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Date : 20081222

Dossier : IMM-334-08

Référence : 2008 CF 1383

Ottawa (Ontario), ce 22e jour de décembre 2008

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Andres CARINO RIOS

Yasmin SUAREZ CHAVEZ

Andres Zahid CARINO SUAREZ

Yameli Mayte CARINO SUAREZ

 

Partie demanderesse

 

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, d’une décision rendue le 15 mars 2008 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « CISR »).

 

[2]          Andres Carino Rios (« le demandeur »), sa conjointe Yasmin Suarez Chavez (« la demanderesse principale »), et leurs enfants Andres Zahid Carino Suarez et Yameli Mayte Carino Suarez, sont citoyens mexicains. Les demandes d’asile du demandeur et des deux enfants s’appuient sur celle de la demanderesse principale.

 

[3]          Le tribunal a trouvé que les témoignages de la demanderesse principale et de son mari manquaient de clarté et de spontanéité, et qu’ils comportaient des contradictions et invraisemblances. Le tribunal ne les a donc pas jugés comme étant crédibles.

 

[4]          De plus, le tribunal a trouvé que la demanderesse principale avait la possibilité de se réfugier ailleurs au Mexique.

 

[5]          S’agissant ici fondamentalement d’une question d’appréciation de faits et de crédibilité, il est approprié de reproduire l’extrait suivant de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Aguebor c. ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 :

[4]     Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. . . .

 

 

 

[6]          En l’espèce, le tribunal a trouvé invraisemblables plusieurs aspects des témoignages des demandeurs, notamment (1) que le gouvernement ne semble pas savoir qui étaient les vrais « leaders » de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (« APPO »); (2) que la demanderesse principale puisse être qualifiée de « leader » après seulement quatre mois auprès de l’organisation; (3) que son oncle puisse la libérer si rapidement; (4) qu’elle puisse « oublier » de mentionner dans son Formulaire sur les renseignements personnels que leur maison aurait été raflée par les autorités; et (5) qu’une compagnie privée ait refusé de charger le camion du demandeur de fruits. Après révision de la preuve, sans pour autant endosser totalement l’analyse du tribunal, ces références ne m’apparaissent pas déraisonnables.

 

[7]          Les demandeurs, par ailleurs, plaident que le tribunal a erré en ne prêtant pas suffisamment attention à la preuve, les notes prises lors de la première des deux audiences concernant la demanderesse principale ayant été égarées.

 

[8]          La demanderesse principale et sa famille ont participé à deux auditions devant la CISR : la première a eu lieu le 6 novembre 2007, et la seconde en janvier 2008. Au paragraphe 11 de son mémoire, la demanderesse principale écrit que la commissaire avait commencé l’audience du 15 janvier « en disant qu’elle était mêlée parce qu’elle avait perdu toute ces [sic] notes ». De plus, la demanderesse s’exprime ainsi:

12.     En lisant la décision du tribunal, les demandeurs ont remarqué que la décision porte pratiquement seulement sur des invraisemblances quant au témoignage de monsieur sur ce qu’il aurait subi comme camionneur en représailles. Le témoignage de madame Suarez Chavez du 6 novembre 2007 ne fait l’objet d’aucun commentaire et il est de même pour les preuves déposées. La commissaire ayant perdu ses notes, elle ne pouvait pas s’y référer;

 

 

 

[9]          L’avocate qui représentait les demandeurs lors de leurs auditions décrit l’incident comme suit dans son affidavit :

8.      Au début de l’audience, la commissaire ne se rappelait pas qu’il s’agissait d’une continuation;

9.      Elle a déclaré ne pas avoir ses notes prises lors de la dernière audience dans son dossier;

10.  Elle a demandé quelques minutes pour relire le dossier;

11.  Elle a ensuite questionné ma cliente et son mari pendant environ une heure;

12.  La décision fait état principalement du témoignage de la deuxième audience;

 

 

 

[10]      Selon les demandeurs, il s'agit là d’une question reliée à l'équité procédurale. Je conclus, cependant, que leurs arguments mettent en question les conclusions de fait du tribunal (Barm c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 893, au paragraphe 10). Autrement dit, il me semble qu’il s’agit plutôt d’un problème au niveau de l’interprétation de la preuve, comprenant le témoignage de la demanderesse lors de la première audition.

 

[11]      Toutefois, je ne trouve pas que la décision du tribunal ne fait aucune référence au témoignage de la demanderesse principale. Par exemple, il est évident, en lisant la décision ainsi que la transcription de la seconde audition, que la commissaire n’avait pas été persuadée lors de la première audition que la demanderesse avait plus qu’un rôle minime auprès de l’APPO.

 

[12]      Plus troublant, selon moi, est l’allégation que le tribunal n’a pas porté son attention à certains aspects pertinents de la preuve documentaire. Il ne m’est pas possible toutefois de conclure que ce dernier a ignoré la preuve écrite dont il ne parle pas dans sa décision. Quoi qu’il en soit, je souscris à la prétention principale de la partie défenderesse voulant que la conclusion de la CISR touchant la possibilité de refuge intérieur (« PRI ») dans la capitale mexicaine « est déterminante ». Dans Sukhpal Singh c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 709, le juge Noël écrit :

 . . . Je partage l’avis de mes collègues selon lequel une demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie lorsque le demandeur d’asile dispose d’une PRI, même si la SPR [Section de la protection des réfugiés] a par ailleurs commis des erreurs de fait. . . .

 

 

 

[13]      Le test pour déterminer si quelqu’un peut se prévaloir d’une PRI est bien énoncé dans l’affaire Kumar c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CF 601 :

[20]     Pour que la Commission puisse conclure que le demandeur a une PRI viable et sûre, le critère à deux volets suivant, qui a été énoncé et appliqué dans les arrêts Rasaratnam c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.), et Thirunavukkarasu, [1993] A.C.F. no 1172, précité, doit être rempli :

 

(1) la Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI;

 

(2) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances y compris de sa situation personnelle, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, de s'y réfugier. 

 

 

 

[14]      En l’espèce, la partie de l’analyse du tribunal traitant la question de la PRI se trouve à la page 4 de sa décision :

     Le tribunal a également analysé la possibilité de refuge intérieur pour les demandeurs. Interrogée sur la possibilité de se réfugier ailleurs au Mexique, la demandeure [sic] principale indique qu’elle serait retrouvée par son numéro de carte électorale.

 

     Pourtant, elle est allée vivre chez sa mère dans l’État de Mexico du 26 novembre au 27 janvier, date de son arrivée au Canada, et elle n’a pas été arrêtée.

 

 

 

[15]      Bien que succincte, cette analyse n’est pas irrationnelle. Elle doit aussi être considérée dans le contexte de la conclusion au manque de crédibilité de la demanderesse principale et de son mari. Plus important encore, la conclusion du tribunal à l’existence d’un refuge intérieur n’est aucunement contestée par les demandeurs dans leur mémoire écrit. L’existence d’une PRI ne peut donc pas être remise en question.

 

[16]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

      La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 15 mars 2008 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-334-08

 

INTITULÉ :                                       Andres CARINO RIOS, Yasmin SUAREZ CHAVEZ, Andres Zahid CARINO SUAREZ, Yameli Mayte CARINO SUAREZ c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE  L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois                            POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Daniel Latulippe                             POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stéphanie Valois                                                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 

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