Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20090304

Dossier : IMM-2689-08

Référence : 2009 CF 232

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2009

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

ALCES GABRIEL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur attaque la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 30 mai 2008 (la décision contestée), selon laquelle la demande d’asile du demandeur est rejetée au motif que ce dernier n’est pas crédible et qu’il n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni  celle de « personne à protéger » selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi).

 

[2]               Citoyen haïtien né aux Gonaïves, le demandeur allègue être membre du Mouvement Chrétien pour une Nouvelle Haïti (MOCHRENHA), au sein duquel il agissait à titre de délégué pour la zone de Bigot. Ses tâches consistaient essentiellement à faire la promotion du parti et à distribuer des pamphlets informatifs. C’est en raison de son appartenance à ce groupe politique que le demandeur allègue avoir été contraint de fuir son pays. Ainsi, le demandeur allègue que des partisans armés de l’organisation politique des Lavalas auraient fait irruption lors d’un congrès du MOCHRENHA tenu en décembre 2001. Le demandeur aurait alors été frappé au front mais aurait réussi à fuir en direction de Port-au-Prince afin d’y rejoindre des membres de son parti. Après avoir constaté qu’un incident similaire avait eu lieu à Port-au-Prince, le demandeur allègue n’avoir eu d’autre choix que de quitter son pays pour se rendre en République Dominicaine. Par la suite, le demandeur a rejoint les côtes de l’île Saint-Thomas, située dans les Iles Vierges américaines. Le 22 février 2002, le demandeur présentait une demande d’asile aux États-Unis, laquelle a été rejetée. Après s’être rendu à Miami, le demandeur est arrivé au Canada le 23 novembre 2006 et a demandé l’asile dès son arrivée.

 

[3]               La Commission s’est trompée à un endroit de sa décision en se référant à un retour du demandeur au Mexique, plutôt qu’Haïti. Toutefois, en marge de cette erreur purement cléricale, la question déterminante en l’espèce est celle de la crédibilité du demandeur. En pareil cas, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. Toute erreur à cet égard doit être déterminante pour que la Cour renvoie l’affaire pour une nouvelle audition.

 

[4]               Dans la décision attaquée, des anomalies importantes sont relevées par la Commission quant aux pièces présentées à l’appui de la demande d’asile du demandeur, soit la carte de membre du demandeur du parti MOCHRENHA, ainsi qu’une attestation provenant du mouvement MOCHRENHA. L’attestation en question, laquelle est datée du 10 novembre 1999, indique que le demandeur a été membre du parti entre novembre 2000 et novembre 2002, ce qui est impossible puisque l’attestation est antérieure. Quant à la carte de membre, elle indique erronément que la date de naissance du demandeur est le 5 décembre 1968 alors qu’il a été établi que le demandeur est né le 5 septembre 1968. Ces erreurs ou anomalies font douter de l’authenticité de ces pièces, ce qui remet en cause l’appartenance du demandeur au MOCHRENHA.

 

[5]               De plus, la Commission relève une contradiction importante entre le récit écrit présenté par le demandeur lors de sa demande d’asile aux États-Unis le 22 février 2002 et  le récit présenté par le demandeur au sein de son Formulaire de renseignements personnels (FRP), lequel accompagne sa demande d’asile aux autorités canadiennes. Ainsi, à l’appui de sa demande d’asile aux États-Unis, le demandeur déclare avoir été conduit à un poste de police afin d’y subir un interrogatoire concernant un coup d’État contre Aristide, après quoi il aurait également été victime de torture et battu pendant deux jours. Ces faits importants ne figurent pas dans le FRP. À l’audience devant la Commission, le demandeur a changé sa version des faits en expliquant que l’interprète ayant traduit sa déclaration originale du créole à l’anglais, aux États-Unis, s’était trompé et qu’il l’avait expliqué au juge américain. Cette explication n’a pas été retenue par la Commission (ni, semble-t-il, par le juge américain).

 

[6]               Enfin, ayant jugé le demandeur non crédible quant aux  éléments essentiels de sa demande d’asile, et après avoir pris en considération l’ensemble de la preuve, la Commission ajoute que ce dernier ne s’est pas déchargé non plus de son fardeau de démontrer que son renvoi en Haïti l’exposerait à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou à un risque d’être soumis à la torture.

 

[7]               Le demandeur soumet devant cette Cour que les explications qu’il a fournies à la Commission sont raisonnables et qu’elles n’auraient pas dû être rejetées par la Commission, alors que celle-ci n’a pas procédé à une analyse sérieuse, approfondie et objective de sa demande d’asile quant au danger qu’encourt le demandeur par son renvoi vers Haïti.

 

[8]               Quant aux erreurs figurant au titre de l’attestation du parti MOCHRENHA, le demandeur indique qu’il n’avait pas remarqué, jusqu’alors, que la date de l’attestation précédait celle de son adhésion au parti. Au surplus, le demandeur soutient qu’il n’y a aucune contradiction à ce titre, alors qu’une attestation peut être émise à une personne en  reconnaissance de l’adhésion de cette personne à l’idéologie d’un parti sans que cette personne ne soit titulaire d’une carte de membre. De même, le demandeur indique ne pas avoir noté que la date de naissance qui figurait au titre de sa carte de membre était incorrecte et qu’il ne peut être tenu responsable d’erreurs commises sur sa carte de membre alors que la question de son identité n’était pas en litige.

 

[9]               Quant aux contradictions relevées entre la déclaration du demandeur produite au soutien de sa demande d’asile aux États-Unis et le FRP, le demandeur indique qu’elles sont entièrement attribuables à la traduction erronée qu’en a faite l’interprète créole. Malgré la déclaration signée à l’effet que ce récit écrit a été fidèlement traduit, le demandeur indique avoir souligné ces erreurs au juge américain et soutient que l’exposé circonstancié se trouvant au sein de son FRP constitue la véritable version des faits ayant mené à sa demande d’asile.

 

[10]           De l’avis de la Cour, il n’y a pas lieu d’intervenir, et la demande de contrôle judiciaire doit échouer pour les motifs suivants.

 

[11]           Tout d’abord, la conclusion générale de non-crédibilité de la Commission est bien motivée, et il n’a pas été démontré à la satisfaction de cette Cour que celle-ci est « fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [la Commission] dispose » (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7). Ainsi, il ne s’agit pas pour cette Cour de substituer son opinion à celle de la Commission quant à la force probante à attribuer à la preuve soumise, mais bien de statuer sur le caractère raisonnable de la décision contestée quant au rejet de la demande d’asile en raison de la non-crédibilité du demandeur, selon la preuve au dossier. 

 

[12]           Il incombait au demandeur de présenter des éléments de preuve émanant de source fiable et objective. Or, la valeur probante à donner à tels éléments de preuve relève exclusivement de l’évaluation de la Commission. En l’espèce, les motifs fournis par la Commission pour douter de l’authenticité des deux documents présentés par le demandeur à l’appui de son appartenance au MOCHRENHA m’apparaissent raisonnables dans les circonstances. En l’espèce, compte tenu de l’ensemble du dossier, la Commission pouvait raisonnablement considérer qu’il ne subsistait aucun élément de preuve crédible pouvant corroborer les allégations du demandeur  quant à son rôle au sein du MOCHRENA.

 

[13]           D’autre part, il n’a pas été établi à la satisfaction de la Commission, ni de la Cour, que la déclaration traduite du créole à l’anglais, aux États-Unis, était erronée, et le demandeur ne peut simplement après coup blâmer l’interprète sans autre preuve qu’une affirmation générale que l’interprète s’est trompé.

 

[14]           Enfin, comme le risque personnalisé que peut encourir le demandeur en vertu de l’article 97 de la Loi dépend en l’espèce de la crédibilité de son récit, lequel a été sérieusement mis en doute, la Commission n’a pas non plus commis d’erreur révisable en déterminant également que le demandeur n’avait pas la qualité de « personne à protéger ».

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question d’importance générale ne se soulève et n’est certifiée par la Cour.

 

« Luc Martineau »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2689-08

 

INTITULÉ :                                       ALCES GABRIEL

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yvon Joseph

 

POUR LE DEMANDEUR

Alexandre Tavadian

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yvon Joseph

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.