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Cour fédérale

 

Federal Court



 Date : 20091118

 

Dossier : IMM-1803-09

Référence : 2009 CF 1174

 

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

MELODY ANGEL CROMHOUT

JEFF COLYN CROMHOUT

ANGEL CROMHOUT

MARY CROMHOUT

 

demandeurs

et

 

Le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

défendeur

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR), datée du 10 mars 2009, qui a rejeté la demande de protection des demandeurs, parce qu’ils avaient omis de fournir une preuve suffisante démontrant une crainte de risque personnel.

 

 

LES FAITS

Le contexte

[2]               Les demandeurs sont des citoyens d’Afrique du Sud. Melody Angel Cromhout, âgée de 41 ans, est la demanderesse principale. Elle est l’épouse de Jeff Colyn Cromhout, âgé de 45 ans, qui est un demandeur. Leurs enfants Angel Cromhout, âgé de 13 ans, et Mary, âgée de neuf ans, sont les demandeurs mineurs.

 

[3]               La famille de la demanderesse est arrivée au Canada le 8 mars 2004. Les demandeurs ont présenté une demande d’asile plus d’un an plus tard, soit le 28 septembre 2005. Ils ont omis de se présenter à l’audience relative à leur demande d’asile devant la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le 16 octobre 2007, et à l’audience ultérieure relative au désistement, le 2 janvier 2008.

 

[4]               Les demandeurs ne se sont pas présentés à une entrevue avant renvoi, le 28 avril 2008. Le conseil des demandeurs n’avait prétendument pas de permis et il ne les a pas informés des dates de comparution. Un mandat a été délivré pour l’arrestation des demandeurs le 1er mai 2008 et a été exécuté lors de l’arrestation de Mme Cromhout le 11 septembre 2008.

 

[5]               Le 19 novembre 2008, les demandeurs ont présenté deux demandes d’ERAR, une pour Mme Cromhout et l’autre pour M. Cromhout. Tous deux ont inclus leurs enfants à charge dans leur demande.

 

[6]               Les deux demandes d’ERAR ont été rejetées le 10 mars 2009 dans une décision unique. La demanderesse a présenté une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision d’ERAR.

 

[7]               Les 23 juin 2009, la Cour a ordonné le sursis d’exécution de la mesure d’expulsion. La Cour a accordé une autorisation le 4 août 2009.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[8]               Les demandeurs ont fondé leur demande sur les traumatismes combinés des deux parents subis en Afrique du Sud. Ces traumatismes constitueraient des « raisons impérieuses » au sens du paragraphe 108(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), qui justifieraient une exception à l’exigence de prouver la persécution future.

 

[9]               La demande de Mme Cromhout était fondée sur les sévices physiques et sexuels qu’elle avait subis de la part de son père et l’omission de l’État sud-africain de la protéger comme enfant ou comme adulte. L’avocat de Mme Cromhout a soutenu que les traumatismes qu’elle avait subis étaient la source de son omission de se présenter devant la Commission, après la déception causée par l’incompétence du conseil qui la représentait précédemment. On avait demandé à l’agent d’ERAR d’appliquer la théorie des raisons impérieuses à la lumière des antécédents de Mme Cromhout en Afrique du Sud et de prendre en compte l’omission de Mme Cromhout de se présenter aux audiences relatives à la demande d’asile et au désistement en fonction des Directives de la CISR fondées sur le sexe.

[10]           Mme Cromhout a présenté une chronologie des incidents de mauvais traitements aux mains de son père qui ont duré toute sa vie et l’omission ultérieure de l’État de lui offrir protection ou assistance. Mme Cromhout a fait valoir que les incidents de mauvais traitements se reproduiraient si elle retournait en Afrique du Sud. Mme Cromhout a soutenu qu’elle vivait dans la crainte que ses enfants vivent un jour dans le même pays que leur grand-père.

 

 

[11]           La demande de M. Cromhout était fondée sur le traumatisme qu’il avait vécu en servant dans le service de police d’Afrique du Sud. Lors de l’audience devant la Cour, l’avocat n’a pas fait entendre la cause de M. Cromhout, parce qu’il n’existait pas de preuve permettant de conclure qu’il avait besoin de protection.

 

[12]           L’agent a convenu que Mme Cromhout pouvait avoir subi de mauvais traitements en Afrique du Sud. Il a conclu que la demanderesse principale avait omis de présenter une preuve objective suffisante pour étayer la crainte d’un risque en Afrique du Sud.

 

[13]           L’agent d’ERAR a conclu que les demandeurs avaient omis de fournir une explication raisonnable relativement à leur absence aux audiences devant la Commission. Il a conclu que les demandeurs ne pouvaient pas contester la compétence du conseil précédent sans fournir de preuve que ce conseil avait été avisé des allégations. L’agent d’ERAR a pris en compte les Directives fondées sur le sexe, mais a conclu qu’elles n’expliquaient pas le défaut des demandeurs de se présenter aux audiences de la Commission.

 

[14]           L’agent d’ERAR a pris en compte les observations de l’avocat sur la théorie des raisons impérieuses, mais a décidé que le dossier ne contenait pas d’éléments de preuve donnant lieu à l’application du paragraphe 108(4) de la LIPR, vu l’omission de la demanderesse de présenter des rapports médicaux ou psychologiques concernant ses traumatismes.

 

[15]           L’agent a en outre conclu qu’il n’existait pas de preuve selon laquelle les demandeurs mineurs, respectivement âgés de huit et quatre ans lorsqu’ils sont arrivés au Canada, avaient été en rapport avec le père de Mme Cromhout ou avaient subi de mauvais traitements, et qu’ils seraient exposés à un risque s’ils retournaient en Afrique du Sud.

 

LES Dispositions législatives

[16]           L’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27, accorde la protection aux personnes qui sont des réfugiés au sens de la Convention :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions

politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette

crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa

résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

[17]           L’article 97 de la LIPR accorde la protection aux personnes qui seraient personnellement exposées à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumises à la torture :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au

sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans

le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires

de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not

have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning

of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the

protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard

of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

[18]           L’alinéa 108(1)e) de la LIPR prévoit le rejet de la demande d’asile ou de protection si les raisons pour lesquelles la demande a été présentée n’existent plus :

108. (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

 

 

 

[…]

 

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

108. (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

 

 

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

 

[19]           Le paragraphe 108(4) de la LIPR prévoit une exception à la règle générale prévue à l’alinéa 108(1)e) de la LIPR, si le demandeur établit qu’il existe des raisons impérieuses découlant de son expérience passée :

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur

prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à

des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to

avail themselves of the protection of the country

which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

 

[20]           L’alinéa 113b) permet au ministre de tenir une audience relative à un ERAR :

113. Il est disposé de la demande comme il

suit :

 

[…]

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

113. Consideration of an application for protection

shall be as follows:

 

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

[21]           L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) énonce les facteurs que le ministre doit prendre en compte avant de décider si une audience relative à un ERAR est nécessaire :

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles

96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne

la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à

la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility

and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

Les questions en litige

[22]           La demanderesse soulève les quatre questions suivantes :

a.       Existe-t-il des éléments de preuve à l’appui des observations des demandeurs concernant les questions en litige énoncées ci-après?

 

1.                  Existe-t-il une obligation d’aviser un conseil exerçant dans le domaine de l’immigration sans détenir un permis d’exercice concernant des allégations d’incompétence?

 

2.                  L’agent a-t-il commis une erreur de droit, outrepassé sa compétence ou manqué à l’équité en rejetant la crédibilité des demandeurs sans la tenue d’une audience?

 

3.                  L’agent a-t-il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence au regard du paragraphe 108(4) (« raisons impérieuses »)?

 

4.                  L’agent a-t-il commis une erreur de fait ou une erreur de droit, outrepassé sa compétence ou manqué à l’équité en ne se prononçant pas sur la question de la protection de l’État?

 

 

LA Norme de contrôle

 

[23]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, au paragraphe 62, la Cour suprême du Canada a statué que la première étape d’une analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». (Voir aussi Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53.)

 

[24]           Les deux premières questions concernent l’équité procédurale et des questions de droit et, à ce titre, elles sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (voir plus particulièrement en ce qui a trait à l’obligation d’aviser le conseil d’une allégation d’incompétence : Nizar c. Canada (MCI), 2009 CF 557, la juge Heneghan, au paragraphe 13; Ahmad c. Canada (MCI), 2008 CF 646, la juge Dawson, au paragraphe 14; plus particulièrement concernant l’exigence de tenir une audience : Latifi c. Canada (MCI), 2006 CF 1388, le juge Russell, au paragraphe 31; Rizvi c. Canada (MCI), 2008 CF 817, le juge Lemieux, au paragraphe 20; Shafi c. Canada (MCI), le juge Phelan, au paragraphe 10; Tekie c. Canada (MCI), 2005 CF 27, le juge Phelan; ma décision dans Zokai c. Canada (MCI), 2005 CF 1103, au paragraphe 11).

 

[25]           La conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle les expériences de M. et Mme Cromhout n’atteignent pas le niveau des « raisons impérieuses » prévues au paragraphe 108(4) est une conclusion de fait ou une conclusion mixte de droit et de fait et est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (voir ma décision dans J.P.H.Q.G. c. Canada (MCI), 2008 CF 1329, au paragraphe 23, citant Decka c. Canada (MCI), [2005] A.C.F. no 1029, 2005 CF 822, 140 A.C.W.S. (3d) 354, le juge Mosley, au paragraphe 5).

 

[26]           La dernière question vise la présentation de motifs adéquats, qui concerne l’équité procédurale et est donc susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Alexander c. Canada (MCI), 2006 CF 1147, [2006] 2 R.C.F. 681, la juge Dawson, au paragraphe 24).

 

[27]           En examinant la décision de l’agent en fonction de la norme de la raisonnabilité, la Cour prendra en compte « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu[e] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (Dunsmuir, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59.)

 

ANALYSE

[28]           Avant de discuter des questions soulevées par la demanderesse principale, la Cour conclut que l’agent d’ERAR a rejeté la présente demande au motif de l’insuffisance de preuve d’un risque grave pour les demandeurs, s’ils étaient expulsés en Afrique du Sud. La Cour conclut qu’il était raisonnablement loisible à l’agent d’ERAR de tirer cette conclusion.

 

 

 

 

 

La première question :          Existe-t-il une obligation d’aviser un conseil exerçant dans le domaine de l’immigration sans détenir un permis d’exercice concernant des allégations d’incompétence?

 

[29]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur de droit en décidant qu’il existait une obligation d’informer un consultant en immigration qui n’a pas de permis des allégations d’incompétence. Les demandeurs font valoir que la présente affaire se distingue des arrêts de principe sur le sujet, parce que le consultant en l’espèce ne détenait pas de permis d’exercice et que les demandeurs ne pouvaient donc pas présenter de plainte à un organisme de réglementation.

 

[30]           La décision Shirvan c. Canada (MCI), 2005 CF 1509, rendue par le juge Teitelbaum (paragraphe 31) est la décision qui fait autorité concernant la question d’informer un conseil des allégations d’incompétence invoquées contre lui. Dans la décision Shirvan, précitée, la Cour a statué, aux paragraphes 31 et 32, qu’avant l’examen des allégations d’incompétence, le demandeur doit s’acquitter du fardeau préliminaire d’aviser le conseil précédent des allégations.

 

[31]           Contrairement à l’observation des demandeurs, une lettre ou une plainte à un organisme de réglementation n’est pas le seul avis acceptable que la Cour acceptera comme condition préalable à l’examen des allégations d’incompétence d’un conseil.

 

[32]           Dans la décision Betesh c. Canada (MCI), 2008 CF 173, au paragraphe 17, le juge O’Reilly a statué que l’exigence de donner un avis est respectée lorsque le demandeur dépose une plainte auprès d’un organisme de réglementation, dans cette affaire la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI), ou lorsque le demandeur fournit une preuve selon laquelle le consultant a été informé des allégations contre lui.

 

[33]           Il appartenait aux demandeurs, qui étaient représentés par un nouveau conseil lorsqu’ils ont présenté une demande d’ERAR, d’envoyer une lettre à leur consultant en immigration pour l’informer des allégations d’incompétence contre lui dans les observations relatives à l’ERAR. Il incombe aux demandeurs de fournir la preuve nécessaire pour étayer leurs allégations. L’agent n’était pas tenu d’avertir les demandeurs de l’exigence de fournir la preuve d’un avis transmis à leur consultant en immigration.

 

[34]           L’agent a interprété le droit correctement lorsqu’il a décidé qu’il ne pouvait pas prendre en compte les allégations des demandeurs selon lesquelles le conseil était inadéquat au moment des audiences de la Commission, en raison de l’absence d’avis au conseil.

 

La deuxième question :         L’agent a-t-il commis une erreur de droit, outrepassé sa compétence ou manqué à l’équité en rejetant la crédibilité des demandeurs sans la tenue d’une audience?

 

[35]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité en se fondant sur l’omission des demandeurs de fournir une explication raisonnable de leur défaut de se présenter aux audiences de la Commission. L’agent a outrepassé sa compétence en tirant une conclusion quant à la crédibilité sans l’avantage d’une audience, conformément à l’alinéa 113b) de la LIPR et à l’article 167 du Règlement.

 

[36]           L’article 167 du Règlement et l’alinéa 113b) de la LIPR énoncent les exigences relatives à la tenue d’une audience dans le cadre d’un ERAR. Le respect des trois alinéas de l’article 167 indique qu’une audience peut être nécessaire (L.Y.B. c. Canada (MCI), 2009 CF 462, le juge Shore, au paragraphe 12) [souligné dans l’original]. En d’autres termes, lorsque les exigences de l’article 167 sont respectées, il existe une présomption en faveur d’une audience (Shafi, précitée, aux paragraphes 20 et 21). La loi ne prévoit toutefois pas d’obligation de tenir une audience.

 

[37]           La loi ne prévoit pas non plus d’obligation de tenir une audience lorsqu’un agent apprécie le poids ou la valeur probante de la preuve sans prendre en compte la question de savoir si elle est crédible (Ferguson c. Canada (MCI), 2008 CF 1068, le juge Zinn, aux paragraphes 26 et 27).

 

[38]           Les exigences de l’article 167 du Règlement ne sont pas respectées en l’espèce. L’agent d’ERAR a clairement déclaré que la demanderesse avait omis de présenter une preuve suffisante pour démontrer sa crainte de risque. La demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations de risque ou de traumatisme. Les commentaires de l’agent concernant l’absence d’une excuse pour ne pas avoir comparu devant la Commission n’ont eu aucune incidence sur l’issue finale de l’ERAR. Les motifs de l’agent ne contiennent aucune ambiguïté qui pourrait amener la Cour à statuer que l’agent a omis de faire une distinction entre les conclusions quant à l’insuffisance et celles quant à la crédibilité.

 

[39]           Ce motif de contrôle doit donc échouer.

 

La troisième question :          L’agent a-t-il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence au regard du paragraphe 108(4) (« raisons impérieuses »)?

 

[40]           La demanderesse soutient que l’agent d’ERAR a commis une erreur en rejetant la demande de réparation selon la théorie des « raisons impérieuses », parce qu’elle n’avait pas fourni de preuve médicale des séquelles psychologiques permanentes découlant des mauvais traitements.

 

[41]           Le défendeur fait valoir que le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas en l’espèce, parce que l’agent n’a pas conclu que les demandeurs étaient des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger.

 

[42]           La jurisprudence est claire. Avant qu’un tribunal ou un agent entreprenne une analyse des raisons impérieuses, « [il] doit d’abord conclure qu’il existait une demande valide du statut de réfugié (ou de personne à protéger) et que les motifs de la demande ont cessé d’exister (en raison d’un changement de la situation dans le pays) ». (Voir les décisions suivantes de la juge Layden‑Stevenson dans Brovina c. Canada (MCI), 2004 CF 635, au paragraphe 6; Kudar c. Canada (MCI), 2004 CF 648, au paragraphe 10; B.R. c. Canada (MCI), 2006 CF 269, au paragraphe 31; Naivelt c. Canada (MCI), 2004 CF 1261, la juge Snider, au paragraphe 37.) En l’absence d’une conclusion de persécution ou de risque passé, le paragraphe 108(4) ne s’applique pas.

 

[43]           En l’espèce, les demandeurs n’ont pas convaincu l’agent qu’ils craignaient d’être exposés à un risque en Afrique du Sud. Il n’était pas déraisonnable que l’agent conclût que l’allégation de la demanderesse n’était pas suffisante pour démontrer qu’elle craignait l’exposition à un risque si sa famille retournait en Afrique du Sud. Puisqu’il a été déclaré que la demanderesse n’était pas une personne à protéger, le paragraphe 108(4) ne s’applique pas.

 

[44]           La décision de l’agent selon laquelle le paragraphe 108(4) ne s’applique pas en l’espèce est raisonnable et ne devrait pas être modifiée.

 

La quatrième question :         L’agent a-t-il commis une erreur de fait ou une erreur de droit, outrepassé sa compétence ou manqué à l’équité en ne se prononçant pas sur la question de la protection de l’État?

 

[45]           Les demandeurs soutiennent que l’agent d’ERAR a commis une erreur en rejetant la demande sans prendre en compte ni analyser la question d’une protection adéquate de l’État. Les demandeurs font valoir que les motifs de l’agent sont insuffisants à cet égard et constituent un manquement à l’obligation d’équité. Il n’est pas nécessaire d’examiner cette question, vu les conclusions de la Cour à l’égard des autres questions.

 

QUESTION À CERTIFIER

[46]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulevait pas de question grave de portée générale à certifier. La Cour est d’accord.

 

 


jugement

 

LA COUR STATUE que :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1803-09

 

Intitulé :                                       MELODY ANGEL CROMHOUT et al. c. Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 octobre 2009

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       le 18 novembre 2009

 

 

 

Comparutions :

 

Micheal Crane

 

Pour les demandeurs

Michael Butterfield

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

 

Pour les demandeurs

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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