est appliqué aux actes de procédure en l’espèce, il est évident et manifeste qu’aucune cause d’action valable n’a été révélée et que le paragraphe 7 de la défense et la demande reconventionnelle doivent être radiés. J’y vois seulement que GSK « a l’intention » ou « propose » de fabriquer, formuler, utiliser ou vendre. Ces allégations ne suffisent pas à appuyer une action en contrefaçon préventive.

 

[14]           De plus, dans la décision Faulding (Canada) Inc. c. Pharmacia S.p.A. (1998) 82 C.P.R. (3d) 435 à la p. 439 :

Les allégations de contrefaçon fondées sur des agissements futurs imprécis relèvent du domaine de la spéculation. Elles sont de ce fait prématurées et doivent être radiées [renvois omis]. De même, les conclusions fondées sur l’« intention » qu’a quelqu’un d’accomplir certains actes sont irrégulières et doivent être radiées [renvois omis].

 

[15]           Novartis fait valoir que les actes de procédure sont suffisants pour soutenir une affaire quia timet de contrefaçon de brevet et que l’acte de procédure satisfait au critère établi pour une procédure préventive en matière de contrefaçon de brevet. Novartis soutient que GSK ne dispose d’aucun fondement pour intenter cette action maintenant dans le but de faire déclarer nul le brevet 507, car ce dernier expire dans moins de trois ans. Elle ajoute que la seule conclusion possible est que GSK prévoit vendre l’adjuvant de GSK très bientôt, c’est-à-dire bien avant l’expiration du brevet 507. Cet argument est entièrement spéculatif. Aucun fait déterminant n’a été présenté dans le but d’attester de l’imminence d’une telle activité de GSK ni aucun fait déterminant autre que la simple possibilité qu’il y ait contrefaçon. Aucune des décisions citées par Novartis n’appuie son argumentation. Il se peut que des faits déterminants soient portés à l’attention de Novartis et que ces faits appuient une action préventive en matière de contrefaçon de brevet. Je n’en ai vu aucun.

 

[16]           En outre, la demande reconventionnelle et le paragraphe 7 ne devraient pas servir d’arme à Novartis en vue de tenir un interrogatoire préalable et de renforcer ses revendications et d’utiliser le processus d’interrogatoire préalable de façon irrégulière pour une enquête à l’aveuglette (voir les commentaires du juge Rothstein dans l’affaire Merck & Co. c. Apotex Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 515 à la p. 516).

 

[17]           Pour ces motifs, le paragraphe 7 de la défense de même que la demande reconventionnelle sont radiés sans autorisation de modification. Cependant, je reprends les propos du juge Gibson dans l’affaire Connaught, précitée, à la p. 43. Les voici :

« Aucune de mes conclusions ne doit s’interpréter de façon à interdire, d’une manière quelconque, une autre action par Connaught, même à titre préventif, s’il devenait possible de faire valoir une preuve plus étoffée d’une intention exprimée par SKB de commercialiser de façon imminente son vaccin au Canada, avec le résultat qu’il deviendrait fort probable que le brevet de Connaught soit contrefait. »

 

De même, si de nouveaux éléments de preuve plus pertinents à l’appui d’une intention réelle et imminente de contrefaçon par GSK venaient à sa connaissance et satisfaisaient au critère d’une action en contrefaçon quia timet, Novartis pourrait prendre les mesures conseillées pour présenter ce type de demande. L’argumentation actuelle du paragraphe 7 et de la demande reconventionnelle ne suffit pas. Il est compréhensible de s’interroger sur la raison d’être de la requête d’invalidité du brevet 506, alors que le brevet expire dans trois ans à peine. Cependant, à cette conjoncture, les actes de procédure quia timet de Novartis au paragraphe 7 de la défense et à la demande reconventionnelle ne sont que spéculation.

 

[18]           Ayant eu gain de cause sur cette requête, GSK a droit aux dépens. Les avocats des parties ont affirmé que 2 000,00 $ serait un montant adéquat.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

1.                  La demande reconventionnelle est radiée sans autorisation de modification.

 

2.                  Le paragraphe 7 de la défense est radié sans autorisation de modification.

 

3.                  L’action doit se poursuive sous une gestion spéciale de l’instance.

 

4.                  La demanderesse a droit aux dépens de la présente requête, lesquels sont fixés à 2 000,00 $ et payables immédiatement.

 

 

 

« Kevin R. Aalto »

Protonotaire

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2113-06

 

INTITULÉ :                                       GLAXOSMITHKLINE BIOLOGICALS S.A. c.

NOVARTIS VACCINES AND DIAGNOSTICS, INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 JUILLET 2007  

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE PROTONOTAIRE AALTO

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 10 AOÛT 2007

 

 

COMPARUTIONS :                           

 

M. Patrick E. Kierans                              POUR LA DEMANDERESSE

Mme Jordana Sanft                                   

 

Mme Angela M. Furlanetto                        POUR LA DÉFENDERESSE

M. Sangeetha Punniyamoorthy                 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :              

 

OGILVY RENAULT S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)                                     POUR LA DEMANDERESSE

 

 

DIMOCK STRATTON LLP

Toronto (Ontario)                                     POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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