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Date : 20071106

Dossier : IMM-6211-06

Référence : 2007 CF 1151

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

ABDUL HALIM BISWAS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION PUBLIQUE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Abdul Halim Biswas est arrivé au Canada en 2003 en provenance du Bangladesh. Il a demandé l’asile sur le fondement de sa crainte d’être persécuté pour des motifs politiques par la Ligue Awami. Sa demande d’asile a été rejetée par un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles. M. Biswas a ensuite demandé un examen des risques avant le renvoi et a présenté certains nouveaux éléments de preuve à l’appui de sa demande. Néanmoins, l’agent qui a procédé à l’examen a conclu que les nouveaux éléments de preuve ne permettaient pas de penser que M. Biswas serait exposé à un risque de persécution ou à de graves sévices s’il retournait au Bangladesh. M. Biswas affirme que l’agent a commis une erreur en accordant injustement peu de valeur aux éléments de preuve qu’il lui avait soumis. Il me demande d’ordonner un nouvel examen par un autre agent.

 

[2]               Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de l’agent et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.     Questions en litige

  1. L’agent a-t-il omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents?
  2. L’agent a-t-il mal saisi l’importance des nouveaux éléments de preuve?
  3. L’agent a-t-il commis une erreur en ne donnant pas suite à la demande que lui avait faite M. Biswas de reporter l’examen des risques jusqu’à ce qu’il ait reçu une réponse à sa demande de mesure spéciale fondée sur des raisons d’ordre humanitaire?

 

II.   Analyse

 

A. L’agent a-t-il omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents?

 

[3]               L’agent a examiné les éléments de preuve documentaires présentés par M. Biswas et a estimé que certains n’étaient pas nouveaux et qu’il ne devaient donc pas faire partie de l’examen des risques (se fondant sur l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27; les dispositions applicables sont reproduites à l’annexe ci-jointe). M. Biswas affirme que l’agent aurait dû tenir compte d’une lettre écrite par Gazi Kamul Huda, secrétaire général d’une des divisions de la Ligue Awami. Cette lettre est postérieure à la demande d’asile de M. Biswas. L’agent a toutefois conclu que la lettre ne pouvait pas être considérée comme un nouvel élément de preuve parce qu’elle traitait essentiellement de faits survenus avant le départ de M. Biswas du Bangladesh et qu’elle ne pouvait donc pas faire partie de sa demande d’asile.

 

[4]               M. Biswas conteste cette conclusion parce que la lettre mentionne aussi que M. Biswas serait exposé à une très grave menace à sa vie s’il retournait au Bangladesh. M. Biswas soutient que, comme il s’agit d’une allusion à la situation actuelle au Bangladesh, ce renseignement n’aurait pas pu être présenté dans le cadre de sa demande d’asile et qu’il aurait donc dû être considéré comme un nouvel élément de preuve.

 

[5]               À mon avis, l’agent n’a pas commis d’erreur. Même si, strictement parlant, l’allusion au risque permanent que l’on trouve dans la lettre ne constituait pas un nouveau renseignement, elle équivalait simplement à une affirmation isolée et non appuyée. Ainsi que nous le verrons plus loin, l’agent a effectivement poursuivi en examinant d’autres éléments de preuve plus directs tendant à démontrer que M. Biswas pouvait être présentement en danger. Vu l’ensemble de la preuve, la façon dont l’agent a traité la lettre de la Ligue Awami était appropriée.

 

B. L’agent a-t-il mal saisi l’importance des nouveaux éléments de preuve?

 

[6]               L’agent a examiné deux éléments de preuve et a estimé que leur valeur probante était faible. Le premier était une lettre écrite en 2005 par la femme de M. Biswas, qui déclarait que des terroristes la menaçaient et exigeaient de l’argent. Elle s’était engagée à fournir de plus amples précisions plus tard mais aucun renseignement relatif à sa situation n’a été porté à la connaissance de l’agent.

 

[7]               L’agent a signalé que M. Biswas n’avait pas produit l’enveloppe dans laquelle la lettre aurait été envoyée, ce qui aurait permis de confirmer sa provenance et sa date. De plus, l’agent s’est dit préoccupé par le fait que la lettre ne provenait pas d’une source impartiale. Vu les nombreuses conclusions défavorables qui avaient déjà été tirées au sujet de la crédibilité de M. Biswas par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, l’agent a estimé que cet élément de preuve ne méritait pas de se voir accorder beaucoup de poids. Je ne saurais reprocher à l’agent la façon dont il a traité ces éléments de preuve. En principe, c’est à l’agent qu’il appartient de déterminer la valeur à accorder à un élément de preuve. La Cour n’intervient que si la conclusion tirée est injustifiable.

 

[8]               L’agent a également tenu compte d’une lettre du président du conseil du Balora Union qui expliquait que M. Biswas avait quitté le Bangladesh parce que sa vie était menacée [traduction] « en raison des sévices infligés par quelques personnes turbulentes » et que sa femme et son fils étaient toujours harcelés par les mêmes personnes. L’agent concluait que la lettre était vague. Elle ne précisait pas l’identité des auteurs présumés des persécutions et n’expliquait pas les raisons pour lesquelles ils étaient intéressés à M. Biswas et à sa famille. L’agent a estimé que cette lettre avait une faible valeur probante. Là encore, je ne saurais reprocher à l’agent la façon dont il a traité cet élément de preuve.

 

[9]               M. Biswas a également fait valoir que si l’agent était mécontent du degré de précision de la lettre, il devait communiquer avec son auteur pour obtenir des éclaircissements. À mon avis, cet argument est mal fondé. C’est à M. Biswas et non à l’agent qu’il incombait de recueillir des éléments de preuve convaincants au sujet de la persécution.

 

C. L’agent a-t-il commis une erreur en ne donnant pas suite à la demande que lui avait faite M. Biswas de reporter l’examen des risques jusqu’à ce qu’il ait reçu une réponse à sa demande de mesure spéciale fondée sur des raisons d’ordre humanitaire?

 

[10]           M. Biswas affirme avoir demandé verbalement à l’agent de reporter son examen jusqu’à ce qu’il connaisse le sort de sa demande de mesure spéciale fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. L’agent ne lui a jamais répondu directement, mais il a procédé à son examen des risques alors que l’autre demande était toujours en instance.

 

[11]           M. Biswas n’a pas été en mesure de citer un précédent ou un texte législatif à l’appui de son argument. Il a évoqué le pouvoir discrétionnaire que possède l’agent chargé de l’exécution de reporter le renvoi du Canada de l’intéressé en attendant le sort de la demande de mesure spéciale et il a laissé entendre que l’agent chargé d’évaluer les risques devrait avoir le même pouvoir. À mon sens, les deux situations ne sont pas comparables. L’agent chargé d’exécuter la mesure de renvoi tire son pouvoir discrétionnaire du libellé de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il semble qu’il n’existe pas de disposition analogue qui conférerait un pouvoir discrétionnaire semblable à l’agent chargé d’évaluer les risques.

 

[12]           Vu les conclusions qui précèdent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n'a proposé que soit certifiée une question de portée générale et aucune n'est formulée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R. 2001, ch. 27

 

Mesure de renvoi

48. (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

Conséquence

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent

 

 

Examen de la demande

113. Il est disposé de la demande comme il suit  :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

Immigration Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Enforceable removal order

48. (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

Effect

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

 

Consideration of application

113. Consideration of an application for protection shall be as follows :

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6211-06

 

INTITULÉ :                                                   BISWAS c. MCI et MSPPC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 31 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Lani Gozlan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Alexis Singer

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Me Lani Gozlan

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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