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Date : 20071016

Dossier : IMM-1426-07

Référence : 2007 CF 1055

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

ASHLEY FRANCISCO RODRIGUES

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Ashley Francisco Rodrigues à l’encontre d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) effectué le 11 mars 2007.

 

L’historique

[2]               M. Rodrigues est né au Koweït en 1983, mais comme son père est un citoyen indien, il est lui aussi un ressortissant indien. M. Rodrigues a vécu peu longtemps en Inde, où il était placé dans un pensionnat, et il a été élevé en majeure partie au Koweït. La famille Rodrigues est chrétienne et M. Rodrigues parle seulement l’anglais. M. Rodrigues et sa famille se sont établis au Canada comme résidents permanents en juin 1997.

 

[3]               Le 18 janvier 2002, M. Rodrigues a été déclaré coupable de tentative d’introduction par effraction dans un dessein criminel et de recel. Il a été condamné à une peine conditionnelle de quatre mois suivie d’une probation. En raison de cette condamnation, il a fait l’objet d’une ordonnance d’expulsion et un appel ultérieur auprès de la Section d’appel de l’immigration (SAI) pour l’obtention d’un sursis a été rejeté. Il semble que cette décision fasse l’objet d’une demande distincte de contrôle judiciaire.

 

[4]               En 2006, M. Rodrigues a été déclaré coupable de voies de fait graves et de possession d’une arme dangereuse. Il a été condamné pour cette infraction criminelle à une peine d’emprisonnement de deux ans suivie d’une probation. Au moment où la demande a été plaidée devant moi, M. Rodrigues purgeait encore sa peine d’emprisonnement.

 

[5]               Le 8 février 2007, M. Rodrigues a demandé un ERAR. Sa demande de protection était exposée dans des observations écrites détaillées et ses préoccupations en matière de risques étaient résumées de la manière suivante :

[traduction] Une preuve documentaire abondante établit le grand nombre d’attaques violentes contre les chrétiens en Inde. La violence religieuse ne diminue pas et les enquêtes policières sont inadéquates. En Inde, les chrétiens sont persécutés et sont soumis à la discrimination et à l’ostracisme.

 

Les risques qu’encourt le demandeur sont en outre intensifiés par le fait qu’il est un complet étranger en Inde, facteur qui attirera l’attention sur lui. Il est caucasien, chrétien, parle seulement l’anglais, n’a pas de famille, d’amis ou de relations en Inde et connaît mal les coutumes et la culture indiennes. Il ne sera pas en mesure de fonctionner dans ce pays. Il sera perçu comme un étranger et sa foi chrétienne le désignera comme cible de la persécution, du harcèlement, de l’ostracisme et des attaques. L’intolérance religieuse est largement répandue en Inde et la violence contre les chrétiens continue sans cesse.

 

Ashley Rodrigues n’a vécu en Inde que quelques années lorsqu’il était enfant, pendant la guerre du Golfe. Il a vécu dans un pensionnat où l’on ne parlait que l’anglais et sans autorisation de quitter les locaux scolaires. L’école était gardée et isolée. Au cours de cette brève période passée en Inde, le demandeur n’a pas pu assimiler les valeurs, la culture et la langue de l’Inde et ne l’a effectivement pas fait. Le demandeur est né au Koweït. Il a 23 ans, a passé la moitié de sa vie au Koweït et le reste au Canada. Sa seule attache avec l’Inde est sa citoyenneté indienne, qu’il a obtenue à la naissance du fait de la citoyenneté de son père. Le demandeur ne sera pas en mesure de fonctionner en Inde, se démarquera comme étranger, n’aura aucun moyen de subsistance et aucune perspective d’avenir. Il est terrifié à l’idée d’être l’objet d’attaques pour sa foi chrétienne et ses valeurs occidentales. Il craint que la sécurité de sa personne soit menacée et que sa vie soit en danger.

 

 

[6]               Outre ses préoccupations personnelles, M. Rodrigues a présenté une preuve abondante sur l’état du pays, qui exposait la situation dangereuse dans laquelle se trouvent les membres de la minorité chrétienne. Ces documents faisaient état d’actes de violence dirigés contre les chrétiens, commis essentiellement par des extrémistes hindous, et notamment de cas où la réaction de l’État avait été inadéquate.

 

La décision d’ERAR

[7]               Après avoir fait référence à divers rapports sur l’état du pays décrivant la situation dangereuse en Inde pour les tenants de la foi chrétienne, l’agent d’ERAR a conclu que M. Rodrigues n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État en Inde. La décision d’ERAR contenait également la conclusion suivante :

[traduction] S’agissant des circonstances particulières du demandeur, j’ai pris en considération son profil spécifique de chrétien caucasien. Néanmoins, en me fondant sur la preuve documentaire ci-dessus, je ne suis pas persuadé qu’elle suffit à indiquer que les Caucasiens ne jouiraient pas de la protection que l’État accorde aux chrétiens d’autres origines ethniques.

 

Je suis tout à fait conscient que le demandeur n’a pas de domicile ou de réseau familial en Inde et qu’il pourrait lui être difficile de trouver un emploi du fait qu’il ne parle que l’anglais. Je suis sensible à ces éléments, mais je note que ces considérations relèvent d’une demande au titre de considérations d’ordre humanitaire. Pourtant, je note également que selon le World Factbook, l’anglais jouit d’un statut de langue associée mais qu’il est la langue la plus importante dans les communications nationales, politiques et commerciales.

 

De plus, j’ai lu l’observation de l’avocat sur l’immense stress psychologique que causerait au demandeur son renvoi en Inde. Je note que j’ai tenu compte de cette affirmation, mais je ne trouve pas que l’avocat présente suffisamment de détails sur le degré de difficulté psychologique qu’éprouverait le demandeur. À cet égard, j’observe qu’il y a peu d’éléments de preuve médicaux, du type d’une lettre d’un psychologue ou d’un autre professionnel de la santé, qui l’indiquent.

 

Par conséquent, sur le fondement de l’ensemble de la preuve dont je suis saisi, je conclus que le demandeur ne ferait face à rien d’autre qu’une simple possibilité de persécution en vertu de l’article 96 de la LIPR. Je conclus également qu’il n’est pas vraisemblable que le demandeur encoure en Inde un risque de torture, de menace à la vie ou un risque de traitements ou peines cruels et inusités comme le prévoient les alinéas 97(1)a) et b) de la LIPR.

 

 

Les questions soulevées

[8]               a)         L’agent d’ERAR a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire en s’appuyant sur un rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni ou en l’adoptant comme fondement de sa conclusion sur la protection de l’État?

 

            b)         L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en se montrant trop sélectif dans son appréciation de la preuve sur la situation du pays?

 

            c)         L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en concluant que la preuve dont il était saisi était insuffisante pour faire jouer l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)?

 

L’analyse

[9]               La première et la troisième questions ci-dessus touchent des points d’équité et de droit pour lesquels la norme de contrôle est dans les deux cas le caractère correct : voir la décision Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 461, [2006] A.C.F. n° 631 au paragraphe 44. La deuxième question concerne purement la preuve et la norme de contrôle dans ce cas est la décision manifestement déraisonnable : voir l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CSC 41, [2005] A.C.S. n° 39 au paragraphe 38.

 

L’entrave au pouvoir discrétionnaire

[10]           L’avocat de M. Rodrigues a critiqué l’agent d’ERAR pour s’être appuyé sur une partie d’un rapport élaboré par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, qui évaluait la situation générale, la situation politique et la situation des droits de l’homme en Inde. Ce rapport s’intitulait Home Office Operational Guidance Note – India » (rapport OGN). Il y est indiqué que le rapport doit être lu en conjonction avec le Home Office Country of Origin Report for India (rapport COI).

 

[11]           M. Rodrigues ne se préoccupe pas directement du rapport OGN, mais il se préoccupe du fait que l’agent d’ERAR en a adopté l’extrait suivant :

[traduction] Les personnes qui sont victimes d’intolérance religieuse peuvent raisonnablement demander la protection des autorités indiennes et rien n’établit que cette protection n’est pas assurée. Comme en témoignent les conclusions de la Commission nationale des droits de la personne de l’Inde au sujet des événements extrêmement violents survenus en février 2002 au Gujarat, il existe une surveillance, des enquêtes et des mesures de réparation à l’égard des victimes de la violence religieuse, même dans les circonstances les plus extrêmes. Comme nous l’avons précisé, ceux qui ont commis des actes de violence religieuse même dans les circonstances les plus extrêmes. Comme nous l’avons précisé, ceux qui ont commis des actes de violence religieuse contre les chrétiens, les musulmans et les hindous ont été poursuivis en justice pour leurs actes.

 

 

[12]           M. Waldman a fait valoir avec vigueur que la déclaration ci-dessus représente une conclusion juridique portant que la protection de l’État est assurée en Inde aux membres des minorités religieuses. En se fondant sur cette conclusion, a-t-il dit, l’agent d’ERAR a renoncé à exercer son jugement alors que c’était justement la question sur laquelle il était tenu par la loi de se prononcer à la lumière de la preuve factuelle dont il était saisi.

 

[13]           Rien dans la décision de l’agent d’ERAR ne laisse entendre que l’agent s’est considéré tenu d’adopter les conclusions du rapport OGN et ce document, en effet, ne vise pas à constituer une ligne directrice contraignante pour les agents chargés de l’octroi de l’asile au Royaume-Uni. Au contraire, le rapport conseille de considérer les demandes d’asile sur une base individuelle. Le rapport OGN puise aussi dans les renseignements provenant d’un grand nombre de documents sources, notamment de la documentation d’Amnistie internationale, de Human Rights Watch, du département d’État américain, de diverses agences de presse et du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni. Rien n’indique que les rapports OGN du Royaume-Uni ne sont pas fiables par nature et, en fait, leur utilisation comme documents de référence en matière d’immigration n’est pas rare au Canada : voir, par exemple, la décision Figurado c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CF 347, [2005] A.C.F. n° 458 au paragraphe 54.

 

[14]           Je ne suis pas d’accord non plus sur le fait que la façon d’utiliser le rapport OGN en l’espèce constitue un manquement de l’agent d’ERAR à son obligation de décider si la protection de l’État était assurée à M. Rodrigues. Lu dans son contexte, l’extrait attaqué n’est rien de plus qu’un résumé d’autres renseignements que l’agent d’ERAR a examinés et acceptés. Tout en reconnaissant que [traduction] « la situation en matière d’intolérance religieuse est loin d’être idéale en Inde », l’agent a conclu de manière indépendante que M. Rodrigues n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État.

 

[15]           Cette conclusion n’a pas été tirée isolément. L’agent d’ERAR a noté les traditions et les institutions séculières et démocratiques de l’Inde ainsi que le respect général de la liberté religieuse. Il s’est appuyé sur divers documents sources, notamment sur deux rapports du département d’État américain, pour étayer les conclusions suivantes :

·        L’Inde jouit d’une démocratie parlementaire fédérale multipartite de longue date et stable.

·        L’Inde tient des élections libres et justes.

·        Le gouvernement indien est généralement efficace dans le contrôle de ses forces de sécurité.

·        Les chrétiens, deuxième minorité religieuse en importance en Inde, peuvent se livrer à leurs pratiques religieuses sans interférence des autorités, notamment créer des écoles religieuses et diffuser l’enseignement religieux.

·        L’imposition d’une politique gouvernementale basée sur l’hindouisme est assujettie au contrôle judiciaire.

·        La Commission nationale des minorités et la Commission nationale des droits de l’homme travaillent à la protection des droits des minorités et des droits de l’homme en général.

 

[16]           De toute évidence, l’agent d’ERAR a accepté le Religious Freedom Report for India (2006) du département d’État américain comme une référence faisant autorité. En plus des extraits à l’appui expressément cités, d’autres extraits appuyaient la thèse de la protection qu’assure l’État en Inde. Les auteurs du rapport reconnaissaient que l’intolérance religieuse et la violence constituaient de graves problèmes en Inde, mais ils estimaient qu’il régnait généralement une situation de [traduction] « coexistence pacifique ». Le rapport faisait également observer que les attaques contre les chrétiens étaient plus nombreuses dans certaines parties du pays (au Gujarat, par exemple) et visaient souvent les personnes qui tentaient de convertir des hindous au christianisme. Il signalait que le nouveau gouvernement national avait resserré son contrôle législatif sur la violence communautaire, notamment en conférant un pouvoir d’enquête plus grand à la Commission des droits de l’homme. Il avait également institué une politique plus rigoureuse de poursuite judiciaire des personnes responsables d’attaques à motifs religieux. Le rapport poursuivait en faisant observer qu’au cours de 2005, la situation communautaire en Inde était en général demeurée sous contrôle.

 

[17]           Il est clair en l’espèce que l’agent d’ERAR s’est appuyé sur un certain nombre de sources crédibles pour tirer la conclusion que M. Rodrigues pourrait bénéficier de la protection de l’État en Inde. Je ne suis pas persuadé que l’agent a subordonné son jugement sur la protection accordée par l’État aux points de vue exprimés dans le rapport OGN et je ne conviens pas que l’extrait contesté par M. Rodrigues représente la conclusion sur un point de droit. Il m’apparaît plutôt qu’il représente une conclusion de fait fondée sur une preuve très abondante portant que les victimes de l’intolérance religieuse pouvaient généralement obtenir une protection et des mesures de réparation efficaces des autorités indiennes. Il s’agissait là d’une conclusion raisonnable tirée de la preuve produite.

 


La question de la preuve

[18]           M. Rodrigues se plaint également que l’agent d’ERAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve et en l’interprétant mal et qu’il a été déraisonnablement sélectif à l’égard des éléments de preuve qu’il a adoptés pour étayer sa conclusion relative à la protection de l’État.

 

[19]           Il est incontestable que l’agent d’ERAR disposait d’une preuve très abondante sur le fait que des chrétiens étaient fréquemment victimes d’extrémistes hindous en Inde et que la police indienne n’opposait parfois pas de réaction. En réalité, ces éléments de preuve ont été pris en compte et la décision de l’ERAR comporte un échantillon assez représentatif de rapports sur l’état du pays qui confirment la portée du problème. Il va de soi que l’agent d’ERAR n’est pas tenu de faire mention de toutes les références documentaires dont il a été saisi. En l’espèce, je suis convaincu, sur la foi des documents cités, que l’agent a nettement compris la dimension du risque auquel sont exposés les chrétiens en Inde.

 

[20]           Une grande partie des éléments de preuve sur lesquels s’est appuyé M. Rodrigues avait un caractère anecdotique et, dans un contexte plus large, elle a été jugée insuffisante pour réfuter la situation généralement favorable de la protection de l’État que l’agent d’ERAR avait admise. Les éléments de preuve attestant des actes de violence commis contre des chrétiens devaient être considérés dans le contexte global d’un pays qui compte une population de plus d’un milliard d’habitants, où plus de vingt millions de citoyens sont des chrétiens. D’autres éléments de preuve dont était saisi l’agent d’ERAR établissaient que le risque encouru par les chrétiens était beaucoup plus faible dans certaines parties du pays et qu’à certains endroits, les chrétiens constituaient la majorité de la population. En outre, une partie de la preuve sur laquelle se fondait M. Rodrigues sur la question du risque était périmée et avait été remplacée par des éléments de preuve attestant une situation postélectorale meilleure au plan des risques.

 

[21]           Il est également relativement pertinent dans le contexte de signaler que M. Rodrigues n’a aucunement établi devant l’agent d’ERAR dans quelle mesure il était un chrétien pratiquant, voire même s’il en était un. Cette lacune avait un certain impact potentiel du fait que de nombreux exemples documentés d’intolérance religieuse en Inde concernent des chefs religieux et d’autres personnes activement engagées dans la conversion des hindous. Si M. Rodrigues avait abandonné toute adhésion au christianisme, le degré du risque qui le menaçait, le cas échéant, aurait été largement diminué. À dire vrai, à la lumière de la preuve sur les antécédents de M. Rodrigues en matière de criminalité grave et d’incarcération, l’affirmation qu’il fait d’un risque imputable à son identité chrétienne semble plutôt incongrue, surtout en l’absence d’éléments de preuve en sens contraire qui attesteraient son adhésion à la foi et aux pratiques chrétiennes.

 

[22]           S’agissant de cette question, je partage entièrement l’avis de l’avocat du défendeur, selon lequel l’exercice demandé à la Cour au nom de M. Rodrigues commande de réévaluer la preuve à l’égard du risque, ce qui n’est pas la fonction de la Cour dans un contrôle judiciaire. Même s’il était dans le cadre de mon mandat d’entreprendre une réévaluation de cette preuve, je ne serais pas parvenu à une décision différente de celle de l’agent d’ERAR.

 

La question de la Charte

[23]           M. Rodrigues soutient que l’agent d’ERAR avait l’obligation de prendre en considération ses droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne en vertu de l’article 7 de la Charte et que l’agent a manqué à son obligation. Il dit que les droits qui lui sont conférés à l’article 7 étaient visés par la preuve qu’il a avancée au sujet de son « exil » en Inde. Cette preuve consistait en une déclaration solennelle dans laquelle il affirmait n’avoir aucune attache sociale, linguistique, culturelle ou familiale en Inde et aucune perspective d’avancement. Selon lui, cet exil lui causerait des difficultés et une détresse psychologique. Hormis ces simples affirmations, aucun autre élément de preuve établissant les difficultés visées n’a été présenté à l’agent d’ERAR.

 

[24]           Encore une fois, je suis d’accord avec l’avocat du défendeur. L’agent d’ERAR n’a pas commis d’erreur en faisant observer que les considérations afférentes aux difficultés exposées par M. Rodrigues seraient plus appropriées au règlement d’une affaire reliée à d’autres procédures en matière d’immigration. La portée de l’ERAR ne comprend pas le genre de considérations humanitaires que M. Rodrigues fait maintenant valoir : voir Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, 272 F.T.R. 62 au paragraphe 70. Dans la mesure où un renvoi pourrait affecter les droits d’une personne prévus à l’article 7, ces droits doivent être examinés dans le cadre de la panoplie des mesures de redressement qui sont prévues à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) et ils ne peuvent être appréciés de manière isolée : voir les arrêts Powell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 202, 339 N.R. 189 au paragraphe 13 et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Varga, 2006 CAF 394, 357 N.R. 333 au paragraphe 13. M. Rodrigues a eu la possibilité d’engager une procédure devant la SAI. C’était là l’organe approprié habilité à apprécier la question des difficultés qui, prétend-il, aurait dû être considérée par l’agent d’ERAR.

 

[25]           Même dans ce cas, il semble n’y avoir aucune obligation légale inhérente prescrivant d’étendre les considérations humanitaires à un non-citoyen qui fait face à une expulsion pour criminalité grave : voir l’arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] R.C.S. 539 au paragraphe 47. Le type de préoccupations que soulève M. Rodrigues n’atteint tout simplement pas une dimension telle que ses droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne soient menacés. M. Rodrigues n’encourt aucun risque de torture en Inde et le risque de persécution religieuse qu’il allègue a été raisonnablement rejeté. Il n’est pas incarcéré en ce moment pour des motifs d’immigration. Si ln fait l’hypothèse, sans trancher, que l’agent d’ERAR détient une obligation qui va au-delà du mandat que lui confère la loi et qu’il doit traiter des questions et des valeurs de la Charte[1], absolument aucune caractéristique n’a été établie au sujet du renvoi de M. Rodrigues en Inde qui ferait intervenir des droits prévus à l’article 7. En clair, si le genre de préoccupations qu’exprime M. Rodrigues constituait un empêchement à l’expulsion, très peu de ressortissants étrangers pourraient être licitement contraints à quitter le pays.

 


[26]           En conclusion, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[27]           Comme l’avocat de M. Rodrigues s’est montré intéressé à proposer une question à la certification, je lui accorderai sept jours pour le faire. S’il propose une question à faire certifier dans ce délai, l’avocat du défendeur disposera d’un délai de réponse de trois jours.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1426-07

 

INTITULÉ :                                       ASHLEY FRANCISCO RODRIGUES

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 16 OCTOBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LE DEMANDEUR

Kristina Dragaitis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 



[1]               Voir l’arrêt Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 365 au paragraphe 56, qui laisse entendre que cette obligation n’existe pas.

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