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Date : 20081215

Dossier : IMM-5184-07

Référence : 2008 CF 1374

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

MORDECHAI BETESH, LIAT BETESH

et IDAN SHMUEL BETESH

et YUVAL MARY BETESH représentés par leur tuteur à l’instance

MORDECHAI BETESH

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Le présent contrôle judiciaire, déposé en vertu du paragraphe 72 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), porte sur une décision, datée du 23 novembre 2007 (la décision), par laquelle une agente d’immigration (l’agente) a refusé la demande de séjour temporaire présentée par les demandeurs (le PST). Ces derniers cherchent également à obtenir une ordonnance de mandamus afin qu’il soit statué sur leur demande de PST.

 

 

 

CONTEXTE

 

[2]               Mordechai Betesh (le demandeur principal) est un citoyen d’Israël âgé de 32 ans qui réside avec toute sa famille immédiate au Canada. Les membres de sa famille comprennent son épouse, ses enfants jumeaux, Yuval et Idan, et leur plus jeune, Roni. Le demandeur principal, son épouse et leurs jumeaux sont tous des ressortissants d’Israël. Roni est citoyen canadien. La première langue parlée par les enfants est l’anglais et les jumeaux fréquentent une école maternelle anglophone.

 

[3]               Le demandeur et sa famille sont arrivés au Canada le 22 septembre 2003 à l’aéroport international Pearson à Toronto, cherchant à avoir une vie meilleure au Canada.

 

[4]               La demande fondée sur des considérations humanitaires (la demande CH) présentée par les demandeurs a été rejetée le 15 septembre 2006. Le demandeur et sa famille ont été priés de quitter le Canada le 30 octobre 2006, ou vers cette date. Cependant, une demande d’autorisation de contrôle de la décision CH a été accordée et, le 16 juillet 2007, un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi a été rendu.

 

[5]               Une demande de contrôle judiciaire a été plaidée et une décision a été rendue le 13 février 2008. Des observations sur la certification ont été présentées le 25 février 2008. Aucune décision n’a été rendue à l’égard de cette demande.

 

[6]               Les demandeurs ont déposé une deuxième demande CH le 22 novembre 2006. Aucune décision n’a été rendue relativement à cette demande. En août 2007, les demandeurs ont fait une demande de PST.

 

[7]               Les demandeurs ont une entreprise, Dental Brands for Less Inc., située à Concord, en Ontario, spécialisée dans la vente en gros de fournitures dentaires. Ils ont lancé leur entreprise en avril 2004 et ont environ 2 200 clients. Ils espèrent étendre leurs activités aux États-Unis. Leur entreprise devrait rapporter 5,5 millions de dollars en recettes brutes au cours de la prochaine année financière.

 

[8]               Les demandeurs envisagent également d’ouvrir une clinique au Canada qui offrirait des  soins dentaires à faible coût à ceux qui n’ont pas les moyens de se les payer. De plus, ils participent à un programme dentaire international en fournissant de l’équipement à certains pays moins développés pour permettre aux enfants de recevoir des soins dentaires qu’ils ne pourraient pas s’offrir autrement. Les demandeurs ont aussi fait des dons à un organisme de bienfaisance juif.

 

[9]               Si les demandeurs sont renvoyés du Canada, ils devront fermer leur entreprise. Ils ont tenté de trouver un gérant pour diriger l’entreprise à la suite de la dernière décision de report. Cette personne était un gérant expérimenté venant des États-Unis. Cependant, il n’a pas été en mesure d’apprendre et d’exploiter l’entreprise aussi efficacement que le demandeur principal. Les demandeurs ont également tenté de vendre leur entreprise au cours des derniers mois. Cependant, l’acquéreur éventuel exigeait que le demandeur principal reste et qu’il offre une présence constante dans l’exploitation de l’entreprise.

 

[10]           Le demandeur principal a quitté Israël à la suite d’un conflit d’affaires avec un ancien associé. L’entreprise a fait faillite et le syndic en a pris le contrôle, ce qui a mis en colère les parties envers lesquelles l’entreprise avait une dette. Les demandeurs allèguent que les créanciers ont fait appel à des membres du crime organisé pour récupérer leur créance et aussi pour extorquer au demandeur principal de l’argent.

 

[11]           Au Canada, le demandeur principal aurait fait deux fois l’objet de menaces par des personnes que les créanciers auraient envoyées à sa recherche. Lors du premier incident, six hommes associés au crime organisé se sont présentés sur les lieux de l’entreprise du demandeur principal et l’ont menacé. Ils lui ont dit qu’il avait 48 heures pour trouver l’argent et que, s’il n’obtenait pas la somme demandée, ils s’en prendraient à son entreprise et à sa famille. Les demandeurs affirment que ces hommes ont été en mesure de décrire l’intérieur de sa résidence. Le demandeur principal s’est immédiatement rendu au poste de police et sa résidence a été identifiée comme étant à risque dans les ordinateurs de la police pour que celle-ci puisse intervenir rapidement en cas de problème. Le demande principal affirme que, puisqu’il craignait que la police ne puisse pas le protéger, il a accepté de payer des montants de 30 000 $ et de 3 000 $ par mois aux extorqueurs. Il a arrêté de payer le montant mensuel de 3 000 $ après un an et quatre mois.

 

[12]           Le deuxième incident s’est produit à la fin du mois de mars 2006. Le demandeur principal affirme avoir reçu un appel téléphonique d’un groupe du crime organisé en Israël l’informant qu’il  devait à ce groupe une somme s’élevant à un million de dollars. Une note a été laissée à la porte de sa résidence indiquant le numéro du compte en Israël dans lequel il devait verser l’argent. Il dit qu’il est allé directement au poste de police, laquelle est intervenue en envoyant chez lui un détective.

 

[13]           La police a retracé le numéro de téléphone et a constaté que l’appel provenait d’un magasin Sobey; l’homme s’est fait prendre sur caméra. Le lendemain, les pneus de la voiture du demandeur principal ont été tailladés et la fenêtre de la porte avant a été fracassée. Le demandeur principal a ensuite reçu un autre appel où on lui a dit : « Ne comprenez-vous donc pas les indices qu’on vous donne? » Le demandeur principal a déposé une autre plainte auprès de la police.

 

[14]           Le 10 juin 2007, le demandeur principal affirme que les hommes en question sont revenus sur les lieux de son entreprise réclamant plus d’argent. Il s’est rendu au poste de police et des agents d’infiltration ont été postés à son entreprise. La police a assuré la sécurité du demandeur principal pendant une journée tandis que les détectives étaient partis à la recherche des hommes qui l’avaient menacé. Le demandeur principal n’a pas été tenu au courant de l’état de cette enquête.

 

[15]           Le demandeur principal croit que ces criminels veulent faire du mal à sa famille. Il ne croit pas que la police israélienne sera en mesure de l’aider. La preuve de ces menaces n’a jamais été  fournie à l’agente d’ERAR puisqu’elle s’est présentée après que la demande d’ERAR eut été tranchée.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

 

[16]           Dans sa lettre, datée du 23 novembre 2007, adressée aux demandeurs, l’agente déclare que le PST ne sera pas accordé en application du paragraphe 24(1) de la Loi. Les observations prises au fur et à mesure par l’agente sont ainsi formulées :

[traduction]

15NOV2007. L’intéressé présente une demande de PST pour son propre compte et celui des membres de sa famille, 5384-4749, 5384-4751 & 5384-4750 le 21AOÛT2007 avec un GDP C007753804 d’un montant de 800 $.

-         REC,D IMM5476 donne l’autorisation au cabinet entier Mamann & Associates @ (416) 862-0000 d’agir pour le compte de l’intéressé, mais ne précise aucun nom

-         Renvoi à un SPS pour un examen plus approfondi…CYB/C 15NOV07 les demandeurs sont visés par une mesure de renvoi qui fait actuellement l’objet d’un sursis par la Cour Fédérale. Une deuxième demande CH a été déposée, la décision est en attente.

 

Motif de la demande de PST : Les demandeurs exploitent une entreprise de vente en gros; 6 employés (affirment que personne est en mesure de gérer l’entreprise en l’absence du demandeur principal) et que s’il était forcé de quitter le Canada, le gouvernement du Canada perdrait des revenus de 220 000 $ et de 680 000 $. Aucun paiement ne serait versé aux fournisseurs, à Revenu Canada et à la BM. Par conséquence, il serait dans l’intérêt national de lui délivrer un PST puisque, selon lui, il est menacé par le crime organisé en Israël où est survenu un conflit avec un ex-associé à la suite duquel il a quitté le pays, ce qui a causé la faillite de l’entreprise, et il allègue que ses créanciers et son ex-associé tentent de récupérer l’argent en faisant appel à des membres du crime organisé qui, ajoute-il, l’auraient également menacé au Canada. Étant donné que l’intéressé a une demande CH en attente qui sera examinée en profondeur et qu’il n’est actuellement pas visé par une mesure de renvoi, il serait inapproprié de délivrer des permis de séjour temporaires aux membres de sa famille et d’entraîner une répétition de la procédure puisqu’il a déjà déposé sa deuxième demande CH. Dans les circonstances, je recommande le rejet […]

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[17]           Les demandeurs ont soulevé les questions suivantes :

1)                  L’agente a-t-il commis une erreur de droit en refusant la demande de PST des demandeurs pour les motifs que son examen aurait constitué une répétition de la procédure et qu’aucune raison ne justifiait de mener l’examen demandé?

2)                  Les demandeurs ont-ils satisfait au critère applicable à la délivrance d’un mandamus?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[18]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Permis de séjour temporaire

 

24. (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

 

 

 

Cas particulier

 

(2) L’étranger visé au paragraphe (1) à qui l’agent délivre hors du Canada un permis de séjour temporaire ne devient résident temporaire qu’après s’être soumis au contrôle à son arrivée au Canada.

 

Instructions

 

(3) L’agent est tenu de se conformer aux instructions que le ministre peut donner pour l’application du paragraphe (1).

 

Rapport annuel

 

94. (1) Au plus tard le 1er novembre ou dans les trente premiers jours de séance suivant cette date, le ministre dépose devant chaque chambre du Parlement un rapport sur l’application de la présente loi portant sur l’année civile précédente.

 

 

94(2) d) le nombre de permis de séjour temporaire délivrés au titre de l’article 24 et, le cas échéant, les faits emportant interdiction de territoire;

Temporary resident permit

 

24. (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

 

Exception

 

(2) A foreign national referred to in subsection (1) to whom an officer issues a temporary resident permit outside Canada does not become a temporary resident until they have been examined upon arrival in Canada.

 

Instructions of Minister

 

(3) In applying subsection (1), the officer shall act in accordance with any instructions that the Minister may make.

 

Annual report to Parliament

 

94. (1) The Minister must, on or before November 1 of each year or, if a House of Parliament is not then sitting, within the next 30 days on which that House is sitting after that date, table in each House of Parliament a report on the operation of this Act in the preceding calendar year.

 

94(2)… (d) the number of temporary resident permits issued under section 24, categorized according to grounds of inadmissibility, if any;

[19]           Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) sont également applicables en l’espèce :

Catégorie

 

64. La catégorie des titulaires de permis est une catégorie réglementaire d’étrangers qui peuvent devenir résidents permanents sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

Qualité

 

65. Est un titulaire de permis et appartient à la catégorie des titulaires de permis l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

a) il s’est vu délivrer un permis de séjour temporaire au titre du paragraphe 24(1) de la Loi;

 

 Permit holder class

 

64. The permit holder class is prescribed as a class of foreign nationals who may become permanent residents on the basis of the requirements of this Division.


Member of class

 

65. A foreign national is a permit holder and a member of the permit holder class if

(a) they have been issued a temporary resident permit under subsection 24(1) of the Act;

 

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[20]           La norme de contrôle appropriée pour les décisions de refuser de délivrer un permis de séjour temporaire en application du paragraphe 24 de la Loi était, avant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, celle de la décision raisonnable simpliciter : Rodgers c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n1378, au paragraphe 6 & Easton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 366, au paragraphe 15.

 

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable se distinguent du point de vue théorique, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » (Dunsmuir, au paragraphe 44). Par conséquent, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre les deux normes de « raisonnabilité » en une seule.

 

[22]           La Cour suprême du Canada a également conclu dans l’arrêt Dunsmuir qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. Au contraire, lorsque la jurisprudence a déjà bien établi la norme de contrôle applicable à une question en particulier, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. C’est seulement lorsque sa démarche se révèle infructueuse que la cour de révision entreprend un examen des quatre facteurs pertinents pour l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[23]           À la lumière de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir et de la jurisprudence de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable à la première question soulevée par les demandeurs est celle de la décision raisonnable. Dans le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, [ainsi qu’] à  l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47). En d’autres termes, la Cour interviendra seulement si la décision était déraisonnable dans la mesure où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

CRITÈRE DE DÉLIVRANCE D’UN MANDAMUS

 

[24]           Le critère de délivrance d’un mandamus est énoncé dans Khalil c. Canada (Sécrétaire l’État du Canada) [1999] 4 C.F. 661 (C.A.F.), au paragraphe 11, qui cite l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.); conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100 (l’arrêt Apotex) qui établit ce qui suit :

1)                  Il existe une obligation légale d’agir à caractère public dans les circonstances;

2)                  L’obligation doit exister envers le demandeur;

3)                  Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, et notamment, le demandeur a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

4)                  Le demandeur n’a aucun autre recours;

5)                  L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

6)                  Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;

7)                  Compte tenu de la balance des inconvénients, une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

 

[25]           La Cour dans Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. 1373 (Kaur) fournit une analyse sur le fardeau de la preuve qui incombe au demandeur sollicitant une ordonnance de mandamus. La Cour a aussi souligné que, pour qu’on puisse dire qu’un délai est déraisonnable, trois conditions doivent être remplies :

1)                  Le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

2)                  le demandeur et son conseiller juridique n'en sont pas responsables;

3)                  L’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante.

ARGUMENTS

            Les demandeurs

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que les dispositions relatives aux PST confèrent à l’agente et au ministre le large pouvoir discrétionnaire de permettre à une personne interdite de territoire d’entrer ou de demeurer au Canada. Ils citent l’objet du PST tel qu’il est énoncé à la section 5.1 du Guide de la politique de CIC, IP 1, Permis de séjour temporaire (le Guide) :

Habituellement, les personnes qui ne satisfont pas aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés se voient refuser un visa de résident permanent ou de résident temporaire à l’étranger ou l’entrée à un point d’entrée, ou encore, on refuse de traiter leur demande au Canada. Toutefois, dans certains cas, il peut y avoir des raisons impérieuses pour lesquelles un agent peut délivrer un permis de séjour temporaire pour permettre à une personne qui ne satisfait pas aux exigences de la Loi d’entrer ou de rester au Canada.

 

[27]           En outre, les demandeurs citent et se fondent sur le paragraphe 5.5 du Guide qui décrit les personnes susceptibles d’obtenir un permis de séjour temporaire :

5.5. Personnes susceptibles d’obtenir un permis de séjour temporaire

Toute personne :

interdite de territoire cherchant à entrer au Canada, si un agent est d’avis que

les circonstances le justifient [L24(1];

se trouvant au Canada et étant interdite de territoire, faisant l’objet ou étant

susceptible de faire l’objet d’un rapport d’infraction à la Loi, ou ne satisfaisant

pas, pour tout autre motif, aux exigences de la Loi;

non admissible au rétablissement du statut.

Any person who is:

 

-  inadmissible and seeking to come into Canada if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances [A24(1)];

 

-  in Canada and is inadmissible, subject to a report or reportable for violation of the Act, or does not otherwise meet the requirements of the Act;

 

-  not eligible for restoration of status.

[28]           Les demandeurs affirment que, pour déterminer si un PST devrait être délivré, les agents, les directeurs ou l’administration centrale doivent évaluer les besoins et les facteurs de risque au cas par cas. Le Guide fournit au paragraphe 12.1 les facteurs précis, tant obligatoires que discrétionnaires, qui devraient être pris en compte au moment de l’évaluation :

Évaluation des besoins

 

Le besoin d’une personne interdite de territoire d’entrer ou de demeurer au Canada

doit être impérieux et suffire à l’emporter sur les risques posés à la santé et à la

sécurité de la société canadienne. Le degré de besoin est relatif au type de cas.

Les éléments qui suivent comprennent des points et des exemples qui, sans être

exhaustifs, illustrent la portée et l’esprit d’application du pouvoir discrétionnaire de

délivrer un permis.

 

L’agent doit tenir compte :

 

• des facteurs rendant nécessaire la présence de la personne au Canada (p. ex.,

liens familiaux, qualifications familiales, contribution économique, présence

temporaire à un événement);

• de l’intention des dispositions législatives (p. ex., protection de la santé

publique ou du système de soins de santé).

L’évaluation peut comprendre :

• le but essentiel de la présence d’une personne au Canada;

• le type ou la catégorie de demande et la composition familiale pertinente, tant

dans le pays d’origine qu’au Canada;

• s’il est question de traitements médicaux, l’accessibilité raisonnable, ou non,

du traitement au Canada ou ailleurs (des commentaires sur les

coûts/l’accessibilité relatifs peuvent s’avérer utiles), et l’efficacité prévue du

traitement;

• les avantages corporels ou incorporels auxquels peuvent s’attendre la

personne concernée ou d’autres personnes; et

• l’identité du répondant (dans les affaires d’étranger) ou de l’hôte ou de

l’employeur (dans les affaires de visite)

 

Officers must consider:

 

-  the factors that make the person's presence in Canada necessary (e.g., family ties, job qualifications, economic contribution, temporary attendance at an event);

 

-  the intention of the legislation (e.g., protecting public health or the health care system).

 

 

 

 

 

 

 

The assessment may involve:

 

-  the essential purpose of the person's presence in Canada;

 

-  the type/class of application and pertinent family composition, both in the home country and in Canada;

 

-  if medical treatment is involved, whether or not the treatment is reasonably available in Canada or elsewhere (comments on the relative costs/accessibility may be helpful), and anticipated effectiveness of treatment;

 

-  the tangible or intangible benefits which may accrue to the person concerned and to others; and

 

-  the identity of the sponsor (in a foreign national case) or host or employer (in a temporary resident case).

 

[29]           Les demandeurs se fondent également sur le paragraphe 12.3 du Guide qui porte sur les cas liés à l’intérêt national :

Le besoin urgent de la présence du demandeur au Canada doit normalement être

lié à la sécurité économique ou d’emploi de citoyens canadiens ou de résidents

permanents. Un tel besoin peut être confirmé par les autorités pertinentes du

service national d’emploi ou du gouvernement provincial. La bonne foi de la

personne et de l’employeur ou l’authenticité de la proposition d’affaires et le

caractère urgent du cas doivent être bien établis avant qu’un permis puisse être

délivré.

The urgent need for the applicant’s presence in Canada should normally relate to economic or employment security of Canadian citizens or permanent residents. Such need may be confirmed by appropriate officials of the national employment service or provincial government. The bona fides of the individual as well as the employer or business proposal and the urgency of the case should be well established before a permit is issued.

 

           

Répétition de la procédure

 

 

[30]           Les demandeurs soutiennent qu’aucune disposition de la Loi ou du Guide ne permet à un agent d’immigration de refuser de statuer sur une demande de PST pour une raison ou une autre, notamment la répétition des facteurs qui sont entrés en ligne de compte dans une demande CH.

 

[31]           Les demandeurs soutiennent également que l’agente a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’article 24 de la Loi et de rendre une décision alors qu’on lui avait demandé de le faire. L’agente n’a fait aucune analyse de la preuve et n’a appliqué aucune des lignes directrices énoncées dans le Guide ni n’a examiné le fond de la demande.

 

[32]           Les demandeurs signalent que le paragraphe 12.3 du Guide portant sur l’intérêt national s’applique directement à eux. S’ils sont forcés de quitter le Canada et de fermer leur entreprise, un certain nombre de citoyens canadiens et de résidents permanents perdront leurs emplois. La dette due par l’entreprise des demandeurs au gouvernement du Canada et à d’autres fournisseurs pourraient ne pas être remboursée. De plus, d’autres entreprises canadiennes pourraient fermer leurs portes. Les demandeurs ne plaident pas en faveur d’un résultat préétabli d’autorisation. Ils demandent seulement qu’une évaluation de la preuve soit faite et qu’une décision soit rendue sur la question de l’intérêt national. Les demandeurs soutiennent que l’agente a excédé sa compétence et qu’elle a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une analyse relative au PST et en ne rendant pas de décision.

 

[33]           Les demandeurs soutiennent en outre que l’agente a commis une erreur en supposant qu’un examen de la demande de PST des demandeurs serait une répétition de l’évaluation CH qui n’avait pas encore été rendue. Ils affirment qu’aucune disposition applicable aux demandes CH ne tient compte de l’intérêt national prévu au paragraphe 12.1 du Guide. Ainsi, les raisons sur lesquelles l’agente s’est fondée pour refuser de rendre une décision sur le PST sont erronées, puisque cela n’aurait pas donné lieu à une répétition de la procédure.

 

[34]           Les demandeurs citent et se fondent sur l’arrêt Jiminez-Perez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1983] 1 C.F. 163 (C.A.F.) (l’arrêt Jiminez-Perez). Dans cette affaire, on se demande si les agents d’immigration avaient l’obligation de rendre une décision quant à une demande CH présentée en vertu du paragraphe 115(2) de l’ancienne Loi sur l’immigration. La Cour d’appel fédérale a conclu que, si la Loi prévoit que cette admission peut être accordée, alors un requérant éventuel a droit à une décision :

Puisque la Loi prévoit que cette admission peut être accordée sur cette base dans des cas particuliers, un requérant éventuel a droit à une décision administrative sur la base sur laquelle il présente une demande, et il existe donc une obligation corrélative de lui permettre de faire la demande. La demande, y compris la demande de dispense et le parrainage de la demande, doit être examinée et tranchée au moyen d’une décision et non d’une tentative anticipée d’éviter une décision en raison de son effet possible sur le droit d’appel du répondant sous le régime de l’article 79 de la Loi. (le paragraphe 16)

 

 

[35]           La Cour suprême du Canada dans Jiminez-Perez, [1984] A.C.S. n59 a modifié la décision de la Cour d’appel fédérale, mais elle a confirmé le principe selon lequel les agents ont l’obligation d’examiner les demandes dont ils sont saisis. Les demandeurs font valoir qu’une obligation semblable existe dans la présente affaire suivant l’article 24 de la Loi. On ne prévoit aucune condition préalable ou restriction quant au moment où une demande peut être rendue.

 

[36]           Les demandeurs affirment qu’ils ont utilisé le recours le plus rapide pour obtenir un PST (à savoir le délai de deux ans normalement lié aux demandes CH), parce qu’il ne comprenait aucun critère prévu par le programme CH. Par conséquent, la demande de PST n’est pas une répétition de la demande CH.

 

Mandamus

                                    Existence d’une obligation à caractère publique envers les demandeurs

 

[37]           Les demandeurs soutiennent que le défendeur a l’obligation légale d’examiner et de rendre une décision quant à leur demande selon l’article 24 de la Loi. Les deux premières conditions relatives au mandamus sont réunies : Il existe une obligation légale d’agir et cette obligation existe envers les demandeurs.

 

Droit d’obtenir l’exécution de cette obligation

 

[38]           Les demandeurs soutiennent qu’ils ont satisfait aux conditions préalables donnant naissance à l’obligation et qu’ils ont rempli leurs demandes et payé les droits exigibles. Ils affirment qu’ils ont droit d’obtenir une décision sur le fond.

Aucun autre recours/ L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique

 

[39]           Les demandeurs se sont vu refuser leur demande de contrôle judiciaire et il leur a été ordonné de quitter le Canada. La décision quant à leur deuxième demande CH n’a pas encore été rendue. Actuellement, la seule façon pour eux de demeurer au Canada et d’éviter un renvoi est d’obtenir immédiatement une décision sur leurs demandes de PST.

 

Aucun empêchement en vertu de l’équité

 

[40]           Les demandeurs ont satisfait à toutes les demandes formulées par les autorités de l’immigration. Par conséquent, les demandeurs affirment qu’ils se présentent la Cour sans avoir rien à se reprocher.

 

Balance des inconvénients

 

[41]           Les demandeurs allèguent que sans faute de leur part et qu’en raison du refus de l’agente d’exercer son obligation visée par l’article 24 de la Loi, aucune décision n’a été rendue sur le fond des demandes de PST. Ils affirment que la balance des inconvénients leur est favorable.

 

[42]           Les demandeurs allèguent également que le fait que le recours qu’est le mandamus n’avait pas été invoqué initialement ne constitue pas un obstacle à une demande de contrôle judiciaire. La  Cour peut élaborer, et élabore effectivement, ses propres mesures pour remédier aux erreurs relevées dans une demande de contrôle judiciaire. En outre, la demande de PST a été refusée au motif qu’aucune décision ne serait rendue, ce qui correspond en fait à un refus d’exécuter une obligation découlant clairement de la loi : Canada c. Tsiafakas, [1977] 2 C.F. 216 (C.A.F.).

 

[43]           Une fois encore, les demandeurs citent et se fondent sur l’arrêt Jiminez-Perez de la Cour suprême du Canada, dans lequel cette dernière s’est penchée sur le refus d’un agent d’examiner une demande de résidence permanente. Dans cette affaire, l’agent avait décidé qu’aucune décision ne serait rendue sur le fond. En l’espèce, l’agente a refusé d’examiner le bien-fondé de la demande de PST, et les demandeurs sollicitent une ordonnance l’obligeant examiner le bien-fondé de la demande et à rendre une décision. La voie de recours appropriée est donc l’ordonnance de mandamus.

 

Le défendeur

            Répétition de la procédure

 

 

[44]           Le défendeur fait valoir que, bien qu’ils aient une demande CH en attente et  qu’ils bénéficient d’un sursis judiciaire à la mesure de renvoi, les demandeurs ont fait une demande de PST. Cette demande a été refusée puisqu’elle a été considérée comme une répétition de la demande CH des demandeurs et comme étant sans objet, en raison du sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Le défendeur allègue que les demandeurs n’ont soulevé aucune question sérieuse relativement à la décision et que, compte tenu de la nature discrétionnaire des PST et du fait que ceux-ci ne devraient être délivrés qu’avec circonspection et dans des circonstances particulières, ils ne devraient pas être accordés aux personnes qui cherchent simplement à épuiser leurs options en matière d’immigration.

 

[45]           Le défendeur cite et se fonde sur Farhat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) 2006 CF 1275 (Farhat), au paragraphe 2, qui énonce que la délivrance de permis de séjour temporaire « […] constitue un régime d’exception. Cette délivrance permet à un étranger qui est interdit de territoire au Canada ou ne se conforme pas à la [Loi] ou au [Règlement], de devenir résident temporaire si un agent estime que les circonstances le justifient ».

 

[46]           Le défendeur soutient que l’article 24 de la Loi vise à rendre moins sévères les conséquences qu’entraîne dans certains cas la stricte application de la Loi, lorsqu’il existe des « raisons impérieuses » pour qu’il soit permis à un étranger d’entrer ou de demeurer au Canada malgré l’interdiction de territoire ou l’inobservation de la Loi. Fondamentalement, le permis de séjour temporaire permet aux agents d’intervenir dans des circonstances exceptionnelles tout en remplissant les engagements sociaux, humanitaires et économiques du Canada : Farhat, au paragraphe 22 et le Guide, au paragraphe 2.

 

[47]           Le défendeur poursuit en soulignant qu’il faut, avant de délivrer un PST, tenir compte du fait que les PST offrent à leurs titulaires davantage de privilèges que les permis de visiteur, d’étudiant ou de travail. Comme l’étranger de ces deux catégories, le titulaire d’un PST devient résident temporaire après examen à son entrée au Canada, mais il peut en outre avoir accès aux services sociaux ou de santé et demander un permis de travail ou d’études à partir du Canada. N’est en outre assujetti à aucun pouvoir discrétionnaire l’octroi de la résidence permanente aux personnes qui résident au Canada pendant toute la période de validité du permis et ne deviennent pas interdites de territoire pour d’autres motifs que ceux ayant justifié l’octroi du PST : Farhat, paragraphe 23; articles 64 et 65 du Règlement et section 5.7 du Guide.

 

[48]           Le défendeur soutient que c’est avec circonspection que l’on doit recommander un PST et le délivrer. Le législateur avait bien conscience de la nature exceptionnelle des PST et il s’est réservé un rôle de surveillance à l’égard du pouvoir de les délivrer, obligeant la ministre à faire état dans son rapport annuel au Parlement du nombre de PST délivrés en application de l’article 24 de la Loi, « données [étant] réparties selon les motifs d’interdiction de territoire » : Farhat, paragraphe 24; la Loi au paragraphe 94(2) et le Guide aux paragraphes 5.2 et 5.22.

 

[49]           Le défendeur affirment que les demandeurs n’ont soulevé aucune question sérieuse en soutenant que l’agente a commis une erreur en fondant sa décision sur des considérations non pertinentes et inappropriées. Les demandes CH et de PST ne sont pas identiques, mais elles sont semblables dans la mesure où elles permettent à un étranger qui est interdit de territoire de faire une demande de dispense des exigences normales prévues par la Loi. La Cour a clairement indiqué que les considérations CH ont à vrai dire une portée plus large que les circonstances « exceptionnelles » ou « impérieuses » requises pour justifier la délivrance d’un PST. Le défendeur cite et se fonde sur Rodgers c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 1093 :

9     Je ne peux pas souscrire à ces prétentions. Premièrement, la délivrance d’un PST en vertu de l’article 24 est clairement discrétionnaire. Selon les circonstances, la délivrance d’un PST peut être justifiée ou non. Le simple fait qu’une disposition prévoit l’octroi d’un PST ne veut pas pour autant dire qu’il ne peut pas y avoir de circonstances où la délivrance d’un PST minerait toute la procédure à laquelle les demandeurs sont soumis en vertu de la LIPR.

 

10     Deuxièmement, les considérations prévues à l’article 24 ont uniquement à être justifiées eu égard aux circonstances. Il ne s’agit pas de l’étude approfondie des circonstances d’ordre humanitaire que prévoit l’article 25. La décision doit être justifiée eu égard aux circonstances. Étant donné les antécédents du demandeur en matière d’immigration, je ne peux pas conclure que la décision de l’agente d’immigration était déraisonnable. Le demandeur est entré illégalement au Canada et, en ayant recours à tous les moyens possibles, notamment en alléguant faussement être atteint de diabète et en revendiquant sans motif légitime le statut de réfugié, il a réussi à séjourner pendant 15 ans au Canada. Dans ces conditions, on ne saurait dire que le refus de délivrer un PST est déraisonnable.

 

11     Étant donné qu’il ne s’agissait pas d’une étude approfondie des circonstances d’ordre humanitaire ainsi qu’il est prévu à l’article 25, il n’était pas nécessaire d’examiner chaque prétention du demandeur. Les motifs que l’agente d’immigration a donnés pour justifier le refus de délivrer le PST n’étaient pas déraisonnables. L’agente ne s’est de toute évidence pas laissée influencer par le fait que le demandeur entretenait des liens étroits avec sa famille au Canada et qu’il ne serait pas en mesure, selon lui, de subvenir aux besoins de ses enfants s’il retournait en Jamaïque. L’omission de mentionner ces considérations ne rend pas sa décision déraisonnable.

 

[50]           Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour l’agente de refuser les demandes de PST des demandeurs puisqu’il n’y avait [traduction] « aucune raison impérieuse de délivrer des PST avant la fin de ces procédures [de demande CH et de contrôle judiciaire] » : Farhat, au paragraphe 22. Cette décision discrétionnaire était compatible avec la jurisprudence qui établit le critère applicable à la délivrance des PST.

 

Mandamus

 

[51]           Le défendeur prétend que, même si l’agente a fourni un minimum de motifs, ceux-ci expliquent suffisamment le fondement de sa décision. Cette dernière était raisonnable et rationnelle et ne révèle aucun motif justifiant l’intervention de la Cour. Comme l’a signalé la Cour d’appel dans Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 282 N.R. 394, aux paragraphes 8 à 11 (C.A.F.) et dans Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CAF 151, au paragraphe 14, il serait excessif d’exiger des agents administratifs qu’ils motivent leurs décisions avec autant de détails que ceux que l’on attend d’un tribunal administratif en règle

 

ANALYSE

 

 

[52]           La présente demande soulève une question étroite mais importante.

 

[53]           Il m’apparaît évident qu’une décision en application de l’article 24 a été rendue dans la présente affaire, et que l’agente a refusé la demande de PST des demandeurs. Les motifs de refus sont aussi clairement exposés :

a.                   Une demande CH en attente a été instituée, laquelle serait être « examinée en profondeur »;

b.                  Le demandeur principal n’était pas visé par une mesure de renvoi;

c.                   Il ne serait pas approprié de délivrer un PST dans ces circonstances puisque la demande CH en attente constituerait une répétition de la procédure d’examen.

 

[54]           Les demandeurs font valoir que le refus de l’agente d’examiner le bien-fondé de leur demande de PST constitue une erreur susceptible de contrôle. Ils affirment que le PST fait partie d’une catégorie distincte de demande et que l’agente a omis de le reconnaître. Selon eux, une demande CH ne suffit pas, car elle est centrée sur les difficultés excessives et ne tient pas compte des facteurs relatifs à l’« intérêt national », commercial et économique que les faits de l’espèce soulèvent.

 

[55]           Les objectifs et la nature exceptionnelle de la dispense prévue à l’article 24 ont récemment été traités assez en détail par le juge Shore dans Farhat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 1275, et je ne crois pas que les parties ne s’entendent pas en théorie sur ces questions générales.

 

[56]           La question à trancher est de déterminer si l’agente aurait dû statuer sur l’affaire comme il l’a fait sans en examiner le bien-fondé.

 

[57]           Comme le juge Phelan l’a clairement indiqué dans Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 985, au paragraphe 12, « [l]’article 24 exige de l’agent qu’il décide si “les circonstances” justifient la délivrance d’un PST. Cette expression doit vouloir dire “les circonstances pertinentes”. » 

 

[58]           À mon avis, les « circonstances » doivent comprendre les autres demandes que le demandeur a faites et qui sont en attente, tant lorsqu’un PST est nécessaire compte tenu de l’existence d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, que lorsqu’il serait approprié de se livrer à un examen relatif à un PST susceptible d’entraîner une répétition de la procédure et d’autres complications possibles liées au régime intégral de la Loi. Je ne vois rien dans le Guide ou la jurisprudence qui laisse entendre que ces circonstances ne sont pas des considérations appropriées. Le fait que des questions de fond aient été soulevées et qu’elles aient été traitées dans d’autres affaires n’empêche pas, selon moi, un agent de tenir compte des « circonstances » comme celles qui existent dans la présente affaire qui pourraient laisser croire qu’il est approprié de parvenir à un refus sans avoir procédé à un examen sur le fond.

[59]           Je ne vois rien dans une telle approche qui, au moins en théorie, serait contraire aux principes énoncés dans Enrique Alberto Jiminez-Perez and Anne Irena Reid c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, Jean Boisvert et Susan Lawson, [1983] 1 C.F. no103, à la page 6 :

Puisque la Loi prévoit que cette admission peut être accordée sur cette base dans des cas particuliers, un requérant éventuel a droit à une décision administrative sur la base sur laquelle il présente une demande, et il existe donc une obligation corrélative de lui permettre de faire la demande.

 

[60]           Dans la présente affaire, la demande de PST a été autorisée et examinée, et une décision a été rendue. La décision n’a pas été rendue dans le sens que les demandeurs le souhaitaient, mais il ne fait pas de doute que l’agente a examiné les prétentions des demandeurs et qu’elle a tranché la demande pour des motifs clairs.

[61]           Je ne vois donc aucune erreur découlant de ces faits puisque la demande de PST a été examinée et refusée.

[62]           La question est de déterminer si le refus était raisonnable compte tenu des questions soulevées par les demandeurs devant l’agente quant à savoir pourquoi des facteurs relatifs à l’« intérêt national », commercial et économique urgents (y compris l’intérêt de tiers) qui étaient en jeu ne seraient pas pris en compte dans le cadre d’une demande CH portant sur des difficultés indues et excessives.

[63]           À mon avis, il n’était pas inexact ni déraisonnable que l’agente précise qu’une « répétition de la procédure » surviendrait et que cela n’était pas souhaitable. Ce n’est pas uniquement parce qu’une demande CH ne traite pas de tout ce dont le demandeur voudrait qu’elle traite, que cela signifie qu’il n’y aura pas de répétition indésirable quant à certaines questions. La décision de l’agente vise la période où la décision de PST a été rendue et n’indique pas qu’une demande de PST serait inappropriée à un autre moment. Étant donné que les demandeurs n’étaient pas visés par une mesure de renvoi du Canada et qu’ils avaient déposé une deuxième demande CH qui était en attente, leur important intérêt commercial et économique en cause ne présentait aucun risque imminent et, par conséquent, aucune raison impérieuse de recourir à un PST.

[64]           Une décision favorable relative à un PST offrirait certainement un statut plus sûr et d’autres bénéfices pour les demandeurs, mais cela ne veut pas dire qu’il était erroné ou déraisonnable que l’agente refuse la demande, en fait, une telle mesure exceptionnelle et extraordinaire n’était pas vraiment nécessaire à l’époque pertinente, étant donné que les demandeurs disposaient d’autres recours pour confirmer leur statut au Canada, et ces recours étaient activement exercés et examinés.

[65]           Dans ces circonstances, je ne puis dire que la décision était déraisonnable.

[66]             J’ai demandé aux avocats de signifier et de déposer des observations au sujet de la certification d’une question de portée générale dans les sept jours suivant la réception des présents motifs. Chaque partie disposera ensuite de trois jours pour signifier et déposer sa réponse aux observations de l’autre partie. Un jugement sera ensuite rendu.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-5184-07

 

INTITULÉ :                                       MORDECHAI BETESH  ET AL.

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 3 NOVEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 15 DÉCEMBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

RONALD POULTON

 

POUR LES DEMANDEURS

JENNIFER DAGSVIK

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RONALD POULTON

AVOCAT

TORONTO (ONTARIO)

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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