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Date : 20071009

Dossier : T-150-04

Référence :  2007 CF 1039

Ottawa, Ontario, le 9 octobre 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

CHARLOTTE RHÉAUME

Demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Tel qu’établi antérieurement par cette Cour, une grande retenue judiciaire s’impose lorsqu’il s’agit de questions de faits. Le juge Jean-Eudes Dubé souligne dans l’affaire Barry c. Canada (Conseil du Trésor), [1996] A.C.F. no 901 (QL) :

[8]          ... La Cour devrait faire montre d'une grande réticence à intervenir dans une question de fait. Dans Sarco Canada, la Cour d'appel fédérale a déterminé qu'on n'interviendra pas dans une conclusion de fait "à moins qu'aucune preuve n'appuie la conclusion ou qu'un principe erroné ne la fonde". Dans l'affaire Kibale c. Transports Canada, la Cour d'appel fédérale a énoncé trois conditions qui doivent être préalablement remplies pour justifier l'intervention dans une conclusion de fait, à savoir :

(a)  la conclusion doit être vraiment erronée;

(b)  la conclusion doit être tirée de façon arbitraire ou sans égard à la preuve; et

(c)  la décision doit se fonder sur la conclusion erronée.

 

[2]               Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, le juge Peter deCarteret Cory a fait les commentaires suivants sur le sens de « manifestement déraisonnable » :

[44]      [...] Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère. Dans le Grand Larousse de la langue française, l'adjectif manifeste est ainsi défini: "Se dit d'une chose que l'on ne peut contester, qui est tout à fait évidente". On y trouve pour le terme déraisonnable la définition suivante: "Qui n'est pas conforme à la raison; qui est contraire au bon sens". Eu égard donc à ces définitions des mots "manifeste" et "déraisonnable", il appert que si la décision qu'a rendue la Commission, agissant dans le cadre de sa compétence, n'est pas clairement irrationnelle, c'est-à-dire, de toute évidence non conforme à la raison, on ne saurait prétendre qu'il y a eu perte de compétence. Visiblement, il s'agit là d'un critère très strict.

 

[…]

 

[46]      Il ne suffit pas que la décision de la Commission soit erronée aux yeux de la cour de justice; pour qu'elle soit manifestement déraisonnable, cette cour doit la juger clairement irrationnelle.

 

 

Nature de la procédure judiciaire

[3]               La présente est une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (LRTFP), de la décision rendue le 15 décembre 2003, par le commissaire, monsieur Jean-Pierre Tessier, siégeant à titre d’arbitre de griefs pour la Commission des relations de travail dans la fonction publique (Commission) qui a entendu l’affaire le 9 et 10 juin 2003.

 

Faits

[4]               La demanderesse, madame Charlotte Rhéaume, est employée à l’Agence des douanes et du revenu du Canada auparavant, le Ministère du revenu national.

 

[5]               Par protocole d’entente, signé le 30 août 1990 et 24 octobre 1991, le gouvernement du Canada a transféré l’administration de la taxe sur les produits et services (TPS) au gouvernement du Québec; le 11 août 1992, les parties ont signé une version refondue de l’entente susmentionnée. Le Québec est la seule province à administrer la TPS au nom du gouvernement fédéral.

 

[6]               Suivant le transfert de la TPS au gouvernement du Québec, la plupart des fonctionnaires fédéraux occupant un poste lié à l’administration de la TPS dans la région du Québec ont accepté une mutation au gouvernement du Québec. La demanderesse a cependant demeurée à l’emploi de Revenu Canada, Douanes-Accise.

 

[7]               De 1992 à 1995, le bureau régional de l’accise et de liaison pour la TPS (BRALT), Revenu Canada Douanes-Accise, Montréal (Québec) est mis sur pied pour assurer la liaison entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec.

 

[8]               Le 16 juillet 1993, la demanderesse a accepté une mutation au Service des décisions et de l’interprétation technique de la TPS/TVH. Elle occupe un poste d’agent des demandes et de renseignements classifiés au groupe et niveau PM-02 au sein de la division de l’interprétation et services du BRALT. Le BRALT est cependant aboli en avril 1995.

[9]               En avril 1995, suite à la consolidation de Revenu Canada Douanes-Accise et Revenu Canada-Impôt en un seul ministère, la demanderesse accepte une affectation à titre d’agente d’interprétation, dont le poste est classifié au groupe et niveau PM-02, au Bureau des Services Fiscaux de Montréal, Québec.

 

[10]           En janvier 1999, l’employeur annonce la création de nouveaux postes au Services de l’interprétation technique à travers le Canada. Toutefois, en raison du transfert de la TPS au gouvernement du Québec, aucun nouveau poste n’est créé dans la région du Québec suite à l’annonce susmentionnée.

 

[11]           À l’automne 1999, la demanderesse occupe un poste au Québec dont un certain nombre des fonctions sont rattachées à des activités concernant la TPS. Elle constate que certains de ses collègues ailleurs au Canada détiennent des postes classifiés PM-03 ou AU-02 et qu’ils sont mieux rémunérés, bien qu’ils s’occupent eux aussi de questions reliés à la TPS.

 

[12]           Le 29 octobre 1999, la demanderesse dépose un grief demandant comme mesure de redressement « d’être traitée de façon juste et équitable et ce, au même titre que mes pairs des autres régions du Canada, et que le poste que j’occupe soit dûment classifié à un niveau supérieur et ce, rétroactivement au 1er janvier 1999. »

 

[13]           Entre 1993 et le 29 octobre 1999, la demanderesse est rémunérée conformément à l’échelle de salaire applicable au groupe et niveau PM-02. En date du 29 octobre 1999, au moment du dépôt de son grief, la demanderesse occupe toujours un poste classifié au groupe et niveau PM-02 au Bureau des services fiscaux de Montréal, Québec.

 

[14]           Une demande de « renvoi à l’arbitrage » alléguant une violation des articles 55 (exposé des fonctions) et 64 (administration de la paye) de la convention collective pertinente est approuvée par l’agent négociateur, le 14 septembre 2001, conformément à l’alinéa 92(2) de la LRTFP. Cependant, ce dossier est retiré par l’agent négociateur avant le début de l’audience devant l’arbitre de grief.

 

[15]           Une deuxième demande de « renvoi à l’arbitrage » est soumise par la demanderesse en vertu de l’alinéa 92(1)b) de la LRTFP. Cette demande procède à l’arbitrage et est entendu par la Commission en date des 9 et 10 juin 2003.

 

Décision contestée

[16]           La demanderesse allègue avoir subi une rétrogradation de ses conditions de travail le 1 janvier 1999 puisqu’elle a occupé de facto le poste reclassifié du 1 janvier 1999 au 31 octobre 2001 en étant privée de recevoir la rémunération et les avantages associés, d’appartenir à une classe d’emplois professionnels et d’avoir la possibilité de muter à des postes selon le niveau supérieur de reclassification.

 

[17]           La Commission  a conclut que la preuve présentée par la demanderesse n’était pas probante et par conséquent, l’arbitre rejette le grief pour les motifs qu’il ne pouvait pas conclure qu’elle ait subi une injustice par rapport à ses autres collègues ou qu’elle doive recevoir une rémunération supérieure.

 

Questions en litige

[18]           (1)  La première question soulevée par la présente demande est celle de la détermination du critère de révision applicable à l’examen par cette Cour de la décision de l’arbitre. 

(2)  La deuxième question en litige est de savoir si la conclusion de l’arbitre satisfait au critère de révision applicable.

 

Analyse

[19]           La demanderesse soumet que l’arbitre a refusé d’exercer sa compétence en refusant de se pencher sur le fond du grief, soit la rétrogradation et la demande d’un traitement équitable de la demanderesse avec ses pairs des autres provinces. Toutefois, le défendeur souligne que l’arbitre s’y est penché puisqu’il a clairement statué que le fait que le travail de la demanderesse ait changé en résultat du transfert de l’administration de la TPS au gouvernement du Québec ne constituait pas une rétrogradation. C’est sur cette conclusion de fait que la demanderesse présente sa demande en révision judiciaire. 

 

Norme de contrôle applicable

[20]           L’article 92 de la  LRTFP, prévoit les circonstances dans lesquelles un fonctionnaire peut renvoyer un grief à l’arbitrage :

 

92.      (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

 

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

 

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

 

 

 

 

 

 

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

 

 

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

92.        (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

 

 

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

 

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

 

 

 

 

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

 

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

 

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

 

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

 

(2) Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance described in paragraph (1)(a), the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the bargaining agent for the bargaining unit, to which the collective agreement or arbitral award referred to in that paragraph applies, signifies in the prescribed manner its approval of the reference of the grievance to adjudication and its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

 

(3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act.

 

(4) The Governor in Council may, by order, designate for the purposes of paragraph (1)(b) any portion of the public service of Canada specified in Part II of Schedule I.

[21]           La Commission est un tribunal indépendant spécialisé dans l’administration des régimes de négociation collective et d’arbitrage des griefs dans la fonction publique fédérale et au Parlement. L’expertise pointue de ses membres, dans le domaine des griefs, fait en sorte que la norme de contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre soit élevée de sorte à ce qu’un juge qui procède à la révision judiciaire d’une décision exerce une plus grande retenue judiciaire. (Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] 1 R.C.S. 727; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941.)

 

[22]           Afin que cette Cour puisse poursuivre à la révision judiciaire d’une conclusion de fait erronée, le demandeur doit être en mesure de démontrer la nature particulière ou la gravité de l’erreur alléguée. Le juge Robert Décary note dans l’arrêt Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (QL) :

[14]      Ces conclusions, dans la mesure où elles sont factuelles, ne peuvent être révisées que si elles sont erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Section du statut disposait (c'est l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale qui établit cette norme de contrôle, qu'en d'autres juridictions on définit par l'expression "manifestement déraisonnable"). Ces conclusions, dans la mesure où elles appliquent le droit aux faits de la cause, ne peuvent être révisées que si elles sont déraisonnables.

 

[23]           À la lumière de ce qui précède, la Cour soumet que le critère de révision applicable en l’espèce est celui de l’erreur manifestement déraisonnable.

 

            Fardeau de la Preuve

[24]           L’alinéa 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7 énonce les motifs précis que la demanderesse doit démontrer lors d’une demande de contrôle judiciaire. Cette disposition est libellée comme suit :

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1 [ … ]

 

Motifs

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

Application for judicial review

 

18.1

 

Grounds of review

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

 

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

Compétence de l’arbitre

[25]           La demanderesse soumet que l’arbitre a commis une erreur en substituant sa propre analyse de ses fonctions à celle déjà effectuée à l’échelle nationale pour des postes identiques à celui de la demanderesse dans un même secteur de travail. L’arbitre a clairement reconnu ne pas avoir compétence pour traiter une question de classification et qu’il n’a nullement évalué le poste de la demanderesse du point de vue de la classification.

 

[26]           Le sous-alinéa 11(2)g) de la Loi sur la Gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, mod. par. L.R. 1992, c. 54, art. 81 (LGFP), prévoit que « […], le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique » :

11(2)g) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie

11(2)(g) provide for the termination of employment, or the demotion to a position at a lower maximum rate of pay, for reasons other than breaches of discipline or misconduct, of persons employed in the public service, and establishing the circumstances and manner in which and the authority by which or by whom those measures may be taken or may be varied or rescinded in whole or in part

 

[27]           Pour que l’arbitre puisse se prononcer sur une question de rémunération, il faut qu’on lui démontre que les autres fonctionnaires effectuent un travail semblable à ce que la demanderesse effectue, en quantité et en qualité (complexité de travail) afin d’obtenir une rémunération par intérim. Dans la décision Bégin et le Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), [1990] C.R.T.F.P.C. no 26, de la Commission, l’arbitre s’est fondé sur la prépondérance de probabilité pour conclure que les fonctionnaires avaient exercé par intérim les fonctions d’un niveau supérieur. L’arbitre avait conclu que les employés s’estimant lésés consacraient 70 pour cent de leur temps à s’acquitter des fonctions de classification supérieure.

 

[28]           La seule preuve devant l’arbitre est le fait que la demanderesse a reçu une description d’emploi dont des éléments font référence à des avis donnés sur la taxe d’accise. Elle produit aussi des rapports d’activités, démontrant qu’elle s’occupe d’activités relatives à la TPS. 

 

[29]           Par conséquent, la demanderesse n’a déposé aucune preuve démontrant, au sens du sous-alinéa 11(2)g) de la LGFP, qu’elle a été rétrogradée à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur.

 

[30]           De plus, le fait d’occuper un poste dont le niveau n’a pas été reclassifé à la hausse ne constitue pas une rétrogradation au sens du sous-alinéa 11(2)g) de la LGFP.

 

[31]           Les prétentions de la demanderesse à l’effet qu’elle occupait, de facto, un poste ayant un niveau de classification supérieur concerne le pouvoir de nomination, tel que conféré par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, S.R., ch. P-32. Comme l’a soumis le défendeur, c’est à juste titre que l’arbitre de grief n’a pas statué sur cette question, et ce, conformément à l’article 92 de la LRTFP.

 

Évaluation de la preuve

[32]           Quant à l’évaluation de la preuve testimoniale et documentaire, l’article 96.1 de la LRTFP accorde aux arbitres tous les pouvoirs, droits et privilèges conférés à la Commission à l’article 25 de la LRTFP, y compris pleine discrétion sur les questions reliées à la preuve :

Pouvoirs de l'arbitre de grief

 

96.1      L'arbitre de grief a, dans le cadre de l'affaire dont il est saisi, tous les droits et pouvoirs de la Commission, sauf le pouvoir réglementaire prévu à l'article 22.

 

Pouvoirs de la Commission lors des procédures

 

25.      En ce qui concerne l'audition ou le règlement de toute affaire dont elle est saisie, la Commission peut :

 

c) recevoir et accepter, sous serment, par affidavit ou sous toute autre forme, les éléments de preuve et les renseignements qu'elle juge appropriés, qu'ils soient admissibles ou non en justice, et notamment refuser tout élément de preuve qui n'est pas présenté dans la forme et au moment prévus par règlement;

 

Powers of Adjudicator

 

96.1      An adjudicator has, in relation to the adjudication, all the powers, rights and privileges of the Board, other than the power to make regulations under section 22.

 

Powers of Board in proceedings

 

25.      The Board has, in relation to the hearing or determination of any proceeding before it, power:

 

(c) to receive and accept such evidence and information on oath, affidavit or otherwise as in its discretion it sees fit, whether admissible in a court of law or not and, without limiting the generality of the foregoing, to refuse to accept any evidence that is not presented in the form and within the time prescribed;

 

 

[33]           La Cour suprême du Canada a examiné une disposition de compétence provinciale analogue au paragraphe 25(c) de la LRTFP, dans l’arrêt Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316. Selon la Cour, le tribunal n’interviendra pas dans la décision de l’arbitre eu égard à la preuve que si celle-ci est manifestement déraisonnable.

[46]        Le paragraphe 84(1) de The Labour Relations Act, 1977 prévoit que l'arbitre peut recevoir et accepter les éléments de preuve qu'il juge souhaitables, qu'ils soient admissible ou non devant une cour de justice... Bien que ce genre de dispositions n'excluent pas complètement le contrôle judiciaire, elles permettent à l'arbitre d'assouplir les règles de preuve. Cela reflète le fait que, souvent, les arbitres ne possèdent aucune formation juridique et qu'il leur est permis d'appliquer les règles comme le ferait toute personne raisonnable dans la gestion de ses affaires. Le paragraphe 84(1) exprime l'intention du législateur de laisser à l'arbitre le soin de trancher ces questions. En conséquence, la décision de l'arbitre à cet égard ne peut faire l'objet d'un examen que s'il est démontré qu'elle est manifestement déraisonnable.

 

 

[34]           Dans l’arrêt Teeluck c. Canada (Conseil du Trésor), [2000] A.C.F. no 1748 (QL), conf. [1999] A.C.F. no 1544 (1ère inst.) (QL), la Cour d’appel fédérale, dans le contexte de la LRTFP, a spécifiquement fait référence à la citation susmentionnée et a conclu que les tribunaux doivent également faire preuve de grande retenue judiciaire en révisant les décisions d’un arbitre portant sur la preuve.

[24]        ... Ce commentaire s'applique également à l'alinéa 25c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les décisions des arbitres quant aux éléments de preuve ne peuvent généralement faire l'objet d'un contrôle que s'il est démontré qu'elles sont manifestement déraisonnables ou irrationnelles.

 

[35]           Par conséquent, la Cour soumet que l’arbitre n’a pas agi de façon manifestement déraisonnable en tenant compte du témoignage de Mme Carole Gouin, directrice au Bureau des services fiscaux de Montréal, et en lui accordant le poids jugé approprié.

 

[36]           L’arbitre n’a pas agi de façon manifestement déraisonnable puisqu’il a entendu le témoignage de la demanderesse et admis tous les documents présentés par cette dernière. Il revenait à l’arbitre de leur accorder le poids jugé approprié.

 

[37]           En vertu de la Loi sur les Cours fédérales, cette Cour interviendra sur une question de faits que dans les cas énoncés au paragraphe 18.1(4)d) :

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1 [ … ]

 

Motifs

 

[...]

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

Application for judicial review

 

18.1 [ … ]

 

Grounds of review

 

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

 

[38]           La décision de l’arbitre est fondée sur son appréciation de la preuve présentée et non sur des conclusions de faits erronées, abusives ou arbitraires ou sans tenir compte des éléments présentés.

 

[39]           Tel qu’établi antérieurement par cette Cour, une grande retenue judiciaire s’impose lorsqu’il s’agit de questions de faits. Le juge Dubé souligne dans l’affaire Barry, ci-dessus :

[8]          ... La Cour devrait faire montre d'une grande réticence à intervenir dans une question de fait. Dans Sarco Canada, la Cour d'appel fédérale a déterminé qu'on n'interviendra pas dans une conclusion de fait "à moins qu'aucune preuve n'appuie la conclusion ou qu'un principe erroné ne la fonde". Dans l'affaire Kibale c. Transports Canada, la Cour d'appel fédérale a énoncé trois conditions qui doivent être préalablement remplies pour justifier l'intervention dans une conclusion de fait, à savoir :

(a)  la conclusion doit être vraiment erronée;

(b)  la conclusion doit être tirée de façon arbitraire ou sans égard à la preuve; et

(c)  la décision doit se fonder sur la conclusion erronée.

 

[40]           L’arbitre a discuté de la question de la rémunération supérieure en réponse à la preuve déposée par la demanderesse. Par conséquent, la conclusion de l’arbitre quant aux mesures de redressements recherchées par la demanderesse n’est pas entachée d’une erreur qui justifie l’intervention de cette Cour.

 

[41]           Il existe en espèce une preuve claire qui supporte les conclusions de faits tirées par l’arbitre ainsi que sa décision de rejeter le grief. La décision n’est pas manifestement déraisonnable ou irrationnelle.

 

[42]           Par conséquent, et pour les motifs présentés, il n’y a aucune justification qui permettrait à cette cour d’intervenir, et ce en dépit du fait qu’elle serait peut-être arrivée à une différente conclusion.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de révision judiciaire soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-150-04

 

INTITULÉ :                                       CHARLOTTE RHÉAUME

                                                            c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 4 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 9 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Charlotte Rhéaume

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Simon Kamel

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CHARLOTTE RHÉAUME

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

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