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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date :  20100107

Dossier :  IMM-1396-09

Référence :  2009 CF 1243

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

ERNST SAINT JEAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT MODIFIÉS

 

I.  Au préalable

[1]               La seule question en l’espèce est de déterminer si le demandeur est assujetti à l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR), à savoir si ses infractions sont des contraventions au sens de la Loi sur les contraventions, L.R.C., 1992, ch. 47 ou une infraction à la Loi sur les jeunes contrevenants. Cette dernière loi a été abrogée et remplacée, depuis le 1er avril 2003, par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.R.C. 2002, ch. 1 (LSJPA).

 

[2]               Il appert de la transcription de l’audition du 29 août 2007 que le demandeur a été avisé de la demande de la couronne de l’assujettir à une peine pour adulte. Le procureur du demandeur a indiqué que son client n’avait aucune objection à l’assujettissement (Transcription d’audience du 29 août 2007 à la p. 3; Pièce « D » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[3]               La LSJPA prévoit que lorsqu’une décision est prise d’assujettir un jeune, c’est que l’on considère qu’il ne peut plus être protégé comme un autre jeune par la LSJPA – il doit être traité comme un adulte et jugé en fonction du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46 (C.Cr.). C’est précisément la situation de monsieur Saint Jean.

 

[4]               C’est ainsi que les infractions reprochées à monsieur Saint Jean ne sauraient être qualifiées de contraventions au sens de la Loi sur les contraventions ou d’une infraction à la LSJPA. L’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR n’est donc pas applicable à monsieur Saint Jean, et celui-ci devait être interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[5]               Également, la Cour se réfère aux objets de la LIPR décrit dans l’alinéa 3h) et i) de cette loi qui spécifie que le but de la LIPR est:

3.      [...]

 

h)   de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité;

 

 

 

i)   de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité;

 

[...]

3.      …

 

(h)  to protect the health and safety of Canadians and to maintain the security of Canadian society;

 

(i)  to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons who are criminals or security risks; and

 

 

 

 

[6]               [1]        Selon la plume du juge Marshall Rothstein, dans l’arrêt Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85, [2005] 3 R.C.F. 487, de la Cour d’appel fédérale, où le juge Rothstein a siégé avec les juges Marc Noël et Brian Malone :

 

[56]      La Section de l'immigration a estimé que M. Poshteh avait poursuivi ses activités au sein de la MEK jusqu'à l'âge de dix-sept ans et onze mois. Lorsqu'un mineur de cet âge a connaissance des activités violentes d'une organisation, qu'il accepte de son plein gré un rôle dans cette organisation, qu'il exerce ce rôle durant deux ans et qu'il ne quitte l'organisation qu'après avoir été arrêté, on ne saurait dire qu'il est déraisonnable pour la Section de l'immigration de ne pas avoir accepté ses arguments fondés sur son statut de mineur et de l'avoir considéré comme un membre de l'organisation terroriste.

 

[...]

 

[59]      Je ne crois pas que la Convention relative aux droits de l'enfant soit pertinente ici. Aux fins de la Convention, la décision rendue dans la présente affaire résulte d'une procédure engagée devant la Section de l'immigration. Cependant, lorsque l'affaire a été étudiée par la Section de l'immigration, M. Poshteh n'était plus un mineur. Il avait dix-huit ans lorsqu'il est arrivé au Canada. Après lecture de la Convention, je suis d'avis qu'elle concerne l'intérêt des enfants tant qu'ils sont des enfants. Elle ne prétend pas conférer des droits aux adultes.

 

[…]

 

[64]      Je répondrai de la manière suivante à la question certifiée :

 

[...]

 

b)         la Convention relative aux droits de l'enfant ne s'applique pas lorsque l'instance et la décision surviennent alors que l'intéressé n'est plus un mineur;

 

(Toussaint c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 688, [2009] A.C.F. no 828 (QL)).

 

II.  Introduction

[7]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue par monsieur Rolland Ladouceur, commissaire à la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 5 mars 2009.

 

[8]               La Commission a conclu que le demandeur était  interdit de territoire pour grande criminalité au sens de l’article 36(1)a) de la  LIPR et qu’il n’était pas visé par l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la même loi.

 

[9]               Plus précisément, le commissaire a conclu que le demandeur n’était pas un citoyen canadien, qu’il avait été déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois a été infligé et finalement, que l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR n’était pas applicable en l’espèce puisqu’il a été assujetti à une peine applicable aux adultes.

 

III.  Remarques préliminaires

            Demande de contrôle judiciaire de la Section d’appel de l’immigration

[10]           Le demandeur a également porté en appel la décision de la Commission devant la Section d’appel de l’immigration (SAI).

 

[11]           Le 26 mai 2008, la SI a rejeté la demande d’appel pour défaut de compétence conformément aux paragraphes 64(1) et 64(2) de la LIPR, tel qu’il appert de la décision de la SAI, pièce « A » de l’affidavit de Dominique Toillon.

 

[12]           La SAI a également conclu que l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR ne s’appliquait pas au demandeur et le tribunal n’avait pas erré à ce sujet (Décision de la SAI du 26 mai 2009 : Pièce « A » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[13]           Le 22 juin 2009, le demandeur a déposé au greffe de cette Cour une Demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ) à l’encontre de la décision de la SAI dans le dossier IMM-3195-09.

 

[14]           Après que le demandeur apportait la décision de la SI en appel devant la SAI, la SAI a conclu qu’elle n’avait pas juridiction pour entendre l’appel et a confirmé la décision de la SI concernant l’inapplicabilité de l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR. Le demandeur a déposé une DACJ de cette décision dans le dossier IMM-3195-09. La demande d’autorisation dans ce dossier n’a pas encore été tranchée par la Cour.

 

Condamnations criminelles

[15]           Le demandeur réitère à maintes reprises dans son mémoire qu’il n’est pas coupable des accusations criminelles qui ont été portées contre lui. Il prétend avoir simplement été au mauvais endroit au mauvais moment et blâme son ancien avocat de lui avoir mal conseillé de plaider coupable aux accusations.

 

[16]           D’abord, les allégations d’innocence du demandeur ainsi que les accusations graves contre son avocat ne sont même pas étayées par son propre affidavit, qui est d’ailleurs complètement silencieux sur ces points-clés. Il en est ainsi pour plusieurs autres allégations qui se trouvent dans son mémoire, notamment sa version des événements qui a mené à son arrestation et à sa condamnation (Affidavit d’Ernst Saint Jean du 14 mai 2009, Dossier du demandeur (DD) à lap. 32).

 

[17]           En ce qui concerne les allégations diffamatoires contre son ancien avocat (DD à la p. 59, par. 12), il est à noter que le demandeur ne présente aucune preuve qu’une plainte aurait été déposée contre cet avocat auprès du Barreau.

 

[18]           En l’espèce, la preuve sur les accusations au criminel a été faite devant le propre tribunal, preuve que la présente Cour n’a pas devant elle. Le demandeur a plaidé coupable à ces accusations et a été condamné (Ordonnance de peine du 29 août 2009 : DD à la p. 32).

[19]           Il n’y a aucune preuve que le demandeur aurait contesté la condamnation au criminel ni même la sentence qui a été prononcée par la Cour du Québec agissant à titre de Tribunal pour adolescents.

 

[20]           Il tente maintenant de contester indirectement ce qu’il n’a pas jugé utile de contester directement.

 

[21]           Or, ce n’est pas le rôle de cette Cour d’évaluer le bien-fondé de cette décision antérieure. Il s’agit en l’espèce de chose jugée.

 

Erreur dans la Demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

[22]           La DACJ sous-jacente à la présente requête en sursis indique erronément que la décision de la Commission a été rendue par le commissaire Louis Dubé, tel qu’il appert de la page 7 du dossier du demandeur.

 

[23]           En l’espèce, la décision contestée a été rendue le 5 mars 2009 par monsieur Rolland Ladouceur, tel qu’il appert du procès-verbal de l’audience à la page 7 du dossier du demandeur. La DACJ est donc amendée afin d’éviter toute confusion.

 

 

 

 

III.  Faits

[24]           Le demandeur, monsieur Ernst Saint Jean, né le 15 mai 1989, est un citoyen d’Haïti. Il est arrivé au Canada, le 26 février 2003 à titre de résident permanent, parrainé par son père (Procès-verbal de l’audience du 5 mars 2009 à la p. 5, DD à la p. 12).

 

[25]           Il est toujours résident permanent et n’est jamais devenu citoyen canadien (Confirmation de résidence permanente, en liasse : Pièce « B » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[26]           Le 29 août 2007, monsieur Saint Jean a été déclaré coupable des accusations suivantes, commises en 2005 alors qu’il avait 15 ans : un chef de voies de fait graves (268 C.Cr.), un chef de voies de fait armées (267a) C.Cr.), un chef de voies de fait causant lésion (267b) C.Cr.) et un chef de port d’arme dans un dessein dangereux (88(2) C.Cr. (Ordonnance de peine, en liasse : Pièce « C » de l’affidavit de Dominique Toillon)).

 

[27]           Monsieur Saint Jean a reçu une sentence de cinq (5) mois en plus des 25 mois qui lui ont été crédités pour le temps préventif déjà purgé.

 

[28]           Monsieur Saint Jean a été assujetti à une peine pour adulte. Le 29 août 2007, son placement a été ordonné dans un établissement correctionnel pour adultes, un pénitencier (Ordonnance de peine du 29 août 2009; DD à la p. 32).

 

[29]           Monsieur Saint Jean n’a pas contesté la demande d’assujettissement à une peine pour adulte (Transcription de jugement du 29 août 2007; Pièce « D » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[30]           Le 5 mars 2009, la Commission a conclu que monsieur Saint Jean était inadmissible pour grande criminalité selon l’article 36(1)a) de la LIPR. La Commission a également conclu que l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR n’était pas applicable à monsieur Saint Jean en raison du fait qu’il avait été assujetti à une peine pour adulte. La Commission a prononcé une mesure de renvoi contre monsieur Saint Jean.

 

[31]           Suite à la décision négative de la Commission, monsieur Saint Jean a déposé une demande d’Évaluation des risques avant renvoi (ERAR). Il a également fait une demande d’appel de la décision de la Commission devant la SAI.

 

[32]           Le 20 mars 2008, monsieur Saint Jean a déposé la présente DACJ à l’encontre de la décision de la Commission.

 

[33]           Le 4 mai 2009, une décision négative fut rendue sur l’ERAR.

 

[34]           Le 15 mai 2008, monsieur Saint Jean a déposé une demande de sursis de la mesure de renvoi vers Haïti prévue pour le 9 mai 2009. Le sursis a été greffé à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[35]           Le 18 mai 2008, la Cour a accordé le sursis dans le présent dossier, estimant que la mesure de renvoi n’était pas effective, étant donné l’appel de monsieur Saint Jean à la SAI de la décision de la Commission et l’absence de décision sur cette demande d’appel (Ordonnance du 18 mai 2008 : Pièce « E » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[36]           Le 19 mai 2008, monsieur Saint Jean a déposé une DACJ à l’encontre de la décision négative d’ERAR dans le dossier IMM-2495-09.

 

[37]           Le 26 mai 2008, la SAI a refusé l’appel de monsieur Saint Jean pour défaut de compétence, tel que demandé par le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. La SAI a également conclu que l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR n’était pas applicable à monsieur Saint Jean (Décision de la SAI du 26 mai 2009 : Pièce « A » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

IV.  Question en litige

[38]           Est-ce que la décision de la Commission est fondée en droit?

 

V.  Analyse

[39]           Le présent dossier soulève uniquement une question de droit.

 

[40]           Monsieur Saint Jean est toujours résident permanent. Il n’a jamais obtenu sa citoyenneté au Canada (Confirmation de résidence permanente, en liasse : Pièce « B » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[41]           La Cour donne raison à la partie défenderesse. Il ne fait aucun doute que les sanctions imposées à monsieur Saint Jean aux infractions commises au Canada constituent de la grande criminalité au sens de l’article 36(1) de la LIPR :

36.       (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

36.      (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

[42]           Pour la seule infraction de voies de fait graves (268 C.Cr.), l’emprisonnement maximal est de quatorze (14) ans. Puisque monsieur Saint Jean a été déclaré coupable de cette infraction, cela suffit pour qu’il soit interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[43]           De même, la Cour est d’avis que l’emprisonnement de monsieur Saint Jean était largement supérieur à six (6) mois (voir dossier : re-activités criminelles; sentence – peine globale de trente mois suite à sa condamnation).

 

[44]           En l’espèce, conformément aux alinéas 62b) et 72(1)b) de la LSJPA, il ne fait aucun doute que monsieur Saint Jean a été assujetti à la peine applicable aux adultes :

Assujettissement à la peine applicable aux Adultes

 

62.      La peine applicable aux adultes est imposée à l’adolescent déclaré coupable d’une infraction pour laquelle un adulte serait passible d’une peine d’emprisonnement de plus de deux ans lorsque :

 

a) dans le cas d’une infraction désignée, le tribunal rend l’ordonnance visée au paragraphe 70(2) ou à l’alinéa 72(1)b);

 

 

b) dans le cas d’une autre infraction commise par l’adolescent après qu’il a atteint l’âge de quatorze ans, le tribunal rend l’ordonnance visée au paragraphe 64(5) ou à l’alinéa 72(1)b).

 

[...]

 

Ordonnance d’assujettissement ou de non assujettissement

 

72.      (1) Pour décider de la demande entendue conformément à l’article 71, le tribunal pour adolescents tient compte de la gravité de l’infraction et des circonstances de sa perpétration et de l’âge, de la maturité, de la personnalité, des antécédents et des condamnations antérieures de l’adolescent et de tout autre élément qu’il estime pertinent et :

 

a) dans le cas où il estime qu’une peine spécifique conforme aux principes et objectif énoncés au sous-alinéa 3(1)b)(ii) et à l’article 38 est d’une durée suffisante pour tenir l’adolescent responsable de ses actes délictueux, il ordonne le non-assujettissement à la peine applicable aux adultes et l’imposition d’une peine spécifique;

 

 

b) dans le cas contraire, il ordonne l’imposition de la peine applicable aux adultes.

 

 

 

 

 

 

 

 

(La Cour souligne).

Imposition of adult sentence

 

 

62.      An adult sentence shall be imposed on a young person who is found guilty of an indictable offence for which an adult is liable to imprisonment for a term of more than two years in the following cases:

 

(a) in the case of a presumptive offence, if the youth justice court makes an order under

subsection 70(2) or paragraph 72(1)(b); or

 

(b) in any other case, if the youth justice court makes an order under subsection 64(5) or paragraph 72(1)(b) in relation to an offence committed after the young person attained the age of fourteen years.

 

 

Test — adult sentences

 

 

 

72.      (1) In making its decision on an application heard in accordance with section 71, the youth justice court shall consider the seriousness and circumstances of the offence, and the age, maturity, character, background and previous record of the young person and any other factors that the court considers relevant, and

 

 

(a) if it is of the opinion that a youth sentence imposed in accordance with the purpose and principles set out in subparagraph 3(1)(b)(ii) and section 38 would have sufficient length to hold the young person accountable for his or her offending behaviour, it shall order that the young person is not liable to an adult sentence and that a youth sentence must be imposed; and

 

(b) if it is of the opinion that a youth sentence imposed in accordance with the purpose and principles set out in subparagraph 3(1)(b)(ii) and section 38 would not have sufficient length to hold the young person accountable for his or her offending behaviour, it shall order that an adult sentence be imposed.

 

 

(Ordonnance de peine; DD à la p. 32 : Transcription de l’audience du 29 août 2007 à la p. 24; Pièce « D » de l’affidavit de Dominique Toillon).

 

[45]           C’est ainsi que les infractions reprochées à monsieur Saint Jean ne sauraient être qualifiées de contraventions au sens de la Loi sur les contraventions ou d’une infraction à la LSJPA. L’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR n’est donc pas applicable à monsieur Saint Jean, et celui-ci devait être interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[46]           Dans le dossier Tessma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1126, 240 F.T.R. 43, qui impliquait l’ancienne Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), le juge Michael Kelen concluait qu’un jeune qui était au départ assujetti au tribunal pour adolescents sous la LJC et qui était par la suite déclaré coupable en vertu du Code criminel n’était pas visé par l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR. Les paragraphes des motifs se lisent comme suit :

[13]      Il n'existe pas d'ambiguïté ou de lacune dans la LIPR à l'égard d'un jeune contrevenant qui était au départ soumis au tribunal pour adolescents suivant la LJC, mais qu'un juge d'un tel tribunal a renvoyé à la juridiction normalement compétente et qui, par la suite, a été déclaré coupable d'infractions au Code criminel devant la juridiction normalement compétente comme s'il était un adulte.

 

[14]      Suivant le paragraphe 16(7) de la LJC, après que le juge du tribunal pour adolescents a rendu une ordonnance visant le renvoi à la juridiction normalement compétente, l'instance suivant la LJC est abandonnée et l'instance relative aux accusations criminelles a lieu devant la juridiction normalement compétente.

 

[15]      L'un des motifs justifiant le renvoi d'un jeune contrevenant du tribunal pour adolescents à la juridiction normalement compétente pour adultes est la protection du public. Le tribunal pour adolescents doit tenir compte de la gravité des infractions alléguées et des circonstances dans lesquelles ces infractions ont été commises.

 

[16]      Je suis d'avis que l'interprétation correcte du paragraphe 16(7) de la LJC est l'interprétation selon laquelle le demandeur n'est pas jugé pour des infractions à la LJC, au même sens que l'expression est utilisée pour l'exception prévue à l'alinéa 36(3)e) de la LIPR, lorsqu'une ordonnance est rendue relativement au renvoi des accusations du tribunal pour adolescents devant la juridiction normalement compétente. Les déclarations de culpabilité du demandeur dans la présente affaire sont des déclarations de culpabilité par la juridiction normalement compétente à l'égard d'actes criminels prévus au Code criminel et n'ont pas de liens avec des infractions à la LJC. Pour ce motif, l'exception prévue dans la LIPR n'est pas applicable [...] (La Cour souligne).

 

[47]           L’affaire Tessma a été rendue sous le régime de la LJC où la procédure était de référer le jeune à un tribunal pour adulte. Cette procédure de référence n’est plus en place sous la LSJPA (Les différences entre l’ancienne et la nouvelle loi sont expliquées dans la décision Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Toussaint, 2007 CanLII 60413 (C.I.S.R.)).

 

[48]           Pour toutes les raisons ci-dessus mentionnées, la Commission n’a pas erré en concluant que monsieur Saint Jean ne pouvait bénéficier de l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR.

 

[49]           En l’espèce, la Commission a constaté les faits suivants : monsieur Saint Jean n’est pas un citoyen canadien; il a été condamné à une peine d’adulte pour avoir commis des infractions au Code criminel ayant une peine maximale de plus de 10 ans; et l’exception prévue à l’alinéa 36(3)e) n’était pas applicable puisqu’il a été assujetti à une peine pour adulte.

 

[50]           La Commission n’a commis aucune erreur en concluant que monsieur Saint Jean était interdit de territoire pour grande criminalité et en émettant une mesure d’expulsion du Canada à son égard.

 

[51]           Monsieur Saint Jean n’a soulevé aucune question sérieuse à l’encontre de la décision de la Commission.

 

[52]           L’argumentation de monsieur Saint Jean traite de plusieurs questions qui ne sont pas pertinentes afin de déterminer s’il existe une erreur dans la décision de la Commission.

 

[53]           À ce titre, l’argumentation de monsieur Saint Jean fondée sur des motifs humanitaires, la résidence de facto de monsieur Saint Jean au Canada ou le danger de retour en Haïti, n’est pas pertinente pour déterminer si monsieur Saint Jean doit être interdit de territoire ou non.

 

[54]           Le rôle de la section d’immigration n’est pas de trancher la question de l’éventuel renvoi de monsieur Saint Jean vers Haïti. Le rôle de la Commission est plutôt de déterminer si monsieur Saint Jean doit être interdit de territoire pour grande criminalité au sens de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. La situation qui prévaudrait dans le pays de nationalité de monsieur Saint Jean est sans incidence sur la décision que doit rendre la Commission.

 

[55]           En effet, la LIPR prévoit d’autres mécanismes pour apprécier cette question, notamment la demande de protection dans le cadre de l’ERAR.

[56]           Monsieur Saint Jean a présenté une demande d’ERAR. La demande a été considérée et refusée.

 

[57]           Monsieur Saint Jean a déposé une DACJ à l’encontre de cette décision dans le dossier IMM-2495-09. En effet, la DACJ de la décision ERAR dans le dossier IMM-2495-09 a été rejeté par la Cour en date du 21 septembre 2009. C’est dans ce contexte, et non dans le cadre du présent dossier, que monsieur Saint Jean pourra contester le bien-fondé de l’évaluation de ses risques de retour.

 

[58]           En ce qui concerne l’allégation que monsieur Saint Jean devrait avoir un droit d’appel de la décision de la Commission devant la SAI, cette allégation va à l’encontre de la décision de la SAI refusant au demandeur un droit d’appel. Ces arguments ne sont pas pertinents dans le présent contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Commission.

 

[59]           Eu égard à l’argumentation liée à la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) et aux engagements du Canada en matière de droit de l’enfant, dans la mesure où monsieur Saint Jean ne commente pas les dispositions pertinentes de la LSJPA qui prévoient l’assujettissement d’adolescents à la peine applicable aux adultes, sa contestation est sans fondement.

 

[60]           De plus, la LSJPA réfère, dans son préambule, à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.

 

[61]           Monsieur Saint Jean reproche également à la Commission d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’intention du législateur à l’alinéa 36(3)e) de la LIPR. Tel qu’indiqué dans l’affaire Tessma, ci-dessus, il n’est pas dans l’intention du législateur de proscrire l’interdiction de territoire pour une personne ayant commis des infractions au Code criminel.

 

VI.  Conclusion

[62]           Compte tenu de ce qui précède, les documents déposés par monsieur Saint Jean au soutien de sa demande de contrôle judiciaire ne font valoir aucun motif sérieux susceptible de permettre à cette Cour d’intervenir au présent dossier afin d’annuler la décision de la Commission.

 

[63]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1396-09

 

INTITULÉ :                                      ERNST SAINT JEAN

                                                            c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 2 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     le 7 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stewart Istvanffy

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Suzanne Trudel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

STEWART ISTVANFFY, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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