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Date : 20071123

Dossier : T‑467‑07

Référence : 2007 CF 1230

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

HEATHER KERR

demanderesse

 

et

 

BELL CANADA

MELANIE SINGH

BASIL ROWE

DOMINIQUE BENOIT

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Heather Kerr était une employée de longue durée de Bell Canada (Bell). Alors qu’elle était en congé d’invalidité de courte durée, il a été mis fin à son emploi chez Bell. Mme Kerr a alors déposé une plaine auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), plainte où elle alléguait que, en mettant fin à son emploi, Bell et plusieurs de ses employés avaient exercé contre elle une discrimination fondée sur sa déficience et sa situation de famille. L’enquêteur nommé pour examiner la plainte de Mme Kerr a recommandé que la plainte soit rejetée parce que la preuve ne confirmait pas qu’il avait été mis fin à son emploi en raison de sa déficience ou de sa situation de famille. La Commission a par la suite rejeté la plainte sur ce fondement.

[2]        Dans sa demande de contrôle judiciaire, Mme Kerr dit que la décision de la Commission était déraisonnable et qu’elle était fondée sur une enquête insuffisante. La demande est rejetée, parce que Mme Kerr n’a pas établi que la décision de la Commission était déraisonnable ou que l’enquêteur a négligé une preuve manifestement importante.

 

La norme de contrôle

[3]        Les parties ne contestent pas la norme de contrôle qui est applicable.

 

[4]        Le sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi), donne à la Commission une latitude considérable pour décider si une plainte devrait être rejetée. La jurisprudence établit que, en l’absence d’une erreur de droit ou d’un manquement à l’obligation d’équité, la décision de la Commission ne sera modifiée que si elle est déraisonnable. Voir l’arrêt Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général) (2005), 332 N.R. 60 (C.A.F.), paragraphe 6.

 

[5]        Quant à savoir ce que suppose un contrôle fondé sur la décision raisonnable, une décision est raisonnable lorsque les motifs qui l’appuient peuvent résister à un examen assez poussé. Voir l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, paragraphe 56. La juridiction de contrôle ne se demandera pas ce qu’est la décision correcte. Comme l’expliquait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 54 à 56 :

54.       Comment la cour siégeant en contrôle judiciaire sait‑elle si une décision est raisonnable alors qu’elle ne peut d’abord vérifier si elle est correcte? La réponse est que la cour doit examiner les motifs donnés par le tribunal.

55.       La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

56.       Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision. Une cour qui applique la norme de la décision raisonnable doit toujours évaluer si la décision motivée a une base adéquate, sans oublier que la question examinée n’exige pas un résultat unique précis. De plus, la cour ne devrait pas s’arrêter à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n’affectent pas la décision dans son ensemble.

 

[6]        Dire que l’enquête menée par la Commission est insuffisante, c’est avancer l’argument de l’équité procédurale. La question touchant l’équité de la procédure suivie par la Commission n’appelle aucune retenue de la part de la Cour. C’est à la Cour qu’il appartient de dire dans chaque cas ce que requiert l’équité. Voir l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, paragraphe 100.

 

[7]        Aux fins du présent contrôle, le rapport de l’enquêteur constitue les motifs de la Commission, parce que la Commission a tout simplement adopté la recommandation de l’enquêteur. Voir l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), [2006] 3 R.C.F. 392, paragraphe 37 (C.A.).

 

La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?

[8]        Mme Kerr dit que la décision de la Commission est déraisonnable sous deux aspects. D’abord, elle fait valoir que, parce qu’il a été mis fin à son emploi alors qu’elle était en congé d’invalidité, il faut présumer que son invalidité fut l’une des causes de la cessation d’emploi, ce qui constitue une preuve prima facie de discrimination. Deuxièmement, elle dit que la décision de la Commission était fondée sur la conclusion erronée selon laquelle il existait entre elle et Bell une entente se rapportant à sa cessation d’emploi.

 

[9]        S’agissant des motifs exposés par l’enquêteur, celui‑ci n’a pas négligé la question de savoir s’il existait une preuve prima facie de discrimination. Au paragraphe 2 de son rapport, il écrit que Bell a démenti l’existence d’une preuve prima facie de discrimination. Bell faisait valoir que Mme Kerr ne lui avait pas signalé un besoin particulier d’aménagements liés à sa déficience ou à sa situation de famille, et que, s’il avait été mis fin à l’emploi de Mme Kerr, c’était parce qu’elle l’avait demandé.

 

[10]      En droit, lorsqu’un plaignant établit une preuve prima facie de discrimination selon la Loi, il a, sauf justification de l’employeur, droit à réparation. Voir l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Municipalité d’Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202, page 202. Dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, à la page 558, le critère de l’établissement d’une preuve prima facie de discrimination était décrit ainsi par la Cour suprême du Canada :

Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. [Non souligné dans l’original]

 

[11]      C’est commettre une erreur de droit que de considérer la défense de la partie intimée lorsqu’on se demande si une preuve prima facie de discrimination a été établie. Voir l’arrêt Lincoln c. Bay Ferries Ltd. (2004), 322 N.R. 50 (C.A.F.), paragraphe 22.

 

[12]      En l’espèce, Mme Kerr dit qu’il existe une preuve prima facie de discrimination parce qu’elle travaillait pour Bell, qu’elle était en congé d’invalidité et qu’il a été mis fin à son emploi alors qu’elle était en congé d’invalidité.

 

[13]      Dans son analyse, l’enquêteur est arrivé à la conclusion que la preuve ne permettait pas à Mme Kerr d’affirmer qu’il avait été mis fin à son emploi en raison de sa déficience ou de sa situation de famille. Au soutien de sa conclusion, l’enquêteur a souligné que, d’après la plainte, c’est Mme Kerr qui avait demandé à son avocate [traduction] « de sonder Bell sur la rupture de mes liens professionnels avec l’entreprise », et c’est Mme Kerr qui avait accepté les conditions de cessation d’emploi proposées par Bell, dans deux lettres distinctes envoyées par son avocate.

 

[14]      S’agissant de la preuve relative à la conclusion de l’enquêteur, Mme Kerr, par la lettre de son avocate en date du 1er octobre 2003, s’était d’abord enquise de la possibilité d’une entente de cessation d’emploi. Dans cette lettre, l’avocate disait qu’elle croyait savoir que Bell était en cours de restructuration et allait réduire sensiblement ses effectifs. Lorsque Bell lui répondit en demandant confirmation d’un médecin selon laquelle Mme Kerr [traduction] « est apte à prendre une décision informée à l’égard d’une entente de cessation d’emploi », l’avocate de Mme Kerr a répondu que, bien que la demande fût une nouvelle manifestation du manque de tact de Bell, la confirmation d’un médecin serait produite. L’avocate de Mme Kerr a réitéré sa demande initiale par lettre datée du 10 novembre 2003.

 

[15]      Bell a alors répondu par lettre datée du 28 novembre 2003, rédigée par la supérieure immédiate de Mme Kerr, Mme Singh. La lettre renfermait les conditions d’une entente de cessation d’emploi. L’avocate de Mme Kerr a d’abord fait savoir, par lettre datée du 9 décembre 2003, que l’offre contenue dans la lettre du 28 novembre n’était pas acceptable, mais elle a plus tard affirmé, dans une lettre datée du 8 janvier 2004, que [traduction] « Mme Kerr a plutôt décidé, encore que sans enthousiasme, d’accepter l’offre contenue » dans la lettre du 28 novembre 2003. Par la suite, dans une lettre datée du 12 février 2004, l’avocate de Mme Kerr écrivait à nouveau que [traduction] « ma cliente acceptera l’offre la plus récente faite par Bell Canada en contrepartie de la cessation de son emploi. Mon sommaire des conditions de l’entente suivra ».

 

[16]      Quant à savoir si les faits établissaient une preuve prima facie de discrimination, il faudrait pour cela conclure que, parce que Mme Kerr était invalide lorsqu’il avait été mis fin à son emploi, son invalidité explique en partie la décision d’y mettre fin. En droit, une conclusion peut être tirée [traduction] « lorsque des faits ne peuvent être aisément prouvés et que le contexte rend probable la véracité de ces faits ». Voir R. c. Collins (2005), 232 N.S.R. (2d) 92 (C.S. N.‑É.), paragraphe 26, jugement confirmé : (2006), 240 N.S.R. (2d) 308 (C.A.). À mon avis, la preuve produite dans la présente affaire ne permet pas de conclure que l’invalidité fut l’un des facteurs de la décision de Bell, alors que, après examen de la plainte de Mme Kerr, il était tout aussi probable, voire plus probable, que Bell, en voie de réduire ses effectifs, déciderait de mettre fin à l’emploi d’une personne qui s’était renseignée auprès de l’entreprise sur la possibilité d’une entente de cessation d’emploi.

 

[17]      Cependant, et en tout état de cause, qu’une preuve prima facie de discrimination fût ou non établie, l’enquêteur était fondé à considérer l’ensemble des informations qu’il avait devant lui lorsqu’il a présenté son rapport et sa recommandation à la Commission.

 

[18]      Si l’on considère l’ensemble de la preuve, la cessation d’une relation d’emploi alors que l’employé est en congé d’invalidité ne donne pas naissance à une présomption irréfutable de discrimination fondée sur la déficience. En l’espèce, l’enquêteur a estimé qu’il était impossible de dire que la déficience était la cause du licenciement de Mme Kerr, parce que c’est Mme Kerr qui avait à l’origine soulevé la question de son départ, et que les parties semblaient avoir conclu un arrangement mutuellement acceptable en ce sens. C’était là une explication défendable qui autorisait l’enquêteur à dire que Mme Kerr n’avait pas prouvé qu’il avait été mis fin à son emploi en raison de sa déficience, d’autant plus que l’avocate de Mme Kerr disait que, selon ce qu’elle croyait savoir, Bell était en voie de réduire ses effectifs.

 

[19]      Faisant subir à l’analyse de l’enquêteur un examen assez poussé, je suis d’avis que le rapport d’enquête et, par conséquent, les motifs de la Commission, considérés globalement, sont défendables et sont autorisés par la preuve.

 

[20]      Dans son argumentation orale, Mme Kerr a reconnu qu’il n’existait aucune preuve irréfutable attestant une discrimination illicite de la part de Bell. Elle a plutôt fait valoir que c’était là une conclusion qui découlait des circonstances suivantes : Bell savait que Mme Kerr était en congé d’invalidité, Bell avait adopté à toute allure l’entente, la lettre du 28 novembre 2003 faisait état d’une conversation qui, selon Mme Kerr, n’avait jamais eu lieu, Bell avait demandé une preuve de la capacité de Mme Kerr avant de lui proposer une entente de cessation d’emploi, la supérieure hiérarchique de Mme Kerr lui avait demandé si elle avait l’intention d’agrandir sa famille et finalement il y avait eu la conduite de Bell dans la mise au point de l’entente. Même si ces faits pouvaient permettre de conclure à une intention d’exercer une discrimination, ils ne rendent pas indéfendable, ou l’ensemble de la preuve, la conclusion de l’enquêteur selon laquelle, s’il avait été mis fin à l’emploi de Mme Kerr, ce n’était pas en raison de sa déficience ou de sa situation de famille.

 

[21]      Mme Kerr fait aussi valoir que l’enquêteur a commis une erreur en disant qu’une entente avait été conclue entre Mme Kerr et Bell. Mme Kerr s’en rapporte aux lettres de son avocate en date du 1er octobre 2003, du 9 décembre 2003 et du 8 janvier 2004, où son avocate écrivait que, tant que les parties n’auraient pas signé une entente de cessation d’emploi, Mme Kerr se considérerait comme une employée de Bell qui recevait des prestations d’invalidité.

 

[22]      Il y a, à mon humble avis, deux réponses à cet argument. La première est que l’enquêteur a explicitement reconnu qu’aucune entente de cessation d’emploi n’avait jamais été signée. Il a évoqué l’échange d’argent et de correspondance et la restitution, par Mme Kerr, de la somme reçue, mais il a écrit qu’il ne lui semblait pas que [traduction] « la Commission est la tribune compétente pour aplanir les difficultés que les parties ont rencontrées lorsqu’elles étaient sur le point de signer l’entente de cessation d’emploi qu’elles avaient négociée ». La deuxième réponse est que, si la plainte a été rejetée, ce n’est pas en raison de l’existence d’une entente entre les parties. Elle a plutôt été rejetée parce que les négociations engagées entre les parties ont conduit l’enquêteur à conclure que la cessation d’emploi n’était pas le résultat d’une discrimination exercée contre Mme Kerr.

 

[23]      Outre les deux lettres de l’avocate de Mme Kerr confirmant qu’un accord avait été conclu, il a été établi que, le 25 février 2004, l’avocate de Mme Kerr avait signé une directive de paiement se rapportant à la somme convenue, et que Bell, dans deux lettres datées du 19 mars 2004, avait envoyé des chèques représentant l’indemnité de départ exigible et les frais de contentieux et avait débloqué des fonds pour dépôt dans le compte REER de Mme Kerr. Le 17 mai 2004, l’unique point non réglé était semble‑t‑il celui de savoir si Bell avait versé une prime d’encouragement au rendement. L’entente semble finalement avoir échoué mais, à mon avis, l’enquêteur n’a pas pour autant eu tort de s’en rapporter à la conduite des parties pour conclure que le licenciement de Mme Kerr n’était pas le résultat d’une discrimination.

 

La décision de la Commission était‑elle fondée sur une enquête insuffisante?

[24]      Mme Kerr dit que l’enquêteur aurait dû interroger des personnes liées à sa plainte, en particulier Mme Singh qui, dans la lettre du 28 novembre 2003, faisait état d’une conversation qui, selon Mme Kerr, n’a pas eu lieu. Dans son argumentation orale, l’avocate de Mme Kerr a aussi fait valoir que l’enquêteur aurait dû obtenir les courriels que Mme Kerr avait mentionnés dans sa plainte et dans sa correspondance ultérieure adressée à la Commission.

 

[25]      Dans la décision Murray c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2002 CFPI 699, confirmée : 2003 CAF 222, mon collègue le juge Kelen a examiné le degré d’équité procédurale exigé d’un enquêteur. Au paragraphe 24, il s’exprimait ainsi :

Les principes de justice naturelle et l’obligation d’équité procédurale, en ce qui a trait à une enquête et à une décision subséquente de la Commission, consistent à donner au plaignant le rapport de l’enquêteur, à lui fournir pleinement l’occasion de répondre et à examiner cette réponse avant que la Commission ne prenne une décision. L’enquêteur n’a pas l’obligation d’interroger tous et chacun des témoins, comme l’aurait souhaité le demandeur, ni l’obligation d’aborder tous et chacun des prétendus incidents de discrimination, comme l’aurait souhaité le demandeur. En l’espèce, la demanderesse a eu l’occasion de répondre au rapport de l’enquêteur et d’aborder toute lacune laissée par l’enquêteur ou de porter à l’attention de l’enquêteur tout témoin important manquant. Cependant, l’enquêteur et la Commission doivent contrôler l’enquête et notre Cour n’annulera, suite à une demande de contrôle judiciaire, une enquête et une décision que lorsque l’enquête et la décision sont manifestement déficients. Voir la décision du juge Nadon (tel était alors son titre) dans Slattery, précitée, et celle du juge Hugessen (tel était alors son titre) au nom de la Cour d’appel. [Non souligné dans l’original.]

 

[26]      Cet extrait s’accorde avec les propos tenus par la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Tahmourpour, susmentionné, où l’on peut lire qu’une enquête ne présentera sans doute pas le niveau de rigueur légalement requis si l’enquêteur « n’a pas examiné une preuve manifestement importante ».

 

[27]      En l’espèce, Mme Kerr ne m’a pas persuadée que, parce qu’il n’a pas interrogé ses collègues et sa supérieure hiérarchique, ou parce qu’il n’a pas obtenu certains courriels, l’enquêteur a négligé une preuve manifestement importante.

 

[28]      Sur ce point, l’examen des renseignements que Mme Kerr a communiqués à la Commission, en particulier l’examen de ses observations sur la réponse de Bell à sa plainte, montre que l’enquêteur avait été invité par Mme Kerr à interroger les personnes pouvant témoigner du climat de tension dans lequel tout le personnel travaillait, et pouvant confirmer le « climat délétère » qui, selon Mme Kerr, empoisonnait tout le service où elle travaillait. Des documents étaient mentionnés, qui étaient censés attester les heures, les déplacements et les conditions générales de travail de Mme Kerr. Ce ne semble pas là des renseignements manifestement importants pour ce qui concerne la présumée discrimination exercée contre Mme Kerr.

 

[29]      L’enquêteur n’a pas interrogé Mme Singh, et Mme Kerr considère qu’il s’agit là d’une omission de taille, parce que Mme Singh, l’auteure de la lettre du 28 novembre 2003, y faisait état d’une conversation téléphonique tenue ce jour‑là, conversation qui selon Mme Kerr n’a jamais eu lieu.

 

[30]      Rétrospectivement, il eût sans doute été souhaitable pour l’enquêteur d’avoir un entretien avec Mme Singh. Cependant, dans les observations qu’elle a faites en réponse à la correspondance de Bell, Mme Kerr n’a jamais désigné Mme Singh comme une personne susceptible d’être interrogée. Par conséquent, et puisque l’offre contenue dans la lettre contestée de Mme Singh datée du 28 novembre 2003 fut plus tard acceptée, je ne suis pas persuadée que, du seul fait que l’enquêteur n’a pas interrogé Mme Singh, son enquête a été déficiente au point de constituer un manquement à l’obligation d’équité.

 

[31]      Par ailleurs, Mme Kerr a présenté de nombreuses observations en réponse au rapport d’enquête. Par conséquent, dans la mesure où Mme Kerr détenait les renseignements en question, elle était à même de combler les lacunes du rapport. Ce n’est que lorsqu’un plaignant n’est pas à même de corriger les lacunes d’un rapport d’enquête que la Cour sera fondée à intervenir à la faveur d’une procédure de contrôle judiciaire. Voir la décision Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), paragraphe 57, confirmée : (1996), 205 N.R. 383 (C.A.F.).

 

[32]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, il ne sera pas adjugé de dépens.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans adjudication de dépens à l’une quelconque des parties.

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                T‑467‑07

 

INTITULÉ :                                                               HEATHER KERR

 

                                                                                    BELL CANADA ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 29 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 23 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

ANNE CUMMING                                                     POUR LA DEMANDERESSE

 

AMAL GARZOUZI                                                    POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GIBSON & BARNES LLP                                         POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS

TORONTO (ONTARIO)

 

BELL CANADA                                                         POUR LES DÉFENDEURS

MONTRÉAL (QUÉBEC)

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