Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20081216

Dossier : IMM-2839-08

Référence : 2008 CF 1381

Toronto (Ontario), le 16 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

VICTOR HUGO LARGO CARDENAS et DEISY JOHANNA LOPEZ CESPEDES

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur (M. Cardenas) et la demanderesse (Mme Cespedes) sont tous deux adultes et citoyens de la Colombie. Leurs demandes d’asile présentées en qualité de demandeur de statut de réfugié, a été rejetée dans une décision écrite rendue le 26 mai 2008 par un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande devra être rejetée.

 

[3]               La demande d’asile des demandeurs est fondée sur l’appartenance à un groupe social et sur leurs opinions politiques. Particulièrement, la mère de la demanderesse aurait, semble‑t‑il, été une travailleuse sociale et une militante d’action communautaire en Colombie. Elle aurait reçu une série de menaces proférées par les guérilléros des FARC, dont au moins une visait sa fille, la demanderesse. Des éléments de preuve au sujet de la situation en Colombie et des risques auxquels sont exposées les personnes qui ont un profil semblable à celui qu’aurait la mère de la demanderesse ont été déposés. Des certificats rédigés par des personnes en Colombie concernant la situation de la mère de la demanderesse ont été déposés.

 

[4]               La mère de la demanderesse demeurerait actuellement dans la région de Miami aux États‑Unis. Elle a fui la Colombie vers l’an 2000 et a vécu aux États‑Unis pendant plusieurs années, où elle a marié un citoyen des États‑Unis. La demanderesse s’est rendue aux États-Unis avant sa mère et elle y a vécu environ un an avant que sa mère ne s’y rende. La demanderesse et sa mère ont présenté une demande d’asile conjointe aux États‑Unis, laquelle a été rejetée.  

 

[5]               Pendant qu’elle était aux États‑Unis, la demanderesse a marié le demandeur, également citoyen de la Colombie, lequel vivait aux États‑Unis sans statut. Les deux demandeurs sont venus au Canada en 2007 et ont présenté leur demande d’asile ici.

 

[6]               Le fondement de leur demande d’asile repose sur la mère de la demanderesse. Les demandeurs allèguent que la mère a formulé certains commentaires au sujet des FARC et du trafic de stupéfiants lors d’une conférence lorsqu’elle vivait en Colombie, par suite de quoi elle a reçu des menaces de violence proférées par les FARC. La demanderesse allègue que sa mère l’a poussée à fuir la Colombie pour aller aux États‑Unis, parce qu’elle craignait les menaces visant la demanderesse. Lorsque sa demande d’asile aux États‑Unis a été rejetée, la demanderesse est venue au Canada.

 

[7]               Le commissaire a conclu que la demanderesse n’avait pas établi que, selon la prépondérance des probabilités, si elle retournait en Colombie, elle serait retrouvée par les FARC. Le demandeur a affirmé lors de son interrogatoire à l’audience de la Commission qu’il n’avait aucune crainte et que personne ne le rechercherait s’il retournait en Colombie. Il craint de retourner en Colombie parce qu’il est marié à la demanderesse.

 

[8]               Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a établi que, dans les affaires ne portant pas sur des questions légales, mais portant plutôt sur des questions relevant du pouvoir discrétionnaire du décideur et mettant en jeu la mise en balance de la preuve, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité; il faut accorder de la déférence aux tribunaux dont l’expertise porte sur la question faisant l’objet de la décision contestée. Il s’agit d’une telle affaire en l’espèce. Les questions relatives à la preuve, même si elles concernent la mère de la demanderesse, devaient se résumer à la question de savoir si la demanderesse, et non sa mère, avait été menacée et les conséquences qui en découlaient. Il n’y a qu’une petite mention d’une menace lancée contre la demanderesse et elle se trouve dans l’exposé circonstancié fourni par sa mère aux autorités des États‑Unis (lequel est semblable au FRP canadien). La mère elle‑même n’a déposé aucune preuve dans le cadre de l’instance devant la Commission au Canada, ce qui est étonnant étant donné qu’elle demeure aux États‑Unis et qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’elle appuie la demande de sa fille.

 

[9]               L’avocat des demandeurs demande à la Cour, comme il l’avait demandé à la Commission, de tirer un certain nombre d’inférences à partir du fait que la demanderesse a demeuré aux États‑Unis et que sa mère a été la rejoindre. L’avocat du défendeur a souligné de nombreux passages du témoignage oral donné par la demanderesse devant la Commission, passage où on lui a demandé de fournir des éléments de preuve corroborants, mais aucune preuve n’a été présentée. Étant donné la maigre preuve, la Commission a eu raison de demander des éléments de preuve corroborants et de ne pas simplement tirer des inférences.

 

[10]           L’avocat des demandeurs soutient que le commissaire a appliqué le mauvais critère quant au fardeau de la preuve. À un certain endroit dans ses motifs, le commissaire a affirmé que la preuve selon laquelle les personnes qui proféraient des menaces contre la demanderesse continueraient de la poursuivre devait être appréciée « selon la prépondérance des probabilités ». L’avocat du défendeur convient que le critère qui avait été appliqué dans les décisions était plutôt la « possibilité sérieuse » ou « plus qu’une simple possibilité » et il a souligné que le commissaire avait mentionné à la fin de ses motifs que le critère appliqué était le suivant : « […] selon la prépondérance des probabilités, ils risquent sérieusement d’être persécutés […] ».

 

[11]           Je suis convaincu que le commissaire a appliqué le critère approprié, que la preuve concernant la persécution ou le risque auquel seraient exposés les deux demandeurs était, au mieux, bien maigre et qu’elle ne fournissait aucun fondement en appui à la demande d’asile, et ce, même selon le critère « plus qu’une simple possibilité ».

 

[12]           La demande sera rejetée. Aucun avocat n’a demandé à ce qu’une question soit certifiée et aucune ne le sera. Il n’y a aucune raison particulière pour laquelle il faudrait adjuger des dépens.

 

 


JUGEMENT

Pour les motifs exposés :

  1. La demande est rejetée;
  2. Il n’y a aucune question à certifier;
  3. Il n’y a aucune adjudication des dépens.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2839-08

 

INTITULÉ :                                                   VICTOR HUGO LARGO CARDENAS ET DEISY JOHANNA LOPEZ CESPEDES c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 16 DÉCEMBRE 2008       

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 16 DÉCEMBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Brodzky

POUR LES DEMANDEURS

 

Manuel Mendelzon

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Brodzky

Avocat

69, rue Elm

Toronto (Ontario)  M5G 1H2

Téléphone : 416-581-8898

POUR LES DEMANDEURS

 

 

 

 

 

Ministère de la Justice

La tour Exchange

2, place First Canadian, bureau 3400 Boîte postale 36

Toronto (Ontario)  M5X 1K6

Téléphone : 416-954-2717

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.