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Date : 20071023

Dossier : IMM-4805-06

Référence : 2007 CF 2001

Toronto (Ontario), le 23 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

VIBULARAJ KANAGARAJAH

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Tamoul adulte célibataire, est un citoyen du Sri Lanka qui est venu au Canada à titre de résident permanent en 1995 avec d’autres membres de sa famille. Le 21 juin 2006, il a été frappé d’expulsion pour criminalité. Un examen des risques avant renvoi (un ERAR) a été effectué et une agente d’ERAR a rendu une décision écrite le 18 août 2006 dans laquelle elle conclut que le demandeur ne serait exposé à aucun risque s’il était renvoyé au Sri Lanka. Cette dernière décision est l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande. Aucune question ne sera certifiée et aucuns dépens ne seront adjugés.

 

[3]               Les questions soulevées par l’avocat du demandeur dans le cadre de la présente demande ne constituent que des questions de faits. Comme le demandeur l’a avancé au paragraphe 2 de son mémoire, les questions en litige sont les suivantes :

[traduction]

2.         Nous soutenons qu’il y a deux questions en litige au cœur de la présente demande. En voici les énoncés :

 

a)  La Commission n’a pas étayé ses conclusions décisives sur une preuve claire, commettant ainsi une erreur de droit. Par conséquent, ces conclusions équivalent à rien d’autre que de pures hypothèses de la part du défendeur.

 

b)  La Commission a commis une erreur de droit en analysant de façon très sélective la preuve documentaire objective concernant le risque auquel serait exposé le demandeur au Sri Lanka et en écartant de façon abusive la preuve sur laquelle s’appuyait la crainte du demandeur.

 

 

[4]               Le type de contrôle que cherche à obtenir le demandeur exige de la Cour qu’elle soit guidée par deux éléments. Le premier élément a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh c. Canada (MCI), [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 39, où elle déclare que la cour chargée du contrôle judiciaire ne doit pas soupeser de nouveau la preuve et que son intervention est requise seulement si une conclusion de la Commission n’est pas étayée par la preuve ou si la Commission n’a pas tenu compte des facteurs pertinents :

39     Nous allons maintenant nous demander quelle norme de contrôle doit être appliquée à la décision de la ministre sur la question de savoir si le réfugié court un risque sérieux de torture en cas d’expulsion.  Le juge Robertson de la Cour d’appel fédérale qualifie cette question de question constitutionnelle dans la mesure où la décision d’expulser le réfugié vers un pays où il risque la torture doit en définitive respecter l’art. 7 de la Charte : voir Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, le juge La Forest; États‑Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, 2001 CSC 7, par. 32.  Comme il a été mentionné plus tôt, la question de savoir si M. Suresh court un risque sérieux de torture en cas d’expulsion est une question préliminaire.  En l’espèce, la réponse à cette question dépend en grande partie des faits.  Elle exige la prise en considération des antécédents du pays d’origine en matière de respect des droits de la personne, des risques personnels courus par le demandeur, de toute assurance que l’intéressé ne sera pas torturé et de la valeur de telles assurances — et, à cet égard, de la capacité du pays d’origine de contrôler ses propres forces de l’ordre —, ainsi que de bien d’autres considérations.  Il peut également comporter la réévaluation de la demande initiale du réfugié et l’examen de la question de savoir si un pays tiers est disposé à l’accueillir.  Ces questions échappent en grande partie au champ d’expertise des tribunaux de révision et leur aspect juridique est négligeable.  Nous sommes par conséquent d’avis que le tribunal de révision doit faire montre de retenue à l’égard de la conclusion concernant la question préliminaire de savoir si M. Suresh court un risque sérieux de torture, en tant qu’aspect de l’opinion générale formulée en vertu de l’al. 53(1)b). Le tribunal ne peut soupeser à nouveau les facteurs pris en compte par le ministre, mais il peut intervenir si la décision n’est pas étayée par la preuve ou si elle n’a pas été prise en tenant compte des facteurs pertinents.  Il faut reconnaître que la nature de la preuve requise peut être limitée par la nature de l’examen.  Cette conclusion est compatible avec le raisonnement de notre Cour dans l’arrêt Kindler, précité, p. 836-837, où on a fait montre d’une grande retenue à l’égard de décisions ministérielles mettant en cause des considérations semblables dans le contexte d’un contrôle constitutionnel, c’est‑à‑dire dans le cas d’une décision qui mettait en jeu l’art. 7.

 

[5]               Le second élément a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Boulis c. Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), [1974] R.C.S. 875, à la page 885, où elle déclare que les motifs de la Commission ne doivent pas être scrutés à la loupe, qu’il suffit à la Commission de montrer qu’elle a une compréhension des questions en litige et de la preuve; cela ne nécessite pas qu’elle y fasse référence dans le détail.

 

[6]               Dans la présente affaire, outre le formulaire usuel qui a été rempli par l’agente d’ERAR, elle a fourni plus de quatre pages de motifs détaillés au cours desquels elle renvoie à la documentation déposée par l’avocat du demandeur et aux documents accessibles au public, dont elle a dressé la liste.

 

[7]               L’avocat du demandeur a soulevé un certain nombre de questions, mais seulement deux exigent un examen particulier. La première question est de savoir si l’agente d’ERAR a accordé suffisamment d’importance à la crainte du demandeur d’être pris à partie par l’armée ou la police s’il était renvoyé au Sri Lanka. L’agente a affirmé ce qui suit aux pages 5 et 6 de ses motifs :

[traduction]

Bien que la recherche concernant la situation au pays révèle que les autorités sri‑lankaises interrogent parfois des citoyens tamouls, je considère que c’est dans l’intérêt de la sécurité d’État et je ne suis pas convaincue qu’il y a persécution. En outre, le demandeur n’a pas fourni de preuve objective établissant qu’il serait une personne d’intérêt au yeux des autorités sri‑lankaises.

 

[8]               Étant donné que le demandeur est frappé d’expulsion pour criminalité, il n’a droit à un examen des risques qu’au titre de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIRP). Le risque en question doit être personnel au demandeur. Le demandeur a le fardeau de fournir une preuve convaincante qui constitue plus qu’un simple compte rendu de la situation en général. Il ressort clairement du dossier que le demandeur a omis de fournir une preuve qui aurait révélé la présence d’un risque qui lui serait propre, et qu’il n’était pas déraisonnable que l’agente, vu l’ensemble de la preuve, ait conclu que rien n’étayait la conclusion selon laquelle il existe un tel risque personnel pouvant provenir des autorités de l’État, soit l’armée ou la police. Comme l’a affirmé la juge Dawson de la Cour fédérale dans la décision Uthayakumar c. Canada (MSPPC), 2007 CF 998 au paragraphe 18 :

18      Les éléments de preuve relatifs au risque qui avaient été soumis à l’agente portaient sur le risque généralisé auquel sont exposés les Tamouls au Sri Lanka (par exemple, suivant la preuve, un autocar transportant des civils avait été touché par l’explosion d’une mine et trois passagers avaient été blessés). L’agente a tenu compte des éléments de preuve relatifs aux risques et a fait observer que les renvois au Sri Lanka ne faisaient l’objet ni d’une suspension ni d’un moratoire.  Bien qu’elle ne se soit pas très bien exprimée, l’agente disait en fait que la situation générale au Sri Lanka n’était pas grave au point de donner lieu aux obligations internationales du Canada et d’empêcher le renvoi de M. Uthayakumar au Sri Lanka. Vu la preuve et les observations qui lui ont été présentées, l’agente n’a pas agi de façon déraisonnable en estimant que les éléments de preuve relatifs aux risques généralisés étaient insuffisants pour justifier le report du renvoi.

 

Je ne vois ici aucune erreur susceptible de contrôle.

 

[9]               La seconde question est de savoir si l’agente aurait dû tenir une audience. L’avocat du demandeur en avait fait la demande sans résultat.

 

[10]           La demande d’audience du demandeur était, au mieux, inutile. Il n’y avait aucune question de crédibilité ni d’autres questions comme celles mentionnées à l’article 167 de la LIPR soulevées devant l’agente ou la Cour qui justifieraient la tenue d’une audience. Aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise à cet égard.

 

[11]           Par conséquent, la demande sera rejetée. Aucune question ne sera certifiée et aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

 


JUGEMENT

Pour les motifs susmentionnés;

LA COUR STATUE :

 

            1.         que la demande est rejetée;

            2.         qu’aucune question n’est certifiée;

            3.         qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Rogers T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4805-06

 

INTITULÉ :                                                   VIBULARAJ KANAGARAJAH c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 23 OCTOBRE 2007         

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 23 OCTOBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Blanshay avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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