Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20090417

Dossier : T-1910-08

Référence : 2009 CF 385

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 17 avril 2009

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

GARNET WOODHOUSE, JOHN SANDERSON,

NORMAN WOODHOUSE ET TED WOODHOUSE,

ET LA PREMIÈRE NATION PINAYMOOTANG

demandeurs

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Il s’agit d’une requête présentée par les demandeurs sollicitant :

  1.  Une injonction interlocutoire interdisant au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (ci-après le ministre) de faire une déclaration en vertu de l’alinéa 78(2)b) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5 (la Loi) ou de faire rapport au gouverneur en conseil en vertu de l’article 14 du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens, C.R.C., ch. 952 (le Règlement). Il est demandé que l’injonction soit accordée en attendant le règlement définitif de la demande de contrôle judiciaire des demandeurs;

  2.  Une ordonnance pour que cette requête soit traitée rapidement en vertu du paragraphe 385(1) des Règles des Cours fédérales de 1998;

  3.  Des dépens sur une base avocat-client;

  4.  Toute autre mesure de réparation que l’avocat pourrait demander et que l’honorable Cour estime juste.

 

  • [2] Le demandeur, Garnet Woodhouse, a été élu chef de la Première Nation Pinaymootang (PNP) et John Sanderson, Norman Woodhouse et Ted Woodhouse ont été élus conseillers de la bande lors d’une élection tenue le 17 octobre 2007.

 

  • [3] Les demandeurs susmentionnés occupent actuellement leur poste par intérim.

 

  • [4] En décembre 2007, les demandeurs ont été avisés que leur élection était portée en appel.

 

  • [5] Une enquête a été menée et l’enquêteur a fourni une copie de son rapport au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Une version résumée du rapport a été fournie aux demandeurs afin de solliciter leur réponse.

 

  • [6] Les demandeurs ont déclaré qu’ils avaient besoin de renseignements supplémentaires pour déposer leur réponse.

 

  • [7] Les demandeurs ont soutenu que les défendeurs avaient refusé de leur transmettre les renseignements demandés.

 

  • [8] Par conséquent, les demandeurs ont déposé un avis de demande en vue d’obtenir un contrôle judiciaire par voie d’interdiction contre les défendeurs.

 

  • [9] Comme il a été mentionné, les demandeurs veulent obtenir une injonction interlocutoire interdisant au ministre de prendre des mesures en vertu de l’article 78 de la Loi ou de l’article 14 du Règlement en attendant le règlement définitif de la demande d’interdiction.

 

  • [10] Les demandeurs ont énoncé les questions suivantes :

  1.  L’honorable Cour a-t-elle compétence pour accorder une injonction interlocutoire en attendant l’audition de la demande de contrôle judiciaire en vue d’interdire au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de déclarer vacant un poste de chef ou de conseiller de la PNP?

  2.  Dans l’affirmative, une injonction interlocutoire devrait-elle être accordée en l’espèce?

 

  • [11] Les défendeurs soulèvent un point préliminaire selon lequel la requête en injonction est prématurée, car le processus est toujours en cours. Aucune décision n’a encore été rendue au sujet de l’appel.

 

  • [12] Les défendeurs soutiennent également que dans tous les cas, le processus prévu par la loi devrait suivre son cours. Les défendeurs déclarent ce qui suit aux paragraphes 30 et 31 de leur mémoire des faits et du droit :

[traduction]
30.  Cependant, même s’il est déterminé que le ministre agissait à titre d’« office fédéral », le processus prévu par la loi devrait suivre son cours. Ce principe a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, et résumé dans Turnbull et al. v. Canadian Institute of Actuaries et al., [1995] M.J. No 424 (C.A.) où la Cour a déclaré que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, le processus administratif devrait suivre son cours. L’objectif est d’éviter de scinder une procédure, ce qui entraînerait d’autres retards, d’éviter des procédures qui pourraient être redondantes ou inutiles et de donner au tribunal l’occasion de corriger sa propre erreur.

  Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui,   [1995] 1 R.C.S. 3

 

  Turnbull et al. v. Canadian Institute of Actuaries et al.,   [1995] M.J. No 424 C.A.

 

  Voir aussi : Sczczecka c. Canada (Ministre de l’Emploi   et de l’Immigration), [1993] A.C.F. No 934

 

31.  La Cour a également adopté cette approche dans Ontario College of Art et al. v. Human Rights Commission (Ontario). Elle a conclu qu’une demande de contrôle judiciaire mettant en cause des allégations de partialité et un retard était prématurée, car la procédure administrative n’était pas encore terminée.

 

 

  • [13] Les demandeurs m’ont soumis aux fins d’examen les décisions rendues dans Esquega c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. No 1332 et Ross c. Canada, [2007] A.C.F. No 675. L’examen de ces cas a révélé qu’une décision avait été prise dans ces affaires. En l’espèce, le processus est toujours en cours, car le ministre n’a pas encore pris de décision.

 

  • [14] J’ai examiné les décisions citées par les défendeurs et je suis d’avis que la requête en injonction interlocutoire est prématurée, car le processus prévu par la loi est toujours en cours. L’octroi d’une injonction interlocutoire au stade actuel du processus aurait pour effet de scinder la procédure. Le jugement donne également au tribunal l’occasion de corriger toute erreur qu’il pourrait avoir faite.

  • [15] Cependant, ayant conclu que la requête en injonction interlocutoire est prématurée, je renverrais les parties à la déclaration faite par le juge Lemieux dans Première Nation Gull Bay, précitée, aux paragraphes 25, 26 et 27 :

25.  La Cour a déjà jugé, dans la décision Morin c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord), [1998] A.C.F. no 82, que la non-divulgation du rapport d’un enquêteur conduisant à l’annulation d’une élection au sein d’une bande contrevient aux principes d’équité.

 

26.  Pour d’autres exemples de l’obligation d’équité dans les constats d’inéligibilité à la charge de conseiller durant l’élection tenue au sein d’une bande, voir les décisions suivantes : Sound c. Première nation Swan River, 2002 CFPI 602, Duncan c. Le Conseil de bande de la Première nation Behdzi Ahda, 2002 CFPI 581; Bande indienne Samson c. Bruno, 2005 CF 1140, et Frank c. Bottle, [1993] A.C.F. n° 670.

 

27.  Dans le contexte des droits de la personne, il a été jugé que l’équité requiert que le rapport d’un enquêteur soit divulgué avant que la Commission canadienne des droits de la personne ne statue sur une plainte. Voir l’arrêt Radulesco c. Canada (Commission des droits de la personne), 1984 CanLII 120 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 407, et l’enquête entreprise à propos d’une plainte doit être approfondie : voir Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), 1994 CanLII 3463 (CF), [1994] 2 C.F. 574.

 

 

  • [16] La requête en injonction interlocutoire est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

 

  • [17] Étant donné ma conclusion, je n’ai pas besoin de traiter les autres questions.

 

  • [18] À l’audition de la requête, les parties ont convenu que les demandeurs auraient sept jours à partir de la réception de la présente ordonnance pour déposer leurs réponses au rapport d’enquête et que la recommandation ne serait faite au ministre qu’après cette période.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.  La requête en injonction interlocutoire des demandeurs est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

2.  Les demandeurs ont sept jours à partir de la réception de la présente ordonnance pour déposer leurs réponses au rapport d’enquête, et la recommandation ne sera faite au ministre qu’après cette période.

3.  Si le paragraphe 2 de l’ordonnance ne mentionne pas l’entente des parties, je reste compétent pour modifier l’ordonnance.

 

  « John A. O’Keefe »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1910-08

 

INTITULÉ :  GARNET WOODHOUSE, JOHN SANDERSON,

  NORMAN WOODHOUSE ET TED WOODHOUSE, ET LA PREMIÈRE NATION PINAYMOOTANG c. LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE INSTRUITE PAR TÉLÉCONFÉRENCE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 4 MARS 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DU :  LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS:  LE 17 AVRIL 2009

 

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES

 

John B. Harvie

 

POUR LES DEMANDEURS

Yvette Creft

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myers Weinberg LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

 

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.