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Date : 20071019

Dossier : IMM-4685-06

Référence : 2007 CF 1084

Toronto (Ontario), le 19 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

CHESTER DIRK FERDINANDS

SHANIKA HIMANI FERDINANDS

GAYAN DIVAKE FERDINANDS (représenté par son tuteur à l’instance)

ENAKSHI DIYANA FERDINANDS (représentée par son tuteur à l’instance)

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Chester Ferdinands et sa famille ont demandé l’asile au Canada au motif qu’ils faisaient l’objet de persécution religieuse et politique au Sri Lanka. Ils affirment que leurs problèmes ont commencé lorsqu’ils ont loué une partie de leur maison à une jeune famille tamoule, ce qui a déplu à leurs voisins bouddhistes et à des groupes politiques, qui ont réclamé l’éviction des Tamouls et qui ont menacé les demandeurs.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile des demandeurs pour cause d’insuffisance d’éléments de preuve crédibles. Une partie de l’audience avait eu lieu par vidéoconférence. Les demandeurs font valoir que leur droit à une audience équitable a été bafoué en raison du mauvais fonctionnement de l’équipement utilisé pour la vidéoconférence. Ils affirment en outre que la Commission a commis une série d’erreurs dans ses conclusions de fait. Ils me demandent d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant la Commission. 

 

[3]               À mon avis, les demandeurs ont eu droit à une audience équitable. J’estime toutefois que la conclusion de la Commission ne repose par sur la preuve. Je vais donc faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.     Questions en litige

 

1.    L’équipement défectueux utilisé pour la vidéoconférence a-t-il rendu l’audience inéquitable?

2.    La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour appuyer la demande d’asile des demandeurs?

 

[4]               Suivant les demandeurs, la Commission n’a pas examiné la demande d’asile de chacun des membres de la famille et elle a commis une erreur en comparant le témoignage de M. Ferdinands avec son Formulaire de renseignements personnels (FRP) alors que cette pièce n’avait pas été versée au dossier à l’audience. Ces questions n’avaient pas été soulevées avant l’audience et le ministre n’a donc pas eu l’occasion d’y répondre. Dans ces conditions, je refuse de les aborder.

 

II.   Analyse

 

1.    L’équipement défectueux utilisé pour la vidéoconférence a-t-il rendu l’audience inéquitable?

 

[5]               Les demandeurs font valoir que les difficultés techniques qui ont surgi au cours de leur téléconférence ont créé de la confusion et ont finalement amené la Commission à tirer contre eux des conclusions défavorables injustifiées au sujet de leur crédibilité. Ils soutiennent que ces problèmes ont été aggravés par le fait que la Commission a refusé de permettre à leur avocat de les interroger en premier.

 

[6]               J’ai examiné la transcription de l’audience et je n’y ai décelé aucune des difficultés évoquées. De plus, à aucun moment les demandeurs ou leur avocat ne se sont opposés à la façon dont l’audience se déroulait ou n’ont dit qu’ils avaient de la difficulté à comprendre les questions. Je ne vois aucune raison de conclure que la vidéoconférence a compromis leur droit à une audience équitable.

 

2.                       La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour appuyer les demandes d’asile des demandeurs?

 

[7]               Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en concluant que le témoignage de M. Ferdinands était vague et incohérent. Ils affirment que ces difficultés, si tant est qu’elles existaient, se rapportaient à des aspects négligeables de la preuve et n’auraient pas dû entraîner le rejet de leur demande d’asile.

 

[8]               Voici les motifs invoqués par la Commission pour justifier ses conclusions négatives quant à la crédibilité :

•           M. Ferdinands a mentionné que des églises avaient été incendiées mais il n’a pas été capable de préciser l’endroit où ces incendies avaient eu lieu;

 

•           M. Ferdinands a expliqué qu’il craignait les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les LTTE) mais il n’a pas dit de façon claire si sa crainte tenait au fait que les LTTE protégeaient son locataire tamoul ou si c’était parce que les LTTE soupçonnaient M. Ferdinands de fournir des renseignements aux forces de sécurité;

 

•           M. Ferdinands a donné diverses réponses à la question de savoir s’il était au courant que son locataire faisait partie des LTTE;

 

•           M. Ferdinands n’a pas pu expliquer pourquoi, dans sa lettre, son avocat qualifiait le locataire d’ami de longue date de la famille Ferdinands, alors que M. Ferdinands a expliqué qu’il ne connaissait pas le locataire depuis longtemps et qu’il voulait qu’il parte.

 

[9]               Ayant tiré ces conclusions, la Commission a estimé que M. Ferdinands n’était pas un réfugié mais qu’il était « en réalité un immigrant ». Elle a par ailleurs estimé qu’elle ne pouvait accorder aucune force probante aux autres documents présentés en preuve par les demandeurs.

 

[10]           Les demandeurs soulignent que M. Ferdinands a bel et bien nommé certains lieux où des églises avaient été incendiées. La Commission s’est de toute évidence méprise sur cette question. Les autres conclusions de la Commission semblent reposer jusqu’à un certain point sur la preuve.

 

[11]           Je ne vois cependant pas comment ces conclusions permettaient de conclure que le témoignage de M. Ferdinands devait être écarté en entier et que les éléments de preuve corroborants devaient être totalement ignorés. Les problèmes signalés par la Commission ne touchent pas le fondement essentiel de la crainte qu’ont les demandeurs de subir des représailles de la part de personnes qui désapprouvaient la présence des locataires tamouls des Ferdinands et qui considéraient ces derniers comme des sympathisants des LTTE. Il restait un nombre appréciable d’éléments de preuve qui appuyaient cette prétention et que la Commission a négligé d’examiner.

 

[12]           Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, il existe des éléments de preuve qui appuient les principaux piliers de la demande d’asile, la Commission doit se demander si ces éléments de preuve sont suffisants pour lui permettre de conclure que le demandeur a raison de craindre d’être persécuté et ce, indépendamment des lacunes que certains aspects de son témoignage peuvent comporter (M.M. c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 1110 (C.A.F.) (QL)).

 

[13]           À mon avis, la Commission a commis une erreur justifiant l’infirmation de sa décision dans son analyse de la preuve et les demandeurs ont droit à une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué. Aucune des parties n'a proposé que soit certifiée une question grave de portée générale et aucune n’est énoncée.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’elle procède à une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué;

2.      Aucune question grave de portée générale n’est énoncée.

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4685-06

 

INTITULÉ :                                       CHESTER DIRK FERDINANDS et autres c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET  JUGEMENT :                             LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 OCTOBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jegan N. Mohan

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Me Kareena R. Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MOHAN & MOHAN

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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