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Date : 20071105

Dossier : IMM-4534-07

Référence : 2007 CF 1144

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

BABLEE SHARMA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

  • [1] À la dernière minute, une requête en vue d’obtenir le sursis de l’ordonnance de renvoi concernant la demanderesse a été présentée.Les deux parties étaient représentées par des avocats des plus compétents, qui ont travaillé tout le week-end pour préparer un grand nombre de documents afin de s’assurer que la Cour puisse faire son analyse avant une audience par conférence téléphonique lundi matin.

 

  • [2] C’est le 2 novembre 2007, que la demanderesse a déposé une demande en vue d’obtenir une ordonnance pour suspendre l’exécution d’une ordonnance de renvoi en Inde dont elle fait l’objet, concernant une décision défavorable d’un agent des renvois rendue le 30 octobre 2007, renvoi prévu pour aujourd’hui, le 5 novembre 2007, à 13 h.

 

  • [3] Malgré l’excellente plaidoirie de l’avocat de la demanderesse, elle ne satisfait pas aux exigences du critère à trois volets.

 

CONTEXTE

  • [4] Le 23 septembre 2005, la demanderesse est entrée au Canada et a revendiqué le statut de réfugié.

 

  • [5] Le 31 mars 2006, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté sa demande d’asile et fondé sa décision sur le manque de crédibilité de la demanderesse (dossier de la demanderesse, pages 121 à 126).

 

  • [6] Le 24 juillet 2006, le juge Yves de Montigny, de notre Cour, a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue par la CISR.

 

  • [7] Le 18 décembre 2005, la demanderesse a présenté une demande de protection en vertu du programme d’examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

  • [8] Le 14 décembre 2006, la demanderesse a déposé une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH).

 

  • [9] La décision relative à l’examen des risques avant renvoi (ERAR) et la décision fondée sur des considérations humanitaires (décision CH) ont toutes deux été rendues le 11 septembre 2007.Ces décisions sont défavorables.

 

  • [10] Le 29 octobre 2007, la demanderesse a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision CH défavorable.

 

  • [11] Le 26 octobre, la demanderesse, par l’entremise de Me Jean-François Bertrand, a écrit à l’agent des renvois, lui demandant de retarder son renvoi au motif que son mari était arrivé au Canada le 21 octobre 2007, à la suite d’incidents survenus en Inde en juillet 2007.

 

  • [12] Le 30 octobre, l’agent des renvois a informé M. Bertrand, par lettre, qu’il ne retarderait pas le renvoi prévu pour le 5 novembre 2007.

 

  • [13] Le 1er novembre 2007, la demanderesse a déposé une demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi concernant la décision défavorable rendue par l’agent des renvois.

 

  • [14] La demanderesse n’a pas présenté de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable de l’agent d’ERAR.

 

QUESTION EN LITIGE

  • [15] La Cour doit décider, en fonction du critère à trois volets, si un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est justifié.

 

ANALYSE

  • [16] Pour obtenir un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, la demanderesse doit prouver qu’elle satisfait aux trois volets du critère triple établi par la Cour d’appel fédérale dans Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (CAF), [1988] C.F. no 587 (QL), soit 1) qu’il existe une question sérieuse à juger, 2) qu’elle subirait un préjudice irréparable si la mesure était exécutée, et 3) que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur et non en celle du ministre.(Voir également RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, et Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F no 295 (QL).)

 

LA QUESTION SÉRIEUSE

  • [17] La demanderesse demande à la Cour de retarder son renvoi jusqu’à ce que son mari présente sa demande d’asile et qu’une décision soit rendue concernant cette demande.

 

  • [18] La demanderesse sait depuis le 10 octobre 2007 qu’elle doit quitter le Canada le 5 novembre 2007.

 

  • [19] Il n’existe aucun élément de preuve au dossier montrant que le mari de la demanderesse a présenté une demande d’asile et, si c’est le cas, que sa demande serait accueillie.

 

  • [20] Bien que le mari de la demanderesse affirme être arrivé au Canada le 21 octobre 2007, à la suite de persécutions liées à des incidents survenus en juillet 2007 en Inde, il n’existe aucun élément de preuve montrant à quelle date il est entré au Canada et en provenance de quel pays.

  • [21] La confirmation de dernière minute faite par le mari de la demanderesse, relativement à des événements jugés précédemment comme étant non crédibles, rend très problématique cet élément de preuve.

 

  • [22] L’agent des renvois a un pouvoir discrétionnaire très limité :

[37]  Il est bien établi en droit que le pouvoir discrétionnaire de différer une mesure de renvoi est fort restreint.  Il serait contraire aux buts et objectifs de la Loi d’étendre, au moyen d’une déclaration judiciaire, le pouvoir discrétionnaire restreint que possède l’agent chargé du renvoi, de façon à exiger un “mini” examen des raisons d’ordre humanitaire avant le renvoi (Davis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1628, paragraphe 4 (1re inst.) (QL); John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 A.C.F. no 583 (1re inst.)  (QL)) [... ]

 

 

(Voir Adviento c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1430 (CF), [2003] A.C.F. no 1837 (QL); Voir également Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614 (CF), [2003] A.C.F. no 805 (QL); Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 853; [2002] A.C.F. no 1133 (QL); Barry c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, IMM-6588-02, 27 décembre 2002 (C.F.), Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1307 (C.F.), [2001] A.C.F. no 1802 (QL); Wang, précité.)

 

  • [23] Ainsi, conformément à la jurisprudence, l’existence d’une question sérieuse n’a pas été démontrée.

 

LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

  • [24] Quant au risque de tortures et de sanctions graves auxquelles la demanderesse serait supposément exposée, le risque de tortures a été analysé deux fois et, les deux fois, des décisions défavorables ont été rendues.

 

  • [25] La Cour souligne comme il se doit la décision rendue par le juge Luc Martineau dans Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931, [2003] A.C.F. no 1182 (QL) :

[8]  Troisièmement, la Cour note que le risque que les demandeurs courraient s’ils retournaient en Turquie a été évalué deux fois : une première fois par la SPR, et la seconde fois par l’agent d’ERAR.  Dans les deux cas, ces deux tribunaux administratifs ont conclu que les demandeurs ne courraient pas de risque.  En l’espèce, la SPR a clairement mis en doute la crédibilité des demandeurs lorsqu’elle a conclu, en se fondant sur le comportement que les demandeurs avaient eu pendant une longue période, qu’ils n’avaient pas la crainte subjective d’être persécutés qui était à la base de leur revendication.  La jurisprudence de la Cour établit que lorsque le récit d’un demandeur est jugé non crédible, ce récit ne peut servir de base à une allégation de préjudice irréparable dans le cadre d’une demande de sursis : Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 151, 2002 CFPI 103, au paragraphe 11; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 751, au paragraphe 12; et Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 1 C.F. 483, aux pages 492 et 493 (1re inst).

 

(Voir également Mahadeo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 294 (QL); Morgan Iyare c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1995 (QL); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, [2005] A.C.F. no 199 (QL).)

 

  • [26] Il est de jurisprudence constante qu’une mesure d’expulsion visant une personne qui n’est pas citoyen canadien ne transgresse pas les principes de justice fondamentale et que l’exécution d’une telle mesure ne contrevient pas aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, Annexe B, Partie 1, de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11. (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539, au paragraphe 46.)

 

LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

  • [27] L’intérêt public doit être pris en compte et apprécié en même temps que les intérêts des plaideurs privés.

 

  • [28] La demanderesse ne satisfait pas au troisième et dernier volet du critère à trois volets, celui de la prépondérance des inconvénients.

 

  • [29] Compte tenu des décisions antérieures concernant la demanderesse, et de son manque de connaissance quant à la totalité des éléments contenus dans la confirmation donnée par son mari, l’existence d’une question sérieuse à trancher n’a pas été démontrée et la preuve d’un préjudice irréparable n’a pas été faite.(Naseem c. Canada (Solliciteur général), (1993) 68 F.T.R. 230, [1993] A.C.F n971 (QL).)

 

  • [30] Par conséquent, la demanderesse n’a pas démontré que la prépondérance des inconvénients jouait en sa faveur.

 

CONCLUSION

  • [31] Pour les motifs susmentionnés, la requête présentée par la demanderesse en vue de faire surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi dont elle fait l’objet est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête de la demanderesse en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi la concernant soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  IMM-4534-07

 

INTITULÉ :  BABLEE SHARMA c.

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

  ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   Le 5 novembre 2007

  par conférence téléphonique

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :  Le juge SHORE

 

DATE :  Le 5 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean-François Bertrand

 

POUR LA DEMANDERESSE

Diane Lemery

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BERTRAND, DESLAURIERS

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

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