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Date : 20070907

Dossier : T‑424‑06

Référence : 2007 CF 894

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

ENTRE :

TANYA ESTWICK et

AMANDA QUINTILIO

demanderesses

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Introduction

 

[1]               Les demanderesses, Tanya Estwick et Amanda Quintilio, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 9 février 2006 par un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑35 (la LRTFP), abrogée par la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, article 285. Par cette décision, l’arbitre rejetait un grief conjoint (le grief) déposé par les demanderesses le 8 mai 2003, au motif que les demanderesses n’étaient pas des employées au sens de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑33 (la LEFP), abrogée par la Loi sur la modernisation de la fonction publique, article 284, et qu’il n’avait donc pas compétence pour juger l’affaire.

II.  Les faits

 

[2]               Les faits intéressant la présente instance ne sont pas contestés, et les parties ont présenté à l’arbitre un exposé conjoint des faits.

[3]               En décembre 2000, le Service correctionnel du Canada (le SCC) a fait insérer dans le journal Grande Cache Mountaineer une annonce concernant possibilités d’emploi, à l’Établissement de Grande Cache (l’Établissement) pour deux personnes titulaires de diplômes universitaires, qui travailleraient dans les programmes de réinsertion des délinquants sexuels. Les demanderesses ont posé leurs candidatures et ont été soumises à des entrevues, à l’Établissement, devant un comité composé de trois employés de l’Établissement. Les demanderesses détenaient toutes les deux des diplômes universitaires, comme le requérait l’annonce. Elles ont été embauchées par le SCC, avec entrée en fonctions le 1er janvier 2001. Leurs contrats étaient identiques et précisaient qu’elles étaient embauchées comme « entrepreneurs ». Ils prévoyaient expressément qu’il incombait aux demanderesses de s’assurer qu’une relation employeur‑employé ne prenne pas naissance pendant la durée des contrats.

[4]               Les demanderesses ont commencé de travailler pour l’Établissement le 1er janvier 2001 en tant que facilitatrices d’un programme du SCC conçu pour le traitement et la réadaptation des délinquants déclarés coupables de délits sexuels. M. Ford Cranwell, chef de l’unité de psychologie à l’Établissement, était leur surveillant. À l’expiration de leurs contrats de trois mois le 31 mars 2001, M. Cranwell avait prié les demanderesses de poursuivre leur travail jusqu’à la rédaction d’un nouveau contrat. En juillet 2001, l’Établissement a présenté de nouveaux contrats d’un an aux demanderesses; ces contrats renfermaient essentiellement les mêmes conditions que les contrats antérieurs. Les demanderesses ont signé les nouveaux contrats, dont l’entrée en vigueur était le 1er juillet 2001.

 

[5]               Les demanderesses ont continué de travailler après l’expiration de ces contrats et ont signé le 31 juillet 2002 de nouveaux contrats écrits. Ces contrats couvraient la période d’un an allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003. Les modalités de ces contrats étaient semblables à celles des contrats antérieurs.

[6]               Selon les contrats, les demanderesses recevaient une rétribution horaire fixe pour services rendus, assortie de maxima mensuels et annuels. Ils ne renfermaient aucune clause portant sur les avantages sociaux, les congés de maladie, les congés annuels ou les jours fériés. Les demanderesses n’ont réclamé aucun de ces avantages sociaux, et aucune cotisation syndicale n’a été déduite de leur rémunération. Elles présentaient des factures bimensuelles dans lesquelles elles étaient désignées « entrepreneurs ».

[7]               L’Établissement a informé les demanderesses que leur taux de rémunération était fixé par le SCC au même niveau que les rémunérations ordinaires versées aux agents d’exécution de programmes qui sont des employés nommés pour des périodes indéterminées. Les demanderesses n’ont pas eu la possibilité de négocier leur taux de rémunération.

[8]               À toutes les époques pertinentes, le directeur de l’Établissement était M. Wendell Headrick (le directeur). Il avait obtenu de la Commission de la fonction publique (la CFP) le pouvoir délégué de faire des nominations conformément à la LEFP.

 

[9]               Dans leur exposé conjoint des faits, les demanderesses ont décrit les circonstances et conditions de leur milieu professionnel alors qu’elles travaillaient à l’Établissement. Elles partageaient un bureau portant leurs noms marqués au pochoir sur un panneau de verre. Elles avaient des ordinateurs, des boîtes aux lettres, des postes téléphoniques qui leur étaient assignés, des fournitures de bureau et des adresses électroniques du SCC où elles recevaient les mêmes courriels collectifs que les employés nommés pour des périodes indéterminées. Elles ont participé à divers programmes et cours de formation durant leurs fonctions à l’Établissement. Elles avaient principalement pour tâche d’appliquer le programme de réinsertion sociale des délinquants sexuels, mais elles étaient périodiquement affectées aussi à des travaux de secrétariat au Service de psychologie.

[10]           Les demanderesses ont été priées de signer des documents attestant leur engagement à se conformer à certaines lignes de conduite. Le surveillant leur a demandé d’accomplir certaines tâches des commis aux évaluations psychologiques à partir de mai 2002. Ces tâches furent ajoutées à leurs nouveaux contrats par modification, sous la rubrique [TRADUCTION] « autres fonctions assignées par le psychologue agissant comme superviseur ».

[11]           Les demanderesses devaient se présenter au travail à heures fixes et informer leur surveillant de toute absence, en lui indiquant le motif. Elles devaient assister aux réunions du ministère et de l’Établissement qui en général portaient sur des sujets ne relevant pas de leurs responsabilités. Elles avaient accès à presque toutes les parties de l’édifice, ainsi qu’à une diversité de renseignements sensibles. Dans leur travail, elles étaient étroitement dirigées et observées par leur surveillant. Elles bénéficiaient de divers avantages institutionnels, par exemple des sacs à lunch gratuits, des stylos et autres, et elles étaient invitées aux activités du personnel.

 

[12]           En octobre 2002, l’Établissement a informé les demanderesses qu’il traversait une crise financière et que tous les contrats allaient être revus. Après avis de leur surveillant, les demanderesses ont offert de renoncer à 40 jours de leurs contrats. Cette offre a été acceptée par l’Établissement. Le surveillant a envoyé une note de service au directeur de l’Établissement durant cette période pour justifier sa décision de garder les demanderesses.

[13]           Le contrat de 2002‑2003 présenté aux demanderesses par l’Établissement différait quelque peu du contrat antérieur. Il prévoyait que la taxe sur les produits et services (la TPS) devait être ajoutée aux factures des demanderesses. Mme Quintilo a demandé et obtenu un numéro de TPS de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). Mme Estwick a demandé un numéro de TPS, mais elle a été informée par l’ARC que sa demande et son contrat seraient étudiés par l’ARC.

[14]           Le 4 février 2003, une réunion a eu lieu entre les demanderesses, leur surveillant, le directeur de l’Établissement et M. Mel Sawatsky, un vérificateur de l’ARC. M. Sawatsky a informé les demanderesses qu’elles étaient des employées de l’administration fédérale, non des entrepreneurs. Il leur a remis des bordereaux T4 pour les années d’imposition 2001 et 2002 et a informé Mme Quintilo que son numéro de TPS était annulé.

[15]           Peu après, l’Établissement a versé à l’ARC les sommes dues pour les demanderesses au titre des cotisations au Régime de pensions du Canada et des primes d’assurance‑emploi de l’exercice 2001‑2002. Cependant, l’Établissement n’a pas déduit des chèques remis aux demanderesses les cotisations au Régime de pensions du Canada (RPC) ni les primes d’assurance‑emploi (A‑E).

[16]           Le 24 mars 2003, M. Bill Wallis, directeur des Finances de l’Établissement, a informé les demanderesses qu’elles devaient continuer de se faire rémunérer comme entrepreneurs, mais cesser de facturer la TPS. Cependant, il leur a dit aussi qu’il leur faudrait produire leurs déclarations de revenus en tant qu’employées. Quand Mme Quintilio lui a demandé si le SCC les considérait comme entrepreneurs ou comme employées, M. Wallis lui a répondu qu’elles n’étaient ni des entrepreneurs ni des employées.

[17]           Le 17 avril 2003, les demanderesses ont reçu de M. Headrick des lettres identiques datées du 7 avril 2003. Ces lettres mentionnaient que, même si l’ARC avait conclu que les demanderesses étaient des employées liées par des contrats de louage d’ouvrage, il n’était pas pour autant nécessaire qu’une nomination soit faite en vertu de la LEFP. La lettre contenait l’affirmation explicite suivante :

[traduction] Pour être un « employé » de la fonction publique fédérale, il faut être nommé en vertu de la LEFP. Dans votre cas, cela n’a pas eu lieu, et n’aura pas lieu. Nous continuerons de vous rémunérer selon ce que prévoit notre contrat et de verser en votre nom à l’ADRC [aujourd’hui l’ARC] les déductions afférentes au RPC et à l’A‑E.

 

 

 

[18]           Les demanderesses ont rencontré le même jour, savoir le 17 avril 2003. M. Headrick et M. Paul Bailey, le directeur adjoint intérimaire de l’Établissement, les demanderesses les ont informés que l’ARC leur avait dit que leurs contrats étaient nuls et sans effet et qu’elles étaient des employées du SCC.

 

[19]           Le 23 avril 2003, Mme Quintilio a reçu du SCC une lettre qui lui apprenait qu’elle‑même et Mme Estwick n’avaient pas été nommées en vertu de la LEFP, malgré la conclusion de l’ARC. Le 30 avril 2003, les demanderesses ont été informées par des lettres identiques que leurs contrats seraient résiliés à compter du 9 mai 2003.

[20]           Les demanderesses ont déposé un grief le 8 mai 2003. L’Établissement leur a répondu, par lettre de même date, que le grief était refusé au motif que les demanderesses n’étaient pas des employées selon la LEFP.

[21]           En réponse à une requête des demanderesses qui voulaient obtenir leurs dossiers d’emploi, l’Établissement leur a remis des lettres qui contenaient des renseignements semblables à ceux d’un dossier d’emploi. Les demanderesses ont sollicité, et obtenu, des prestations d’assurance‑emploi.

[22]           Le statut des demanderesses a été l’objet d’un contrôle judiciaire, portant le numéro du greffe T‑946‑03. Par une ordonnance motivée rendue dans l’affaire Estwick c. Canada (Conseil du Trésor), [2004] 257 F.T.R. 84, la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire, la jugeant prématurée parce que les demanderesses n’avaient pas épuisé leurs autres recours. Le SCC et le syndicat des employés du solliciteur général, un élément de l’agent négociateur, l’Alliance de la fonction publique du Canada, ont donc décidé de renvoyer le grief à l’arbitrage.

 

[23]           La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP) a rejeté le grief des demanderesses au motif qu’elles n’étaient pas des employées au sens de l’article 92 de la LRTFP. Selon l’arbitre, aucune offre officielle de nomination n’avait été faite par le directeur de l’Établissement, et le directeur seul était investi du pouvoir délégué de faire des nominations à des postes au sein de l’Établissement. Selon l’arbitre, la CFP était seule habilitée à faire des nominations au SCC, et le SCC faisait partie de la fonction publique. Le principe du mérite avait été appliqué pour choisir les demanderesses, mais la CFP n’était pas intervenue dans la sélection.

[24]           Selon l’arbitre, il est « généralement reconnu » que, avant qu’une nomination soit faite, la CFP doit procéder à une vérification des priorités pour s’assurer qu’il n’y a pas de candidats qualifiés dans son répertoire.

[25]           L’arbitre a aussi conclu qu’il n’était pas établi que la CFP était intervenue dans le recrutement des demanderesses, ni avant ni après. Il n’était pas établi que les demanderesses avaient été nommées à des postes créés par le Conseil du Trésor, que les postes en question avaient été créés par le SCC ou par le Conseil du Trésor, ou que le directeur de l’Établissement avait jamais nommé les demanderesses conformément au pouvoir qui lui avait été délégué en vertu de la LEFP. Il n’était pas établi qu’un acte de nomination en règle avait été délivré aux demanderesses.

[26]           L’arbitre a jugé que la décision de l’ARC se rapportait aux déductions intéressant l’A‑E et le RPC. Elle ne signifiait pas que les demanderesses étaient des employées de la fonction publique. Finalement, l’arbitre a trouvé que « la notion de “fonctionnaire” est définie différemment selon le régime législatif ».

 

[27]           C’est la décision de l’arbitre qui est l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

III.  Les prétentions

A.  Les prétentions des demanderesses

[28]           Les demanderesses se sont d’abord intéressées à la norme de contrôle applicable. Elles soutiennent que la norme de contrôle applicable ici est celle de la décision correcte. S’agissant des quatre facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, elles soutiennent que la décision de l’arbitre n’est pas protégée par une clause privative. Elles font aussi valoir que les tribunaux ont une plus grande expérience de l’interprétation des lois qu’un arbitre. Elles prétendent aussi que l’objet de la LRTFP est d’offrir une protection aux employés de la fonction publique et que par conséquent le déni de droits prévus par ce texte de loi « justifie un examen plus serré ».

[29]           Finalement, elles soutiennent que la présente affaire soulève une pure question de compétence, en ce sens que l’arbitre devait au préalable déterminer le champ de sa compétence. Les demanderesses reconnaissent que les questions de compétence ne requièrent pas automatiquement l’application de la norme de la décision correcte, mais elles disent que telles questions « justifieront en général un examen serré ». Au soutien de leurs arguments, les demanderesses invoquent les arrêts suivants : Alliance de la fonction publique du Canada (Procureur général) et Econosult Inc., [1991] 1 R.C.S. 614 (l’arrêt Econosult), et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 (l’arrêt Pushpanathan).

 

[30]           S’agissant du droit applicable, les demanderesses reconnaissent que le critère habituel de la common law pour déterminer s’il y a ou non relation employeur‑employé n’est pas déterminant dans le contexte de la fonction publique fédérale. Elles disent plutôt qu’il est nécessaire que soient respectées les exigences de la LEFP, en particulier l’obligation d’appliquer le principe du mérite comme le prévoit le paragraphe 10(1) de la LEFP. Sur ce point, elles invoquent l’arrêt Econosult et l’arrêt Canada (Procureur général) c. Greaves, [1982] 1 C.F. 806 (C.A.F.). Elles soutiennent aussi que, en application des articles 6 et 8 de la LEFP, la CFP peut déléguer aux sous‑ministres des ministères et à leurs fonctionnaires son pouvoir exclusif de procéder à des nominations.

[31]           Selon les demanderesses, l’arrêt Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489 (l’arrêt Brault) définit les étapes préliminaires à franchir pour une nomination à un poste de la fonction publique. Les étapes sont les suivantes :

a.       Un ministère doit décider qu’un poste doit être établi et il doit définir les fonctions correspondantes et les qualités requises;

b.      Une approbation financière doit être obtenue du Conseil du Trésor; et

c.       La nomination requise est faite par l’instance compétente, conformément au processus de sélection décrit dans la LEFP.



[32]           Les demanderesses font valoir que, d’après l’arrêt Brault et l’arrêt Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503 (l’arrêt Doré), il n’est pas nécessaire que l’administration ait l’intention d’établir un poste et de procéder à une nomination au sens de la LEFP. Selon elles, cette jurisprudence fait que l’absence d’intention de procéder à une nomination n’est pas un obstacle à l’acquisition du statut d’employé selon la LEFP, pour autant qu’il y ait [traduction] « conformité à l’exigence capitale d’une sélection conforme au principe du mérite ».

 

[33]           Selon les demanderesses, il s’agit là d’une interprétation fondée sur l’objet visé, une interprétation qui s’accorde avec la jurisprudence antérieure, par exemple l’arrêt Bambrough c. Canada (Comité d’appel de la Commission de la fonction publique), [1976] 2 C.F. 109 (C.A.). Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale avait reconnu le « principe du mérite » comme l’objectif dominant selon la LEFP, et comme le critère essentiel d’après lequel devait être évalué l’exercice des pouvoirs conférés par ce texte.

[34]           Les demanderesses reconnaissent aussi que les exigences de la LEFP ne sont pas supplantées par des circonstances factuelles ou par le critère de common law qui sert à déterminer s’il y a ou non relation employeur‑employé. Néanmoins, elles disent que la jurisprudence ne rend pas les principes de common law hors de propos aux fins de la LEFP. Selon elles, dans la mesure où les conditions de fond des processus de sélection prévus par la LEFP sont remplies, les « irrégularités techniques » d’un recrutement peuvent être corrigées au vu de la common law. Sur ce point, elles s’appuient là encore sur l’arrêt Econosult, ainsi que sur l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. Elles font valoir que la « sagesse » d’une telle approche est attestée par une décision de la CRTFP, Alliance de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), [2002] 4 C.N.L.R. 172 (la décision Six Nations). Selon les demanderesses, la CRTFP a tenu compte, dans le contexte de la LEFP, des facteurs de la common law en matière d’emploi. Les demanderesses soutiennent aussi qu’un arrêt de la Cour d'appel fédérale, Canada (Procureur général) c. Marinos, [2004] 4 C.F. 98 (l’arrêt Marinos), milite ici en faveur de l’application de la norme de la décision correcte.

[35]           Les demanderesses font valoir qu’elles ont été embauchées par le SCC à la faveur d’un processus fondé sur le principe du mérite. Elles fondent cet argument sur le fait que le SCC avait publié une annonce énumérant les qualités requises et avait fait une sélection préliminaire des candidatures. Elles disent que le SCC avait aussi réuni un comité de trois membres chargé d’organiser des entrevues avec les candidats et que, à la fin de ce processus, il avait retenu les demanderesses en tant que candidates les plus qualifiées. Elles ajoutent que l’arbitre s’est dit persuadé que le principe du mérite avait été appliqué pour les choisir.

[36]           Les demanderesses soutiennent aussi que le SCC a bien circonscrit et défini les postes d’une manière qui répondait à la condition préliminaire de l’arrêt Brault, en indiquant les postes à pourvoir comme postes de facilitateurs d’un programme de réinsertion des délinquants sexuels, à l’Établissement de Grande Cache, ainsi qu’en rédigeant une description des fonctions et des énoncés de qualités pour les postes et en publiant cette description dans le journal local. Selon les demanderesses, le SCC a clairement indiqué, dans l’énoncé des travaux figurant dans les contrats des demanderesses, sa vision des postes à pourvoir et des fonctions correspondantes. Les demanderesses ajoutent qu’un témoin du SCC a reconnu que les fonctions étaient largement les mêmes que celles figurant dans la description d’emploi d’un agent des programmes correctionnels (WP‑4).

[37]           Les demanderesses relèvent aussi que les postes à l’Établissement de Grande Cache étaient requis en permanence, que, selon l’arbitre, les services fournis par les demanderesses étaient nécessaires « pour répondre à des besoins pendant une période prolongée », et que le ministère est tenu d’appliquer des programmes de réadaptation des délinquants sexuels pour faciliter la réinsertion des délinquants en application de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLSC).

[38]           Les demanderesses font valoir que l’arbitre a commis une erreur en se fondant sur divers motifs pour conclure qu’aucune nomination n’avait été faite. Elles disent que l’erreur dominante commise par l’arbitre est le fait qu’il s’est attaché à savoir si le défendeur entendait faire une nomination à un poste de la fonction publique fédérale.

[39]           Sur ce point, elles disent que le directeur de l’Établissement de Grande Cache était investi d’un pouvoir délégué d’embauche aux termes de la LEFP et que, même si ce n’est pas lui qui a mené les entrevues et choisi les candidates, c’est néanmoins lui qui a procédé aux nominations en cause puisqu’il avait connaissance de la tenue du concours et qu’il avait approuvé la sélection faite parmi les candidats. Se fondant sur l’arrêt Doré, à la page 510, les demanderesses disent que l’arbitre a commis une erreur en concluant que le directeur de l’Établissement ne pouvait pas les avoir nommées parce qu’il n’avait pas l’intention de le faire.

[40]           Les demanderesses font ensuite valoir que l’arbitre a commis une erreur de droit en se fondant sur l’absence de lettres officielles d’offres ou d’actes officiels de nomination. Elles disent que la LEFP n’exige pas une lettre officielle d’offre et elles font valoir que l’acte de nomination qui est requis par l’article 22 de la LEFP peut être délivré à tout moment après qu’est faite une nomination; voir le jugement Oriji c. Canada (Procureur général), [2003] 2 C.F. 423 (1re inst.) (le jugement Oriji).

[41]           Troisièmement, les demanderesses contestent le propos de l’arbitre selon lequel il n’y a eu aucune nomination parce qu’aucune vérification des priorités n’a été faite. Elles disent que la LEFP n’oblige pas la CFP à effectuer une vérification des priorités avant de faire une nomination à un poste au sein de la fonction publique lorsque la nomination est faite par une instance investie d’un pouvoir délégué. En outre, selon les demanderesses, ni l’arrêt Brault, ni l’arrêt Doré, ni la décision Six Nations, ne disent que l’intervention de la CFP dans le processus de nomination est requise lorsque le pouvoir de dotation a été délégué à un sous‑ministre.

[42]           Quatrièmement, les demanderesses contestent la conclusion de l’arbitre selon laquelle la décision de l’ARC était hors de propos, tout comme les circonstances entourant leurs nominations. Elles reconnaissent que, bien que selon la décision de l’ARC elles soient des « employées » aux fins de l’A‑E et du RPC, ni la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, ni le Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8, ne renvoient à la LEFP. Cependant, les demanderesses notent que l’alinéa 5(1)b) de la Loi sur l’assurance‑emploi dispose qu’un emploi assurable comprend « un emploi qui relève de Sa Majesté du chef du Canada », et que l’alinéa 6(1)b) du Régime de pensions du Canada dispose, quant à lui, qu’un emploi ouvrant droit à pension comprend lui aussi « un emploi qui relève de Sa Majesté du chef du Canada ».

[43]           Elles reconnaissent aussi que l’on ne peut être un employé du gouvernement fédéral que par application de la LEFP. Elles soutiennent que ni le Régime de pensions du Canada ni la Loi sur l’assurance‑emploi n’exposent un autre moyen de définir un « emploi » relevant de l’administration fédérale. Elles soutiennent que, en application des principes d’interprétation des lois, la Loi sur l’assurance‑emploi, le Régime de pensions du Canada et la LEFP devraient être lues ensemble.

 

[44]           Les demanderesses soutiennent qu’il est « inconcevable » que le législateur ait voulu que des personnes puissent être des employés aux fins de l’assurance‑emploi et des prestations de pension, mais non aux fins d’autres avantages sociaux comme ceux dont il est question dans la LEFP et la LRTFP.

[45]           En l’espèce, les demanderesses disent que le défendeur n’a pas fait appel de la décision de l’ARC. Selon elles, la décision de l’ARC lie le Conseil du Trésor, en sa qualité d’employeur. Elles soutiennent que la décision de l’arbitre les place dans la « situation absurde » de devoir verser des contributions au Régime de pensions du Canada et des primes d’assurance‑emploi, mais sans avoir le droit d’obtenir les avantages correspondants, par exemple ceux que prévoit la LRTFP.

[46]           Finalement, les demanderesses font valoir que la décision de l’arbitre ne s’accorde pas avec la décision Six Nations. Elles disent que la CRTFP, dans l’affaire Six Nations, a admis que les enseignants étaient des employés aux termes de la LRTFP, malgré le non‑respect de certaines « formes » prévues par la LEFP, et elles ajoutent que les faits dont il s’agit dans le cas présent ne sont pas assez différents pour justifier un résultat autre.

B.  Les prétentions du défendeur

 

[47]           Le défendeur, abordant les quatre éléments de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, se focalise sur le quatrième facteur, à savoir la nature de la question. Selon le défendeur, la question en cause ici est une question mixte de droit et de fait, c’est‑à‑dire le point de savoir si les demanderesses étaient en réalité des employées de la fonction publique fédérale selon le droit applicable. Le défendeur fait observer, à titre préliminaire, que les questions intéressant la fonction publique fédérale « intéressent le cœur même des connaissances spécialisées d’un arbitre ». Il dit que la norme de contrôle qu’il faut appliquer est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[48]           Selon le défendeur, les questions de fond soulevées dans cette demande de contrôle judiciaire sont les suivantes : quelles sont les formes à observer pour une nomination faite en vertu de la LEFP? Ont‑elles été observées ici?

[49]           Le défendeur fait valoir que la LRTFP restreint explicitement la catégorie de personnes considérées comme des employés aux fins de la LRTFP. Il cite les définitions de « fonctionnaire » et de « fonction publique », dans l’article 2 de la LEFP, et il relève que l’expression « fonction publique » est définie de la même façon dans la LEFP et dans la LRTFP.

 

[50]           Le défendeur fait observer que l’article 8 de la LEFP donne à la CFP le droit exclusif de faire des nominations à des postes de la fonction publique fédérale et qu’aucun autre texte de loi ne confère le pouvoir de faire de telles nominations. Il note que l’objectif qu’avait le législateur lorsqu’il a conféré ce pouvoir exclusif était de limiter l’existence effective d’une relation employeur‑employé au sein de l’administration fédérale aux cas où un pouvoir est validement exercé en application de la LEFP. Sur ce point, le défendeur dit que l’article 22 de la LEFP, qui prévoit que les nominations selon la LEFP prennent effet avec la délivrance d’un acte de nomination, s’accorde avec cet objectif du législateur.

 

[51]           Le défendeur cite le jugement R. c. Panagopoulos, [1990] A.C.F. n° 234 (1re inst.), où la Cour écrivait que les candidats à des nominations selon la LEFP doivent normalement se soumettre au principe du mérite et être choisis en tant que candidats les plus compétents par un comité de sélection mandaté par la CFP.

 

[52]           Le défendeur dit que l’arrêt Econosult est le précédent qui fait autorité et il ajoute que la Cour suprême du Canada s’est exprimée sur le sens restreint du mot « fonctionnaire » aux fins de la LEFP.

 

[53]           Il fait valoir que l’arbitre n’était pas lié par la décision Six Nations et il dit que, en tout état de cause, cette décision n’appuie pas l’argument des demanderesses. Le défendeur dit que, bien que l’arbitre saisi de l’affaire Six Nations se soit focalisé sur cette intention objective de la demanderesse dans cette affaire‑là, le contrat en cause ne renfermait pas de clauses disant que les intéressés n’étaient pas engagés comme employés de la Couronne.

 

[54]           Quoi qu’il en soit, le défendeur fait valoir que la présumée erreur de droit commise dans la décision Six Nations a été clarifiée par la Cour dans le jugement Farrell c. Canada, [2002] 225 F.T.R. 239, et par la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 162. Le défendeur dit que, dans le jugement Farrell, la Cour écrivait qu’une nomination selon la LEFP n’aura lieu qu’après le déroulement de la procédure autorisée. La Cour a aussi accordé du poids à l’absence d’une offre écrite d’emploi. Voir les paragraphes 9,10, 16 et 17 du jugement Farrell.

 

[55]           Dans l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur, la Cour d'appel fédérale a jugé que les demandeurs n’étaient pas des employés de la fonction publique fédérale tant qu’ils n’avaient pas accepté des offres formelles d’emploi, et cela même s’ils étaient considérés comme des employés aux fins des retenues pour impôt sur le revenu, les cotisations au RPC et les primes d’A‑E.

 

[56]           Le défendeur fait valoir que la décision de l’arbitre est conforme au droit et que les demanderesses ne sont pas des employées de la fonction publique fédérale parce qu’il n’a pas été établi devant l’arbitre, ainsi que le requièrent l’arrêt Econosult et la décision Rostrust Investment Inc. c. SCFP, [2005] C.R.T.F.P. 1, le Conseil du Trésor avait créé des postes auxquels les demanderesses pouvaient être nommées.

[57]           Le défendeur fait aussi valoir que les demanderesses n’ont pas établi qu’une nomination avait été faite conformément à un pouvoir délégué. Il relève que les demanderesses ont signé des contrats précisant qu’elles étaient des entrepreneurs et disant explicitement qu’elles n’étaient pas des employées. Elles étaient rémunérées selon un taux horaire sur présentation de factures qu’elles signaient en tant qu’entrepreneurs. Elles ne bénéficiaient pas des avantages sociaux accordés aux employés visés par des conventions collectives et n’ont pas réclamé des avantages sociaux en application d’une disposition de la convention collective avant leur licenciement.

 

[58]           Le défendeur dit aussi que le directeur de l’Établissement, l’unique dépositaire du pouvoir délégué de dotation en personnel, a témoigné devant l’arbitre qu’il n’avait jamais offert aux demanderesses un poste à l’Établissement selon la LEFP.

 

[59]           Le défendeur fait valoir qu’il n’a pas été établi que le processus de dotation externe prévu par la LEFP, tel qu’il a été exposé dans le témoignage de Diane Bird, l’agente des relations de travail du SCC, a été suivi dans le cas présent. Selon lui, le témoignage de Mme Bird montre que la CFP intervient dans les nominations à des postes de la fonction publique, et il ajoute que de telles nominations requièrent l’envoi à la CFP d’un énoncé de qualités et d’un projet d’avis de poste vacant, l’attribution par la CFP d’un numéro d’autorisation en matière de priorités et l’envoi par la CFP d’une lettre d’offre.

 

[60]           Le défendeur a aussi invoqué plusieurs arguments en réponse à ceux des demanderesses, dont quelques‑uns sont examinés ci‑après.

 

[61]           Le défendeur dit que la décision de l’ARC n’est pas la preuve de l’existence d’un emploi selon la LEFP, parce que le témoignage du vérificateur montre seulement que, selon l’ARC, les demanderesses étaient des employées aux fins des déductions liées à l’assurance‑emploi et au Régime de pensions du Canada. L’ARC ne tirait aucune conclusion sur la situation professionnelle des demanderesses aux fins de la LRTFP.

 

[62]           En réponse aux prétentions des demanderesses concernant l’applicabilité des arrêts Brault et Doré, le défendeur fait valoir que ces précédents sont des cas d’espèce et ne sont pas applicables ici. Dans chacun d’eux, la CRTFP avait affaire à des nominations intérimaires à des postes de la fonction publique fédérale. En tout état de cause, le défendeur fait valoir que, dans l’arrêt Econosult, la Cour suprême a rejeté l’idée selon laquelle la CRTFP peut, sans tenir aucun compte des formes requises, considérer telle ou telle personne comme membre de la fonction publique fédérale.

 

[63]           S’agissant de l’argument des demanderesses selon lequel elles ont été victimes d’une procédure injuste, le défendeur fait valoir que ce point a été examiné dans l’arrêt Syndicat général du cinéma et de la télévision c. Canada (Office national du film), [1992] 141 N.R. 213. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale disait qu’aucune disposition de la LRTFP ou d’une autre loi régissant la fonction publique fédérale n’oblige un employeur à organiser ses affaires de manière à établir des conditions de recrutement qui soient le plus aptes possible à faire entrer ses employés temporaires dans les paramètres de la LRTFP.

 

[64]           Finalement, le défendeur soutient que l’argument des demanderesses concernant la pertinence des critères traditionnels de common law servant à déterminer s’il existe ou non une relation employeur‑employé a été rejeté dans les arrêts Econosult et Canada (Procureur général) c. Gaboriault, [1992] 3 C.F. (C.A.).

 

IV.  Examen et dispositif

 

[65]           Comme je l’ai dit plus haut, les demanderesses ont déposé leur grief le 3 mai 2003. L’arbitre a rendu sa décision le 9 février 2006. Selon les dispositions transitoires de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, l’ancienne loi s’applique aux griefs sur lesquels il n’a pas été statué avant l’entrée en vigueur de certaines dispositions du nouveau texte. Je reproduis ici l’article 61, partie V, de la Loi sur la modernisation de la fonction publique :

61. (1) Sous réserve du paragraphe (5), il est statué conformément à l’ancienne loi, dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur de l’article 208 de la nouvelle loi, sur les griefs présentés sous le régime de l’ancienne loi s’ils n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive à cette date.

(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’arbitre de grief choisi sous le régime de l’ancienne loi et saisi d’un grief avant l’entrée en vigueur de l’article 209 de la nouvelle loi, peut continuer l’instruction de celui‑ci. Si l’arbitre est un membre de l’ancienne Commission, il ne peut continuer l’instruction du grief que si le président le lui demandé.

(3) Le membre de l’ancienne Commission qui continue l’instruction d’un grief au titre du paragraphe (2) agit sous l’autorité du président.

 

(4) En cas de refus d’un arbitre de grief de continuer l’instruction d’un grief au titre du paragraphe (2), le président peut renvoyer le grief à un membre de la nouvelle Commission selon les modalités et aux conditions qu’il fixe dans l’intérêt des parties.

 

 

 

(5) Si le grief visé au paragraphe (1) est renvoyé à l’arbitrage après la date d’entrée en vigueur de l’article 209 de la nouvelle loi, l’arbitre de grief qui en est saisi est choisi conformément à la nouvelle loi.

 

(6) Pour l’application des paragraphes (2) et (5), l’arbitre de grief jouit des pouvoirs dont disposait un arbitre de grief sous le régime de l’ancienne loi.

61. (1) Subject to subsection (5), every grievance presented in accordance with the former Act that was not finally dealt with before the day on which section 208 of the new Act comes into force is to be dealt with on and after that day in accordance with the provisions of the former Act, as they read immediately before that day.

(2) For the purposes of subsection (1), an adjudicator under the former Act may continue to hear, consider or decide any grievance referred to him or her before the day on which section 209 of the new Act comes into force, except that if the adjudicator was a member of the former Board, he or she may do so only if requested to do so by the Chairperson.

(3) The Chairperson has supervision over and direction of the work of any member of the former Board who continues to hear, consider or decide a grievance under subsection (2).

(4) If an adjudicator under the former Act refuses to continue to hear, consider or decide a grievance referred to in subsection (2), the Chairperson may, on any terms and conditions that the Chairperson may specify for the protection and preservation of the rights and interests of the parties, refer the grievance to a member of the new Board.

(5) If a grievance referred to in subsection (1) is referred to adjudication after the day on which section 209 of the new Act comes into force, the provisions of the new Act apply with respect to the appointment of the adjudicator.

(6) For the purposes of subsections (2) and (5), the adjudicator may exercise any of the powers an adjudicator under the former Act could have exercised under that Act.

 

[66]           Le mot « fonctionnaire » est défini ainsi, à l’article 2 de la LEFP :

« fonctionnaire » Personne employée dans la fonction publique, même si elle a cessé d'y travailler par suite d'une grève ou par suite d'un licenciement contraire à la présente loi ou à une autre loi fédérale, mais à l'exclusion des personnes…

"employee" means a person employed in that part of the Public Service to which the Commission has the exclusive right and authority to appoint persons;

 

[67]           L’expression « fonction publique » est définie ainsi, à l’article 2 de la LEFP :

« fonction publique » Ensemble des postes qui sont compris dans les ministères ou autres secteurs de l'administration publique fédérale spécifiés à l'annexe I, ou qui en relèvent.

 

"public service" has the same meaning as in the Public Service Staff Relations Act.

 

[68]           Le mot « fonctionnaire » est défini ainsi, à l’article 2 de la LRTFP :

"fonctionnaire" Personne employée dans la fonction publique, même si elle a cessé d'y travailler par suite d'une grève ou par suite d'un licenciement contraire à la présente loi ou à une autre loi fédérale, mais à l'exclusion des personnes…

"employee" means a person employed in the Public Service, other than…

 

[69]           L’expression « fonction publique » est définie ainsi, à l’article 2 de la LRTFP :

« fonction publique » Ensemble des postes qui sont compris dans les ministères ou autres secteurs de l'administration publique fédérale spécifiés à l'annexe I, ou qui en relèvent.

"Public Service" means the several positions in or under any department or other portion of the public service of Canada specified in Schedule I;

 

[70]           L’article 6 de la LEFP prévoit ce qui suit :

6. (1) La Commission peut autoriser un administrateur général à exercer, selon les modalités qu'elle fixe, tous pouvoirs et fonctions que lui attribue la présente loi, sauf en ce qui concerne ceux prévus aux articles 7.1, 21, 34, 34.4 et 34.5.

 

 

 

(2) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi mais sous réserve du paragraphe (3), la Commission révoque ou empêche la nomination – externe ou interne ‑ d'une personne à un poste de la fonction publique lorsque, selon elle:

a) cette personne ne possède pas les qualités nécessaires pour s'acquitter des fonctions du poste auquel elle a été ‑ ou est sur le point d'être – nommée en vertu d'une délégation de pouvoirs accordée au titre du présent article;

b) la nomination contrevient aux conditions fixées à la délégation de pouvoirs par laquelle elle a été autorisée.

La Commission peut ensuite nommer cette personne à un niveau qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

 

 

 

 

 

 

 

(3) Dans le cas d'une nomination ‑ interne ou externe ‑, l'exercice par la Commission du pouvoir de révocation prévu au paragraphe (2) est subordonné à la recommandation d'un comité chargé par elle de faire une enquête au cours de laquelle le fonctionnaire et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(4) La Commission peut, à son appréciation, réviser ou annuler et renouveler toute délégation de pouvoirs accordée par elle en vertu du présent article.

(5) Sous réserve du paragraphe (6), un administrateur général peut autoriser des subordonnés ou toute autre personne à exercer l'un des pouvoirs et fonctions que lui confère la présente loi, y compris, mais avec l'approbation de la Commission et conformément à la délégation de pouvoirs accordée par celle‑ci en vertu du présent article, l'un de ceux que la Commission l'a autorisé à exercer.

 

 

(6) En l'absence de l'administrateur général, c'est la personne désignée par celui‑ci qui exerce ses pouvoirs et fonctions; à défaut, ou s'il n'y a pas d'administrateur général, c'est la personne désignée soit par le ministre compétent, selon la Loi sur la gestion des finances publiques, pour le ministère ou le secteur de la fonction publique en cause, soit par le gouverneur en conseil.

6. (1) The Commission may authorize a deputy head to exercise and perform, in such manner and subject to such terms and conditions as the Commission directs, any of the powers, functions and duties of the Commission under this Act, other than the powers, functions and duties of the Commission under sections 7.1, 21, 34, 34.4 and 34.5.

(2) Where the Commission is of the opinion

(a) that a person who has been or is about to be appointed to or from within the Public Service pursuant to the authority granted by it under this section does not have the qualifications that are necessary to perform the duties of the position the person occupies or would occupy, or

(b) that the appointment of a person to or from within the Public Service pursuant to the authority granted by it under this section has been or would be in contravention of the terms and conditions under which the authority was granted,

the Commission, notwithstanding anything in this Act but subject to subsection (3), shall revoke the appointment or direct that the appointment not be made, as the case may be, and may thereupon appoint that person at a level that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

(3) An appointment to or from within the Public Service may be revoked by the Commission pursuant to subsection (2) only on the recommendation of a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the employee and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

 

(4) The Commission may, as it sees fit, revise or rescind and reinstate the authority granted by it pursuant to this section.

 

(5) Subject to subsection (6), a deputy head may authorize one or more persons under the jurisdiction of the deputy head or any other person to exercise and perform any of the powers, functions or duties of the deputy head under this Act including, subject to the approval of the Commission and in accordance with the authority granted by it under this section, any of the powers, functions and duties that the Commission has authorized the deputy head to exercise and perform.

(6) In the absence of the deputy head, the person designated by the deputy head to act in his absence or, if no person has been so designated or there is no deputy head, the person designated by the person who under the Financial Administration Act is the appropriate Minister with respect to the department or other portion of the Public Service, or such other person as may be designated by the Governor in Council, has the powers, functions and duties of the deputy head.

 

[71]           L’article 8 de la LEFP prévoit ce qui suit :

8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à des postes de la fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont la nomination n'est régie par aucune autre loi fédérale.

8. Except as provided in this Act, the Commission has the exclusive right and authority to make appointments to or from within the Public Service of persons for whose appointment there is no authority in or under any other Act of Parliament.

 

[72]           Le paragraphe 10(1) de la LEFP prévoit ce qui suit :

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

 

[73]           L’article 22 de la LEFP prévoit ce qui suit :

22. Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même.

22. An appointment under this Act takes effect on the date specified in the instrument of appointment, which date may be any date before, on or after the date of the instrument.

 

[74]           L’article 92 de la LRTFP prévoit ce qui suit :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur:

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

 

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

 

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

(2) Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance described in paragraph (1)(a), the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the bargaining agent for the bargaining unit, to which the collective agreement or arbitral award referred to in that paragraph applies, signifies in the prescribed manner its approval of the reference of the grievance to adjudication and its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

(3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act.

(4) The Governor in Council may, by order, designate for the purposes of paragraph (1)(b) any portion of the public service of Canada specified in Part II of Schedule I.

 

[75]           Comme je l’ai dit plus haut, les demanderesses et le défendeur sont en désaccord sur la norme de contrôle applicable. Les demanderesses disent que la décision de l’arbitre devrait être revue selon la norme de la décision correcte, tandis que le défendeur dit qu’il faut appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable. Selon l’arrêt Pushpanathan, il faut, pour savoir quelle norme de contrôle il convient d’appliquer dans un cas donné, procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle comportant quatre facteurs. Ces quatre facteurs sont les suivants : la présence ou l’absence d’une clause privative, le niveau de spécialisation du tribunal, l’objet du texte législatif, enfin la nature de la question.

[76]           La décision d’un arbitre n’est sujette à aucune clause privative. Dans l’arrêt Econosult, aux pages 630 et 631, la Cour suprême du Canada s’exprimait ainsi :

La définition expresse du mot « employé » montre cependant que le Parlement a clairement eu l'intention de déterminer lui‑même la catégorie d'employés sur lesquels la Commission aurait compétence. Cette catégorie se limite aux personnes employées dans la Fonction publique et qui ne sont pas assujetties au Code canadien du travail. D'après le texte même de l'article 33, le rôle de la Commission consiste non pas à déterminer qui est employé, mais plutôt à déterminer si les employés qui répondent à cette définition appartiennent à une seule unité particulière de négociation.

 

Il n'y a, ni dans l'art. 33, ni même dans la Loi, aucune disposition qui confère à la Commission compétence exclusive pour déterminer, en fonction de sa propre expertise, qui est un employé.

 

L’absence d’une clause privative appelle une retenue considérable de la part de la Cour envers la décision arbitrale.

 

[77]           La CRTFP détient, on le sait, une spécialisation dans les sujets qui relèvent manifestement de sa compétence, mais elle ne saurait prétendre à une spécialisation supérieure à celle de la Cour pour ce qui concerne l’interprétation des limites de sa propre compétence. Comme l’écrivait la Cour d'appel fédérale au paragraphe 16 de l’arrêt Marinos, « l’arbitre ne peut prétendre posséder une expertise quant à l’interprétation de la LEFP, ni prétendre en avoir une quant à la LRTFP », lorsque ce travail d’interprétation consiste à définir les limites de sa propre compétence.

[78]           L’objet de la LRTFP est de favoriser une négociation collective efficace au sein de la fonction publique. Selon moi, la définition du mot « fonctionnaire » dans la LRTFP a pour objet de limiter le régime de la négociation collective à la catégorie restreinte de personnes qui sont membres de la fonction publique. Encore une fois, je me réfère à l’arrêt Econosult, de la Cour suprême du Canada, où l’on peut lire ce qui suit :

Enfin, quelle est la raison d'être de la Commission dans ce régime de relations de travail? Je partage l'avis de mon collègue que sa raison d'être est le règlement des conflits de travail entre le gouvernement fédéral et ses employés. Ceux qui peuvent soumettre des litiges à la Commission sont des employés, des organisations d'employés et des employeurs au sens des dispositions législatives qui restreignent manifestement ces litiges à la Fonction publique. Il ne servirait à rien d'étendre la compétence de la Commission à des employés qui ne font pas partie de la Fonction publique et qui peuvent invoquer d'autres dispositions législatives, fédérales ou provinciales, en matière de relations de travail.

 

Cette manière de voir milite elle aussi en faveur d’une retenue considérable.

[79]           Finalement, je passe à la nature de la question. En un sens, la question posée est strictement une question de compétence, c’est‑à‑dire le point de savoir si l’arbitre était habilité à juger le grief présenté par les demanderesses. La norme de la décision correcte peut présider à l’examen d’une pure question de compétence. Les observations faites par la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Marinos, au paragraphe 16, sont ici à propos.

Il ressort clairement de la lecture de l’alinéa 2g) de la L.R.T.F.P. que les termes « à titre occasionnel » renvoient à l’application de normes juridiques ayant une incidence sur la compétence de l’arbitre.  L’arbitre est tenu de consulter des sources externes à celles qui établissent sa « compétence » et de se référer à la L.E.F.P., qui régit les contrats de Mme Marinos. L’arbitre ne peut prétendre posséder une expertise quant à l’interprétation de la L.E.F.P. ni prétendre en avoir une quant à la L.R.T.F.P., étant donné qu’aucune disposition de la L.R.T.F.P. ne lui confère une compétence exclusive pour déterminer quelles personnes sont employées « à titre occasionnel ». L’arbitre ne peut commettre d’erreur de droit à cette étape‑ci; elle doit rendre une décision correcte.



 

[80]           Cependant, ici, la compétence de l’arbitre dépendait au premier chef de savoir si les demanderesses étaient des « fonctionnaires » aux fins de la LEFP. Selon moi, il s’agit là d’une question mixte de droit et de fait, pour laquelle la preuve doit être évaluée selon les exigences législatives. Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel la norme de contrôle applicable ici, pour cette question précise, doit être celle de la décision manifestement déraisonnable. Sur ce point, je me réfère à un arrêt de la Cour d'appel fédérale, Barry c. Canada (Conseil du Trésor) (1997), 221 N.R. 237, où l’on peut lire ce qui suit, à la page 239 :

Il est vrai qu’avant l’abrogation de la clause privative, la Cour suprême avait statué dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. AFPC, [1993] 1 R.C.S. 941… que la norme de contrôle appropriée au regard des décisions d’un arbitre agissant en vertu de la Loi était de déterminer si la décision était « manifestement déraisonnable ». À notre avis, rien n’a changé du fait de l’abrogation de la clause privative.



[81]           La question centrale soulevée dans la présente demande concerne les formes qui doivent être observées pour qu’une nomination à un poste de la fonction publique soit conforme à la LEFP, et il s’agit de savoir si elles ont été observées ici.

 

[82]           Dans l’arrêt Econosult, la Cour suprême du Canada a invariablement insisté sur l’importance d’observer les formes exigées par la LEFP pour les nominations à des postes de la fonction publique. À la page 634, la Cour suprême souscrivait à l’observation de la Cour d'appel fédérale :

Bref, le juge Marceau résume bien la situation lorsqu'il affirme, au nom de la Cour d'appel à la majorité (à la page 643) :

 

Il n'y a tout simplement pas de place dans cette construction juridique pour un fonctionnaire (c’est‑à‑dire un employé de la Reine, membre de la fonction publique) sans poste créé par le Conseil du Trésor, et sans nomination faite par la Commission de la fonction publique.



 

[83]           Dans la décision Panagopoulos, la Cour soulignait que les nominations aux termes de la LEFP doivent être régies par le principe du mérite et que le candidat le plus compétent doit être retenu par le comité de sélection mandaté par la CFP et « faire l’objet par la suite d’un droit d’appel afin de permettre aux tiers qui se sentiraient lésés par une telle nomination de la contester ».

[84]           En l’espèce, les demanderesses semblent prétendre que, parce que leur travail s’accompagnait de certains des indices qui caractérisent un recrutement par l’administration fédérale, à savoir la publicité d’une annonce indiquant les qualités requises, l’évaluation devant un comité de sélection, le statut du directeur en tant que personne investie du pouvoir délégué de faire une nomination à un poste de la fonction publique, il faut en déduire qu’elles ont effectivement été nommées à des postes de la fonction publique.

 

[85]           En résumé, les demanderesses prétendent qu’elles sont précisément le genre de « fonctionnaire de fait » qui, selon la Cour suprême du Canada, ne pouvait exister. Dans l’arrêt Econosult, à la page 633, la Cour suprême s’exprimait ainsi :

Dans le régime des relations de travail…, il n'y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson. La création d'une telle catégorie spéciale de fonctionnaires susciterait un certain nombre de problèmes qui amènent à conclure que la création de cette troisième catégorie est incompatible avec l'objet des dispositions législatives considérées sous l'angle d'une analyse pragmatique et fonctionnelle.



 

[86]           Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel il n’a pas été établi que les postes attribués aux demanderesses ont été créés et définis conformément à la LEFP, à la jurisprudence applicable et aux formes prévues pour une nomination à un poste de la fonction publique. Pareillement, je souscris à l’avis du défendeur lorsqu’il dit que le directeur de l’Établissement n’a jamais prétendu nommer les demanderesses à des postes de la fonction publique dans l’exercice des pouvoirs qui lui étaient délégués.

[87]           Je relève aussi qu’il n’a pas été établi qu’un acte officiel de nomination a été délivré ici, comme le requiert l’article 22 de la LEFP. La date de délivrance d’un tel acte a été jugée essentielle par la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur, en ce sens que les demandeurs dans cette affaire‑là n’étaient pas considérés comme des employés aux fins de la LEFP tant que l’acte officiel de nomination n’était pas délivré.

 

[88]           Les demanderesses tentent de minimiser l’importance des actes de nomination en se fondant sur le jugement Oriji, rendu par la Cour avant que soit prononcé l’arrêt Association professionnelle des agents du service extérieur. Ce que dit le jugement Oriji cependant, c’est que, même si l’acte de nomination dont parle l’article 22 de la LEFP détermine la date de prise d’effet d’un emploi, il n’est pas absolument nécessaire qu’il soit délivré pour qu’une offre d’emploi faite par l’administration fédérale soit exécutoire. Les demanderesses ici s’efforcent de prétendre qu’elles étaient des employées de l’administration fédérale, et non qu’elles cherchaient à faire exécuter une offre d’emploi. Elles ne peuvent faire état d’aucun acte indiquant la date à laquelle leur présumé emploi au sein de la fonction publique serait devenu effectif.

[89]           Les arguments des demanderesses vont à l’encontre de l’intention du législateur, qui est de restreindre l’accès de la fonction publique à une catégorie très circonscrite de personnes expressément nommées. La jurisprudence existante rend compte de cette intention, comme on peut le lire aux paragraphes 9 et 10 de la décision Farrell :

Il est de jurisprudence constante qu'une personne ne peut devenir un employé de Sa Majesté du chef du Canada sans qu'une nomination précise soit effectuée selon la procédure établie conformément à ces lois. En l'espèce, comme le directeur du SCRS a été expressément autorisé par le Parlement à nommer les employés du SCRS, les employés de la fonction publique qui travaillent pour le SCRS doivent être nommés en conformité avec la procédure prescrite par le directeur.

 

Le principe selon lequel la nomination d'un employé de la fonction publique doit être effectuée en conformité avec les pouvoirs conférés par la loi est un principe de longue date. Un fonctionnaire ne peut être nommé autrement et sa nomination ne peut être inférée des faits articulés que s'il existe des faits selon lesquels la procédure prescrite a été suivie. [Références omises]

 

 

[90]           Dans le jugement Farrell, la Cour a conclu que le demandeur n’était pas un employé de la fonction publique parce qu’aucune nomination n’avait été faite en application de la LEFP, alors même que ses fonctions s’étaient considérablement élargies, qu’il devait accomplir une diversité croissante de tâches pour le même tarif horaire, sans avoir droit aux avantages sociaux ou à une rémunération pour ses heures supplémentaires, et qu’il disposait d’un bureau, d’un équipement et d’une ligne téléphonique qui lui était propre.

[91]           J’admets la position du défendeur pour qui la décision Six Nations n’est pas applicable à la présente affaire. D’ailleurs, cette décision ne lie pas la Cour, puisque c’est une décision d’un tribunal administratif. En tout état de cause, la jurisprudence majoritaire ne va pas dans le sens de cette décision.

[92]           Je souscris aussi à l’argument du défendeur pour qui la décision de l’ARC ne permet pas de définir le statut des demanderesses. Cette décision n’est pas, et ne prétend pas être, déterminante pour le statut professionnel des demanderesses selon la LEFP. Le versement de primes et de cotisations au titre de l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada vaut en général pour tous les employés, ceux du secteur public et ceux du secteur privé, et la décision de l’ARC ne saurait se substituer au processus formel de nomination prévu par la LEFP.

[93]           Les arrêts Brault et Doré sont périmés au vu de la jurisprudence ultérieure, en particulier de l’arrêt Econosult de la Cour suprême du Canada.

 

[94]           En conclusion, je suis convaincu que la décision de l’arbitre selon laquelle les demanderesses n’étaient pas membres de la fonction publique n’est pas une décision manifestement déraisonnable. Je suis également convaincu que l’arbitre a eu raison de dire qu’il n’avait pas le pouvoir de statuer sur le grief des demanderesses.

[95]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

ORDONNANCE

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑424‑06

 

INTITULÉ :                                       Tanya Estwick et Amanda Quintilio et Le procureur général du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 février 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 SEPTEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Paul Champ

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Richard E. Fader

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Raven Cameron, Ballantyne et Yazbeck LLP

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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