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Date :  20081202

Dossier :  IMM-2059-08

Référence :  2008 CF 1337

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ

PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

 

ANDRAL LOISEAU

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Le défendeur a déposé de nombreux documents qui n’étaient pas en preuve devant la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Section de l’immigration), le 10 avril 2008.

 

 

 

 

II.  Introduction

[2]               Cette Cour a déjà décidé que lorsque la Section de l’immigration n’ordonne pas le maintien en détention d’une personne parce qu’elle croit erronément que cette personne est déjà détenue, l’ordonnance doit être cassée :

[12]      À mon avis, il n'est pas nécessaire d'aborder la question de l'interprétation de l'article 128 de la LSCMLC. Il est évident que le commissaire n'a pas ordonné le maintien du défendeur en détention parce qu'il estimait que celui-ci serait de toute façon détenu dans un pénitencier fédéral. Ce n'est pas le cas. Le commissaire en est arrivé à sa conclusion sans tenir compte de l'approbation initiale donnée à la semi-liberté du défendeur. Il n'a pas pris en considération le document du 25 janvier 2003 qui portait sur le droit de demander la semi-liberté. Il a décidé de ne pas tenir compte de la façon dont le SCC abordait la question de la semi-liberté pour les personnes qui avaient été condamnées avant le 28 juin 2002. Il n'a pas tenu compte du bulletin de gestion de cas qui lui avait été présenté. Il n'a pas tenu compte du fait que, malgré son interprétation de l'article 128 de la LSCMLC, le défendeur obtiendrait sa semi-liberté le 25 janvier. Il a conclu à tort que le défendeur serait détenu par le SCC malgré toutes les preuves indiquant le contraire qui lui avaient été présentées.

 

[13]      Le commissaire en est arrivé à cette conclusion de fait erronée et s'est ensuite basé sur cette conclusion pour prendre sa décision. J'estime que cette conclusion était manifestement déraisonnable et a été prise de façon abusive ou arbitraire. Cette conclusion vicie la décision. Je fais donc droit à la demande de contrôle judiciaire et renvoie l'affaire à un autre membre de la section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvel examen par ordonnance datée du 8 juillet 2003.

 

(Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Ambrose, 2003 CF 865, 124 A.C.W.S. (3d) 757, par la juge Carolyn Layden-Stevenson.)

 

[3]               Or, il est reconnu qu’une preuve nouvelle qui n’a pas été soumise au tribunal ne peut être utilisée lors d’un contrôle judiciaire d’une décision du tribunal en question :

[15]      Je suis d'avis que le même principe est applicable en l'espèce. Le but premier du contrôle judiciaire est de contrôler des décisions, et non pas de trancher, par un procès de novo, des questions qui n'ont pas été examinées de façon adéquate sur le plan de la preuve devant le tribunal ou la cour de première instance. C'est cette dernière thèse qui est plaidée à tort par la demanderesse dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Ce n'est pas la nécessité à laquelle faisait référence lord Sumner dans l'arrêt Nat Bell Liquors, précité. La Cour n'examinera pas de nouveaux éléments de preuve dans les circonstances.

 

(Gitxsan Treaty Society et Hospital Employees Union, [2000] 1 C.F. 135 (C.A.F.), [1999] A.C.F. no 1192 (QL).)

 

[4]               Dans l’affaire Basha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 86 A.C.W.S. (3d) 394, [1999] A.C.F. no 207 (QL), le juge Jean-Eudes Dubé a énoncé le principe comme suit :

[2]        L'ordonnance en question du juge McGillis est l'ordonnance normalisée utilisée par la Cour quand elle accorde l'autorisation de commencer une demande de contrôle judiciaire. Cela ne signifie pas, évidemment, que tout affidavit peut être signifié et déposé soit par le demandeur, soit par le défendeur. Les affidavits doivent être pertinents et le demandeur ne doit pas les utiliser en vue d'introduire dans le dossier des éléments de preuve dont n'était pas saisie la section lorsqu'elle a rendu sa décision. Et les affidavits ne peuvent pas avoir trait à des événements survenus dans le pays d'origine, ou ailleurs, après l'audience tenue devant le comité. Le juge Nadon de la Cour a expliqué en quelques lignes la justification de ce principe de base dans Asafov c. M.E.I., (IMM-7425-093) en date du 18 mai 1994 :

 

Le contrôle judiciaire permet d'examiner la décision rendue par la Section, à la lumière des preuves dont celle-ci disposait à l'audience, et de décider s'il existe des raisons justifiant la révision de la décision initiale. Cela étant, les preuves que les requérants entendent maintenant produire sont dénuées de pertinence. En accueillant la demande, je ferais de la procédure de contrôle judiciaire, une procédure d'appel.

 

(Également, Asafov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 48 A.C.W.S. (3d) 623, [1994] A.C.F. no 713 (QL); Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 C.F. 1274, 241 F.T.R. 289; Naredo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 3 C.F. 468, 132 F.T.R. 281; Lemiecha (Tuteur d’instance) c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 72 F.T.R. 49, 24 Imm. L.R. (2d) 95).

 

[5]               Le demandeur prétend qu’en l’espèce, la preuve ainsi déposée par le défendeur n’est pas recevable et ne saurait être considérée par la Cour dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

III.  Procédure judiciaire

[6]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision, rendue le 10 avril 2008, de la Section de l’immigration (Procès verbal de l’audience (la partie décision seulement) (PV) du 10 avril 2008 : dossier du demandeur (DD) aux pp. 6-11; Ordonnance de mise en liberté du 10 avril 2008 : DD aux pp. 11A-11B).

 

[7]               Par cette décision, la Commission a ordonné la mise en liberté du défendeur aux conditions énoncées dans son ordonnance, dont celle de demeurer à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, celle de soumettre au demandeur par l’entremise de son représentant désigné, les rapports médicaux le concernant et celle d’aviser le demandeur, par le biais de son représentant désigné de la fin de son traitement. À noter que le défendeur est présentement traité à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal en raison de schizophrénie psychotique et est interdit de territoire pour grande criminalité (Ordonnance de mise en liberté du 10 avril 2008 ci-dessus; PV du 10 avril 2008 ci-dessus).

 

[8]               Or, le mandat du représentant désigné nommé par la Section de l’immigration en vertu du paragraphe 167(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR), a pris fin avec les procédures pour lesquelles il a été nommé.

 

[9]               En conséquence, le représentant désigné, n’ayant plus de mandat en vertu de la LIPR, n’aura aucune obligation de tenir le demandeur au courant de la fin du traitement du défendeur.

 

[10]           Finalement, comme le défendeur n’est pas en « détention » à l’Institut Philippe-Pinel mais en « traitement à l’interne », la Section de l’immigration ne peut lui ordonner de demeurer là puisque ce traitement forcé relève de la seule compétence de la Cour supérieure qui, à tout moment, peut modifier son ordonnance sans que le demandeur en soit avisé.

 

[11]           Les conditions imposées par la Section de l’immigration, le 10 avril 2008, ne sont donc pas valables et doivent être modifiées.

 

IV.  Faits

[12]           Le 2 septembre 2007, le défendeur, monsieur Andral Loiseau, fut arrêté pour fin d’enquête parce qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’il est un résident permanent interdit de territoire pour grande criminalité ayant été déclaré coupable d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans (Avis d’arrestation : pièce A de l’affidavit de Francine Lauzé : DD à la p.15; PV du 4 septembre 2007 : pièce B de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 17-19).

[13]           La description du casier judiciaire de monsieur Loiseau qui se retrouve au procès-verbal de l’audience (la partie décision seulement) du 4 septembre 2007 et s’étend sur une période de cinq années, soit de 2002 à 2007, démontre une escalade des infractions et des condamnations (PV du 4 septembre 2007 ci-dessus; PV du 2 octobre 2007 : pièce E de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 32-34).

 

[14]           Lors des révisions de détention qui ont suivi l’arrestation de monsieur Loiseau, les commissaires saisis du contrôle des motifs de détention du demandeur ont maintenu sa détention parce qu’il représentait un risque de fuite et un danger pour la société canadienne si libéré (PV du 4 septembre 2007 ci-dessus; PV du 11 septembre 2007 : pièce C de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 21-28; PV du 2 octobre 2007 ci-dessus).

 

[15]           Après l’audience du 11 septembre 2007, un représentant désigné fut commis d’office en vertu du paragraphe 167(2) de la LIPR pour représenter monsieur Loiseau (PV du 11 septembre 2007 ci-dessus; PV du 2 octobre 2007 ci-dessus).

 

[16]           Le 2 octobre 2007, la Section de l’immigration a prononcé une mesure d’expulsion contre monsieur Loiseau (Mesure d’expulsion; pièce D de l’affidavit de Francine Lauzé : DD à la p. 30).

 

[17]           Le 16 octobre 2007, le défendeur a déposé, devant la Section d’appel d’immigration, un avis d’appel à l’encontre de la mesure d’expulsion et, le 16 janvier 2008, la Section d’appel d’immigration a préparé un avis convoquant monsieur Loiseau pour le 11 avril 2008 (Avis d’appel : pièce F de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 36-37; Avis de convocation : pièce G de l’affidavit de Francine Lauzé : DD à la p. 39).

 

[18]           Le 1 février 2008, monsieur Loiseau, qui était alors détenu pour fin d’immigration au Centre de détention de Rivière-des-Prairies, fut admis comme patient à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal suite aux évaluations psychiatriques du Dr. Louis Morissette et du Dr. Jacques Talbot (Lettre du Dr. Jacques Talbot du 12 mars 208 : pièce J de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 49-51).

 

[19]           Le 12 février 2008, l’Institut Philippe-Pinel de Montréal a obtenu de la Cour supérieure du Québec un jugement ordonnant :

a.       Au défendeur de se soumettre à un traitement psychiatrique;

b.      Que ce traitement soit initialement commencé à l’interne à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal;

c.       Que le traitement suggéré soit établi de façon générale envers tout milieu hospitalier et tout médecin traitant le défendeur;

d.      Et éventuellement, que les traitements se poursuivent dans tout autre établissement de santé où le défendeur pourrait être accepté dans la province de Québec pour toute la durée de la présente ordonnance, que ce soit à l’interne ou à l’externe.

(Jugement de la Cour supérieure : pièce H de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 41-43).

 

[20]           Lors de la révision de détention du 13 février 2008, la Section de l’immigration fut informée des démarches de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal pour obtenir un jugement de la Cour supérieure du Québec (PV du 13 février 2008 : pièce I de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 46-47).

 

[21]           Le 13 mars 2008, la Section de l’immigration a refusé de procéder au contrôle des motifs de détention en raison d’avoir perdu compétence suite à l’ordonnance de la Cour supérieure (PV du 13 mars 2008 : pièce K de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 53-56).

 

[22]           À la suite de l’ordonnance, du 1 avril 2008, du juge Orville Frenette de la Cour fédérale dans le dossier IMM-1239-08, stipulant que la Section de l’immigration n’avait pas perdu compétence et lui ordonnant de procéder au contrôle des motifs de détention de monsieur Loiseau, le 10 avril 2008, la Section a ordonné la mise en liberté de monsieur Loiseau aux conditions suivantes :

a.       Le défendeur doit demeurer à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal pour un traitement interne;

b.      Le défendeur doit aviser un agent de l’Agence des Services frontaliers du Canada (ASFC) par l’entremise de son représentant désigné, monsieur Robert Naylor, dès que le médecin traitant aura décidé de mettre fin au traitement interne à l’Institut Philippe-Pinel;

c.       Le défendeur doit soumettre à un agent de l’ASFC tout rapport médical écrit disponible sur les traitements administrés et les effets dudit traitement sur monsieur Loiseau et ce, par l’entremise de son représentant désigné;

d.      Le défendeur doit respecter l’ordonnance de la Cour supérieure, rendue le 12 février 2008 (500-17-041014-088).

(Ordonnance de mise en liberté du 10 avril 2008 ci-dessus).

 

[23]           Le 11 avril 2008, l’appel interjeté par monsieur Loiseau devant la Section d’appel d’immigration fut entendu, mais aucune décision n’a encore été rendue (Courriel du 2 juin 2008 : pièce L de l’affidavit de Francine Lauzé : DD à la p. 58).

 

[24]           Le 17 avril 2008, monsieur Naylor, représentant désigné de monsieur Loiseau, a fait parvenir à la Section d’appel d’immigration une lettre indiquant quel était selon lui son mandat pour une durée d’un an à compter du 11 avril 1008 (Lettre du 17 avril 2008 : pièce M de l’affidavit de Francine Lauzé : DD aux pp. 60- 61).

 

[25]           Le demandeur prétend que monsieur Robert Naylor, ayant été nommé représentant désigné par la Section de l’immigration, n’a pas le mandat légal de représenter le défendeur puisque les procédures devant la Section sont terminées. En conséquence, les conditions imposées le 10 avril 2008 par l’ordonnance de la Section de l’immigration sont devenues inopérantes et sans effet lorsque la Section de l’immigration a rendu sa décision.

 

[26]           En outre, l’engagement du représentant désigné produit devant la Section d’appel de l’immigration deviendra aussi sans objet à l’égard de la Section d’appel de l’immigration lorsqu’elle aura disposé de l’appel du défendeur.

[27]           La Section de l’immigration n’a pas compétence pour ordonner au défendeur de demeurer à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal pour un traitement interne.

 

[28]           Finalement, la Section de l’immigration a procédé à la mise en liberté du défendeur croyant erronément que ce dernier est détenu à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal.

 

V.  Analyse

            A.  Dispositions pertinentes

[29]           En vertu de la LIPR, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a la discrétion de désigner d’office un représentant à une personne qui n’est pas en mesure de comprendre la nature des procédures devant l’une des sections de la Commission :

PARTIE 4

 

COMMISSION DE L’IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

 

[...]

 

ATTRIBUTIONS COMMUNES

 

[...]

 

Conseil

 

167.      (1) L’intéressé peut en tout cas se faire représenter devant la Commission, à ses frais, par un avocat ou un autre conseil.

 

 

Représentation

 

(2) Est commis d’office un représentant à l’intéressé qui n’a pas dix-huit ans ou n’est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

 

PART 4

 

IMMIGRATION AND REFUGEE BOARD

 

 

 

PROVISIONS THAT APPLY TO ALL DIVISIONS

 

 

Right to counsel

 

167.      (1) Both a person who is the subject of Board proceedings and the Minister may, at their own expense, be represented by a barrister or solicitor or other counsel.

 

Représentation

 

(2) If a person who is the subject of proceedings is under 18 years of age or unable, in the opinion of the applicable Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate a person to represent the person.

 

 

B.     Application de la LIPR

1.  Représentant désigné

[30]           Lorsqu’à l’audience du 11 septembre 2007, la Section de l’immigration a constaté que monsieur Loiseau n’était pas en mesure de comprendre la nature des procédures devant la Section, soit principalement le contrôle des motifs de détention, la Section de l’immigration a désigné comme représentant à monsieur Loiseau, monsieur Naylor, pour les fins de ces procédures.

 

[31]           Il s’ensuit que le seul mandat que la Section de l’immigration peut conférer à monsieur Naylor est celui de représenter monsieur Loiseau pendant les procédures devant la Section de l’immigration.

 

[32]           Monsieur Naylor n’est pas un curateur au majeur nommé en vertu de Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64.

 

[33]           En outre, les engagements consignés dans la lettre que monsieur Naylor a adressée à la Section d’appel de l’immigration, le 17 avril 2008, ne peuvent lui donner vis-à-vis la Section de l’immigration une compétence que la LIPR ne prévoit pas.

 

[34]           Tout au plus, cette lettre peut permettre à la Section d’appel de l’immigration de reconnaître monsieur Naylor, représentant désigné pour les fins des procédures en cours devant la Section d’appel de l’immigration, soit l’appel interjeté à l’encontre de la mesure de renvoi, et tant que la Section d’appel de l’immigration n’aura pas tranché cet appel.

 

[35]           En conséquence, l’ordonnance de la mise en liberté ne prévoit aucun mécanisme valable pour s’assurer que l’intervenant concerné soit mis au courant de l’évolution du traitement de monsieur Loiseau, y compris le fait que ses médecins pourraient décider de la continuation de son traitement à l’externe.

 

2.  Compétence de la Section de l’immigration

[36]           La Section de l’immigration n’a pas compétence pour ordonner à monsieur Loiseau de demeurer à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal ou de se soumettre à un traitement quelconque.

 

[37]           Cette compétence appartient exclusivement à la Cour supérieure du Québec en vertu du Code civil du Québec.

 

[38]           En outre, le maintien de monsieur Loiseau en traitement à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal relève de ses médecins traitants, de l’institut et de la Cour supérieure.

 

[39]           Ni la Cour supérieure, ni les médecins, n’ont l’obligation de tenir le demandeur au courant en cas de modification de l’ordonnance de traitement ce qu’a reconnu la Section de l’immigration en concluant qu’elle ne pouvait imposer d’obligation au médecin traitant.

 

3.  Défendeur n’est pas détenu à l’Institut Philippe-Pinel

[40]           La Section de l’immigration a erré en croyant que monsieur Loiseau est en détention à l’Institut Philippe-Pinel, même s’il n’est pas libre de ses allées et venues.

 

[41]           Le jugement de la Cour supérieure n’est pas une ordonnance de garde aux termes des articles 26 et suivants du Code civil du Québec ou de la Loi sur la Protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, L.R.Q., c. P-38.001, et encore moins une détention de monsieur Loiseau pour fin d’immigration.

 

[42]           D’ailleurs, lorsque monsieur Loiseau fut admis à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, le 1 février 2008, il était sous le coup d’une ordonnance de détention pour fin d’immigration et était détenu au Centre de détention de Rivière-des-Prairies, ordonnance qui fut maintenue, le 13 février 2008. Ce qui rendait inutile l’obtention d’une ordonnance de garde en vertu du Code civil du Québec ou de la Loi sur la Protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

[43]           Cette Cour a déjà décidé que lorsque la Section de l’immigration n’ordonne pas le maintien en détention d’une personne parce qu’elle croit erronément que cette personne est déjà détenue, cette ordonnance doit être cassée :

[12]      À mon avis, il n'est pas nécessaire d'aborder la question de l'interprétation de l'article 128 de la LSCMLC. Il est évident que le commissaire n'a pas ordonné le maintien du défendeur en détention parce qu'il estimait que celui-ci serait de toute façon détenu dans un pénitencier fédéral. Ce n'est pas le cas. Le commissaire en est arrivé à sa conclusion sans tenir compte de l'approbation initiale donnée à la semi-liberté du défendeur. Il n'a pas pris en considération le document du 25 janvier 2003 qui portait sur le droit de demander la semi-liberté. Il a décidé de ne pas tenir compte de la façon dont le SCC abordait la question de la semi-liberté pour les personnes qui avaient été condamnées avant le 28 juin 2002. Il n'a pas tenu compte du bulletin de gestion de cas qui lui avait été présenté. Il n'a pas tenu compte du fait que, malgré son interprétation de l'article 128 de la LSCMLC, le défendeur obtiendrait sa semi-liberté le 25 janvier. Il a conclu à tort que le défendeur serait détenu par le SCC malgré toutes les preuves indiquant le contraire qui lui avaient été présentées.

 

[13]      Le commissaire en est arrivé à cette conclusion de fait erronée et s'est ensuite basé sur cette conclusion pour prendre sa décision. J'estime que cette conclusion était manifestement déraisonnable et a été prise de façon abusive ou arbitraire. Cette conclusion vicie la décision. Je fais donc droit à la demande de contrôle judiciaire et renvoie l'affaire à un autre membre de la section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvel examen par ordonnance datée du 8 juillet 2003.

 

(Ambrose, ci-dessus, par la juge Layden-Stevenson.)

 

VI.  Conclusion

[44]           Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée et l’affaire est renvoyée à un panel autrement constitué.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit retournée pour redétermination par un panel autrement constitué.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2059-08

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                            c. ANDRAL LOISEAU

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 26 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 2 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michèle Joubert

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Marie-André Fogg

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur Général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

AIDE JURIDIQUE DE MONTRÉAL

Bureau Immigration

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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