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Date : 20071005

Dossier : IMM-4094-06

Référence : 2007 CF 1031

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

SAROGINIDEVI SIVAGURUNATHAN

SIVAGURUNATHAN KURUSAMY

 

 

 demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Kurusamy Sivagurunathan et sa femme, Saroginidevi Sivagurunathan, sont des citoyens du Sri Lanka qui ont demandé l’asile.

 

[2]        Monsieur et madame Sivagurunathan ont témoigné devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ( la SPR ou la Commission) qu’ils sont originaires de Jaffna, au Sri Lanka. En 1980, lorsque M. Sivagurunathan s’est trouvé un emploi en Arabie Saoudite, Mme Sivagurunathan est restée à Jaffna avec sa famille.  En 1995, Mme Sivagurunathan et sa fille se sont enfuies de Jaffna pour s’établir à Colombo. Jusqu’à sa retraite au mois de juillet 2005, M. Sivagurunathan rendait visite à sa famille à Colombo chaque année pendant ses vacances. Mme Sivagurunathan a témoigné quant à sa crainte de l’armée et de la police. Selon eux, les événements qui ont engendré leur départ du Sri Lanka se sont déroulés au mois de janvier 2005, lorsque cinq jeunes se sont présentés à leur domicile à Colombo. Ces derniers se sont identifiés comme étant membres des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET) et ont exigé que le couple leur remette de l’argent. M. Sivagurunathan leur en a donné et a promis de leur verser une somme additionnelle plus tard. Au lieu de payer, M. et Mme Sivagurunathan ont quitté le Sri Lanka, car ils avaient peur que M. Sivagurunathan se fasse enlever ou tuer par les TLET en raison du non-paiement de la somme d’argent promise.

 

[3]        La SPR a reconnu que M. et Mme Sivagurunathan sont Tamouls et que  M. Sivagurunathan avaient vécu et travaillé en Arabie Saoudite. Toutefois, la SPR n’a pas cru le témoignage de  Mme Sivagurunathan quant à sa crainte de l’armée ni celui de M. Sivagurunathan concernant ses efforts pour éviter l’extorsion des TLET lorsqu’il était à Jaffna, en 1992. Bien que M. et Mme Sivagurunathan contestent ces conclusions quant à la crédibilité, ils ne m’ont pas convaincue qu’elles étaient manifestement déraisonnables de manière à justifier une intervention dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]        M. et Mme Sivagurunathan font également valoir que la Commission s’est montrée trop zélée dans sa recherche de contradictions dans leur témoignage et ils allèguent que la Commission leur a posé des questions vagues qui portaient à confusion. J’ai examiné avec soin la transcription de l’audience et, à mon sens, la façon dont la SPR a interrogé M. et Mme Sivagurunathan n’a pas aidé ces personnes âgées à donner leur témoignage par l’entremise d’un interprète. Cependant, même si la façon dont la Commission a questionné M. et Mme Sivagurunathan n’était pas exemplaire, elle ne justifie aucune intervention.

 

[5]        Ce qui justifie plutôt l’intervention de la Cour, c’est le fait que la SPR ne se soit pas penchée sur le fondement même de la demande de M. et Mme Sivagurunathan et n’ait examiné la question de la protection de l’État que de manière superficielle. La Commission n’a pas rejeté leur témoignage relatif à la tentative d’extorsion en 2005. La Commission a fait une seule référence à cet événement, comme suit :

            Le demandeur d’asile a dû expliquer pourquoi il n’avait pas demandé la protection de l’État, le 15 janvier 2005, après que les Tigres ont voulu lui extorquer de l’argent. Il a répondu que, s’il avait porté plainte contre les Tigres, ces derniers auraient pu l’enlever ou même l’assassiner, s’ils étaient très en colère contre lui, par mesure de représailles. Pressé de questions, il a ajouté qu’il avait entendu dire que l’armée et la police ne protégeaient jamais les Tamouls.

 

[6]        Après avoir apparemment accepté que la tentative d’extorsion ait eu lieu, la Commission est ensuite passée à la question de l’existence de la protection de l’État :

            Le tribunal est au courant que, depuis l’accord de cessez‑le‑feu signé en février 2002, beaucoup de problèmes ont fait surface. Le processus devant conduire à la paix finale entre les belligérants est semé d’embûches. Même s’il se produit encore des incidents isolés, le cessez-le-feu est en vigueur depuis plus de trois ans déjà, ce qui représente en soi une réalisation extraordinaire. Tenant compte de tous les éléments de preuve, le tribunal estime que le demandeur d’asile ne serait pas exposé à davantage qu’une simple possibilité de persécution ou encore, selon la prépondérance des probabilités, qu’il pourrait être exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait au Sri Lanka et s’établissait dans les régions administrées par le gouvernement.

 

[7]        La documentation sur la situation dans le pays en cause indique de façon expresse que, en conséquence de l’accord de cessez-le-feu, les TLET étaient libres de se déplacer dans les régions administrées par le gouvernement et, ainsi, étaient libres d’étendre leurs activités d’extorsion à ces régions. Pendant cette même période, les TLET auraient systématisé ce qu’ils dénommaient leur prélèvement d’ « impôts ». On a affirmé que les citoyens qui refusaient de payer les sommes exigées courraient le risque d’être détenus par les TLET. Au cours de l’audience, le président a fait remarquer qu’il était au courant du fait que les TLET se livraient à beaucoup d’extorsion visant les gens d’affaires à Colombo.

 

[8]        À la lumière de la preuve, la Commission devait offrir une explication plus cohérente et complète afin d’appuyer sa conclusion voulant que M. et Mme Sivagurunathan ne subiraient pas plus qu’une simple possibilité de persécution s’ils retournaient au Sri Lanka et habitaient dans des régions administrées par le gouvernement.

 

[9]        En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.  Les avocats n’ont soumis aucune question aux fins de certification et, à mon avis, il n’y a pas de question à certifier dans ce dossier.

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section de la protection des réfugiés en date du 16 juin 2006 est annulée.

 

2.         L’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés pour qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

 

 

 

 

 

  « Eleanor R. Dawson »         

                                                                                                        __________________________

                                                                                                                                  Juge                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-4094-06

 

INTITULÉ :                                                               SAROGINIDEVI SIVAGURUNATHAN

SIVAGURUNATHAN KURUSAMY

                                                                                    c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 19 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 5 OCTOBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yerzy                                                                POUR LES DEMANDEURS

 

Ladan Shahrooz                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Yerzy                                                                POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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