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Date : 20070926

Dossier : IMM-4727-06

Référence : 2007 CF 969

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 26 septembre 2007

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

MAIKEL CHAVARRIA CHAVARRIA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Maikel Chavarria Chavarria est un citoyen du Costa Rica qui a demandé l’asile au Canada au motif qu’il craignait d’être persécuté par son ancienne compagne et son père. La Commission a rejeté sa demande après avoir conclu que son récit n’était pas crédible et que, quoi qu’il en soit, il pouvait se réclamer de la protection de l’État au Costa Rica.

 

[2]               M. Chavarria affirme que la décision de la Commission doit être annulée parce qu’elle n’a pas dûment pris en considération la preuve psychologique dont elle a été saisie, ni l’incidence de son état de santé mentale sur son témoignage. Il fait valoir en outre que certaines conclusions de la Commission quant à sa crédibilité sont manifestement déraisonnables. Enfin, M. Chavarria soutient que la Commission a commis des erreurs en se fondant sur une certaine instance qu’elle a qualifiée de guide jurisprudentiel sur la question de la protection de l’État au Costa Rica et en appliquant un critère erroné à cet égard.

 

[3]               Pour les motifs suivants, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur en tranchant que le récit de M. Chavarria n’était pas crédible. Étant donné que la Commission n’a pas accepté le fondement de la demande de M. Chavarria, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la protection de l’État.

 

Contexte de l’affaire

[4]               M. Chavarria a raconté qu’après s’être séparé de sa femme, il a entamé une nouvelle relation avec une femme prénommée Mauren. Rapidement, Mauren s’est montrée jalouse et possessive, et elle faisait des crises d’hystérie quand elle soupçonnait M. Chavarria d’avoir vu sa femme ou s’il sortait sans elle.

 

[5]               M. Chavarria a réalisé que la relation ne pouvait plus durer. Quand il a annoncé à Mauren qu’il voulait mettre fin à la relation, elle l’aurait imploré de revenir sur sa décision s’il ne voulait pas avoir sa mort sur la conscience. Elle aurait également menacé de dire à son père, un ancien policier, que M. Chavarria l’avait violée.

 

[6]               Par la suite, selon M. Chavarria, il aurait ensuite été attaqué par deux policiers. Comme le père de Mauren était présent, M. Chavarria en aurait déduit que c’est elle qui avait manigancé l’agression. Après avoir été battu jusqu’à perdre connaissance, il a dû se rendre dans une clinique de San José pour recevoir des traitements.

 

[7]               M. Chavarria aurait ensuite trouvé refuge chez son oncle. Alors qu’il se trouvait au domicile de son oncle, il aurait reçu la visite de deux membres en uniforme de la garde rurale qui l’auraient informé qu’un mandat d’arrestation avait été lancé contre lui pour viol. M. Chavarria prétend qu’il s’est échappé par le jardin à l’arrière de la maison et qu’il s’est rendu chez un ami. Pendant qu’il était caché chez cet ami, il aurait appris que la police le cherchait encore.

 

[8]               Il aurait alors décidé de s’adresser au bureau du protecteur du citoyen pour déposer une plainte. Cependant, après qu’on l’eut informé que le traitement de son dossier pourrait prendre de trois à quatre ans, il a décidé de ne pas porter plainte. Il a plutôt convaincu Mauren qu’il voulait se réconcilier avec elle afin d’avoir le temps de se préparer à s’enfuir du Costa Rica.

 

[9]               M. Chavarria a quitté le Costa Rica; il est arrivé au Canada le 24 avril 2003. Il a présenté une demande d’asile peu après.

 

[10]           La première audience relative à la demande d’asile de M. Chavarria, tenue en 2003, s’est soldée par un rejet. Cette décision a été annulée sur ordonnance du juge O’Keefe, puis la demande d’asile a fait l’objet d’une seconde audience en 2006. La décision rendue à l’issue de cette audience, également défavorable, fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

La norme de contrôle

[11]           Toutes les questions déterminantes relativement à la demande en cause ont trait à l’appréciation des éléments de preuve par la Commission et à son évaluation de la crédibilité de M. Chavarria. Par conséquent, les conclusions pertinentes sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

Le traitement par la Commission du rapport de Mme Pilowsky

[12]           M. Chavarria soutient que même si elle a adhéré à la conclusion de Mme Pilowsky selon laquelle il souffrait du syndrome de stress post-traumatique et de dépression grave chronique, la Commission n’a pas évalué l’incidence de ces troubles sur son témoignage.

 

[13]           Plus particulièrement, M. Chavarria fait ressortir certains faits mentionnés dans le rapport de Mme Pilowsky – pertes de mémoire, incapacité à se concentrer, tendance à éviter les discussions sur le traumatisme subi – qui auraient dû conduire la Commission à tenir compte de l’évaluation professionnelle de Mme Pilowsky avant de conclure que son témoignage était vague, incohérent et confus.

 

[14]           Plusieurs raisons me portent à décliner la prétention de M. Chavarria. Premièrement, il cite des extraits du rapport de Mme Pilowsky (pertes de mémoire, incapacité à se concentrer, évitement des discussions portant sur le traumatisme subi) qui ne sont pas de son cru, mais qui proviennent de la liste des symptômes que M. Chavarria lui a décrits.

 

[15]           Le rapport de Mme Pilowsky, rédigé en vue de l’audience tenue en 2006 relativement à la demande d’asile de M. Chavarria, ne fait pas allusion à une éventuelle difficulté à témoigner lors de l’audience, ni à une quelconque incidence de son état de santé mentale sur sa capacité à témoigner dans le cadre de l’audience précédente sur sa demande.

 

[16]           Qui plus est, les réserves formulées dans la décision de la Commission concernant la déposition de M. Chavarria n’ont rien à voir avec son incapacité à se souvenir d’événements précis ou un état de confusion. Par ailleurs, M. Chavarria n’avait pas refusé de discuter d’événements soi-disant traumatiques. En fait, les préoccupations de la Commission viennent essentiellement des incohérences importantes entre le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Chavarria, sa déposition lors de l’audience de 2003 relativement à sa demande d’asile et celle qu’il a faite à l’audience tenue en 2006.

 

[17]           Enfin, l’affidavit volumineux soumis par M. Chavarria à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire ne mentionne nulle part que son état de santé mentale a pu nuire à son témoignage devant la Commission.

 

Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité

[18]           Dans une décision longue et exhaustive, la Commission a relevé plusieurs passages de la déposition de M. Chavarria qu’elle a jugés non crédibles, et elle donne les motifs fondant ses conclusions à cet égard.

 

[19]           Je conviens avec M. Chavarria que la Commission a commis une erreur en affirmant qu’entre la première et la seconde audiences de sa demande d’asile, il avait changé sa déposition sur la question de savoir s’il avait engagé une action en divorce au Costa Rica au moment où il a témoigné lors de la première audience. De fait, la transcription de l’audience de 2003 révèle que son témoignage sur ce point est resté constant.

 

[20]           Force est de constater toutefois qu’il subsiste beaucoup d’autres incohérences importantes entre les dépositions de M. Chavarria aux deux audiences. Par exemple, après avoir déclaré à la première audience qu’il avait rencontré le père de Mauren, il a plutôt prétendu à la seconde qu’il l’avait seulement aperçu de loin, sans jamais le rencontrer. La Commission a rejeté cette déclaration, en ajoutant que M. Chavarria avait affirmé à la première audience que le père de Mauren lui avait parlé.

 

[21]           De même, M. Chavarria a changé ses versions au fil du temps concernant ses démarches pour obtenir un conseil juridique quand il était encore au Costa Rica ou pour obtenir de l’aide du bureau du protecteur du citoyen.

 

[22]           Après avoir passé en revue les parties pertinentes des transcriptions des deux audiences et les éléments de preuve documentaires, j’estime qu’il était tout à fait loisible à la Commission de conclure que le récit de M. Chavarria n’était pas crédible au vu du dossier.

 

[23]           Étant parvenue à la conclusion qu’il n’était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de rejeter le fondement de la demande de M. Chavarria, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la protection de l’État.

 

 

 

Conclusion

[24]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Question à certifier

[25]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

 


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE ET ADJUGE :

 

            1.         que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

 

            2.         qu’aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

« Anne Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4727-06

 

 

INTITULÉ :                                       MAIKEL CHAVARRIA CHAVARRIA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 septembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Mactavish

 

 

DATE :                                               Le 26 septembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. Byron Thomas                                                                      POUR LE demandeur

 

Sharon Stewart Guthrie                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. Byron Thomas

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                     Pour le demandeur

 

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                           Pour le défendeur

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