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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20090521

Dossier : IMM-2700-08

Référence : 2009 CF 527

Montréal (Québec), le 21 mai 2009

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

SAQIB HAMEED et

ADEELA BASHIR

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Depuis 2001, M. Saqib Hameed, un citoyen du Pakistan âgé de 46 ans, essaie d’obtenir la résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié. En 2007, un agent des visas à Islamabad a refusé sa demande au motif qu’il n’avait pas obtenu le nombre de points exigé, tant en application de l’ancienne Loi sur l’immigration que de l’actuelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), L.C. 2001, ch. 27. Le principal problème résidait dans la catégorie des études. L’agent estimait qu’en application de la LIPR, M. Hameed n’avait droit qu’à 5 points, et non à 20.

 

[2]               Un agent principal a examiné la décision de l’agent original et l’a confirmée. Cependant, M. Hameed a sollicité, avec succès, le contrôle judiciaire de la décision négative. Le juge Orville Frenette a conclu que l’agent avait tenu compte d’un facteur non pertinent et a accueilli la demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

 

[3]               Néanmoins, lors du réexamen de sa demande, un deuxième agent a aussi refusé la demande de M. Hameed, en concluant lui aussi qu’il n’avait droit qu’à 5 points pour l’éducation, et non à 20. M. Hameed a tenté, sans succès, de solliciter une ordonnance pour non-respect de la décision du juge Frenette à l’endroit de l’agent. La juge Judith Snider a rejeté la requête au motif que le juge Frenette n’avait qu’accueilli la demande de contrôle judiciaire et qu’il n’avait rien mentionné à propos de la manière dont la demande de M. Hameed devrait être traitée lors du réexamen. M. Hameed sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la deuxième décision négative rendue sur sa demande de résidence permanente.

 

[4]               La seule question est de savoir si l’évaluation par l’agent des points pour les études du demandeur était raisonnable.

 

I.          Contexte factuel

 

[5]               Après ses études secondaires, M. Hameed a étudié au Collège Islamia, Civil Lines, à Lahore, de 1981 à 1983. Le collège est affilié à l’Université du Pendjab. En 1984, M. Hameed a passé ses examens en vue d’obtenir de son baccalauréat à l’université, examens qu’il a réussis. C’est l’université, et non le Collège Islamia, qui lui a donné ses relevés de notes. 

 

[6]               M. Hameed a fourni à l’agent son relevé de notes et son diplôme de l’université, ainsi qu’une lettre du Collège Islamia qui confirmait qu’il y était inscrit de 1981 jusqu’à 1983. Il a aussi fourni une lettre de la Commission de l’enseignement supérieur indiquant que l’Université du Pendjab n’admet que des étudiants de niveau postsecondaire et que le baccalauréat de cette université est reconnu comme étant l’équivalent de 14 années d’études.

 

II.         La décision de l’agent

 

[7]               Après avoir évalué la demande de M. Hameed, l’agent lui a attribué un total de 52 points. Il lui en a donné 5 pour ses études. M. Hameed croyait qu’il avait droit à 20 points. S’il avait obtenu ces 20 points, M. Hameed aurait satisfait au critère d’acceptation d’une demande, soit 67 points.

 

[8]               L’évaluation de l’agent reposait sur les études secondaires complètes de M. Hameed. Il ne lui a pas donné de points pour son baccalauréat : selon lui, M. Hameed n’avait pas fourni de preuve concluante qu’il assistait à ses cours à temps plein, ou d’une manière équivalente à temps plein, lorsqu’il était en voie d’obtenir ce diplôme.

 

[9]               Je note qu’il s’agit d’une question différente de celle soulevée relativement à la première demande de contrôle judiciaire de M. Hameed. À ce moment-là, l’agent avait refusé de donner des points à M. Hameed pour son baccalauréat parce qu’il était un étudiant externe à l’Université du Pendjab à cette époque. Le juge Frenette a conclu que ce n’était pas une considération pertinente et a annulé la décision de l’agent. En concluant ainsi, le juge Frenette a déclaré que M. Hameed aurait dû se voir attribuer 20 points. Cependant, lors du réexamen de la demande de M. Hameed, le deuxième agent a constaté un problème différent, soit que M. Hameed n’avait pas fourni de preuve montrant qu’il avait assisté à ses cours à temps plein ou d’une manière équivalente à temps plein.

 

III.       La décision de l’agent était-elle raisonnable?

 

[10]           Selon la Cour suprême du Canada, une décision est raisonnable si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

[11]           Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit qu’afin d’obtenir 20 points dans la catégorie « études », M. Hameed devait prouver (1) qu’il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études, et (2) a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein (sous-alinéa 78(2)d)(ii) (voir Annexe A)).

 

[12]           Les notes de l’agent indiquent qu’il était préoccupé par le fait que, même si M. Hameed a pu démontrer qu’il était inscrit au Collège Islamia pendant deux ans et qu’il a obtenu un baccalauréat de l’Université du Pendjab, il n’y avait aucune preuve des heures de cours requises par son programme d’études, ni de son dossier de présence en classe. Par conséquent, l’agent ne pouvait conclure que M. Hameed avait accumulé un total de 14 années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

[13]           À mon avis, la conclusion de l’agent était déraisonnable. Il avait devant lui la preuve que M. Hameed avait été inscrit 2 ans au Collège Islamia et qu’il a ensuite obtenu un baccalauréat reconnu comme étant le résultat de 14 années d’études. Le Règlement définit « temps plein » comme correspondant à « quinze heures de cours par semaine » et « équivalent temps plein » comme étant « le nombre d’années d’études […] qui auraient été nécessaires pour compléter des études équivalentes ». Le Règlement n’exige pas de preuve d’assistance aux cours. Même si l’agent était préoccupé par le fait que M. Hameed n’avait pas prouvé le nombre d’heures de cours auquel il était censé assister chaque semaine, la preuve de ce dernier démontrait que [traduction] « le nombre d’années d’études qui auraient été nécessaire pour compléter » son baccalauréat était de 14, selon la Commission d’enseignement supérieur. En d’autres mots, même si M. Hameed n’avait pas démontré que ses études répondaient à la définition de « temps plein », il avait prouvé qu’il avait obtenu un diplôme basé sur un équivalent temps plein de 14 années d’études. Par conséquent, il a satisfait à la double exigence du Règlement. La décision contraire de l’agent n’est compatible ni avec le droit, ni avec les faits pertinents, et est par conséquent déraisonnable.

 

[14]           Le défendeur allègue que la question en l’espèce a été tranchée en sa faveur dans Bhuiya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 878. La juge Anne Mactavish y avait conclu que le Règlement exige du demandeur qu’il possède le diplôme d’étude en question et ait complété le nombre d’années d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein prévu. Elle a conclu que la demanderesse en question était titulaire d’une maîtrise, mais qu’elle n’avait pas complété les 17 années d’études à temps plein exigées, parce qu’elle avait obtenu sa maîtrise après seulement 16 années. Le fait qu’elle ait passé une autre année à l’école par la suite et qu’elle ait obtenu un autre diplôme ne signifie pas qu’elle a satisfait à l’exigence des 17 années d’études. En arrivant à cette conclusion, la juge Mactavish a mentionné que le but de la double exigence du Règlement est de « favoriser l’adoption de normes uniformes dans l’évaluation des études et de la formation du demandeur, étant donné la variété des systèmes d’éducation et de formation dans le monde » (au paragraphe 17).

 

[15]           Se fondant sur ce raisonnement, le défendeur prétend en l’espèce que M. Hameed doit faire la preuve à la fois de l’obtention de son baccalauréat et des 14 années d’études à temps plein ou de l’équivalent temps plein qu’il accumulé pour le faire. Par conséquent, il était raisonnable pour l’agent de demander cette preuve, et celui-ci aurait été fondé à rejeter la demande de M. Hameed si cette preuve était absente.

 

[16]           Je suis d’accord avec le défendeur que le Règlement favorise l’adoption de normes uniformes. Cependant, comme il a été mentionné, M. Hameed avait fourni à l’agent la preuve qu’il avait satisfait aux normes prescrites par le Règlement. La conclusion contraire de l’agent est déraisonnable.

 

[17]           M. Hameed a prétendu que je devrais simplement conclure que la décision du juge Frenette me lie et que je dois trancher la présente affaire en conséquence. Dans les circonstances, je n’estime pas que la décision du juge Frenette me lie, tant sur la base du respect des décisions des tribunaux que de l’autorité de la chose jugée. Le juge Frenette était saisi d’une question complètement différente de celle débattue devant moi. Il a tiré sa conclusion voulant que M. Hameed ait droit à 20 points d’études a été tirée dans le contexte d’un litige au sujet du statut de M. Hameed à l’Université du Pendjab. En l’espèce, la question à laquelle je dois répondre est de savoir si M. Hameed a satisfait à l’exigence des 14 ans d’études prévue aux Règlement. Bien entendu, j’ai toutefois examiné attentivement la décision du juge Frenette, que j’ai trouvée fort utile pour en venir à ma propre conclusion.

 

IV.       Conclusion et dispositif

 

[18]           Ayant conclu que la décision de l’agent est déraisonnable, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Vu les circonstances, je crois que la réparation qu’il convient d’accorder est de donner pour directive au prochain agent à traiter de la demande de M. Hameed de lui attribuer 20 points dans la catégorie des études. L’avocat a exprimé le désir de me présenter des observations à propos des dépens, ainsi que d’une éventuelle question à certifier. Je vais examiner toutes les observations qui seront déposées dans les 10 jours du présent jugement sur ces questions.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

2.                  La Cour va étudier toute observation au sujet des dépens et de la certification d’une question d’importance générale qui sera déposée dans les 10 jours du présent jugement.

 

3.                  L’agent qui réexaminera la demande résidence permanente de M. Hameed lui attribuera 20 points dans la catégorie des études.

 

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A.Trad.


Annexe « A »

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Études (25 points)

[…]

  78(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

 

[…]

 

d) 20 points, si, selon le cas :

 

[…]

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

 

Education (25 points)

...

  78(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

 

 

 

(d) 20 points for

 

 

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2700-08

 

INTITULÉ :                                       SAQIB HAMEED et ADEELA BASHIR c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 21 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman

 

POUR LES DEMANDEURS

Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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