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Date : 20071106

Dossier : T-1020-07

Référence : 2007 CF 1074

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

demanderesse

 

et

 

KEYVAN NOURHAGHIGHI

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par M. Keyvan Nourhaghighi (le défendeur) visant à obtenir :

[traduction]

 

a.         une ordonnance radiant l’avis de demande de la demanderesse, déposé le 4 juin 2007 (l’avis de demande vexatoire), et rejetant la demande conformément aux articles 3 et 4 ainsi que par analogie avec les alinéas 221(1)a), b), c) et f), le paragraphe 221(2) ainsi que l’alinéa 301e) des Règles des Cours fédérales (les Règles);

 

b.         une ordonnance interdisant que d’autres instances soient engagées ou continuées par le procureur général du Canada, le sous-procureur général du Canada, le Bureau régional de l’Ontario du ministère de la Justice, Roger Flaim, Karen Lovell, Amy Porteous, Sean O’Donnell, Douglas R. Neville et Sally Thomson, (les avocats vexatoires) contre le défendeur, le major Keyvan Nourhaghighi (le major), devant la Cour fédérale du Canada sans l’autorisation d’un juge de la Cour, en raison du fait que les avocats vexatoires n’ont pas suivi les ordonnances et la procédure de la Cour fédérale du Canada, et ce, à plusieurs reprises;

 

SUBSIDIAIREMENT, une ordonnance voulant que la Cour donne une définition précise des expressions juridiques utilisées à l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales (l’article 40), parce qu’il n’y a pas de règle ou de définition régissant cet article; l’ordonnance comportera des motifs clairs, en réponse à la question du major, expliquant pourquoi l’article 40 ne porte pas atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte);

 

c.         des dépens pour la présente requête au montant de 3 000 $ à être payés par les avocats ou par la demanderesse au major, immédiatement, quelle que soit l’issue de la cause;

 

d.         toute autre réparation que le défendeur peut demander et que la Cour fédérale considère appropriée.

 

[2]               L’avis de demande dont le défendeur demande la radiation est celui de Sa Majesté la Reine du chef du Canada visant à obtenir [traduction] « une ordonnance interdisant que d’autres instances soient engagées ou continuées par le défendeur, Keyvan Nourhaghighi, devant la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale, sans l’autorisation d’un juge de la Cour fédérale du Canada », aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, ch. F-7 (la Loi).

 

[3]               Les deux parties conviennent qu’à la date de la présente demande ou de l’audition de la présente requête, la demanderesse n’a aucune instance introduite devant la Cour.

[4]               La demanderesse soutient que le défendeur a introduit plusieurs instances devant la Cour depuis le mois de juin 1999.

 

[5]               Monsieur le juge Campbell de la Cour a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir une ordonnance similaire dans sa décision du 2 juin 1999. Cette demande faisait référence à neuf actions déposées entre le 20 mai 1995 et le 6 août 1997 dans le cadre desquelles les déclarations ont été radiées. Le juge Campbell a également souligné que la demanderesse faisait référence à une autre action, déposée le 28 mai 1999, et à deux appels qui étaient devant la Cour d’appel.

 

[6]               Le défendeur a signalé qu’il avait eu gain de cause dans quelques-unes des instances qu’il avait introduites devant la Cour.

 

[7]               La demanderesse a affirmé ce qui suit dans sa plaidoirie devant moi :

[traduction]

La demanderesse a pris la position, aujourd’hui, que l’utilisation de l’expression « depuis le mois de juin 1999 » par la Couronne est inappropriée. Je n’irai pas dans les détails, mais je tiens à clarifier que nous ne soutenons pas qu’il y a des instances en cours présentement. Nous soutenons plutôt qu’entre juin 1999 et maintenant, il y a eu, je crois, trois demandes, deux actions, plus de 20 requêtes et plusieurs appels. Il a certainement raison, qu’au mieux de notre connaissance, il n’y a rien en cours actuellement.

 

 

 

[8]               L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, énonce ce qui suit :

 

40.(1) La Cour d'appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d'une requête qu'une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d'une instance, lui interdire d'engager d'autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

 

(2) La présentation de la requête visée au paragraphe (1) nécessite le consentement du procureur général du Canada, lequel a le droit d'être entendu à cette occasion de même que lors de toute contestation portant sur l'objet de la requête.

 

(3) Toute personne visée par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) peut, par requête au tribunal saisi de l'affaire, demander soit la levée de l'interdiction qui la frappe, soit l'autorisation d'engager ou de continuer une instance devant le tribunal.

 

(4) Sur présentation de la requête prévue au paragraphe (3), le tribunal saisi de l'affaire peut, s'il est convaincu que l'instance que l'on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure et est fondée sur des motifs valables, autoriser son introduction ou sa continuation.

 

(5) La décision du tribunal rendue aux termes du paragraphe (4) est définitive et sans appel.

 

 

40.(1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

 

(2) An application under subsection (1) may be made only with the consent of the Attorney General of Canada, who is entitled to be heard on the application and on any application made under subsection (3).

 

(3) A person against whom a court has made an order under subsection (1) may apply to the court for rescission of the order or for leave to institute or continue a proceeding.

 

 

 

 

(4) If an application is made to a court under subsection (3) for leave to institute or continue a proceeding, the court may grant leave if it is satisfied that the proceeding is not an abuse of process and that there are reasonable grounds for the proceeding.

 

 

(5) A decision of the court under subsection (4) is final and is not subject to appeal.

 

 

[9]               Dans l’arrêt Canada c. Olympia Interiors Ltd., [2004] A.C.F. nº 868 (C.A.) (QL), la Cour d’appel a affirmé au paragraphe 6 que :

Le pouvoir conféré à la Cour par le paragraphe 40(1) de la Loi est, évidemment, très extraordinaire, tant et si bien qu’il doit être exercé avec modération et avec la plus grande prudence. Dans une société comme la notre, le sujet a généralement le droit d’avoir accès aux cours de justice en vue de faire valoir ses droits. Les législateurs avaient cette question à l’esprit lorsqu’ils ont vu à ce qu’un certain équilibre soit introduit dans l’article 40 en permettant que des instances soient engagées ou continuées avec l’autorisation de la Cour. […]

 

 

[10]           Dans le cadre de la présente requête, la Cour doit trancher une requête en radiation de la demande visant à obtenir une ordonnance aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi.

 

[11]           Dans l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. (C.A.), [1995] 1 C.F. 588, au paragraphe 16, le juge Strayer de la Cour d’appel fédérale a statué au nom de la Cour :

Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de première instance a eu raison de refuser de prononcer une ordonnance de radiation sous le régime de la Règle 419 ou de la règle des lacunes, comme il l'aurait fait dans le cadre d'une action. Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli10. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête. [renvoi omis]

 

 

La Cour est d’avis que le même raisonnement s’applique à la demande de la demanderesse présentée aux termes de l’article 40 de la Loi.

 

[12]           Par conséquent, je suis d’avis que la requête du défendeur visant à obtenir une ordonnance de radiation de l’avis de demande de la demanderesse, déposé le 4 juin 2007, doit être accueillie puisque la demande n’a aucune chance d'être accueillie.

 

[13]           J’ai tiré cette conclusion pour les raisons suivantes :

            1.         Le défendeur n’avait aucune instance devant la Cour lorsque la demanderesse a déposé sa demande, ni à la date de l’audition de la présente requête.

            2.         D’après les arguments soumis à la Cour par la demanderesse, le défendeur a, par le passé, déposé trois demandes, deux actions et plus de 20 requêtes et il a interjeté plusieurs appels.

            3.         Selon le défendeur, il a eu gain de cause dans quelques-unes de ces instances.

 

[14]           Si la demande devait se poursuivre, selon moi, il n’y aurait aucun fondement sur lequel le juge pourrait rendre une ordonnance aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi. Par conséquent, la demande n’aurait aucune chance d’être accueillie.

 

[15]           Je ne suis pas disposé à accorder les autres réparations demandées par le défendeur, à l’exception de l’adjudication de dépens, parce que les autres réparations demandées ne sont pas appropriées dans la présente requête.

 

[16]           Le défendeur a droit à ses dépens afférents à la présente requête, lesquels seront fixés par un officier taxateur.


 

ORDONNANCE

 

[17]           LA COUR ORDONNE :

            1.         L’avis de demande de la demanderesse visant à obtenir une ordonnance aux termes de l’article 40 de la Loi est radié.

            2.         Le défendeur a droit à ses dépens afférents à la demande; ces dépens seront fixés par un officier taxateur.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1020-07

 

INTITULÉ :                                                   SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

                                                                        DU CANADA

                                                                        c.

                                                                        KEYVAN NOURHAGHIGHI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 25 JUIN 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

May Porteous

 

POUR LA DEMANDERESSE

Keyvan Nourhaghighi

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DEMANDERESSE

 

Keyvan Nourhaghighi

Toronto (Ontario)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

 

 

 

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