Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20070911

Dossier : T-2033-06

Référence : 2007 CF 897

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2007

En présence de Monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

demanderesse

et

 

LE CARAPEC NO. 1

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

APERÇU

[1]               La gravité de la situation oblige la Cour d’agir selon sa juridiction et, donc, de procéder à une vente du navire avant procès. Ceci est dû à l’état physique spécifié du navire et, donc, au danger sérieux que le navire pose pour l’environnement et d’autres vaisseaux, à une grave dépréciation financière continuelle du navire, l’absence d’équité du propriétaire, couplée avec le fait que le propriétaire est dépourvu de ressources financières.


INTRODUCTION

[2]               Le navire, Carapec No. 1, constitue une nuisance ainsi qu’un risque à l’environnement et à la sécurité maritime dans le Port de Matane et puisqu’il n’a pas été entretenu depuis de nombreuses années, sa condition se détériore rapidement, laissant craindre qu’un incident l’impliquant se produise.

 

[3]               Ainsi, il est impératif que le navire soit vendu et démantelé pendente lite et rapidement afin de faire cesser le risque qu’il pose aux installations portuaires et à la sécurité maritime, de mettre fin à l’augmentation des droits d’amarrage dus par le navire et pour que la demanderesse puisse cesser d’assumer des frais pour maintenir le navire amarré à quai.

 

[4]               La décision rendue par le protonotaire, le 19 juillet 2007, d’en ordonner la vente, est bien fondée en faits et en droit.

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[5]               Il s’agit d’une requête de la part de la partie défenderesse, Le Carapec No. 1, daté du 30 juillet 2007, portant en appel une ordonnance rendue le 19 juillet 2006 par le protonotaire Richard Morneau.

 

La norme de contrôle applicable à l’appel de l’ordonnance du protonotaire

[6]               Avant de se pencher sur l’ordonnance du protonotaire, il y a d’abord lieu de déterminer la norme de contrôle applicable à un appel de cette ordonnance.

[7]               Cette ordonnance a été rendue par le protonotaire en vertu de la règle 490 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles).

 

[8]               Elle est de nature discrétionnaire, puisque la règle 490 prévoit :

 

Sort des biens saisis

 

 

490.      (1) La Cour peut, sur requête, ordonner que les biens saisis, selon le cas :

 

a) soient évalués et vendus, ou soient vendus sans avoir été évalués, soit aux enchères publiques, soit par contrat privé;

 

b) soient mis en vente par des avis publics conformes aux directives données dans l’ordonnance, laquelle peut prescrire notamment :

 

 

 

(i) que les offres d’achat doivent être scellées et adressées au shérif,

 

(ii) que les offres d’achat doivent être toutes décachetées au même moment à une audience publique, que les parties doivent être avisées de ce moment et que la vente doit être faite en vertu d’une ordonnance de la Cour rendue à cette occasion ou après que les parties ont eu l’occasion de se faire entendre,

 

(iii) qu’il n’est pas obligatoire de vendre les biens au plus haut enchérisseur ou autre enchérisseur,

 

(iv) que, après l’ouverture des offres d’achat et audition des parties, s’il y a un doute sur la justesse du prix offert, le montant de l’offre la plus élevée doit être communiqué aux autres personnes qui ont fait des offres ou à une autre classe de personnes, ou d’autres dispositions doivent être prises pour qu’on obtienne une offre plus élevée;

 

c) soient vendus sans préavis de vente;

 

d) soient vendus, sous réserve des conditions précisées dans l’ordonnance ou de l’approbation subséquente de la Cour, par l’entremise d’un agent ou courtier rémunéré au taux fixé dans l’ordonnance;

 

 

e) fassent l’objet de mesures assurant leur sécurité et leur conservation;

 

f) s’ils perdent de leur valeur, soient vendus immédiatement;

 

g) s’ils sont à bord d’un navire, en soient enlevés ou déchargés;

 

h) s’ils sont de nature périssable, soient aliénés de la manière qu’elle ordonne;

 

 

i) soient examinés aux termes de la règle 249.

 

 

Commission

 

(2) L’évaluation et la vente de biens s’effectuent en vertu d’une commission adressée au shérif selon la formule 490.

 

Produit de la vente

 

(3) Les biens vendus aux termes du paragraphe (1) sont libres de toute charge imposée selon le droit maritime canadien.

 

Exécution de la commission

 

(4) Dès que possible après l’exécution d’une commission visée au paragraphe (2), le shérif :

 

a) dépose celle-ci avec un procès-verbal expliquant la façon dont elle a été exécutée;

 

b) consigne à la Cour le produit de la vente;

 

c) dépose ses comptes et justificatifs à l’appui.

 

 

Taxation des comptes du shérif

 

(5) Un officier taxateur taxe les comptes du shérif et fait rapport du montant qui, selon lui, devrait être accordé.

 

 

Audience

 

(6) Toute partie ou toute personne ayant déposé un caveat qui a un droit sur le produit de la vente visé au paragraphe (4) peut se faire entendre lors de la taxation des comptes du shérif.

 

Révision

 

(7) La Cour peut, sur requête, réviser la taxation des comptes du shérif.

 

Disposition of arrested property

 

490.      (1) On motion, the Court may order, in respect of property under arrest, that

 

(a) the property be appraised and sold, or sold without appraisal, by public auction or private contract;

 

(b) the property be advertised for sale in accordance with such directions as may be set out in the order, which may include a direction that

 

 

(i) offers to purchase be under seal and addressed to the sheriff,

 

 

(ii) offers to purchase all be opened at the same time in open court, that the parties be notified of that time and that the sale be made pursuant to an order of the Court made at that time or after the parties have had an opportunity to be heard,

 

 

 

 

(iii) the sale not necessarily be to the highest or any other bidder, or

 

 

(iv) after the opening of the offers and after hearing from the parties, if it is doubtful that a fair price has been offered, the amount of the highest offer be communicated to the other persons who made offers or to some other class of persons or that other steps be taken to obtain a higher offer;

 

 

 

(c) the property be sold without advertisement;

 

(d) an agent be employed to sell the property, subject to such conditions as are stipulated in the order or subject to subsequent approval by the Court, on such terms as to compensation of the agent as may be stipulated in the order;

 

(e) any steps be taken for the safety and preservation of the property;

 

 

(f) where the property is deteriorating in value, it be sold forthwith;

 

(g) where the property is on board a ship, it be removed or discharged;

 

(h) where the property is perishable, it be disposed of on such terms as the Court may order; or

 

(i) the property be inspected in accordance with rule 249.

 

Commission

 

(2) The appraisal or sale of property under arrest shall be effected under the authority of a commission addressed to the sheriff in Form 490.

 

Sale free from liens

 

(3) Property sold under subsection (1) is free of any liens under Canadian maritime law.

 

 

Execution of commission

 

(4) As soon as possible after the execution of a commission referred to in subsection (2), the sheriff shall

 

(a) file the commission with a return setting out the manner in which it was executed;

 

(b) pay into court the proceeds of the sale; and

 

(c) file the sheriff's accounts and vouchers in support thereof.

 

Sheriff's accounts

 

 

(5) An assessment officer shall assess the sheriff's accounts and report the amount that the assessment officer considers should be allowed.

 

Assessment

 

(6) Any party or caveator who is interested in the proceeds of sale referred to in subsection (4) may be heard on an assessment under subsection (5).

 

 

Review of assessment

 

(7) On motion, the Court may review an assessment done under subsection (5).

 

[9]               Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), [1993] A.C.F. no 103 (QL), la Cour énonce en ces termes la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires :

[94]      [...] Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants:

 

a)  l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

 

b)  l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

 

[95]      Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

 

 

[10]           Plus récemment, dans l’affaire Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2003] A.C.F. no 1925 (QL), la Cour d’appel fédérale a quelque peu modifié le test énoncé dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd. en l’énonçant dans les termes suivants :

[17]      [...]  le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a)  l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

 

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

 

 

[11]           Ainsi, afin de déterminer la norme de contrôle applicable à l’ordonnance discrétionnaire du protonotaire, qui fait l’objet de la présente requête, il faut d’abord déterminer si cette ordonnance porte sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

 

[12]           Le protonotaire a ordonné la vente du navire Carapec No.1.

 

[13]           Cette ordonnance porte sur une question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal et pour cette raison, le juge saisi de la présente requête peut exercer son propre pouvoir discrétionnaire en analysant l'affaire depuis le début.

 

ANALYSE

Le protonotaire a bien analysé les éléments afin de déterminer s’il

devait exercer sa discrétion d’ordonner la vente du navire pendete lite

 

[14]           Le protonotaire était saisi d’une requête de la demanderesse, en vertu de la règle 490 des Règles, qui octroie un vaste pouvoir au tribunal, lui permettant d’ordonner la vente d’un navire alors même que le litige au fond n’est pas terminé.

 

[15]           Cette règle ne prévoit pas les facteurs et éléments qui doivent être pris en considération par la Cour lors de l’analyse d’une requête en demandant l’application.

 

[16]           Sans comporter d’exigences strictes, la jurisprudence a identifié certains éléments qui peuvent être pris en considération par la Cour pour décider si une requête pour faire vendre un navire devrait être accueillie. (Brotchie c. Karey T (1994), 83 F.T.R. 262, [1994] A.C.F. no 1266 (QL); Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) c. Horizons Unbound Rehabilitation and Training Society (1996), 125 F.T.R. 81, [1996] A.C.F. no 1496 (QL); également : Banco Do Brasil S.A. c. Alexandros G. Tsavliris (The) (1987), 12 F.T.R. 278, [1987] A.C.F. no 610 (QL); Franklin Lumber Ltd. c. Essington II (Le), 2005 CF 95, [2005] A.C.F. no 125 (QL); The Myrto, [1977] 2 Lloyd's Rep. 243, infirmée en raison d'un facteur sans rapport avec la vente, [1978] 1 Lloyd's Rep. 1 (C.A.).)

 

[17]           Dans l'affaire du Karey T, ci-dessus, le protonotaire John A. Hargrave résume les éléments dont le juge Brandon avait tenu compte dans l'affaire The Myrto et le juge Frank U. Collier dans l'affaire du Alexandros Tsavliris pour savoir si une vente pendant l'instance est opportune ou non :

[14]      [...]

 

1. Quelle est la valeur du navire par rapport au montant de la réclamation?

2.  Existe-t-il des moyens de défense soutenables?

3.  Est-il possible que le propriétaire poursuive ses activités: est-il raisonnable de supposer que le navire devra être vendu à un moment ou l'autre?

4.  La valeur du navire ou le prix de vente diminueront-ils avec le temps, notamment en raison des frais engagés pour garder un homme ou un équipage à bord, pour entretenir et pour assurer le navire?

5.  Le navire se détériorera-t-il si la vente est reportée?

6.  Existe-t-il une raison valable de vendre le navire avant l'instruction?

 

[18]           Dans les motifs de sa décision, le protonotaire Morneau conclut, en résumant, en ces termes, les principaux facteurs pour lesquels il ordonne la vente du navire :

[19]      Somme toute, les droits d'amarrage et d'entretien qui s'accumuleront toujours si rien n'est fait avec le Navire, le risque établi que pose le Navire quant aux installations portuaires et à la sécurité maritime et le fait que le Navire n'est pas entretenu sont toutes de bonnes raisons pour autoriser maintenant la vente du Navire. (Voir, entre autres, les arrêts Brotchie v. Ship Karey T (1994), 83 F.T.R. 262 et Canada v. Horizons Unbound Rehabilitation & Training Society) (1996), 125 F.T.R. 81). De plus, l'absence de valeur marchande du Navire justifie pleinement le processus suggéré par la demanderesse.

 

 

[19]           Le protonotaire s’est donc bien dirigé en droit et a étudié les bons éléments afin de déterminer s’il devait exercer sa discrétion d’ordonner la vente du navire.

 

 

 

Résumé des éléments justifiant la vente du navire pendete lite

[20]           Voici en résumé les éléments qui justifient la vente du navire, étudiés dans la séquence suggérée par le protonotaire Hargrave dans l'affaire du Karey T, ci-dessus. (Également, protonotaire Hargrave dans l’affaire du « Action réelle contre le navire « Nel » et action personnelle entre The Governor and Company of the Bank of Scotland et Les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire « Nel » et Ocean Profile Maritime Limited, Governor and Company of the Bank of Scotland c. Nel, [2000] A.C.F. no 1305 (QL), Dossier de la Cour fédérale no T-2416-97.)

 

I - Quelle est la valeur du navire par rapport au montant de la réclamation?

[21]           Le navire n’a aucune valeur commerciale alors que le montant de la réclamation de la demanderesse s’accroît chaque jour, par l’accumulation des frais d’amarrage, des intérêts sur ceux-ci et des frais que la demanderesse doit supporter pour maintenir le Carapec No.1 amarré au quai de Matane. (N.B., également le Rapport no. 10668/RB M/V Carapec No. 1 – Condition and Valuation August 16, 2006 par Hayes Stuart Inc., Experts Maritimes - Marine Surveyors, démontrant avec photos la condition dans laquelle le navire se retrouve – voir le dossier de la Cour pour les originaux des photos en couleur, démontrant l’état de la détérioration grave du navire.)

 

2 - Existe-t-il des moyens de défense soutenables?

[22]           Le défendeur n’avance donc aucun moyen de défense soutenable et crédible à l’encontre de l’action de la demanderesse.

 

 

 

3 - Est-il possible que le propriétaire poursuive ses activités : est-il raisonnable de supposer que le navire devra être vendu à un moment ou l'autre?

 

[23]           Le navire n’est pas opéré depuis plusieurs années et, selon les conclusions du rapport de monsieur Richard Breton, il ne pourrait être opéré sans que des réparations importantes ne soient effectuées.

 

[24]           Le défendeur n’a pas déposé de cautionnement, conformément à la règle 486 des Règles, pour obtenir la mainlevée de la saisi du navire et conséquemment, il laisse présumer que son propriétaire ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour réparer et opérer le navire, en plus de payer les frais d’amarrage et d’entretien de celui-ci.

 

[25]           Il est donc raisonnable de supposer que le navire devra être vendu à un moment ou l'autre.

 

4 - La valeur du navire ou le prix de vente diminueront-ils avec le temps, notamment en raison des frais engagés pour garder un homme ou un équipage à bord, pour entretenir et pour assurer le navire?

 

[26]           La valeur du navire diminue chaque jour compte tenu de l’accumulation des frais d’amarrage, des intérêts sur ceux-ci et des frais que la demanderesse doit supporter pour maintenir le Carapec No.1 amarré au quai de Matane.

 

5 - Le navire se détériorera-t-il si la vente est reportée?

[27]           Puisqu’il n’est pas entretenu par la demanderesse, le navire se détériorera encore si la vente est reportée.

 

 

6 - Existe-t-il une raison valable de vendre le navire avant l'instruction?

[28]           Il existe plusieurs raisons valables de vendre le navire pendente lite.

 

[29]           Entre autres, les droits d’amarrage et d’entretien s’accumuleront toujours si rien n’est fait avec le navire, le risque établi que pose le navire quant aux installations portuaires et à la sécurité maritime et le fait que le navire n’est pas entretenu.

 

[30]           Pour tous ces motifs, cette Cour est justifiée d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’ordonner la vente du navire pendente lite.

 

1 - L’audition de la requête devant le protonotaire Morneau

[31]           Le défendeur allègue d’abord, que l’audition de la requête s’est faite par conférence téléphonique et a été rendue sur la foi des dossiers de requête et de réponse produits par les parties. Aucun représentant des parties, ni les experts, n’ont été entendus.

 

[32]           Quant à ces reproches du défendeur, la règle 363 des Règles, prévoit qu’une partie présente sa preuve par affidavit, relatant tous les faits sur lesquels elle fonde sa requête qui ne figurent pas au dossier de la Cour.

 

[33]           Ainsi, conformément aux Règles, le défendeur devait faire la preuve au soutien de ses prétentions par affidavit et le protonotaire n’avait pas à entendre de témoins dans le cadre de l’audition de cette requête.

 

[34]           La règle 371 des Règles prévoit, pour sa part, que, dans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, autoriser un témoin à témoigner à l’audience quant à une question de fait soulevée dans une requête.

 

[35]           Or, le défendeur n’a jamais manifesté son désir ni demandé à la Cour par requête l’autorisation de faire entendre un témoin ordinaire ou expert lors de l’audition de la requête.

 

[36]           Aucune des parties ne s’est objectée à ce que la requête soit entendue par conférence téléphonique et chacune des parties a eu l’occasion de faire valoir ses représentations au protonotaire.

 

2 - La situation de monsieur Gaston Langlais

[37]           Deuxièmement, le défendeur allègue que la Cour aurait dû donner plus de poids à l’engagement de monsieur Gaston Langlais de quitter le port de Matane au plus tard le 30 septembre 2007.

 

[38]           La demanderesse soumet que le protonotaire à bien évalué la situation telle que analysé dans l’affirmation de monsieur Langlais.

 

[39]           La demanderesse désire rappeler les faits suivants qui justifient la conclusion du protonotaire :

- Les autorités de Transports Canada ont ordonné à plusieurs reprises aux représentants et propriétaires du Navire qu’ils déplacent ce dernier à l’extérieur du Port de Matane;

- Malgré de nombreux engagements de M. Langlais de déplacer le Carapec No. 1 à l’extérieur du Port de Matane, celui‑ci est toujours amarré au Port de Matane en date des présentes.

 

[40]           Également, dans l’affidavit de monsieur Langlais, déposé au soutien de son dossier de réponse, celui-ci affirme au paragraphe 3 d) :

De plus, j‘ai reçu une offre d’achat d’une firme de Cap Canaveral, East Coast Marine Brokers Inc., au montant de 100 000$ à 125 000$, avec qui je suis en discussions régulière, ayant d’ailleurs eu une conversation téléphonique relativement à l’acquisition du Carapec No. 1 le 10 juillet dernier. (La Cour souligne.)

 

 

[41]           Ainsi, monsieur Langlais affirme dans son affidavit avoir reçu une offre d’achat pour le navire.

 

[42]           Or, le représentant de la demanderesse, monsieur Serge Bélanger, a communiqué avec East Coast Marine Brokers Inc. et leur représentant l’a informé que leur firme n’avait fait aucune offre d’achat pour le Carapec No.1. (Voir, à cet effet, le paragraphe 6 de l’affidavit de monsieur Serge Bélanger du 18 juillet 2007 et la pièce 1 déposée au soutien de cet affidavit.)

 

[43]           Compte tenu de l’inexactitude des faits allégués à l’affidavit de monsieur Langlais, le protonotaire a eu raison de n’accorder aucun poids à l’affirmation de monsieur Langlais à l’effet qu’il déplacerait le Carapec No. 1 au plus tard le 30 septembre.

 

 

 

3 - Le document émanent de la firme Roche n’est pas une évaluation valable de la valeur marchande du Carapec No.1

 

[44]           Le défendeur prétend essentiellement que le protonotaire aurait dû donner plus de poids à l’extrait d’une étude de faisabilité émanant de la firme Roche que le défendeur qualifié d’expertise et qui conclurait, selon lui, à l’établissement d’une valeur marchande de 400 000$ pour la coque du navire.

 

[45]           Quant à ce document, la Cour prend note du 1er paragraphe sous le titre 7.1.2.1 Évaluation de la coque, qui se trouve à la page 102 du document. À ce paragraphe, on précise:

Cette évaluation se limite à la coque du navire seulement et ne concerne pas les autres composantes, telles la mécanique, la tuyauterie et l’électricité. L’évaluation n’est donc par une évaluation de la valeur marchande du Carapec No. 1 mais plutôt une estimation de la valeur de sa coque, considérant sa capacité à devenir une charpente solide et durable pour le projet envisagé. (La Cour souligne.)

 

 

[46]           Ainsi, de l’aveu même des auteurs de cette étude (dont l’identité n’est par ailleurs pas dévoilée par le défendeur) il ne s’agit pas d’une évaluation de la valeur marchande du navire mais bien simplement d’une estimation de la valeur de sa coque, considérant sa capacité à devenir une charpente solide et durable pour le projet envisagé (un projet de traversier).

 

[47]           Il est donc faux d’affirmer, comme le fait le défendeur, que la coque à elle seule a une valeur de 400 000$.

 

[48]           La demanderesse tient également à attirer l’attention de la Cour sur les faits suivants quant à cet extrait d’étude :

- Le défendeur n’a déposé que des extraits de ce document (6 pages sur les quelques 143 pages du document selon un extrait de sa table des matières), privant la Cour et la demanderesse de la possibilité de prendre connaissance de l’ensemble de celui-ci;

- Il est clairement indiqué sur ce document qu’il s’agit d’un rapport préliminaire et non d’un document final;

- Ce document est daté du 14 novembre 2003 et a donc été préparé il y a près de 4 ans, la condition du navire s’étant évidemment détériorée dans l’intervalle puisque le navire n’a pas été entretenu;

- Le document ne contient aucune analyse ou justification de la valeur attribuée à la coque.

 

[49]           Puisque ce document ne constitue pas une évaluation de la valeur marchande du navire, la seule évaluation de la valeur marchande valable dont dispose la Cour au sens de la règle 490 des Règles est celle de monsieur Breton qui conclut que le Carapec No. 1 n’a aucune valeur marchande.

 

4 - L’offre d’achat de la firme East Coast Marine Brokers Inc.

[50]           Enfin, le défendeur allègue que le protonotaire aurait dû considérer le fait que le représentant du défendeur est en négociation pour l’achat du navire.

 

[51]           Quant à cet aspect, la demanderesse s’en remet au paragraphe 6 de l’affidavit de monsieur Serge Bélanger du 18 juillet 2007.

 

[52]           Tel qu’indiqué précédemment, le représentant de East Coast Marine Brokers Inc. a informé monsieur Bélanger qu’aucune offre d’achat n’avait été faite par East Coast Marine Brokers Inc. pour le navire Carapec No. 1.

 

CONCLUSION

[53]           Pour tous ces motifs, cette Cour rejette la requête du défendeur avec dépens.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête du défendeur soit rejetée avec dépens.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2033-06

 

INTITULÉ :                                       SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                            c. LE CARAPEC No. 1

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 29 août 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 11 septembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean-Robert Noiseux

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Sylvain Chouinard

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DEMANDERESSE

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS S.E.N.C.R.L.

Québec (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.