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Date : 20071127

Dossier : IMM-1862-07

Référence : 2007 CF 1243

Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

 

RUBEN ALEJANDRO RODRIGUEZ RIVERO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant une décision rendue le 18 avril 2007 dans laquelle l’agente d’immigration (l’agente) a refusé la demande de résidence permanente présentée depuis le Canada et fondée sur des raisons d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi.

 

LE CONTEXTE

[2]               Ruben Alejandro Rodriguez Rivero (le demandeur) est un citoyen de l’Uruguay âgé de 31 ans.

 

[3]               Son demi-frère est citoyen canadien.

 

[4]               Son demi-frère a présenté une demande de parrainage de sa mère et du demandeur en 1999. Toutefois, le demandeur s’est désisté de la demande de son frère parce que, à ce moment-là, il ne voulait pas venir au Canada. Sa mère est devenue résidente permanente en mai 2002.

 

[5]               Il est arrivé au Canada le 14 décembre 2005 muni d’un visa temporaire pour rendre visite à sa mère et à son demi-frère. Son visa temporaire a été prolongé à plusieurs reprises et il a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d’ordre humanitaire le 11 mai 2006.

 

[6]               Le 18 avril 2007, sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire a été rejetée. La présente demande de contrôle judiciaire vise cette décision négative.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[7]               L’agente a décidé que les raisons d’ordre humanitaire ne justifiaient pas l’octroi d’une exemption de l’exigence de présenter une demande de visa de résident permanent hors du Canada.

 

la question en litige

[8]               L’agente a-t-elle commis une erreur en passant sous silence des éléments de preuve pertinents, en comprenant mal les éléments de preuve pertinents, ainsi qu’en tirant des conclusions de fait abusives non étayées par la preuve?

 

dispositions législatives applicables

[9]               Le paragraphe 25(1) de la Loi est rédigé comme suit :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

LA Norme de contrôle

[10]           La décision fondée sur des raisons d’ordre humanitaire est une décision discrétionnaire et la norme de contrôle applicable à l’égard d’une décision fondée sur des raisons d’ordre humanitaire rendue par un agent d’immigration est celle de la décision raisonnable simpliciter (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 62).

 

[11]           Dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 [notes de bas de page omises], la Cour suprême du Canada a expliqué la norme de la décision raisonnable aux paragraphes 55 et 56 :

La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

 

Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision.  Une cour qui applique la norme de la décision raisonnable doit toujours évaluer si la décision motivée a une base adéquate, sans oublier que la question examinée n’exige pas un résultat unique précis.  De plus, la cour ne devrait pas s’arrêter à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n’affectent pas la décision dans son ensemble.

 

ANALYSE

[12]           Le demandeur soutient que l’agente a erré dans son appréciation de la quantité considérable d’éléments de preuve présentés à propos des membres de la famille et de leur interdépendance émotionnelle, de l’effet désastreux qu’une séparation aurait sur la cellule familiale et des difficultés que subiraient les membres de la cellule familiale.

 

[13]           Le demandeur renvoie la Cour à la pièce A-2, un affidavit de sa mère. Il ressort du document que sa mère s’est rendue en Uruguay de décembre 2002 au 19 janvier 2003, de décembre 2003 à avril 2004 et de décembre 2004 à mars 2005. Elle conclut son affidavit en expliquant que, plus les années passent, plus le voyage devient difficile pour elle et qu’il est très fatigant.

 

[14]           L’agente tient clairement compte de cet élément de preuve puisqu’elle déclare que la mère du demandeur lui a rendu visite à plusieurs reprises. L’agente mentionne également que la mère s’est aussi rendue en Uruguay en novembre 2006, pour assister à un mariage, alors que le demandeur est demeuré au Canada.

 

[15]           À mon avis, l’agente a apprécié l’interdépendance émotionnelle qui, de son propre aveu, était présente dans leur situation, mais elle a clairement précisé que ce facteur ne suffisait pas à lui seul pour accorder une exemption.

 

[16]           Le demandeur allègue que l’agente n’était saisie d’aucun élément de preuve qui supposait que le demandeur pouvait présenter une demande de résidence permanente hors du Canada et qu’elle n’a jamais évalué ses chances d’être accepté à titre de travailleur qualifié indépendant. Elle n’avait pas ce rôle. L’obligation de l’agente consistait à prendre une décision discrétionnaire sur la question de savoir si le demandeur éprouverait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait présenter une demande de résidence permanente depuis l’étranger, non pas d’effectuer une évaluation préliminaire des possibilités que la demande soit acceptée. De plus, elle a souligné que le demandeur avait prouvé qu’il était en mesure de voyager puisqu’il était venu au Canada à plusieurs reprises et avait toujours été en mesure d’obtenir les visas nécessaires pour le faire.

 

[17]           À l’appui de l’affidavit qu’il a présenté dans le cadre du présent contrôle judiciaire, le demandeur présente les lignes directrices du Québec à propos de la catégorie du regroupement familial. L’auteure de la décision n’a pas été saisie de ces documents et de l’argument général concernant le fait que le demandeur ne serait pas accepté au Québec parce qu’il n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial. Le seul argument qu’a invoqué le demandeur est celui selon lequel le Québec ne le choisirait pas parce qu’il ne parlait pas français. L’agente a accordé peu de poids à cet argument et a mentionné qu’il aurait pu apprendre le français alors qu’il était au Canada et qu’il aurait toujours la possibilité de l’apprendre en Uruguay au moment de présenter une demande de visa de résident permanent.

 

[18]           Le demandeur allègue également que l’agente a émis des hypothèses lorsqu’elle a décidé que le demandeur pouvait trouver de l’emploi à son retour en Uruguay. Je ne peux pas conclure que ces hypothèses n’étaient pas appuyées par la preuve dont elle était saisie. Comme elle l’a elle-même déclaré, elle n’avait devant elle aucun élément de preuve prétendant que le demandeur ne pouvait pas trouver d’emploi. Le seul élément de preuve dont elle disposait montrait qu’il avait travaillé en Uruguay pendant dix ans avant son arrivée au Canada. En conséquence, elle pouvait raisonnablement conclure qu’il pourrait trouver de l’emploi.

 

[19]           La lecture de la décision dans son intégralité m’amène à conclure que l’agente a effectué une analyse minutieuse et complète de tous les motifs d’ordre humanitaire invoqués par le demandeur. L’allégation qu’aurait commise l’agente en mentionnant que la mère souffrait « d’arthrose » (« osteoarthritis » en anglais) plutôt que d’ostéoporose (veuillez noter que le seul renseignement pertinent que j’ai pu trouver dans le dossier médical de la mère du demandeur était des « douleurs aux articulations »), bien que cela puisse être une maladie plus grave, n’est pas suffisante pour que la Cour intervienne lorsque l’ensemble de la décision demeure raisonnable.

 

[20]           Le demandeur n’a pas réfuté la présomption selon laquelle l’auteure de la décision a apprécié tous les éléments de preuve et que l’évaluation du poids à accorder aux éléments de preuve est une question qui relève de son pouvoir discrétionnaire et de son expertise (Woolaston c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1973] R.C.S. 102, Shah c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2007 CF 132).

 

[21]           Dans ses motifs, l’agente a conclu que le demandeur avait omis d’établir qu’il subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives s’il était tenu de demander un visa de résident permanent depuis l’Uruguay et a, par conséquent, refusé de lui accorder une exemption en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi.

 

[22]           Compte tenu des éléments de preuve dont disposait l’agente et des motifs qu’elle a donnés, j’estime que cette conclusion est raisonnable et je ne vois aucune raison de la modifier.

 

[23]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[24]           Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1862-07

 

INTITULÉ :                                                   RUBEN ALEJANDRO RODRIGUEZ RIVERO

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 21 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 27 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jeffrey Nadler

 

POUR LE DEMANDEUR

Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jeffrey Nadler

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 


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