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Date : 20080114

Dossier : IMM-2396-07

Référence : 2008 CF 24

ENTRE :

FOUAD REBAÏ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE PINARD

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente d’ERAR), Maria Bilucaglia, qui a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur fondée sur des considérations humanitaires (la demande CH) et présentée à partir du Canada.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Algérie qui est entré au Canada en novembre 2000. Il a présenté une demande d’asile alléguant que des terroristes avaient menacé de porter atteinte à sa vie et lui avait extorqué de l’argent. Sa demande a été rejetée en mai 2002 en raison d’un manque de crédibilité. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision a également été rejetée.

 

[3]               Le demandeur a aussi présenté une demande d’ERAR qui a été rejetée le même jour que sa demande CH, soit le 23 avril 2007. La décision relative à l’ERAR n’est pas contestée en l’espèce.

 

[4]               La présente affaire soulève les questions suivantes :

1)   L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur en tenant compte des accusations criminelles pour lesquelles le demandeur n’avait pas été déclaré coupable?

 

2)   L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère juridique en ce qui a trait aux demandes CH?

 

 

[5]               Pour ce qui est de la première question, l’agente d’ERAR a souligné dans sa décision que le demandeur avait été accusé de vol en 2002 et de méfait en 2003, bien qu’il ait reçu une absolution inconditionnelle pour la première infraction et ait été acquitté de la deuxième. Cependant, l’agente d’ERAR a déclaré : [traduction] « Bien que le demandeur n’ait pas été déclaré coupable, à mon avis, ce genre de comportement démontre un non-respect des lois canadiennes. »

 

[6]               De toute évidence, l’agente d’ERAR a commis une erreur de droit en tenant compte comme elle l’a fait des deux accusations criminelles qui avaient été déposées contre le demandeur. Il est difficile de déterminer si cette erreur a réellement eu une incidence sur l’évaluation de l’agente relativement au risque auquel le demandeur serait personnellement exposé. Toutefois, comme j’ai conclu à une erreur de droit, il appartenait au défendeur d’établir que cette erreur n’était pas déterminante, ce qu’il n’a pas fait.

 

[7]               Pour ce qui est de la deuxième question, bien qu’il soit loisible au même agent de se prononcer sur la demande d’ERAR et sur la demande CH du demandeur, les questions qui doivent être tranchées dans ces deux demandes sont distinctes (Monemi c. Canada (Solliciteur général) (2004), 266 F.T.R. 31). Lors d’un ERAR, la question qui se pose est celle de savoir si le demandeur serait personnellement exposé au risque d’être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités (Sahota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 651, [2007] A.C.F. no 882 (1re inst.) (QL)). Dans une demande CH, la question principale est de savoir si l’obligation voulant que le demandeur présente sa demande de résidence permanente à partir de l’étranger lui causerait des difficultés inhabituelles, injustes ou indues (Sha’er c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2007), 60 Imm. L.R. (3d) 189, [2007] A.C.F. no 297 (1re inst.) (QL)). Le risque auquel est exposé le demandeur doit être évalué comme un facteur menant à la décision (Sahota, précité). Bien qu’il puisse adopter les conclusions de fait tirées dans l’ERAR, l’agent doit examiner ces facteurs à la lumière du critère de risque moins rigoureux applicable aux décisions relatives aux demandes CH, soit « la question de savoir si les facteurs de risques peuvent être assimilés à des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives » (Gallardo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 554, [2007] A.C.F. no 749 (1re inst.) (QL). Se référer aussi à Pannu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1356, [2006] A.C.F. no 1695 (1re inst.) (QL); Liyanage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1045, [2005] A.C.F. no 1293 (1re inst.) (QL); Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296, [2005] A.C.F. no 366 (1re inst.) (QL); et Beluli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 898, [2005] A.C.F. no 1112 (1re inst.) (QL)).

 

[8]               En l’espèce, il ressort clairement de la décision de l’agente d’ERAR qu’elle a appliqué le mauvais critère. Bien qu’elle utilise les termes du critère approprié dans sa conclusion, l’agente d’ERAR a appliqué le mauvais critère à deux reprises, soit au début et à la fin de son évaluation du risque auquel le demandeur serait exposé personnellement. Dans le premier paragraphe de son évaluation du risque personnel, l’agente d’ERAR a déclaré :

[traduction] La CISR a rejeté la demande d’asile du demandeur en mai 2002. La Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible, en raison de son témoignage invraisemblable rempli de contradictions importantes qu’elle a jugées peu fiables. La Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la CISR en août 2002. Le demandeur a présenté une demande et des observations dans la catégorie des DNRSRC en mai 2002, qui ont été transférées au programme d’ERAR. Cette demande sera traitée séparément. La présente demande CH ne constitue pas un appel d’une décision antérieure ou d’une décision rendue par un autre tribunal. Il appartient au demandeur d’établir qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou à sa sécurité s’il devait présenter sa demande de visa d’immigrant à partir de l’étranger.

                                                           

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[9]               Dans le dernier paragraphe de la même évaluation, l’agente d’ERAR a déclaré :

 

 

[traduction] Le demandeur n’a pas établi qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou à sa sécurité s’il devait retourner en Algérie.

 

 

 

[10]           Il est manifeste que l’agente d’ERAR a énoncé expressément et appliqué une norme plus élevée que celle qui est applicable aux décisions sur des demandes CH. Le défendeur n’a pas été en mesure de me convaincre que cette erreur n’est pas déterminante.

 

[11]           Quoi qu’il en soit, même si j’avais jugé que les erreurs n’étaient pas déterminantes, j’aurais conclu, en l’espèce, qu’elles étaient toutes deux assez graves pour vicier la décision contestée au complet et, par conséquent, pour justifier l’intervention de la Cour.

 

[12]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de l’agente d’ERAR sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent d’examen des risques avant renvoi pour nouvelle décision.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 14 janvier 2008

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Isabelle D’Souza, LL.B.


 

 

 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2396-07

 

INTITULÉ :                                                   FOUAD REBAÏ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 5 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 14 JANVIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jared Will                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

Lisa Maziade                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jared Will                                                         POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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