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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090227

Dossier : IMM-434-08

Référence : 2009 CF 210

Ottawa (Ontario), le 27 février 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

JUAN JOSE CASTILLO GRANADOS

GUADALUPE BELINDA ESQUIVEL MERCADO

DAYANA MONSERRAT CASTILLO MERCADA

NORMA ALICIA MERCADO ENRIQUEZ

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Cette famille mexicaine a demandé le contrôle judiciaire d’une décision dans laquelle la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (la CISR) a rejeté leur demande d’asile en se fondant sur le manque de crédibilité, la possibilité de refuge intérieur (la PRI) et la protection de l’État.

 

[2]               Les demandeurs, dans leur plaidoirie, ont soulevé pour la première fois la question de savoir si la CISR avait l’obligation de porter à l’attention du demandeur toutes les contradictions sur lesquelles elle se fonde pour tirer sa conclusion sur la crédibilité.

 

II.         FAITS

[3]               La demande d’asile des demandeurs reposait sur le préjudice qu’ils subiraient parce qu’ils étaient pris dans un réseau de corruption policière. Le complot allégué était que des agents de police vendaient des automobiles et qu’ensuite, d’autres agents arrêtaient les nouveaux propriétaires pour vol d’automobile et exigeaient une somme d’argent assez élevée contre leur libération.

 

[4]               Les demandeurs affirment qu’ils ont été victimes de cette escroquerie, que le demandeur principal a été arrêté, qu’il a payé le pot-de-vin et qu’il a été libéré (et/ou battu jusqu’à ce qu’il perde connaissance), et que la police l’a ensuite menacé lorsqu’il est allé déposer une plainte pour inconduite policière.

 

[5]               Sans prendre d’autres mesures, le demandeur principal est entré au Canada en février 2006.

 

[6]               La fille et la femme du demandeur principal sont entrées au Canada en juillet 2006, mais sont retournées au Mexique en août. La femme du demandeur a décidé de ne pas retourner vivre dans leur maison parce qu’un homme à la recherche de son mari se serait présenté chez eux pendant qu’ils étaient au Canada.

 

[7]               La fille du demandeur principal est retournée au Canada en septembre 2006 avec sa cousine. Sa femme est restée au Mexique jusqu’en décembre soit parce qu’elle n’avait pas d’argent, soit parce qu’elle avait un emploi et qu’elle devait s’occuper de certaines affaires avant de quitter le Mexique.

 

[8]               La CISR a conclu que le demandeur principal n’était pas crédible. La Commission a relevé de nombreuses contradictions dans son récit, particulièrement entre ce qui se trouvait dans son FRP et dans sa plaidoirie. La Commission a également relevé un certain nombre d’éléments invraisemblables.

À titre subsidiaire, la Commission a conclu que si ces événements avaient eu lieu, ils étaient la preuve d’actes criminels et non d’actes de persécution selon les motifs de la Convention.

 

[9]               La Commission a conclu qu’il y avait une possibilité de refuge intérieur dans d’autres régions du Mexique parce que la police locale manifestait très peu d’intérêt à leur égard.

 

[10]           Enfin, bien qu’elle ait reconnu que le Mexique se heurte à des problèmes de corruption policière, la Commission a conclu que les demandeurs auraient dû faire davantage pour déposer une plainte et qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État avec une preuve claire et convaincante.

 

III.       ANALYSE

A.        Norme de contrôle

[11]           Depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, les questions quant à la crédibilité, à la possibilité de refuge intérieur et à la protection de l’État sont des questions de fait ou mixtes de droit et de fait contrôlables selon la norme de la décision raisonnable. Étant donné le fondement très factuel de la décision, la Commission a droit à un certain degré de déférence à la lumière de la possibilité qu’elle a eu d’observer les témoins et de son expertise institutionnelle.

Pour ce qui est de l’obligation de porter à l’attention du demandeur les contradictions, il s’agit soit d’une question de droit d’application générale, soit d’une question d’équité procédurale.

 

B.         Obligation de porter à l’attention du demandeur les contradictions

[12]           Comme il est indiqué précédemment, cette question n’a pas été soulevée dans le mémoire des demandeurs, mais plutôt durant la plaidoirie. Le défendeur s’est opposé à ce que cette question soit débattue à l’audience étant donné qu’elle n’était pas prévisible; elle a pris le défendeur au dépourvu et elle est trop complexe pour être résolue de manière improvisée.

 

[13]           Après avoir entendu les arguments des parties, je suis d’accord, de façon générale, avec le défendeur. Il est inapproprié de soulever cette question en ce moment. Il s’agit aussi d’une question complexe qui mérite un traitement plus complet.

 

[14]           Je doute qu’un tel droit existe en soi. C’est particulièrement le cas lorsque le demandeur savait ou aurait dû savoir qu’il y avait des contradictions, mais qu’il n’a pas abordé la question directement.

 

[15]           Sans rendre une décision sur cette question, qui concerne l’équité procédurale, rien dans le déroulement de l’audience n’indique que la Commission a manqué aux principes d’équité en ne portant pas à l’attention des demandeurs les problèmes de leur preuve. S’il y avait un certain fondement pour conclure que les demandeurs n’ont pas bénéficié d’une audience équitable, la Cour aurait pu ajourner l’affaire pour permettre aux parties de déposer des mémoires traitant de cette question. Cependant, cette procédure ne doit être utilisée que rarement. Les parties doivent présenter tous leurs arguments à la date et de la façon prévues.

 

C.        PRI

[16]           Les demandeurs n’ont présenté presque aucune preuve matérielle selon laquelle il n’y avait aucun autre endroit au Mexique où ils pourraient vivre relativement en sécurité.

 

[17]           La Commission pouvait conclure, compte tenu des allégations de corruption policière locale, qu’il était peu probable que ces agents de police continuent à s’intéresser aux demandeurs une fois qu’ils auraient déménagé à un autre endroit au Mexique.

 

D.        Protection de l’État

[18]           Il est clair que la Commission était consciente que les agents de persécution prétendus étaient des policiers. Ce facteur aurait pu amoindrir le niveau d’effort que le demandeur doit fournir pour demander la protection de l’État. Cependant, le problème majeur des demandeurs, c’est qu’ils n’ont pas établi un fondement crédible à l’allégation de corruption policière.

 

[19]           De plus, comme on l’a conclu dans l’arrêt Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, et dans la décision Flores Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 320, les demandeurs doivent démontrer pourquoi il était raisonnable pour eux de ne pas demander de l’aide à d’autres organismes étatiques. Les demandeurs l’ont tenté une fois en se rendant au commissariat local et se sont ensuite enfuis au Canada sans même s’être présentés aux bureaux du procureur général, de la police fédérale, d’ONG ou d’organismes de défense des droits de la personne.

 

[20]           Il était raisonnable pour la Commission de conclure que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État.

 

IV.       CONCLUSION

[21]           La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-434-08

 

INTITULÉ :                                       JUAN JOSE CASTILLO GRANADOS

                                                            GUADALUPE BELINDA ESQUIVEL MERCADO

                                                            DAYANA MONSERRAT CASTILLO MERCADA

                                                            NORMA ALICIA MERCADO ENRIQUEZ

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 27 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

 

POUR LES DEMANDEURS

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maureen Silcoff

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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