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Date : 20071022

Dossier : IMM-5738-06

Référence : 2007 CF 1088

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

MI SOOK KIM

BORA OH

YOON HWAN OH

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 5 octobre 2006 par un agent d’immigration, lequel a rejeté la demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs, qui voulaient que leur demande de résidence permanente soit traitée au Canada.

 

 

 

 

LES FAITS

 

[2]               La demanderesse principale, Mi Sook Kim, est une citoyenne âgée de 48 ans de la Corée du Sud. Ses deux enfants, Bora Oh, âgée de 24 ans, et Yoon Hwan (Roy) Oh, âgé de 14 ans, sont également citoyens de la Corée du Sud. La demanderesse principale est divorcée du père de ses enfants. 

 

[3]               Les demandeurs sont entrés au Canada en novembre 1996 avec des visas de visiteurs, pour rendre visite aux parents de la demanderesse principale, qui sont tous deux citoyens canadiens. En avril 1997, les demandeurs ont obtenu des permis d’emploi et d’études d’un consultant en immigration. La demanderesse principale a commencé à travailler dans un café qui appartenait à son frère, alors que ses enfants ont commencé à aller à l’école. Les demandeurs soutiennent qu’ils ne savaient pas que leurs documents étaient faux et qu’ils n’avaient aucune raison de se méfier du consultant en immigration.

 

[4]               En avril 1997, les demandeurs ont déposé une demande de résidence permanente à un bureau des visas aux États‑Unis. Cette demande a été rejetée le 8 décembre 1998.

 

[5]               En février 1999, la demanderesse principale a ouvert un commerce à Toronto, lequel fournissait des services de massage et d’aromathérapie. Elle a exploité ce commerce jusqu’à l’été 2000, lorsqu’elle a été accusée d’exploiter une maison de débauche en contravention au Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. La demanderesse principale a plaidé coupable; elle a reçu une absolution conditionnelle avec six mois de probation et elle a été obligée de faire don de 250 $ à un organisme de bienfaisance.

 

[6]               Le 19 janvier 2000, avant l’arrestation de la demanderesse principale, les demandeurs ont déposé une demande d’établissement au Canada fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire. La demande a été rejetée le 21 août 2001. Le 2 octobre 2001, les demandeurs ont déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant cette décision. L’autorisation a été accordée le 20 février 2002. Le contrôle judiciaire a été rejeté : voir Oh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 161, [2003] A.C.F. n245 (QL).

 

Le statut actuel des demandeurs au Canada

[7]               Le 5 mars 2001, une mesure d’expulsion a été prononcée contre les demandeurs. L’appel interjeté devant la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié visant l’ordonnance d’expulsion a été rejeté. Le 22 mai 2006, après le rejet de sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), la demanderesse Bora Oh a été renvoyée en Corée du Sud. Elle est revenue au Canada quatre mois plus tard, le 8 septembre 2006. La demanderesse principale et son fils ont déposé des demandes d’ERAR le 23 février 2006, mais ces demandes ont été rejetées. L’agence des services frontaliers du Canada a reporté le renvoi de la demanderesse principale et de son fils jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue en l’espèce. 

 

La décision à l’étude

[8]               En décembre 2004, les demandeurs ont déposé une autre demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire (la demande CH). Cette demande, dans laquelle il est sollicité une exemption à l’exigence de déposer les demandes de visa de résidence permanente à l’extérieur du Canada, a été reçue par Citoyenneté et Immigration Canada le 13 avril 2005.

 

[9]               Le 5 octobre 2006, la demande CH des demandeurs a été rejetées. L’agent d’immigration a jugé que les demandeurs n’auraient pas à subir de difficultés [traduction] « inhabituelles, injustes ou indues » s’ils étaient tenus de demander la résidence permanente dans un bureau des visas à l’étranger.

 

LES DISPOSITIONS PERTINENTES

[10]           La loi et les dispositions applicables en l’espèce sont les paragraphes 11(1) et 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), lesquels sont rédigés ainsi :

 Visa et documents

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

[…]

 

 

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

Application before entering Canada

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[…]

 

Humanitarian and compassionate considerations

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[11]           La question est de savoir si l’agent d’immigration a commis une erreur en rejetant la demande d’exemption pour circonstances d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[12]           Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a établi que la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable aux décisions concernant les demandes CH. La Cour a statué au paragraphe 62 : 

¶ 62     […] Je conclus qu’on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l’absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d’appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d’aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable ». Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[Non souligné dans l’original.]

 

La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener l’agent à conclure comme il l’a fait sur la base de la preuve soumise. Ainsi, une décision est raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision : Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247.

 

ANALYSE

Question :       L’agent d’immigration a‑t‑il commis une erreur en rejetant la demande d’exemption pour circonstances d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs?

 

[13]           Les demandeurs soutiennent que l’agent d’immigration a commis une erreur en ne prenant pas en compte l’intérêt supérieur du fils de la demanderesse principale dans son examen de leur demande CH. Les demandeurs invoquent l’arrêt rendu par la Cour suprême dans Baker, précité, lequel exige de l’agent d’immigration qu’il se montre « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants quand il examine une demande CH. Comme la Cour a affirmé au paragraphe 75 :

¶ 75     […] Les principes susmentionnés montrent que, pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

[Non souligné dans l’original.]

 

[14]           Les demandeurs soutiennent que l’agent d’immigration ne s’est pas montré réceptif, attentif et sensible aux nombreuses difficultés auxquelles le fils de la demanderesse principale aurait à faire face s’il était renvoyé en Corée du Sud après avoir passé onze ans au Canada. À l’appui de cet argument, les demandeurs font référence à un rapport psychologique du Dr Peter Mallouh, lequel a interviewé et examiné cliniquement l’enfant le 29 août 2005. Le Dr Mallouh affirme que renvoyer l’enfant en Corée du Sud constituerait [traduction] « un événement très stressant » qui pourrait causer [traduction] « des troubles psychologiques comme des troubles d’adaptation ou d’anxiété, voire la dépression ». En outre, le Dr Mallouh laisse entendre que de tels troubles pourraient être [traduction] « lourds de conséquences » et pourraient se répercuter sur [traduction] « son développement cognitif et son rendement scolaire futur ».

 

[15]           Les demandeurs soutiennent également que l’agent d’immigration ne s’est pas montré réceptif, attentif et sensible aux difficultés linguistiques auxquelles l’enfant aurait à faire face s’il retournait en Corée du Sud. L’enfant habite au Canada depuis qu’il a quatre ans. Dans deux lettres distinctes qu’il a envoyées à des agents d’immigration, l’enfant déclare qu’il ne parle pas bien le coréen et qu’il ne sait ni lire ni écrire le coréen. Les demandeurs soutiennent que l’omission par l’agent d’immigration de tenir compte adéquatement de ces barrières linguistiques constitue une [traduction] « grave erreur » justifiant l’intervention de la Cour. 

 

[16]           Cependant, le défendeur soutient que l’agent d’immigration a bel et bien pris en compte toute la preuve pertinente concernant l’intérêt supérieur de l’enfant. Le défendeur déclare que l’agent d’immigration pouvait évaluer tous les facteurs pertinents et déterminer la valeur qu’il accorderait à chacun et qu’il ne revient pas à la Cour de [traduction] « réexaminer la valeur accordée à ce facteur par l’agent d’immigration ».  

 

[17]           Il ressort clairement du dossier que l’agent d’immigration a pris en compte les déclarations contenues dans le rapport psychologique du Dr Mallouh concernant le stress dont pourrait souffrir l’enfant s’il devait retourner en Corée du Sud. L’agent déclare que, bien que [traduction] « le premier ajustement à un nouvel environnement puisse être stressant », l’âge de l’enfant et le fait qu’il retournerait au sein d’une [traduction] « cellule familiale » ferait contrepoids à un tel désavantage. J’estime que cette conclusion est raisonnable compte tenu de la preuve.

 

[18]           Cependant, l’agent d’immigration n’a pas pris en considération les difficultés linguistiques auxquelles l’enfant aurait à faire face à son retour en Corée du Sud. L’enfant est entré au Canada à l’âge de quatre ans. Depuis ce temps, il s’est intégré à la société canadienne et il a appris l’anglais, qui est devenu sa première langue. L’enfant a déclaré qu’il [traduction] « ne parle pas bien le coréen » et qu’il ne sait [traduction] « ni lire ni écrire le coréen ». Nulle part dans sa décision l’agent d’immigration ne mentionne les conséquences que ces barrières linguistiques et ces obstacles à la communication pourraient avoir sur le développement scolaire immédiat et à long terme de l’enfant. 

 

[19]           En outre, quand l’agent d’immigration affirme que l’enfant [traduction] « est encore jeune et est à un âge où [les enfants] possèdent en général une grande capacité d’adaptation », j’estime qu’il est question de la capacité de l’enfant à s’adapter au stress causé par la séparation d’avec ses amis et d’avec sa famille élargie qui se trouve au Canada, et non de sa capacité à réintégrer le système d’éducation de la Corée du Sud. Pour ce qui est de l’éducation, l’agent d’immigration affirme simplement qu’un retour en Corée du Sud n’empêcherait pas l’enfant de poursuivre son éducation au Canada en obtenant un visa d’étudiant. À mon sens, cette observation ne tient pas compte des difficultés considérables et profondes auxquelles l’enfant aurait à faire face en tant qu’adolescent dans un système d’éducation secondaire où il serait incapable de communiquer avec les gens ne parlant pas l’anglais et où il serait incapable d’écrire la langue.

 

[20]           Le juge McKeown a tiré une conclusion semblable dans la décision Gurunathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1155, 212 F.T.R. 309, dans laquelle il a affirmé au paragraphe 7 que l’agent commet une erreur en ne tenant pas compte du fait que l’enfant ne peut parler la langue de son État d’origine :

¶ 7       […] À mon avis, je n’ai pas à choisir entre ces approches dans la présente espèce, puisque, quelle que soit l’approche retenue, l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de ce que les enfants ne parlaient pas la langue tamoule. C’est certainement une chose qui aurait dû être prise en compte dans l’examen de l’intérêt supérieur des enfants. L’agente d’immigration a considéré le risque pour les enfants et, puisque le risque pour eux était le même que pour les parents, elle a conclu que les enfants n’étaient exposés à aucun risque. Cependant, l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants oblige un agent à considérer davantage que le risque pour les enfants […]

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[21]           Le défendeur soutient que même si l’agent d’immigration a l’obligation de prendre en compte l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché lorsqu’il rend une décision CH, cette obligation ne nécessite pas que l’intérêt de l’enfant l’emporte sur tous les autres facteurs examinés dans la demande. À l’appui de cet argument, le défendeur invoque l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555, dans lequel le juge Décary affirme au paragraphe 6 :

¶ 6       Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l’agente qu’elle décide si l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur du non-renvoi – c’est un fait qu’on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

[Non souligné dans l’original.]

 

[22]           Bien que je convienne que l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit pas l’élément sur lequel doive reposer l’issue d’une demande CH, en l’espèce, l’agent d’immigration a commis une erreur en ne prenant pas adéquatement en compte les conséquences qu’aurait un renvoi en Corée du Sud sur l’éducation scolaire immédiate et à long terme de l’enfant. Il serait extrêmement difficile pour l’enfant de poursuivre son éducation dans une société où il serait incapable de communiquer efficacement. Par conséquent, la décision de l’agent est déraisonnable et doit être annulée. 

 

[23]           Les demandeurs soutiennent également que l’agent d’immigration n’a pas présenté de motifs adéquats fondés sur la preuve en ce qui a trait aux décisions concernant la demanderesse principale et sa fille. Ils prétendent que, dans le cas de la fille de la demanderesse principale, l’agent d’immigration a [traduction] « simplement résumé ce qui lui était arrivé » et a ensuite conclu que le retour de la fille en Corée ne constituait pas une difficulté indue. Les demandeurs soutiennent que l’agent d’immigration a commis une erreur en ne présentant pas d’analyse montrant comment il en est venu à sa décision.

 

[24]           Bien que j’aie déjà conclu que la décision de l’agent d’immigration doive être annulée, je souscris également à l’argument des demandeurs à ce sujet. Dans la décision Bajraktarevic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 123, 52 Imm. L.R. (3d) 5, le juge Beaudry a conclu que le simple fait d’énoncer de nouveau les facteurs pris en compte et d’y ajouter une conclusion ne peut être considéré comme un examen adéquat de la demande. Comme il l’affirme brièvement aux paragraphes 18 à 20 :

¶ 18     Malgré les arguments éloquents de l’avocate du défendeur affirmant le contraire, je conclus que les motifs de l’agente étaient clairement insuffisants et que le simple fait d’énoncer de nouveau les facteurs pris en compte et d’y ajouter une conclusion ne peut être considéré comme un examen et une analyse adéquats de la demande.

 

¶ 19     Dans Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, la juge MacTavish a écrit ce qui suit au paragraphe 14 :

 

À mon avis, ces « motifs » n’en sont pas du tout. Il s’agit plutôt essentiellement d’un résumé des faits et de l’énoncé d’une conclusion, sans aucune analyse étayant celle-ci. L’agente a simplement examiné les facteurs favorables pour lesquels la demande pourrait être accueillie, concluant que, à son avis, ces facteurs n’étaient pas suffisants pour justifier l’octroi d'une dispense. Elle n’a cependant pas expliqué pour quelles raisons. Or, cela n’est pas suffisant puisque les demandeurs se trouvent ainsi dans une position peu enviable où ils ignorent pourquoi leur demande a été rejetée.

 

¶ 20     Le juge Russell en est venu à une conclusion semblable dans Jasim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1017, où il a conclu que le fait pour l’agente d’énoncer brièvement de nouveau les facteurs pris en compte et d’y ajouter une conclusion ne constituent pas une analyse suffisante, et que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de fournir les motifs pour lesquels elle a rejeté la demande du demandeur.

[Non souligné dans l’original.]

 

[25]           À mon avis, l’agent d’immigration en l’espèce n’a pas examiné les facteurs favorables pour lesquels la demande aurait pu être accueillie. En l’espèce, l’agent a simplement affirmé que la fille de la demanderesse principale avait terminé ses études secondaires et avait commencé ses études universitaires au Canada et il a ensuite brièvement abordé son renvoi du Canada en mai 2006. Bien que l’agent reconnaisse que la fille de la demanderesse principale [traduction] « puisse avoir noué jusqu’à un certain degré des liens avec le pays », nulle part il n’est fait mention des difficultés qu’elle pourrait subir si elle était renvoyée en Corée du Sud et obligée d’interrompre ses études universitaires au Canada. Une telle conclusion est déraisonnable et, par conséquent, la décision de l’agent doit être annulée.

 

[26]           En ce qui concerne la demanderesse principale, les demandeurs soutiennent que l’agent d’immigration a commis une erreur en concluant qu’elle avait l’âge d’une personne apte au travail et que son esprit d’entreprise représenterait un atout pour sa réinstallation en Corée du Sud. Je ne suis pas convaincu que la décision de l’agent était déraisonnable à cet égard. Cependant, compte tenu du fait que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et en ne présentant pas un examen adéquat de la demande de la fille de la demanderesse principale, je conclus qu’il était déraisonnable pour l’agent de rejeter la demande CH des demandeurs. Cette décision doit donc être annulée.

 

 

QUESTION CERTIFIÉE

 

[27]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier pour l’appel. La Cour convient que la présente affaire ne soulève pas de telle question, alors aucune question ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision CH est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5738-06

 

INTITULÉ ::                                                  MI SOOK KIM ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION            

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 16 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 22 OCTOBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mordechai Wasserman                                     POUR LES DEMANDEURS

 

Margherita Braccio                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat                                                             POUR LES DEMANDEURS

489, rue College, pièce 301

Toronto (Ontario)

M6G 1A5

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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