Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date :  20090106

Dossier :  IMM-5369-08

Référence :  2008 CF 1399

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

ÉRIC FRANCIS TCHOUMBOU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT AMENDÉ

(Amendement à l’intitulé seulement)

I.  Aperçu

[1]               [56]      Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent d’ÉRAR à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique. 

 

(Malagon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1068, [2008] A.C.F. no 1586 (QL)).

 

[2]               La jurisprudence de cette Cour veut également que lors de l’étude de la balance des inconvénients, soit prise en compte la notion d’intérêt public (Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F 306, [1992] A.C.F. no 535 (QL); Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994) 90 F.T.R. 54, 52 A.C.W.S. (3d) 1099).

 

[3]               En l’espèce, le demandeur a été exclu aux termes des articles 1Fa), 1Fb) et 1Fc) de l’article premier de la Convention.

 

[4]               Par conséquent, la balance des inconvénients penche en faveur de l’intérêt public à ce que le processus d’immigration prévu par la LIPR suive son cours.

 

II.  Procédure judiciaire

[5]               Le demandeur, monsieur Alain Tchoumbou, citoyen du Cameroun, a déposé une requête afin de surseoir à son renvoi pour ce pays qui doit avoir lieu le 5 janvier 2009.

 

[6]               La présente requête est greffée à une demande d’autorisation attaquant une décision, rendue le 3 décembre 2008, par un agent de renvoi, refusant à monsieur Tchoumbou la suspension administrative de son renvoi. Monsieur Tchoumbou avait présenté une demande de sursis à son renvoi parce qu’il avait l’intention de déposer une demande de résidence permanente aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

 

III.  Faits

[7]               Il s’agit d’un demandeur citoyen du Cameroun âgé de 23 ans.

 

[8]               Il est arrivé au Canada le 10 septembre 2005 et a déposé une demande d’asile le 26 septembre 2005.

 

[9]               Le 9 novembre 2007, la Section de protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté la demande d’asile de monsieur Tchoumbou, concluant qu’il était exclu aux termes des articles 1Fa), 1Fb) et 1Fc) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (Convention).

 

[10]           Le 11 juin 2008, la juge Danièle Tremblay-Lamer de la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de monsieur Tchoumbou (Tchoumbou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 585, [2008] A.C.F. no 920 (QL)).

 

[11]           Le 26 août 2008, monsieur Tchoumbou a reçu les documents afin qu’il puisse déposer une demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR), en vertu du paragraphe 112(3) de la LIPR.

 

[12]           Le 19 novembre 2008, l’agent a rejeté la demande ERAR de monsieur Tchoumbou parce que celui-ci n’avait pas établi qu’il risquait d’être torturé ou persécuté, de subir des traitements ou châtiments cruels ou inhabituels, ou de voir sa vie menacée advenant un renvoi vers son pays de nationalité.

[13]           Le 24 novembre 2008, un document a été remis à monsieur Tchoumbou par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) fixant une rencontre au 3 décembre 2008.

 

[14]           Le 3 décembre 2008, lors de l’entrevue, l’agent a confirmé son renvoi à monsieur Tchoumbou mais lu a tout de même accordé un délai jusqu’au 5 janvier 2009.

 

[15]           Monsieur Tchoumbou allègue s’être marié le 2 août 2008 avec madame Stéphanie Blanchet et avoir soumis une demande de parrainage de résidence permanente pour des motifs humanitaires (CH), le 20 octobre 2008. Par contre, le défendeur soumet qu’aucune preuve corroborant le dépôt de cette demande CH n’a été soumise par monsieur Tchoumbou au soutien de sa présente requête en sursis. 

 

IV. Analyse

[16]           Afin d’évaluer le bien-fondé de la requête en sursis, la présente Cour doit déterminer si le demandeur satisfait aux critères jurisprudentiels émis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, 11 A.C.W.S. 3d) 440 (C.A.F.).

 

[17]           Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a retenu trois critères qu’elle a importés de la jurisprudence en matière d’injonction, plus particulièrement de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110. Ces trois critères sont :

·          l’existence d’une question sérieuse;

·          l’existence d’un préjudice irréparable; et

·          l’évaluation de la balance des inconvénients.

 

[18]           Monsieur Tchoumbou n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée dans le cadre de sa demande d’autorisation à l’encontre de la décision de l’agent décideur, d’un préjudice irréparable du fait de son renvoi en Guinée et d’inconvénients supérieurs à ceux de l’intérêt public qui veut que le processus d’immigration prévu par la LIPR suive son cours.

 

A. Question sérieuse

i) Le cadre juridique et la discrétion limitée de l’agent de renvoi

[19]           L'exécution des mesures de renvoi est régie par l’article 48 de la LIPR :

48.      (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit quitter immédiatement le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent

48.      (1) A removal order is enforceable if  it has come into force and is not stayed.

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

[20]           Le juge Robert Barnes a signalé dans le jugement Griffiths c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 127, 46 A.C.W.S. (3d) 123 au paragraphe 19, qu’un report est « une mesure temporaire, appliquée pour composer avec un obstacle concret et sérieux à un renvoi immédiat ».

 

[21]           La jurisprudence indique que les agents d'exécution jouissent d'une certaine flexibilité dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire néanmoins limité; ils peuvent tenir compte de divers facteurs susceptibles d'empêcher ou de retarder l'exercice de leur devoir de renvoyer les personnes concernées, par exemple des facteurs liés à la sécurité ou à la santé personnelle de la personne sous le coup d'une mesure de renvoi (Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1144, 161 A.C.W.S. (3d) 957 au par. 22 ; Chir c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 242, [2006] A.C.F. no 317 (QL) au par. 20; Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1161, 133 A.C.W.S. (3d) 326 aux par. 11-12; Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614, 123 A.C.W.S. (3d) 533; Pavalaki  c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 78 A.C.W.S. (3d) 566, [1998] A.C.F. no 338 (QL)).

 

[22]           Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Varga,  2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3 au paragraphe 16, la Cour d’appel fédérale a signalé le « peu de latitude dont jouit l’agent de renvoi » et a fait observer que « son obligation, le cas échéant, de prendre en considération l’intérêt des enfants touchés est minime ».

 

[23]           En l’espèce, monsieur Tchoumbou a demandé à l’agent de renvoi un sursis à son renvoi car il avait l’intention de déposer une demande CH en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

 

 

 

ii) L’agent de renvoi a exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire limité

[24]           Monsieur Tchoumbou argumente dans son dossier de requête que l’agent de renvoi n’a pas tenu compte du fait qu’il était marié.

 

[25]           L’agent de renvoi a écrit dans ses notes que monsieur Tchoumbou lui avait demandé de reporter le renvoi car il avait l’intention de déposer une demande CH. L’agent a vérifié et aucune demande CH n’avait été reçue.

 

[26]           En effet, il n’y a aucune indication au dossier du défendeur comme quoi que monsieur Tchoumbou aurait présenté une demande CH à Vegreville ou à Montréal (Pièce « A » de l’affidavit de Ketsia Dorceus).

 

[27]           Monsieur Tchoumbou n’a déposé aucun document dans son dossier de requête prouvant qu’il a effectivement déposé une demande d’établissement parrainée par son épouse ou encore qu’il est bel et bien marié.

 

[28]           De plus, même si monsieur Tchoumbou avait effectivement présenté une demande CH, il n’aurait pu, par ailleurs, bénéficier d’une suspension administrative de renvoi en raison de ses exclusions aux termes des articles 1Fa), 1Fb) et 1Fc) de l’article premier de la Convention.

 

[29]           En effet, la Politique d’intérêt public établie en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR pour faciliter le traitement selon les règles de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada ne permet pas automatiquement à tous les époux d’un citoyen ou d’un résident permanent au Canada de rester au Canada, pendant l’étude de leur demande de résidence permanente. Cette politique établit des exceptions dont fait partie monsieur Tchoumbou en raison notamment de ses exclusions. 

 

[30]           De plus, il est de jurisprudence constante qu’une telle demande CH par la conjointe n’est pas un empêchement au renvoi du demandeur (Patterson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 406, 166 A.C.W.S. (3d) 300 au par. 21; Zenunaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1715, 144 A.C.W.S. (3d) 926; Shchelkanov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 76 F.T.R. 151, 47 A.C.W.S. (3d) 783; Okoawoh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 60 A.C.W.S. (3d) 816, [1996] A.C.F. no 24 (QL)).

 

[31]           Une demande d’établissement en instance ne soulève pas une question sérieuse. Monsieur Tchoumbou peut déposer une demande, dans le cours normal du processus, de l’extérieur du Canada, à titre de membre de la catégorie du regroupement familial.

 

[32]           Au Canada, des demandes parrainées par le conjoint, comme les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, sont traitées indépendamment du processus d’expulsion. Elles n’ont pas pour effet d’interrompre des expulsions jusqu’à ce que des décisions soient rendues à l’égard de telles demandes. Si le législateur avait eu l’intention qu’il en soit ainsi, la loi prévoirait un sursis au renvoi lorsque de telles demandes sont déposées (Patterson et Shchelkanov, ci-dessus).

 

[33]           En ce qui concerne les arguments de monsieur Tchoumbou basés sur la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) (Charte) et sur le droit international, il est de jurisprudence constante que le renvoi d’une personne après une évaluation complète des risques avant renvoi n’est pas contraire aux articles 7 et 12 de la Charte (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 RCS 84; Al Sagban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 4, [2002] 1 R.C.S. 133). En ce qui concerne l’article 3 de la Convention contre la torture, le juge Martineau a mentionné dans Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 39, 128 A.C.W.S. (3d) 559 :

[26]      L'alinéa 97(1)a) de la Loi renvoie précisément à la notion de torture au sens de l'article premier de la Convention et intègre donc les principes énoncés à l'article 3 de celle-ci. Par voie de conséquence, la réponse à cette question se trouve dans la loi elle-même et la question n'a pas besoin d'être certifiée.

 

[34]           Ainsi, la présente affaire ne donnait pas lieu à l’application de quelque report administratif du renvoi qui aurait exigé que l’agent ne procède pas au renvoi.

 

B. Préjudice irréparable

[35]           En l’espèce, monsieur Tchoumbou allègue que son renvoi vers le Cameroun lui fera subir un préjudice irréparable en raison : (i) de son éventuelle séparation de son épouse, et (ii) du risque de traitements inhumains encouru dû à  ses opinions politiques.

 

 

i) Séparation de son épouse

[36]           Le fait que monsieur Tchoumbou sera séparé de son épouse n’est pas une raison suffisante pour conclure qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé. 

 

[37]           Monsieur Tchoumbou ne démontre aucunement le préjudice auquel son épouse ou lui seraient soumis advenant son renvoi au Cameroun. En effet, aucune preuve corroborant le mariage de monsieur Tchoumbou, soit un certificat de mariage ou un affidavit de madame Blanchet, son épouse, n’a été déposé au soutien de la présente requête.

 

[38]           Les propos établis récemment dans la décision Malagon, ci-dessus, s’applique :

[2]        En ce qui concerne les bouleversements de la famille et la séparation que devra supporter le conjoint de madame Malagon, il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable, mais plutôt d’un phénomène inhérent au renvoi (Malyy c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 388, 156 A.C.W.S. (3d) 1150 aux par. 17-18; Sofela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 245, 146 A.C.W.S. (3d) 306 aux par. 4 et 5; Radji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 F.T.R. 175 au par. 39). En conclure autrement rendrait impraticable le renvoi des individus n’ayant pas le droit de demeurer au Canada. De plus, tel que rappelé dans Golubyev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 394, 156 A.C.W.S. (3d) 1147 au paragraphe 12 : le critère du préjudice irréparable est un critère sévère qui oblige à démontrer l’existence d’une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité du demandeur.

 

(Également : Malagon, ci-dessus au par. 57 ; Javier c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 445, 160 A.C.W.S. (3d) 526 au par. 17; Sahota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 331, 112 A.C.W.S. (3d) 1119 aux par. 5-6; Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 188 F.T.R. 39, 96 A.C.W.S. 278 aux par. 20-21; Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 103, 111 A.C.W.S. (3d) 980 au par. 10; Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 93, 32 A.C.W.S. (3d) 621; Calderon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de

l’Immigration) (1995), 92 F.T.R. 107, 54 A.C.W.S. (3d) 316).

 

                  ii) Risque de traitements inhumains

[39]           Monsieur Tchoumbou prétend qu’il sera exposé à un risque de traitements inhumains advenant un renvoi dans son pays car il est considéré comme un opposant au parti politique au pouvoir au Cameroun. 

 

[40]           Soulignons que la SPR a conclu que monsieur Tchoumbou est visé par les alinéas 1Fa), b) et c) de l’article premier de la Convention pour ces motifs :

·        La preuve documentaire démontre que le Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (le « RDPC ») soit le parti au pouvoir ainsi que la police réprime, en faisant appel à la torture et d’autres moyens cruels, ceux qui s’opposent au pouvoir;

 

·        Le demandeur était milice du RDPC et « faisait partie d’une organisation paramilitaire visant à servir le parti ou l’appareil répressif de l’État qui maintient ce parti au pouvoir ». Plus précisément, le demandeur avait pour mission de s’infiltrer dans les partis politiques d’opposition afin de repérer les meneurs des manifestations. De ce fait, la SPR a conclu que le demandeur était coupable de crime contre l’humanité et est, par conséquent, également coupable d’avoir agit contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies ;

 

·        Le demandeur a travaillé également à titre de proxénète pour le RDPC en ce qu’il devait trouver et a trouvé des filles, dont il a allégué croire qu’elles pouvaient être mineures, pour le cousin du Président Paul Biya, ce qui est un crime grave de droit commun. En effet, ces actes, en vertu de l’article 212(1) a), b), d), h), i) et j) du Code criminel canadien, sont passibles d’une peine maximale de 10 à 14 ans d’emprisonnement ; et

 

·        Le demandeur n’était pas crédible. La SPR n’a pas cru les prétentions du demandeur sur lesquelles repose sa demande d’asile voulant qu’il aurait été arrêté, détenu et torturé par des autorités gouvernementales en raison de son refus d’obtempérer aux ordres du RDPC de torturer les opposants aux régime, et que, suite à son évasion de prison, il aurait été pourchassé.

 

[41]           Il importe de rappeler que cette Cour a confirmé le caractère raisonnable de la décision de la SPR en rejetant le contrôle judiciaire de cette décision. Soulignons notamment les passages suivants de la décision Tchoumbou, ci-dessus :

[37]      À mon avis, il était raisonnable pour le tribunal d’inférer que le demandeur avait une intention commune puisqu’il a joint la milice du RDPC entre août 2003 et mai 2004, a infiltré les opposants du régime et a été incapable d’établir qu’il aurait démissionné du RDPC parce qu’il était contre la répression. Il affirmait d’ailleurs dans son FRP ce qui suit :

 

J’étais membre de la Jeunesse du Parti Politique dénommé «  Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais » (JRDPC) du Président Paul BIYA qui est l’actuel Chef d’État de mon pays. Le Chef du JRDPC m’avait placé dans un groupe des membres qui devraient remplir certaines tâches au profit du gouvernement.

 

D’abord, j’avais commencé à être utilisé par le cousin du Président pour lui appeler ou lui trouver des filles; ensuite on m’envoyait pour infiltrer les groupes des Partis Politiques d’Opposition qui manifestaient contre le Gouvernement pour identifier des meneurs et ceux qui excitaient les autres à aller dans la rue; à connaître les gens qui les mobilisaient pour casser les vitres des magasins et piller les biens et à connaître aussi ceux qui lançaient des cris alarmants et qui encourageaient les manifestants à faire n’importe quoi pour troubler l’ordre public et faire échouer les actions que le Gouvernement en place entreprenait.

 

[38]      Il est difficile de prétendre par la suite qu’il n’a jamais infiltré de partis d’opposition et que sa seule tâche était de trouver des filles pour le cousin du président. Il a décrit en détail en quoi consistait son rôle d’identification de membres de l’opposition et je crois donc que le tribunal était justifié de conclure que le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a tenté lors de l’audition de prétendre le contraire.

[39]      Pour ce qui est de l’omission de se dissocier du groupe alors qu’il en avait la possibilité, le demandeur a allégué qu’il a été arrêté et torturé parce qu’il a refusé de se plier aux ordres de battre des membres de l’opposition en mai 2004. Le tribunal a déterminé qu’il n’était pas crédible sur ce point compte tenu de ses déclarations au point d’entrée et de son FRP ainsi que les explications confuses fournies lors de son témoignage à l’audience.  

 

[40]      Comme le demandeur ne pouvait ignorer les abus commis, dont la torture contre les opposants qu’il identifiait une fois qu’ils étaient arrêtés et détenus, et qu’il n’a pas établi de façon crédible qu’il s’est dissocié du groupe à la première occasion, il était raisonnable pour le tribunal de conclure qu’il y avait de sérieuses raisons pour penser que celui-ci était complice de crimes contre l’humanité et d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. 

 

 

[42]           L’agent ERAR a conclu que monsieur Tchoumbou ne risque ni d’être torturé, ni d’être persécuté, ni de subir des traitements ou châtiments cruels ou inhabituels, et ni de voir sa vie menacée advenant un renvoi au Cameroun, puisqu’il n’a pas établi l’existence des faits au cœur de sa demande.

 

[43]           L’agent ERAR a indiqué qu’il appert, à la lumière de l’ensemble de la preuve, que, celui-ci est bel et bien membre de l’aile jeunesse du parti du RDPC qui est responsable de la répression politique et de nombreuses violations aux droits de la personne.

 

[44]           De plus, l’agent ERAR conclut que monsieur Tchoumbou n’a pas établi, qu’il avait désobéi à son parti et que, par conséquent, qu’il était considéré un opposant politique et qu’il était recherché par les autorités.

 

[45]           Les propos de cette Cour à cet effet sont pertinents :

[55]      Les risques de retour ont déjà été évalués par deux instances administratives, le tribunal et l’agente, qui ont toutes deux conclu dans le même sens. De plus, cette Cour a confirmé le caractère raisonnable de la décision de la Commission en refusant la DACJ à l’encontre de la décision de la Commission. Depuis l’ordonnance de cette Cour, la situation n’a pas changé, tel que le confirme l’ÉRAR.

 

[56]      Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent d’ÉRAR à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique. 

 

(Malagon, ci-dessus; également, Javier, ci-dessus aux par. 15-16).

 

[46]           Par ailleurs, la présente instance n’est pas le forum approprié pour faire apprécier le caractère raisonnable de la décision relative à sa demande ERAR.

 

[47]           Monsieur Tchoumbou ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il subira un préjudice irréparable du fait de son renvoi au Cameroun.

 

C.  Balance des inconvénients

[48]           Le paragraphe 48(2) de la LIPR impose l’obligation d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.

 

[49]           En l’espèce, compte tenu de l’absence de question sérieuse et de préjudice irréparable, la balance des inconvénients favorise le ministre, qui a intérêt à ce que l’ordonnance de renvoi émise contre le demandeur soit exécutée à la date qu’il a fixée, soit le 5 janvier 2008 (Mobley c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 65 (QL)).

 

[50]           La jurisprudence de cette Cour veut également que lors de l’étude de la balance des inconvénients, soit prise en compte la notion d’intérêt public (Membreno-Garcia et Blum, ci-dessus).

 

[51]           En l’espèce monsieur Tchoumbou a été exclu aux termes des articles 1Fa), 1Fb) et 1Fc) de l’article premier de la Convention.

 

[52]           Par conséquent, la balance des inconvénients penche en faveur de l’intérêt public à ce que le processus d’immigration prévu par la LIPR suive son cours.

 

V.  Conclusion

[53]           La demande de sursis de monsieur Tchoumbou est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête pour surseoir à l’exécution de renvoi soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5369-08

 

INTITULÉ :                                       ÉRIC FRANCIS TCHOUMBOU c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 15 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 19 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stewart Istvanffy

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Claudia Gagnon

Me Yaël Lévy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ÉTUDE LÉGALE STEWART ISTVANFFY

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.