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Date : 20070910

Dossier : IMM-3529-07

Référence : 2007 CF 895

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2007

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

THANESWARAN SINNARAJAH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit des motifs du rejet de la demande de sursis à la mesure de renvoi au Sri Lanka que le demandeur a présentée le 4 septembre 2003 et dont l’exécution est prévue plus tard cet après-midi.

 

[2]               La demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi présentée par le demandeur a été refusée par une agente d’exécution le 30 août 2007, et les motifs de ce refus ont été transmis à l’avocate du demandeur vers 13 h 50 le 31 août 2007, qui tombait le vendredi avant le long congé de la fête du Travail.

 

[3]               Les faits essentiels et contextuels sur lesquels repose la demande de sursis étaient les suivants :

 

1.    Le demandeur est un Tamoul de 35 ans, citoyen du Sri Lanka.

 

2.    Il est arrivé au Canada le 12 mai 1994, à titre de résident permanent parrainé par ses parents.

 

3.    En mars 2002, le demandeur a été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles. En avril 2002, il a été déclaré coupable de voies de fait. Il a également été accusé de harcèlement criminel, mais l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a demandé une suspension de l’accusation aux fins de la mise à exécution de la mesure de renvoi du Canada.

 

4.    Le 7 février 2006, le demandeur a été déclaré interdit de territoire au Canada au motif qu’il était visé par l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) après s’être livré à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi du Canada punissable par mise en accusation. Une mesure d’expulsion a été prise contre lui. Par ailleurs, sur la foi d’éléments de preuve produits dans le cadre de l’enquête, une seconde mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur, après que la Section de l’immigration eut établi qu’il était un individu visé par l’alinéa 36(1)a) de la Loi (interdiction de territoire pour grande criminalité).

 

5. Le demandeur a contesté la décision emportant interdiction de territoire devant la Cour. Le 20 février 2007, mon confrère le juge Shore a rejeté sa demande de contrôle judiciaire. La Cour a conclu que l’association du demandeur avec des membres connus d’un gang criminel et son implication dans une multitude d’incidents criminels discréditaient sa prétention selon laquelle il ne faisait pas partie d’un gang.

 

6.     Le 23 mars 2006, le demandeur a été avisé de son droit de demander un examen des risques avant renvoi (ERAR), dont il s’est prévalu. Le 8 août 2006, l’agent chargé de l’ERAR a établi que le demandeur n’était pas à risque.

 

7. Le 8 mars 2007, l’avocat a présenté une seconde demande d’ERAR. Cette seconde demande a été rejetée le 11 mai 2007. L’agent chargé de l’ERAR a conclu que le demandeur n’avait pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour confirmer qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il retournait au Sri Lanka, ni qu’il susciterait un intérêt quelconque de la part de l’armée sri lankaise. L’agent a estimé que les éléments de preuve documentaires indiquaient que les individus ne présentant pas d’intérêt pour l’armée étaient incarcérés pour de courtes périodes. Il a aussi jugé que la preuve était insuffisante pour conclure que l’état de santé du demandeur l’exposerait à un risque quelconque au Sri Lanka.

 

8. Le demandeur a sollicité un contrôle judiciaire du rejet de sa demande d’ERAR. Sa demande a été déposée le 30 mai 2007 et mise en état le 29 juin 2007. Le 16 août 2007, mon confrère le juge Teitelbaum a refusé d’autoriser un contrôle judiciaire.

 

9. Avant que le juge Teitelbaum rende sa décision, l’avocate du demandeur avait écrit à un agent de renvoi pour obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur en attendant qu’il soit statué sur la demande d’ERAR. L’avocate avait soumis des observations et de nouveaux rapports sur la situation au Sri Lanka émanant d’organismes de défense des droits de la personne.

 

10.                         L’avocate a été notifiée que la demande de sursis serait examinée seulement après la détermination de la date du renvoi. La date du renvoi a été fixée au 4 septembre 2007. L’avocate du demandeur en a été informée le 22 août 2007, et elle a immédiatement renouvelé la demande de sursis et transmis de nouvelles observations.

 

11.                         Lorsque le cabinet de l’avocate a été avisé du refus de la demande de sursis le 27 août 2007, celle-ci a déposé une nouvelle demande d’ERAR au bureau responsable de Toronto, en demandant qu’elle soit traitée d’urgence. Des observations et des éléments de preuve supplémentaires ont été soumis. L’avocate a réitéré sa demande de sursis.

 

12. Je juge important de souligner un autre fait. Le demandeur avait été incarcéré depuis un certain temps avant son renvoi. Sa demande de mise en liberté sous conditions avait été refusée. L’agent de l’immigration a estimé que la preuve était suffisamment solide pour conclure que le demandeur représentait un danger pour la sécurité de la population canadienne.

 

[4]      Le 31 août 2007, comme il a été mentionné auparavant, l’agente d’exécution, Mme Leblanc, a transmis les motifs de sa décision à l’avocate afin qu’elle en fasse part au demandeur. L’agente a noté que les dernières observations soumises à l’appui de la demande de sursis étaient datées du 27 août 2007. Elle a souligné en outre que les documents fournis par l’avocate étaient des rapports sur le pays et des avis aux voyageurs qui évoquaient l’instabilité et les incidents liés aux droits de la personne au Sri Lanka. Les observations précédentes se rapportaient plutôt à l’état de santé du demandeur et à son droit à un recours efficace devant un tribunal compétent avant qu’il soit exposé à un risque.

 

[5]     Dans ses motifs, l’agente d’exécution Leblanc formule d’autres constats :

[Traduction] « Considérant le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi que me confère l’article 48 de la Loi, j’ai pris connaissance de toutes les observations soumises par l’avocate.

 

Je conclus que son client a eu toutes les chances voulues d’exposer le risque auquel il est personnellement exposé dans la demande d’ERAR soumise le 23 mars 2006 et réglée le 8 août 2006. Une deuxième occasion lui a été donnée le 14 mars 2007, qui a donné lieu à une décision défavorable le 11 mai 2007. L’autorisation a été refusée le 21 août 2007. Pour ces motifs, je conclus que la question a fait l’objet d’un examen exhaustif.

Pour ce qui a trait à l’état de santé du demandeur, les Services médicaux de l’immigration ont confirmé que les patients épileptiques ont accès à des médicaments et à des traitements médicaux au Sri Lanka.

Après avoir pris connaissance des observations qui m’ont été fournies et en l’absence de nouveaux renseignements, je conclus qu’un sursis ne serait pas justifié en l’espèce. » [Non souligné dans l’original.]

 

 

[6]     L’avocate du demandeur a soutenu que l’agente d’exécution avait commis deux erreurs qui révélaient un problème grave. Premièrement, la documentation la plus récente contenait de nouveaux renseignements; deuxièmement, le demandeur avait été privé de son droit à l’équité procédurale en n’étant pas invité à répondre à l’avis notifié par les Services médicaux de l’immigration concernant l’accès à des médicaments et à des traitements médicaux pour l’épilepsie au Sri Lanka. Un document trouvé sur le site Web du gouvernement du Sri Lanka avait été versé au dossier du défendeur en guise d’attestation; il y était indiqué que plus de 300 000 patients épileptiques habitaient l’île, et que 70 % étaient traités avec des médicaments et 30 % par voie chirurgicale. Le document extrait du site Web mentionnait également le Centre de traitement de l’épilepsie de l’Hôpital national de Colombo.

       

[8]     Il est acquis en matière jurisprudentielle qu’un agent d’exécution dispose d’un pouvoir discrétionnaire limité de reporter un renvoi en application de l’article 48 de la Loi.

 

[9]     En l’espèce, le contexte est important. Le demandeur a déjà demandé deux ERAR, qui ont tous les deux abouti à des décisions défavorables. La première décision, rendue le 8 août 2006, comportait une analyse de sa crainte de retourner au Sri Lanka en raison de son épilepsie; cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. Sa seconde demande d’ERAR, très récente, a également conduit à une décision défavorable. Cette demande récente, déposée le 11 mai 2007, contient une analyse du risque couru par le demandeur compte tenu de la situation du pays et de son état de santé.

 

[10]     Les nouveaux renseignements qui, selon l’avocate du demandeur, n’ont pas été pris en compte par l’agente d’exécution proviennent d’un rapport récent sur les expulsions des Tamouls de Colombo (publié le 1er juin 2007). Je ne suis pas convaincue que ces nouveaux renseignements modifient sensiblement l’analyse précédente du risque. Il ressort du rapport que les expulsions se sont produites à une seule reprise et que les tribunaux les ont ensuite interdites, de sorte que le rapport a été écarté.

 

[11]     En ce qui concerne le second argument de l’avocate du demandeur, je suis également d’avis qu’il n’y a pas de problème important. Je souligne qu’il est aussi acquis en matière jurisprudentielle que l’obligation d’équité varie. J’ai tenu compte du fait que l’épilepsie du demandeur avait déjà été prise en compte dans une analyse et qu’il avait été corroboré que l’agente d’exécution s’était fondée sur l’avis expert des Services médicaux de l’immigration. Qui plus est, l’avocate du demandeur aurait pu contester la conclusion relative à la disponibilité des traitements médicaux lors de l’audition de la demande de sursis.

 

[12]     Compte tenu des circonstances, j’ai conclu que l’allégation de préjudice irréparable du demandeur est conjecturale. Enfin, la prépondérance des inconvénients donne raison au ministre, notamment le fait que le demandeur représente un danger pour la sécurité publique.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-3529-07

 

INTITULÉ :                                       THANESWARAN SINNARAJAH c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Instruction par téléconférence à Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 septembre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE LEMIEUX

 

DATE :                                               Le 10 septembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

Mielka Visnic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Barbara Jackman

Jackman and Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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