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Date : 20090724

Dossier : T-1761-07

Référence : 2009 CF 755

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

ENTRE :

MERCHANT LAW GROUP, STEVENSON LAW OFFICE,

ANNE BAWTINHIMER, DUANE HEWSON,

JUDITH LEWIS et MARCEL WOLF

 

demandeurs (intimés)

 

et

 

L’Agence du revenu du CANADA

 et LE Procureur général du CANADA

 

défendeurs (requérants)

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les défendeurs, qui sont les requérants dans le cadre de la présente requête, sollicitent, en vertu du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, une ordonnance en radiation de la déclaration modifiée, au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable.

 

LES FAITS

[2]               Dans ce recours collectif proposé, les demandeurs sont deux cabinets d’avocats et quatre clients de ces derniers. Les cabinets d’avocats ont perçu et versé la taxe sur les produits et services (la TPS) pour des montants exonérés, puis passé les débours à leurs clients, en ajoutant la TPS. Il est allégué, dans la déclaration, que le gouvernement n’aurait pas dû exiger des cabinets d’avocats qu’ils perçoivent ou versent la TPS sur des montants passés à leurs clients pour des débours exonérés de TPS. Dans le recours, les demandeurs veulent recouvrer les montants de TPS versés au gouvernement à titre de TPS sur les débours exonérés et passés aux clients. Si leur action est accueillie, les clients seront remboursés au moyen de la TPS recouvrée.

 

[3]               Le demandeur Merchant Law Group (MLG) n’avait pas perçu ni versé la TPS sur des débours engagés alors qu’il était mandataire de ses clients. Une nouvelle cotisation a été établie à son égard par le ministre du Revenu national (le ministre) pour les périodes de déclaration de la TPS des années 2000, 2001, 2002 et du 1er janvier au 30 avril 2003, parce qu’il avait omis de percevoir et de verser la TPS sur des débours judiciaires pour ses clients et en leur nom. L’avis de cotisation envoyé par le ministre le 5 février 2004 corrige le montant de la TPS à percevoir d’environ 77 350 $ et exige que MLG paie ce montant.

 

[4]               MLG a déposé un avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt qui a accueilli l’appel en grande partie le 16 juin 2008. Dans Merchant Law Group c Canada, 2008 CCI 337, le juge Rossiter (tel était alors son titre) a conclu que MLG avait agi à titre de mandataire de ses clients en ce qui concerne tous les débours en question, sauf les fournitures de bureau, et qu’il n’était par conséquent pas tenu de percevoir ou de verser la TPS pour ces débours. La Cour canadienne de l’impôt a donc statué que les débours engagés par les cabinets d’avocats en tant que mandataires de leurs clients n’étaient pas assujettis à la TPS lorsqu’ils étaient passés à ces derniers. La Couronne a déposé à la Cour d’appel fédérale un avis d’appel de la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt.

 

[5]               Il n’est pas allégué que les demandeurs Stevenson Law Office, Duane Hewson, Judith Lewis, Marcel Wolf et Anne Bawtinhimer ont déposé des avis d’opposition au ministre concernant leurs cotisations de TPS.

 

LES QUESTIONS en litige

[6]               Les défendeurs soutiennent que la déclaration modifiée des demandeurs doit être radiée pour les raisons suivantes :

[traduction]      

a)      la Cour n’a pas la compétence requise. Le recours est une attaque indirecte contre la position du ministre concernant la cotisation qui ne peut être contestée que devant la Cour canadienne de l’impôt, en vertu de l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt;

 

b)      l’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise interdit le recouvrement de montants payés à titre de TPS, si ce n’est en conformité avec les dispositions de la Partie IX de cette loi;

 

c)      les actes de procédure ne révèlent aucune cause d’action valable :

 

                                                           (i)      contre la Couronne pour le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique;

 

                                                         (ii)      en restitution ou pour une [traduction] « somme perçue injustement ». Subsidiairement, les défendeurs soutiennent que, si la Cour détermine qu’il y a cause d’action en restitution ou pour une somme perçue injustement, cette action est contraire à l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et à l’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[7]               Les demandeurs soutiennent que la Cour doit d’abord examiner s’ils ont une cause d’action valable pour faute dans l’exercice d’une charge publique. Si la Cour tranche en leur faveur à cet égard, il ne sera pas nécessaire d’entendre leurs arguments concernant l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et l’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise. Par conséquent, j’examinerai d’abord si les actes de procédure révèlent une cause d’action valable contre la Couronne en raison d’une faute dans l’exercice d’une charge publique.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[8]               L’article 221 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, prévoit ce qui suit :

Requête en radiation

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

 

Preuve

(2) Aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)a).

Motion to strike

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

Evidence

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a).

 

[9]               L’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T-2, prévoit ce qui suit :

Compétence

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, de la partie V.1 de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la Loi de 2001 sur l’accise, de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi de l’impôt sur les revenus pétroliers et de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

Jurisdiction

12. (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under the Air Travellers Security Charge Act, the Canada Pension Plan, the Cultural Property Export and Import Act, Part V.1 of the Customs Act, the Employment Insurance Act, the Excise Act, 2001, Part IX of the Excise Tax Act, the Income Tax Act, the Old Age Security Act, the Petroleum and Gas Revenue Tax Act and the Softwood Lumber Products Export Charge Act, 2006 when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

[10]           Les paragraphes 261(1) et (2) de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E-15, prévoient ce qui suit :

Remboursement d’un montant payé par erreur

261. (1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement.

Restriction

(2) Le montant n’est pas remboursé dans la mesure où :

a) le montant est pris en compte à titre de taxe ou de taxe nette pour la période de déclaration d’une personne et le ministre a établi une cotisation à l’égard de la personne pour cette période selon l’article 296;

b) le montant payé était une taxe, une taxe nette, une pénalité, des intérêts ou un autre montant visé par une cotisation établie selon l’article 296;

c) un remboursement du montant est accordé en application des paragraphes 215.1(1) ou (2) ou 216(6) ou des articles 69, 73, 74 ou 76 de la Loi sur les douanes par l’effet des paragraphes 215.1(3) ou 216(7).

 

Rebate of payment made in error

261. (1) Where a person has paid an amount

(a) as or on account of, or

(b) that was taken into account as,

tax, net tax, penalty, interest or other obligation under this Part in circumstances where the amount was not payable or remittable by the person, whether the amount was paid by mistake or otherwise, the Minister shall, subject to subsections (2) and (3), pay a rebate of that amount to the person.

Restriction

(2) A rebate in respect of an amount shall not be paid under subsection (1) to a person to the extent that

(a) the amount was taken into account as tax or net tax for a reporting period of the person and the Minister has assessed the person for the period under section 296;

(b) the amount paid was tax, net tax, penalty, interest or any other amount assessed under section 296; or

(c) a rebate of the amount is payable under subsection 215.1(1) or (2) or 216(6) or a refund of the amount is payable under section 69, 73, 74 or 76 of the Customs Act because of subsection 215.1(3) or 216(7).

 

 

[11]           L’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise prévoit ce qui suit :

Droits de recouvrement créés par une loi

312. Sauf disposition contraire expresse dans la présente partie, dans la Loi sur les douanes ou dans la Loi sur la gestion des finances publiques, nul n’a le droit de recouvrer de l’argent versé à Sa Majesté au titre de la taxe, de la taxe nette, d’une pénalité, des intérêts ou d’un autre montant prévu par la présente partie ou qu’elle a pris en compte à ce titre.

Statutory recovery rights only

312. Except as specifically provided in this Part, the Customs Act or the Financial Administration Act, no person has a right to recover any money paid to Her Majesty as or on account of, or that has been taken into account by Her Majesty as, tax, net tax, penalty, interest or any other amount under this Part.

 

 

ANALYSE

La première question : la faute dans l’exercice d’une charge publique

a)         La faute dans l’exercice d’une charge publique

[12]           Dans Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69, 233 DLR (4th) 193, affaire qui concernait un délit de faute, la Cour suprême du Canada a examiné en détail le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique. La responsabilité à cet égard a été imposée aux représentants de la Couronne en raison de l’arrêt Ashby c White (1703), 2 Ld Raym 938, 92 ER 126, dans lequel on a estimé qu’une cause d’action pouvait être invoquée à l’encontre d’un fonctionnaire électoral qui, de façon malveillante et frauduleuse, avait privé une personne du droit de vote. Dans l’arrêt de principe Roncarelli c Duplessis, [1959] RCS 121, on a établi que la faute dans l’exercice d’une charge publique était un délit reconnu au Canada. Les affaires subséquentes ont élargi la portée de cette cause d’action.

 

[13]           Au paragraphe 23 de l’arrêt Odhavji, précité, le juge Iacobucci a défini les éléments constituants du délit. Ce sont les suivants :

 

1.    le fonctionnaire public doit avoir agi en sa qualité de manière illégitime et délibérée;

 

2.    le fonctionnaire public doit avoir été conscient du caractère non seulement illégitime de sa conduite, mais aussi de la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur.

 

[14]           Au paragraphe 25, le juge Iacobucci décrit le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique comme « une inconduite délibérée de la part d’un fonctionnaire public ». L’inconduite délibérée consiste en :

a)    un acte illégal intentionnel;

b)   l’intention de causer préjudice à une personne ou à une catégorie de personnes.

 

[15]           Au paragraphe 28, le juge Iacobucci déclare :

[] L’exigence selon laquelle le défendeur doit avoir eu connaissance du caractère illégitime de sa conduite reflète le principe bien établi voulant que la faute dans l’exercice d’une charge publique nécessite un élément de « mauvaise foi » ou de « malhonnêteté ». […]

 

[16]           Le juge Iacobucci résume la raison d’être du délit au paragraphe 30 :

[…] de protéger ce à quoi s’attendent raisonnablement les citoyens, savoir qu’un fonctionnaire public ne causera pas intentionnellement préjudice à un membre du public par une conduite illégitime et délibérée dans l’exercice de ses fonctions publiques. […]

 

 

[17]           La portée du délit de faute dans l’exercice d’une charge publique est limitée par l’exigence que des fonctionnaires publics aient eu une conduite délibérée, en étant conscients de la probabilité que leur conduite nuise au demandeur. Ainsi, le juge Iacobucci dit au paragraphe 26 :  

¶26 […] la faute commise dans l’exercice d’une charge publique ne concerne pas le fonctionnaire public qui, par négligence ou inadvertance, omet de s’acquitter convenablement des obligations propres à ses fonctions : voir Three Rivers, p. 1273, lord Millett. N’est pas non plus visé le fonctionnaire public se trouvant dans la même situation en raison de contraintes budgétaires ou d’autres facteurs hors de son contrôle. […]

 

[18]           Selon les éléments constitutifs du délit, l’identité des fonctionnaires publics doit être précisée dans l’action. Dans l’arrêt Odhavji, précité, les fonctionnaires publics étaient nommés comme défendeurs, de sorte que la question de savoir si les fonctionnaires publics devaient être nommés ne s’était pas posée.

 

[19]           Dans Swift Current (City) c Saskatchewan Power Corp, 2005 SKQB 505, 145 ACWS (3d) 1009, aux paragraphes 55 à 58, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a statué que les actes de procédure devaient sans équivoque préciser quel titulaire de la charge publique avait l’état d’esprit nécessaire pour établir le délit. Cette nécessité s’explique par le fait que l’élément constitutif exige de lier à une certaine personne le délit de se livrer de manière délibérée à une conduite illégitime pour nuire au défendeur. En appel, dans Swift Current (City) c Saskatchewan Power Corp, 2007 SKCA 27, 156 ACWS (3d) 578, la Cour d’appel de la Saskatchewan a jugé que l’action contre la société d’État défenderesse, Saskatchewan Power, était fondée sur une politique alléguée de l’entreprise, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de prouver qu’une personne en particulier avait agi illégitimement et de façon délibérée dans le but de nuire aux demandeurs. Le juge Lane a dit au paragraphe 27 :

 

[traduction]

 

[…] Parce qu’il s’agit de la politique alléguée de la société SaskPower, il n’est pas exigé qu’une personne en particulier soit nommée. L’identité de la personne peut être pertinente dans une plaidoirie de responsabilité du fait d’autrui à l’encontre de SaskPower. Toutefois, l’identité de l’employé ou du fonctionnaire qui a agi au nom de SaskPower n’est pas un élément nécessaire du délit.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[20]           Au paragraphe 29, la Cour d’appel a tranché que l’action contre la Saskatchewan Power constituait une action directe, plutôt qu’une allégation fondée sur la responsabilité du fait d’autrui. Le fondement de la conclusion selon laquelle la société d’État défenderesse pouvait être tenue directement responsable tenait au fait que la responsabilité directe peut être liée à une société commerciale dans le cas d’un délit intentionnel. Toutefois, en ce qui concerne le recouvrement de la TPS, la Cour canadienne de l’impôt a compétence exclusive.

 

[21]           En l’espèce, les demandeurs n’auraient pas une action directe en responsabilité délictuelle contre les défendeurs. La Couronne ne peut être tenue directement responsable d’un délit, parce que sa responsabilité aux termes de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50, n’est qu’indirecte, par exemple dans le cas d’un délit commis par un fonctionnaire de l’État. L’article 3 de cette loi prévoit ce qui suit :

Responsabilité

3. En matière de responsabilité, l’État est assimilé à une personne pour :

a) dans la province de Québec :

(i) le dommage causé par la faute de ses préposés,

(ii) le dommage causé par le fait des biens qu’il a sous sa garde ou dont il est propriétaire ou par sa faute à l’un ou l’autre de ces titres;

b) dans les autres provinces :

(i) les délits civils commis par ses préposés,

(ii) les manquements aux obligations liées à la propriété, à l’occupation, à la possession ou à la garde de biens.

 

Liability

3. The Crown is liable for the damages for which, if it were a person, it would be liable

(a) in the Province of Quebec, in respect of

(i) the damage caused by the fault of a servant of the Crown, or

(ii) the damage resulting from the act of a thing in the custody of or owned by the Crown or by the fault of the Crown as custodian or owner; and

(b) in any other province, in respect of

(i) a tort committed by a servant of the Crown, or

(ii) a breach of duty attaching to the ownership, occupation, possession or control of property.

 

[22]           L’article 10 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif prévoit en outre :

Responsabilité quant aux actes de préposés

10. L’État ne peut être poursuivi, sur le fondement des sous-alinéas 3a)(i) ou b)(i), pour les actes ou omissions de ses préposés que lorsqu’il y a lieu en l’occurrence, compte non tenu de la présente loi, à une action en responsabilité contre leur auteur, ses représentants personnels ou sa succession.

Liability for acts of servants

10. No proceedings lie against the Crown by virtue of subparagraph 3(a)(i) or (b)(i) in respect of any act or omission of a servant of the Crown unless the act or omission would, apart from the provisions of this Act, have given rise to a cause of action for liability against that servant or the servant’s personal representative or succession.

 

[23]           Comme l’a déclaré la Cour d’appel de la Saskatchewan dans Swift Current, si l’allégation est fondée sur la responsabilité du fait d’autrui, l’identité du fonctionnaire précis peut être nécessaire, car cette identité doit, en l’espère, servir à établir un élément nécessaire du délit, c’est-à-dire l’intention requise. La déclaration des demandeurs est par conséquent incomplète, parce qu’elle ne nomme pas le ou les fonctionnaires précisément responsables de la faute alléguée dans l’exercice d’une charge publique. Dans Mahoney c Canada (1986), ACWS (2d) 437, le juge Cullen de la Cour fédérale a également statué que les fonctionnaires devaient être nommés si l’allégation était fondée sur la responsabilité du fait d’autrui de l’État pour des délits commis par des fonctionnaires.

 

[24]           En plus du défaut de nommer des personnes précises, les défendeurs soutiennent que les demandeurs n’ont pas soumis de faits substantiels pour étayer leur demande. Les défendeurs déclarent que les actes de procédure sont loin d’alléguer une conduite délibérée et malhonnête des défendeurs. Les allégations pertinentes, au paragraphe 12 de la déclaration modifiée, sont les suivantes :

[traduction]

 

Depuis 1992, le gouvernement a effectué la perception en violation de la loi, des règlements et de ses propres politiques en étant pleinement conscient qu’il agissait illégalement et qu’il risquait de porter préjudice à cette catégorie de personnes. Plus particulièrement, le gouvernement a agi de mauvaise foi et a ignoré les publications P-182 R, P-209 et autres documents d’interprétation et de politique […]

 

[25]           Les demandeurs soutiennent qu’il y a allégation suffisante des faits substantiels. La Cour ne peut souscrire à cette observation. La règle 174 des Règles des Cours fédérales décrit l’exigence d’alléguer les faits substantiels :

Exposé des faits

174. Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits.

Material facts

174. Every pleading shall contain a concise statement of the material facts on which the party relies, but shall not include evidence by which those facts are to be proved.

 

[26]           En l’espèce, la déclaration modifiée renferme un ensemble de prétentions, mais ne fournit pas de faits substantiels à l’appui de celles-ci. Il ne suffit pas dans une déclaration d’énoncer de simples affirmations sans les étayer par des faits. Voir, dans Johnson c Gendarmerie royale du Canada, 2002 CFPI 917, 116 ACWS (3d) 818, les propos de la juge Dawson au paragraphe 24. Les actes de procédure n’énoncent pas de fondement factuel à l’allégation selon laquelle les actions des fonctionnaires publics ont été délibérées afin de nuire aux demandeurs ou de les harceler. Comme mon collègue le juge Hughes l’a déclaré dans Zundel c Canada, 2005 CF 1612, 144 ACWS (3d) 645, au paragraphe 16, « [l]e simple recours à des adverbes et à des expressions comme délibérément ou négligemment ou l’indifférence la plus complète ne constituent pas de véritables allégations qu’il y a eu mauvaise foi ou abus de pouvoir ».

 

[27]           De plus, dans la décision de la Cour canadienne de l’impôt qui précède la présente action, le juge Rossiter déclare dans ses conclusions que les actions des fonctionnaires publics en ce qui concerne les cotisations de TPS du demandeur MLG n’ont pas été délibérées et qu’en fait, l’erreur a été d’avoir suivi « aveuglément » la politique existante sans bien tenir compte de son applicabilité au cas par cas : Merchant Law Group c Canada, 2008 CCI 337. Le juge Rossiter a déclaré au paragraphe 22 :

[…] Les débours courants désignés comme des débours « non effectués à titre de mandataire », – dans le domaine du contentieux civil constituent une préoccupation particulière dans cette politique. Dans ce domaine, la politique est irrationnelle et dénuée de sens. Par exemple, il est difficile de comprendre pourquoi des frais payés à un témoin, des frais payés pour la signification d’un document, des frais afférents aux services d’enregistrement, des frais de transcription, des frais de préparation de rapports d’experts, des frais de présence pour des témoins experts, des frais afférents à l’obtention d’une transcription de l’audience ou tous autres frais de cette nature, sont considérés comme moins effectués par un avocat à titre de mandataire de son client que le sont les frais pour le dépôt des actes de procédure à la Cour ou des frais d’enregistrement ou quoi que ce soit de cette nature. Il s’agit de dépenses nécessaires qui ne sont engagées qu’avec le consentement du client. La ligne de démarcation établie par l’ARC dans son Énoncé de politique P-209R entre les débours judiciaires « non effectués à titre de mandataire » et les débours judiciaires « effectués à titre de mandataire » semble être arbitraire et ne pas être étayée sur le plan juridique ou de façon évidente ne pas avoir fait l’objet de prévoyance. En fait, le seul témoin appelé par l’intimée lors de l’instruction, l’agent des appels, a fondamentalement dit, et l’intimée l’a admis, que cette politique était reine. On n’a demandé aucun avis à l’égard de l’application de cette politique ni aucune directive quant à la façon selon laquelle la politique s’applique au cas par cas. La politique a été appliquée automatiquement comme le vérificateur ou l’agent des appels l’ont estimé approprié sans tenir compte de la nature des débours ou d’autres facteurs résultant de la relation entre le mandant et son mandataire. Lorsqu’un débours n’est pas décrit dans l’énoncé de politique comme étant un débours exempt de TPS, l’ARC conclut automatiquement que la TPS s’applique. La politique a été suivie aveuglément sans tenir compte de la force de la preuve qui indiquerait le contraire. On aurait pu consulter quelqu’un possédant une certaine expérience dans le contentieux civil à l’égard de la question de savoir si les principes d’une relation de mandat s’appliquent dans une affaire comme celle soumise à la Cour.

 

[28]           La Cour canadienne de l’impôt a donc conclu, dans la décision MLG, que les actions des fonctionnaires publics étaient essentiellement à l’opposé des actions délibérées, malhonnêtes et illégitimes. En l’absence de faits substantiels dans les actes de procédure quant à l’allégation que les défendeurs avaient agi pour harceler les cabinets d’avocats et leur nuire, la Cour conclut que les actes de procédure ne contiennent pas de faits substantiels suffisants pour étayer ces allégations.

 

[29]           Je suis d’accord avec le juge Rossiter lorsqu’il dit que la politique sur la TPS est « irrationnelle et dénuée de sens » dans certains domaines. La politique est difficile à comprendre, et je ne suis pas étonné qu’un vérificateur de l’ARC soit confus lorsqu’il s’agit d’appliquer la politique et décider quels débours sont assujettis à la TPS et lesquels ne le sont pas.

 

[30]           Comme le dit le juge Rossiter au paragraphe 22, précité, la politique a été appliquée automatiquement et « suivie aveuglément sans tenir compte de la force de la preuve qui indiquerait le contraire ». Le témoin de l’ARC, dans cette affaire, a déclaré que « cette politique était reine ». De même, les vérificateurs de l’ARC ont suivi la politique qui, selon eux, était une interprétation correcte de la loi. Aucune preuve n’a été présentée à la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle les vérificateurs avaient eu une conduite intentionnellement illégitime pour nuire au demandeur Merchant Law Group.

 

La deuxième question : la restitution ou la « somme perçue injustement »

[31]           Les demandeurs revendiquent une cause d’action pour [traduction] « une somme perçue injustement » ou pour des [traduction] « sommes prises injustement ». Ils soutiennent que l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans Kingstreet Investments Ltd. c Nouveau‑Brunswick (Finances), 2007 CSC 1, 276 DLR (4th) 342, confirme qu’il y a cause d’action en recouvrement de taxes payées de façon injustifiée. Dans Kingstreet, la Cour suprême a jugé qu’aucune des deux catégories établies en matière de restitution – la restitution consécutive à un acte fautif et la restitution pour enrichissement sans cause – ne donnait le cadre pertinent au recouvrement des taxes versées en vertu d’une loi ultra vires. Le juge Bastarache déclare au paragraphe 40 :

La restitution de taxes ultra vires n’entre pas vraiment dans l’une ou l’autre des deux catégories établies en matière de restitution.  Elle constitue plutôt une troisième catégorie, distincte de l’enrichissement sans cause.  L’action en recouvrement de taxes perçues sans autorisation légale et l’action pour enrichissement sans cause relèvent toutes les deux de la justice restitutive, mais ces recours ont été élaborés dans notre système juridique selon des voies différentes et avec des objectifs distincts.  L’action en recouvrement de taxes est solidement fondée, à titre de recours de droit public, sur un principe constitutionnel qui découle des plus anciennes tentatives de la démocratie pour circonscrire le pouvoir du gouvernement dans le cadre de la primauté du droit.  L’enrichissement sans cause, en revanche, tire son origine de l’action indebitatus assumpsit de la common law, par laquelle le demandeur peut obtenir réparation à l’égard de dommages de nature quasi-contractuelle (Maddaugh et McCamus, p. 1‑4; Goff et Jones, The Law of Restitution (4e éd. 1993), p. 7; Peel, p. 784 et 788, la juge McLachlin).

 

[32]           Dans Kingstreet, la question en litige devant la Cour suprême du Canada portait sur la possibilité d’invoquer les règles relatives à la restitution pour recouvrer des sommes perçues au titre de dispositions législatives ultérieurement déclarées ultra vires. La Cour a statué que la restitution pour enrichissement sans cause ne s’appliquait pas et a reconnu l’action en recouvrement de taxes inconstitutionnelles, prévue dans la common law, à titre de recours de droit public.

 

[33]           Il n’y a pas d’allégation que la TPS perçue en l’espèce est inconstitutionnelle, seulement que la loi sur la TPS n’a pas été correctement appliquée.

 

[34]           La Cour suprême du Canada a statué que la loi sur la TPS établit un régime aux termes duquel des compensations peuvent être obtenues, de sorte qu’on ne peut pas recourir aux droits de la common law qui pourraient autrement s’appliquer (par exemple, la restitution ou l’enrichissement sans cause). Voir Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 RCS 445, 92 DLR (4th) 51. En l’espèce, l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et l’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise remplacent les recours de la common law. Dans Sorbara c Canada (Attorney General), 2009 ONCA 506, la Cour d’appel de l’Ontario a de même conclu que le jugement de la Cour suprême dans Kingstreet ne créait pas de recours en recouvrement des taxes prévues par la common law lorsque l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt s’appliquait. Elle a déclaré aux paragraphes 4 et 5 :

[traduction]

 

¶4        […] nous pensons que les appelants interprètent Kingstreet de façon trop large. L’affaire Kingstreet portait sur le droit du contribuable de recouvrer des taxes payées de façon injustifiée à la province au titre d’une disposition sur l’imposition ultra vires. La Cour a statué que les principes constitutionnels, et non pas les principes d’enrichissement sans cause du droit privé, doivent s’appliquer au droit du contribuable de récupérer des taxes payées au titre d’une disposition d’imposition inconstitutionnelle […]

 

¶5        Nous n’interprétons pas Kingstreet comme créant une cause d’action constitutionnelle dont peut se prévaloir un contribuable chaque fois qu’il prétend avoir le droit de récupérer une taxe imposée au titre d’une application erronée ou d’une fausse interprétation d’une loi fiscale.

 

 

La troisième question : les questions de compétence

L’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise et l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt

 

[35]           L’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise prévoit que nul n’a le droit de recouvrer de l’argent versé au titre de la TPS, sauf disposition contraire expresse de cette loi :

Droits de recouvrement créés par une loi

312. Sauf disposition contraire expresse dans la présente partie, dans la Loi sur les douanes ou dans la Loi sur la gestion des finances publiques, nul n’a le droit de recouvrer de l’argent versé à Sa Majesté au titre de la taxe, de la taxe nette, d’une pénalité, des intérêts ou d’un autre montant prévu par la présente partie ou qu’elle a pris en compte à ce titre.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

Statutory recovery rights only

312. Except as specifically provided in this Part, the Customs Act or the Financial Administration Act, no person has a right to recover any money paid to Her Majesty as or on account of, or that has been taken into account by Her Majesty as, tax, net tax, penalty, interest or any other amount under this Part.

(Emphasis added)

 

 

 

[36]           L’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt prévoit que cette dernière a compétence exclusive pour entendre les questions découlant de la Loi sur la taxe d’accise, y compris la TPS :

Compétence

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, de la partie V.1 de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la Loi de 2001 sur l’accise, de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi de l’impôt sur les revenus pétroliers et de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

Jurisdiction

12. (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under the Air Travellers Security Charge Act, the Canada Pension Plan, the Cultural Property Export and Import Act, Part V.1 of the Customs Act, the Employment Insurance Act, the Excise Act, 2001, Part IX of the Excise Tax Act, the Income Tax Act, the Old Age Security Act, the Petroleum and Gas Revenue Tax Act and the Softwood Lumber Products Export Charge Act, 2006 when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

[37]           Par conséquent, le législateur a remplacé l’action en recouvrement de taxes prévue par la common law par un régime législatif auquel un contribuable est assujetti. L’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise indique clairement qu’elle s’applique à tout argent versé à titre de taxe. L’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt indique en outre clairement que la Cour canadienne de l’impôt a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels liés au recouvrement des sommes perçues à titre de TPS. Les demandeurs soutiennent que les sommes perçues ne constituaient pas une taxe, car elles ont été perçues de façon illégale à titre de TPS. Cela ne change en rien la compétence de la Cour canadienne de l’impôt, parce que la Loi sur la taxe d’accise prévoit que celle‑ci a compétence pour le recouvrement de toute somme perçue à titre de TPS. La déclaration modifiée reconnaît que les demandeurs ont versé les sommes à titre de TPS.

 

[38]           Dans British Columbia Ferry Corp c Canada (Ministre du Revenu national), 2001 CAF 146, 271 NR 345, le juge Strayer (tel était alors son titre) a statué, aux paragraphes 42 et 43, que la Loi sur la taxe d’accise prévoit que nul n’a le droit d’intenter une action pour le recouvrement de sommes payées à titre de taxes, comme le stipule la Loi sur la taxe d’accise ou toute autre loi du Parlement. Le juge Strayer déclare au paragraphe 43 :

[…] lorsque des taxes sont légalement perçues, même par suite d’une erreur de droit, les recours du contribuable étaient assujettis aux restrictions énoncées à la [loi], notamment en ce qui concerne les délais de prescription. Il ne pourrait y avoir de recouvrement fondé sur l’enrichissement sans cause, parce qu’une obligation légale de payer existait à l’origine. […]

 

Implicitement, la Cour d’appel fédérale a statué que le régime législatif du recouvrement a remplacé tout recours prévu dans la common law (ou, peut-on présumer, tout recours équitable).

 

[39]           Par conséquent, la Cour fédérale du Canada n’a pas compétence pour entendre ce recours collectif proposé pour recouvrer des sommes perçues à titre de TPS. La Cour suprême du Canada a jugé que, lorsqu’une loi fiscale prévoit un régime pour le recouvrement de taxes, les droits de la common law qui pourraient autrement s’appliquer ne peuvent être invoqués. Elle a affirmé au paragraphe 50 du Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 RCS 445 :

[…] tout droit à une rémunération pour le temps et la peine consacrés à la perception de la TPS devrait découler de la loi elle‑même, qui de toute évidence ne prévoit pas de telles dispositions générales. […] Comme notre Cour l’a récemment conclu dans Zaidan Group Ltd. c. London (Ville), [1991] 3 R.C.S. 593, conf. (1990), 71 O.R. (3d) 65 (C.A.), lorsqu’une loi crée un régime prévoyant une indemnisation, on ne peut se fonder sur les droits découlant de la common law qui auraient pu s’appliquer, n’eût été la loi.

 

[40]           Dans Sorbara c Attorney General of Canada, (2008) 93 OR (3d) 241, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a entendu une requête semblable visant à radier un recours collectif concernant la responsabilité des demandeurs en matière de TPS. La Cour a statué que la Loi sur la taxe d’accise avait préséance sur la compétence de la Cour de l’Ontario. Aux paragraphes 18 à 20, le juge Perell a déclaré :

[traduction]

 

18        Toutefois, en réalité, les Sorbara et d’autres contribuables peuvent recourir à des procédures et à des actions pour obtenir une décision concernant la TPS ou leur cotisation, de même qu’à un droit d’appel à la Cour canadienne de l’impôt. Les articles 261 et 296 à 312 de la Loi sur la taxe d’accise prévoient un régime législatif au moyen duquel une personne peut demander un remboursement de la TPS; ce régime prévoit en outre une procédure que les Sorbara et d’autres peuvent utiliser pour contester la validité d’une cotisation de TPS, et cette procédure prévoit un appel à la Cour canadienne de l’impôt.

 

19     En vertu de l’article 261 de la Loi sur la taxe d’accise, une personne qui a payé la taxe qu’elle n’avait pas à payer peut demander un remboursement au ministre du Revenu national. La demande doit toutefois être faite dans les deux ans suivant le versement de la taxe. Lorsqu’il reçoit la demande, le ministre doit l’examiner et évaluer le montant du remboursement, le cas échéant. Le ministre envoie sa décision au moyen d’un avis de cotisation. Une cotisation est réputée valable et exécutoire sous réserve d’une modification prononcée par suite d’une opposition ou d’un appel. Conformément aux paragraphes 299(3) et (4) de la Loi, la cotisation est exécutoire malgré les erreurs, les vices de forme ou les omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférente au titre de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise.

 

20     En vertu de l’article 301 de la Loi sur la taxe d’accise, lorsqu’elle reçoit l’avis de cotisation, la personne peut contester la validité de la décision du ministre en déposant un avis d’opposition. Le ministre doit alors réexaminer la cotisation, l’infirmer ou la confirmer ou établir une nouvelle cotisation. Il doit ensuite communiquer sa décision à la personne qui a produit un avis d’opposition qui, en vertu de l’article 306 de la Loi, peut interjeter appel à la Cour canadienne de l’impôt.

 

[41]           Ces paragraphes exposent la procédure que prévoit la Loi sur la taxe d’accise concernant :

a)      l’obtention d’un remboursement de la TPS qui n’était pas exigible;

b)      le délai de prescription de deux ans pour présenter cette demande;

c)      l’obligation du ministre d’examiner la demande et d’établir le montant du remboursement, le cas échéant;

d)     l’obligation du ministre d’envoyer la décision au moyen d’un avis de cotisation qui est réputé valide et exécutoire, à moins qu’un appel ait été interjeté;

e)      le caractère exécutoire de la cotisation, malgré les erreurs, les vices de forme ou les omissions du ministre au titre de la Loi sur la taxe d’accise;

f)       la possibilité pour le contribuable de déposer un avis d’opposition à la cotisation;

g)      l’obligation pour le ministre de réexaminer la cotisation, de l’infirmer ou de la confirmer et d’établir une nouvelle cotisation;

h)      le droit du contribuable d’interjeter ensuite appel à la Cour canadienne de l’impôt de la décision du ministre.

 

[42]           Le juge Perell a conclu au paragraphe 47 :

[traduction]

 

La jurisprudence appuie la proposition selon laquelle, si la Cour canadienne de l’impôt a reçu la compétence exclusive à l’égard de la question à trancher, la Cour supérieure n’a alors pas compétence pour ce faire.

 

[43]           À la suite de l’audience de la requête qui a eu lieu à Calgary le 17 mars 2009, la Cour a accepté de différer sa décision jusqu’à ce que la Cour d’appel ait rendu son jugement dans l’appel de Sorbara. L’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario a été rendu le 23 juin 2009; elle a rejeté de manière définitive l’appel et conclu que la Cour canadienne de l’impôt avait compétence exclusive. La Cour d’appel de l’Ontario a déclaré aux paragraphes 7 à 11 :

[traduction]

 

¶7        […] une cour supérieure a compétence pour instruire toutes les actions fondées sur la common law, à moins que cette compétence ne soit retirée de manière explicite et non équivoque par le législateur, en conformité avec la Constitution. Le juge des requêtes a également reconnu ce principe.

 

¶8        À notre avis, l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, lu conjointement avec les articles 261 et 296 à 312 de la Loi sur la taxe d’accise, exclut spécifiquement la compétence de la Cour supérieure de manière explicite et non équivoque.

 

¶9        La Loi sur la taxe d’accise fournit un cadre législatif complet concernant la demande de remboursement de la TPS payée par un contribuable au titre de la partie IX de cette loi. Ce cadre législatif établit également la procédure à suivre pour contester la validité de la cotisation établie par le ministre. Cette contestation se fait par voie d’avis d’opposition au ministre et, ultimement, d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt. L’article 312 de la Loi sur la taxe d’accise prévoit en particulier :

 

Sauf disposition contraire expresse dans la présente partie, […] nul n’a le droit de recouvrer de l’argent versé à Sa Majesté au titre de la taxe, de la taxe nette, d’une pénalité, des intérêts ou d’un autre montant prévu par la présente partie ou qu’elle a pris en compte à ce titre.

 

¶10      Comme il est mentionné ci-dessus, la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise établit une procédure détaillée pour recouvrer les sommes payées. Cette procédure se termine ultimement par une contestation de la décision du ministre par voie d’un appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Ce cercle législatif est complété par l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt qui prévoit que celle-ci :

a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels […] sur les questions découlant de […] la partie IX (la TPS) de la Loi sur la taxe d’accise.

 

11      Les dispositions législatives considérées dans leur ensemble, en plus du libellé explicite de l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, ne laissent aucun doute sur l’intention du législateur de donner compétence exclusive à la Cour canadienne de l’impôt pour instruire les demandes découlant de cotisations établies à l’égard de la TPS et les demandes des contribuables pour le remboursement de la TPS payée.

 

[44]           De même, dans Canada c Addison & Leyen Ltd, 2007 RCS 33, 284 DLR (4th) 385, la Cour suprême du Canada a affirmé au paragraphe 11 :

 […] Il y a lieu de protéger l’intégrité et l’efficacité du système de cotisation et d’appel en matière fiscale. Le Parlement a édifié une structure complexe pour assurer le traitement d’une multitude de revendications se rapportant au fisc, et cette structure s’appuie sur un tribunal spécialisé et indépendant, la Cour canadienne de l’impôt.  On ne saurait permettre que le contrôle judiciaire serve à créer une nouvelle forme de procédure connexe destinée à contourner le système d’appel établi par le Parlement en matière fiscale ainsi que la compétence de la Cour de l’impôt. […]

 

[45]            La Cour suprême traitait du rôle du contrôle judiciaire dans Addison, mais le même principe est applicable dans une action intentée devant la Cour fédérale pour recouvrer la TPS. Un recours collectif à la Cour fédérale ne doit pas servir à contourner le système d’appel établi par le législateur en matière fiscale ainsi que la compétence de la Cour canadienne de l’impôt, y compris le délai de prescription de ces appels.

 

[46]           Dans Canada c Addison & Leyen Ltd, précité, la Cour suprême du Canada a confirmé mon jugement selon lequel l’action devant la Cour fédérale devait être radiée. Cette action était fondée sur un abus de pouvoir de la Couronne dans la cotisation établie à l’encontre du contribuable et sur le fait que la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas compétence pour traiter des abus de pouvoir. Cette affaire est analogue à l’allégation des demandeurs selon laquelle les défendeurs font preuve de mauvaise foi dans l’administration de la TPS dans l’affaire qui nous occupe. Ce type d’action ne peut servir à contourner le système d’appel en recouvrement de taxes dont il est question ci-dessus. Même si le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique peut être porté contre un ministère, cette jurisprudence ne s’applique pas quand le législateur a adopté une loi précise qui donne compétence exclusive à la Cour canadienne de l’impôt pour le recouvrement de la TPS.

 

[47]           La Cour fédérale n’a pas compétence pour les questions de cotisations d’impôt sur le revenu simplement parce qu’un contribuable a omis d’interjeter appel en temps opportun de ses cotisations. Dans Roitman c Canada, 2006 CAF 266, 2006 DTC 6514, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, [2006] SCCA no 353, le juge Décary déclare au paragraphe 26 :

 […] Il va sans dire que la Cour fédérale n’acquiert pas compétence sur des questions de cotisations d’impôt simplement parce que le contribuable a omis, en temps opportun, de se prévaloir des mesures que la Loi de l’impôt sur le revenu l’autorise à prendre.

 

 

Par analogie, la Cour fédérale n’acquiert pas compétence dans les affaires de TPS simplement parce que les demandeurs ont omis de s’opposer au paiement de la TPS sur certains débours et n’ont pas interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Le juge Décary poursuit ensuite et cite, en l’approuvant, un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Smith c Canada, 2006 BCCA 237, où le contribuable avait intenté un recours collectif devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique contre la Reine du Chef du Canada. Au paragraphe 28 de l’arrêt Roitman, il cite le juge MacDonald qui a déclaré :

 Les causes d’action ont toutes un élément commun : il est allégué que les intimés ont agi d’une façon illicite envers les appelants en établissant les règles et en administrant le régime fiscal tel qu’il s’applique aux frais de repas. Il s’agit en réalité d’une contestation des cotisations établies par l’Agence du revenu du Canada. Étant donné que la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit des recours administratifs pour les cotisations d’impôt contestées, les questions en litige ne relèvent pas de la compétence de la Cour suprême.

 

[48]           Par analogie, en l’espèce, la Cour fédérale n’a pas compétence pour entendre une action portant sur l’administration de la TPS par l’ARC.

 

[49]           Dans Roitman, précité, le juge Décary a également déclaré, au paragraphe 16, que la Cour doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour, de façon un peu artificielle quant au délit fondé sur la négligence, afin de contourner l’application d’une loi telle que la Loi sur la taxe d’accise. Au paragraphe 20, le juge Décary a déclaré :

Il est établi en droit que la Cour fédérale n’a pas compétence pour attribuer des dommages‑intérêts ou pour accorder toute autre réparation sollicitée sur la base d’une nouvelle cotisation d’impôt non valide, à moins que la nouvelle cotisation n’ait été annulée par la Cour de l’impôt. Si elle attribuait de tels dommages‑intérêts ou accordait une telle réparation, elle se trouverait à permettre de contester accessoirement le bien‑fondé de la cotisation […]

 

Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas compétence pour traiter d’une cause d’action dans laquelle il est allégué que les défendeurs ont agi de manière illégitime en appliquant erronément et délibérément la loi sur la TPS, en commettant ainsi une faute dans l’exercice d’une charge publique. L’action est en fait une contestation de la cotisation fiscale. Étant donné que la Loi sur la taxe d’accise prévoit des recours administratifs pour les litiges relatifs à la TPS, la question de savoir si la TPS payée par les demandeurs est légalement exigible ou non ne relève pas de la compétence de la Cour, par suite d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt.

 

CONCLUSION

[50]           La Cour conclut qu’il est évident et manifeste que la déclaration modifiée ne révèle pas une cause d’action valable pour les raisons suivantes :

a)      un délit de faute contre la Couronne est fondé sur la responsabilité du fait d’autrui, parce qu’un fonctionnaire public particulier doit s’être livré à une conduite délibérée et illégitime et avoir été conscient que cette conduite était illégitime et qu’elle nuirait vraisemblablement au demandeur. Pour prouver que l’acte illégal était intentionnel et visait à nuire aux demandeurs, ces derniers doivent nommer le fonctionnaire public visé;

b)      les demandeurs n’ont pas invoqué de fait substantiel pour étayer leur prétention selon laquelle les actes illégaux allégués étaient délibérés et que le fonctionnaire public savait qu’ils l’étaient et voulait leur nuire;

c)      dans l’affaire de la Cour canadienne de l’impôt concernant le demandeur MLG, le juge Rossiter (tel était alors son titre) a décidé que les actions des vérificateurs de l’impôt à l’égard de MLG n’étaient pas délibérément illégales et ne visaient pas à nuire à MLG;

d)     il n’y a pas de cause d’action en restitution ou pour un montant perçu injustement au titre de la TPS. Tout appel d’un montant de TPS payé de manière injustifiée relève exclusivement de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[51]           Pour ces raisons, la Cour accueillera la requête en radiation de la présente action pour absence de cause d’action valable.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête visant l’obtention d’une ordonnance de radiation de la déclaration modifiée est accueillie.
  2. Les réclamations sont radiées, conformément à l’article 221 des Règles des Cours fédérales.
  3. Conformément au paragraphe 334.39(1) des Règles des Cours fédérales relativement aux recours collectifs, il n’est pas adjugé de dépens.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1761-07

 

INTITULÉ :                                      MERCHANT LAW GROUP ET AUTRES c L’AGENCE DU REVENU DU CANADA ET AUTRE

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 17 mars 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE KELEN

 

DATE :                                              Le 24 juillet 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Casey Churko

 

POUR LES DEMANDEURS (INTIMÉS)

Naomi Goldstein

 

POUR LES DÉFENDEURS (REQUÉRANTS)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Merchant Law Group

Avocats

Regina (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

(INTIMÉS)

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS (REQUÉRANTS)

 

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