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Cour fédérale

 

Federal Court



 

Date : 20100105

Dossier : IMM-2547-09

Référence : 2010 CF 7

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

INDERJIT KAUR DHALIWAL

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’égard d’une décision en date du 11 mai 2009 de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rejetant l’appel de la demanderesse d’une décision d’un agent des visas refusant la délivrance à son conjoint d’un visa de résident permanent au titre du regroupement familial parce que le mariage de la demanderesse n’était pas authentique et avait pour fin première l’immigration.

 

LES FAITS

Contexte

[2]               La demanderesse, âgée de cinquante (50) ans, est une citoyenne canadienne ayant émigré de l’Inde en 1991 en compagnie de son premier mari et ses quatre enfants. La demanderesse s’est séparée de son premier mari en 1999 et leur divorce a été prononcé le 26 mars 2005. Je désignerai la demanderesse comme étant « Mme D. » pour éviter toute confusion entre la demanderesse en l’instance, l’appelante devant la SAI et le demandeur d’un visa de résident permanent.

 

[3]               En 2005, Mme D. a rencontré Mme Satendra Sharma dans une pizzeria.

Le 3 octobre 2005, Mme Sharma a présenté son frère à Mme D. par téléphone; il s’agit de

M. Chander Parkash Singh Paul, âgé de quarante-sept (47) ans, (ci-après désigné « M. Paul »). Monsieur Paul, citoyen indien, a déjà été marié à une citoyenne suédoise durant quelques mois de 1990 à 1991, mais outre cet épisode, il était célibataire et sans enfant.

 

[4]               Madame D. est entrée en communication avec M. Paul en un certain nombre d’occasions avant de se rendre en Inde pour le rencontrer en novembre 2005. La première demande en mariage aurait été faite par Mme D.,au téléphone, en novembre 2005. Madame D. s’est de nouveau rendue en Inde en décembre 2005 où une deuxième demande en mariage a été faite le 26 décembre 2005. Nous ne sommes pas certain de savoir qui a formulé la seconde demande.  

 

[5]               Le 5 janvier 2006, Mme D. s’est mariée avec M. Paul à Chandigarh, en Inde. À la suite de son mariage, le couple a cohabité à Chandigarh jusqu’au 27 janvier 2006, date à laquelle la demanderesse est revenue au Canada. La demanderesse a effectué un autre voyage en Inde du 14 avril au 31 mai 2006 pour rendre visite à M. Paul.

 

[6]               La preuve démontre que la majeure partie de l’argent nécessaires aux voyages de la demanderesse a été avancée par la sœur de M. Paul, Mme Sharma, bien que Mme D. en ait partiellement remboursé une partie de temps à autre. 

 

[7]               Le 1er mai 2007, Mme D. a déposé une demande en vue de parrainer son époux M. Paul  dans la catégorie du regroupement familial. Cela demande a été présentée un an et quatre mois après leur mariage.

 

La décision de l’agent des visas

[8]               Le 29 octobre 2007, un agent des visas s’est entretenu avec M. Paul, à New Delhi.

 

[9]               L’agent des visas a conclu que le couple ne cadrait pas en termes d’âge et d’antécédents sociaux. L’agent des visas a souligné que la demanderesse a un diplôme de dixième année d’études secondaires, quatre enfants d’un mariage précédent et vivait actuellement de prestations de soutien versées aux personnes handicapées. Par contre, M. Paul possède une maîtrise en sciences de l’anthropologie, a trois ans de moins que la demanderesse et n’a aucun enfant bien qu’il ait été marié à une citoyenne suédoise entre 1990 et 1991.  

 

[10]           La cérémonie du 5 janvier 2006 a soulevé des doutes dans l’esprit de l’agent des visas quant à l’authenticité du mariage : 

1.      le mariage a été célébré seulement huit jours après la demande en mariage;

 

2.      la famille de M. Paul semblait présente au grand complet, y compris sa sœur canadienne;

 

3.      aucun des membres de la famille de la demanderesse n’était présent;

 

4.      le couple a soutenu que plus d’une centaine de personnes étaient présentes, alors qu’environ 15 personnes seulement figurent sur les photographies de la cérémonie; et,

 

5.      la nature inhabituelle de la cérémonie dont les photographies semblent être une mise en scène.

 

[11]           L’agent des visas a jugé que M. Paul avait fait, lors de l’entrevue, des déclarations incohérentes et contradictoires. Monsieur Paul n’a pu expliquer de façon satisfaisante le temps écoulé avant la présentation de la demande de parrainage, soit plus d’un an après la mariage du couple. De la même façon, l’agent des visas n’a pas été convaincu par les réponses de M. Paul quant à son incompatibilité avec la demanderesse.     

 

[12]           Le 5 décembre 2007, l’agent des visas a refusé de délivrer à M. Paul un visa de résidence permanente parce qu’il estimait que le mariage sur lequel était fondé le parrainage n’était pas authentique et n’avait que pour fin première l’acquisition du statut de résident permanent au Canada.

 

[13]           Le 14 février 2008, Mme D. a interjeté appel du refus de l’agent des visas devant la SAI.

 

La décision soumise au contrôle

[14]            Le 11 mai 2009, la SAI a confirmé la décision de l’agent des visas et a rejeté l’appel de Mme D. 

 

[15]           En rendant sa décision la SAI a jugé que Mme D. ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’agent des brevet avait commis une erreur en concluant que le mariage du demandeur  n’était pas authentique et avait pour fin première l’obtention du statut de résident permanent.

 

[16]           Mme D. a témoigné en personne et son témoignage a été suivi de celui de M. Paul qui s’est fait par téléphone. La SAI a décidé de n’accorder aucune crédibilité aux deux témoins en raison du caractère vague, contradictoire et incohérent de leur témoignage

 

[17]           La SAI a tiré des inférences défavorables de l’incapacité pour la demanderesse de se souvenir des dates de ses rencontres aves Mme Sharma. Il n’était pas clair si la demanderesse avait rencontré pour la première fois Mme Sharma en juin, juillet ou août 2005. Une contradiction est également apparue dans le témoignage du couple quant à la première demande en mariage. La demanderesse a déclaré dans son témoignage qu’elle a été la première à le faire au téléphone, alors que M. Paul a témoigné que c’était lui qui avait fait la première demande en en mariage, au téléphone, en novembre 2005.   

 

[18]           Mme D. a révélé à la SAI qu’elle ne songeait pas au mariage après son divorce. La SAI a conclu que Mme D. n’avait pas expliqué de façon satisfaisante son changement d’attitude à l’égard du mariage au vu de la célébration du 5 janvier 2006. Elle n’a pu énoncer avec précision aucune particularité l’a rendant attrayante aux yeux de M. Paul. Il a également été impossible à ce dernier d’aborder les préoccupations de la SAI concernant son incompatibilité avec Mme D. M. Paul n’a pu expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas tenu compte de l’âge plus avancée de Mme D., de son état de santé, de ses revenus limités ainsi que du fait qu’elle était divorcé et mère de quatre enfants. M. Paul n’a cité que la « gentillesse » et la « bonté » comme caractéristiques principales de son attirance envers Mme D.  

 

 

 

[19]           La SAI a conclu que la somme d’incohérences et de divergences dans la preuve démontrait que les témoins avaient sciemment dénaturé des faits précis lors de l’audience. La SAI a conclu que Mme D. et M. Paul n’étaient pas crédibles. En conséquence, Mme D. ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer que son mariage était authentique et qu’il n’avait pas pour fin première l’immigration. L’appel a donc été rejeté.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[20]           L’article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR), D.O.R.S./2002-227 prévoit qu’un étranger n’est pas considéré comme un époux, et donc comme un membre du regroupement familial, si le mariage n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut d’immigrant :

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme

étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

[21]           Le paragraphe 63(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27 accorde au répondant le droit d’interjeter appel à la Section d’appel de l’immigration du refus d’un agent de l’immigration de délivrer un visa de résident permanent dans la catégorie du regroupement familial :

 

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national

a permanent resident visa.

 

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[22]           La première question soulevée par la demanderesse dans son mémoire était de déterminer si la SAI avait omis d’appliquer le critère à deux volets. Après avoir entendu les représentations de l’avocat de Mme D., la Cour a conclu à l’audience que la SAI n’avait commis aucune erreur en appliquant un seul des deux volets du critère formulé à l’article 4 du Règlement. En fait, la Cour a estimé que l’analyse de la SAI visait principalement l’authenticité du mariage, alors que l’avocat de Mme D. croyait que cette analyse portait surtout sur la question de savoir si le mariage avait pour fin première l’acquisition d’un statut d’immigrant. Ces impressions contraires démontrent un chevauchement dans l’analyse de la SAI dans laquelle les deux volets du critère formulé à l’article 4 du Règlement ont été appliqués.

 

[23]           L’avocat de Mme D. et la Cour se sont entendus sur cette question et, en conséquence, la Cour ne fournira aucun motif relativement à cette question.

 

[24]           Lors de l’audience, la Cour a également examiné une question soulevée par l’avocat de Mme D., soit celle portant sur le fait que la SAI aurait dû prendre en compte l’état de santé de la demanderesse lorsqu’elle a conclu que ses réponses étaient vagues et incohérentes. Dans le cadre de l’argumentation, la Cour a souligné qu’une preuve d’expert médical devrait appuyer  l’explication selon laquelle le caractère vague et incohérent de la preuve de Mme D. reposait sur son état de santé. De nombreux témoins sont vagues et incohérents, ce qui affecte leur crédibilité,  et ne concerne en rien leur état de santé. Il serait nécessaire d’étayer cet argument d’une preuve d’expert. La Cour et l’avocat de Mme D. ont donc convenu que la Cour n’est pas tenue de se pencher davantage sur cette question.

 

[25]           Les deux seules questions qui restent en litige et que les avocats ont invoquées à l’audience sont les suivantes :

1.                  la SAI a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle en formulant des remarques dans ses motifs qui démontrent l’existence de partialité envers la demanderesse?;

 

2.                  le commissaire de la SAI a-t-il manqué à la justice naturelle en concluant durant  l’audience (ce qui figure dans la transcription) que la demanderesse était crédible pour ensuite conclure le contraire en rendant sa décision?

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[26]           Au paragraphe 62 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada a statué que la première étape du processus de détermination de la norme de contrôle applicable consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier (voir aussi Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53) ».

 

[27]           Mme D. allègue qu’il existe une crainte raisonnable de partialité et qu’il y a un manquement à la justice naturelle. Ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : Alexander c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2006 CF 1147, [2006] 2 F.C.R. 681, le juge  Dawson, au paragraphe 24; et ma décision dans l’affaire Santos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2006 CF 1476, au paragraphe 7.

 

[28]           Il est clair que par l’application des arrêts Dunsmuir, précité et Khosa, précité, au par. 58, les questions relatives à la raisonnabilité des décisions de la SAI sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité :  voir McBean c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2009 CF 1149, le juge Gauthier, au par. 27; Strulovitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2009 CF 435, le juge Shore, au par. 40.  

 

[29]           La cour de révision qui applique la norme de la décision raisonnable à une décision de la SAI doit prendre en compte « la justification de la décision, [à] la transparence et [à] l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi que « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »(Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, Khosa, précité, au paragraphe 59). 

 

ANALYSE

Question en litige no 1 :         La SAI a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle en formulant des remarques dans ses motifs qui démontrent l’existence de partialité envers la demanderesse?

 

[30]           Madame D. soutient que le motifs de la SAI fondées sur son état de santé, son âge, sa situation parentale et sa situation d’emploi ont donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

 

[31]           Madame D. invoque les paragraphes 15 et 21 des motifs de la SAI comme étant ceux qui soulèvent une crainte raisonnable de partialité :

 

[traduction]

¶15      […] aucun élément de preuve, autre que pour fin première d’immigration, n’a été présenté à l’audience pour aider le tribunal à comprendre les raisons de la sœur du demandeur de croire qu’une femme handicapée physiquement, sans emploi, divorcée et mère de quatre enfants d’âge adulte, plus âgée que son frère était un bon parti pour lui [...]

 

¶21      Le demandeur n’a pu expliquer de façon convenable les raisons pour lesquelles il a choisi une femme plus âgée que lui, ayant des problèmes physiques et d’autres problèmes de santé, dont la seule source de revenus provient du programme gouvernemental fournissant une aide financière et des soins de santé aux adultes handicapés, qui est séparée de ses enfants et petits-enfants, qui est moins scolarisée que lui, et qui requiert soins et assistance pour être une épouse convenable.

 

 

 

Selon Mme D. :

1.                  les paragraphes précédents signifient qu’une personne handicapée dont le niveau d’éducation est faible, ayant des enfants et étant plus âgée, ne peut constituer un conjoint ou une conjointe convenable pour une personne plus jeune qui n’est pas confrontée aux mêmes obstacles;

2.                  une telle conclusion est discriminatoire, dénote un esprit fermé et soulève une crainte raisonnable de partialité.

 

[32]           Madame D. a présenté à la SAI une lettre d’un médecin qui décrit son état de santé de la façon suivante :

1.      obésité morbide accompagnée d’œdème aux jambes (enflure)

2.      hypertension

3.      dépression;

4.   fracture de la cheville droite causant une douleur grave

 

 

[33]           Le critère de la crainte raisonnable de partialité a été formulé par le juge de Grandpré de la Cour suprême du Canada dans Committe for Justice and Liberty et al. c. L’Office national de l’énergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369. À la page 394, la Cour s’est ainsi exprimée :

Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

La Cour a de plus jugé que la norme d’impartialité est flexible selon les circonstances dont a été saisi le tribunal ayant rendu la décision visée par le contrôle judiciaire (voir aussi Ahumada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), 2001 CAF 97, le juge  Evans, au paragraphe 21).

 

[34]           Le commissaire de la SAI a longuement interrogé Mme D. sur le caractère convenable du parti qu’elle pouvait représenter pour M. Paul :

 

           [traduction]

 

Q         Bien, ce qui m’intrigue est qu’en raison de votre premier mariage ou de l’échec de votre premier mariage, vous avez  souffert de dépression. Vous avez finalement dû vous en remettre à de l’assistance gouvernementale pour vous soutenir et vous avez perdu le contact avec vos enfants. Alors vous -- pourquoi la sœur de votre conjoint, la sœur de votre conjoint actuel, a-t-elle pensé que vous étiez un parti  convenable pour votre conjoint?

 

R          Bien, lorsqu’elle a fait ma connaissance, je me sentais bien et je me tirais assez bien d’affaires et elle m’a considéré comme une personne agréable qui pouvait réjouir de choses simples [...]

 

[…]

 

Q         Alors pourquoi croyez-vous qu’il vous trouve – alors quelles qualités avez-vous qu’il trouve attrayantes?

 

 

 

R          Je lui consacre beaucoup d’attention. Je suis consciente de ses besoins. Je cuisine également bien ce qu’il apprécie aussi de moi.

 

Q         Lorsque vous déclarez que vous répondez à ses besoins, pouvez-vous m’en donner un exemple?

 

R          Comme, le temps qu’un mari et une femme passe ensemble et l’attention qu’ils se portent l’un à l’autre. Lors de mon séjour en Inde, je lui ai fait la cuisine. Je m’occupais de son petit déjeuner. Je prenais le temps d’écouter ce qu’il disait et ainsi de suite -- vous savez, nous discutions de choses et d’autres, et c’est ainsi que les choses doivent se passer entre un homme et une femme, et c’est probablement ainsi que la compatibilité est définie. 

 

 

 

[35]           La transcription révèle les efforts consacrés par la SAI pour découvrir l’attirance que l’un éprouvait pour l’autre dans le couple. L’examen était centré sur le dévoilement des caractéristiques positives de Mme D. qui la rendait attrayante aux yeux de son conjoint. Elle n’a pu fournir une seule de ces caractéristiques qui ne soit pas générale ou commune à chaque relation.  

 

[36]           La formulation des questions de la SAI ne révèle aucun langage dénotant des préjugés ou  une obsession s’attardant sur un aspect de la personnalité de la demanderesse. Le commissaire dans la présente affaire n’a pas exprimé son opinion dès le départ sur un sujet donné comme l’a fait, au paragraphe 25 de l’arrêt Santos, précité, le membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

[37]           L’absence d’objections lors des interrogatoires de la SAI confirme la conclusion de la Cour selon laquelle aucun des personnes présentes à l’audience n’a considéré inopportun de traiter le sujet du bon parti de la demanderesse. L’examen du témoignage de M. Paul ne révèle aucune remarque désobligeante de la part de la SAI et soulève davantage de préoccupations quant à l’authenticité du mariage :

 

[traduction]

 Q        Quelles qualités ou caractéristiques appréciez-vous chez Inderjit, quel -- pourquoi l’avez-vous épouser?

 

R          Lorsque j’ai communiqué pour la première fois avec elle et lorsqu’elle est venus en Inde, j’ai trouvé qu’elle était une personne très gentille et d’une nature d’un genre discret.

[…]

Q         Qu’est-ce que cela signifie?

 

R          Elle est une bonne personne.

 

Q         Pouvez-vous alors nous dire autre chose quant à – autre chose qu’« une bonne personne »? Comme, pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous appréciez, pourquoi vous l’appréciez, elle et sa présence?

R          Ouais, j’apprécie sa présence.

 

[38]            Madame D. et M. Paul n’ont pu expliquer à la SAI ce qui aux yeux de chacun rendait l’autre attrayant. Cette question se situe au cœur de l’analyse de l’authenticité. Il n’est pas loisible à Mme D. de se plaindre du fait que la SAI a conclu, en raison de ses caractéristiques, qu’elle n’était pas un bon parti pour épouser M. Paul alors que ni elle-même ni M. Paul n’ont pu lui attribuer d’autres facteurs positifs que d’être une « bonne » ou  « gentille » personne.       

 

[39]           À mon avis, une personne bien renseignée qui étudierait la question, de façon réaliste et pratique, ne conclurait pas selon toute vraisemblance, de façon raisonnable, que le tribunal de la SAI avait disposé de l’affaire en démontrant, consciemment ou non, un parti pris ou des préjugés. Une personne raisonnablement bien informée conclurait que ni Mme D. ni M. Paul pouvait ne pouvait formuler de caractéristiques précises qui auraient rendu Mme D. attirante pour M. D. ou vice versa.    

 

Question no 2 :    Le commissaire de la SAI a-t-il manqué à la justice naturelle en concluant durant  l’audience (ce qui figure dans la transcription) que la demanderesse était crédible pour ensuite conclure le contraire en rendant sa décision?

 

 

[40]           Durant l’audience, le commissaire de la SAI a déclaré, à la ligne 29 de la page 49 de la transcription, que :

[traduction]

[…] serait-il possible d’avoir une brève discussion dès maintenant où [...] j’ai souligné dès le départ certains des points d’intérêt du présent dossier et l’appelante (Mme D.) a fourni une explication raisonnable quant aux circonstances entourant sa présentation au demandeur et le rôle joué par la sœur de celui-ci [...]

 

[41]           L’avocat de Mme D. à l’audience a fait valoir que cette conclusion tirée par le président d’audience de la SAI au cours de l’audience est une conclusion établissant la « crédibilité » du témoignage de Mme D. Son avocat déclare alors que la conclusion figurant dans les  motifs du commissaire de la SAI selon laquelle le témoignage de Mme D. n’est pas crédible est contraire à la conclusion tirée lors de l’audience, et que cette contradiction et incohérence du commissaire de la SAI constituent un déni de justice naturelle.

 

[42]           L’avocat du défendeur a soigneusement examiné plusieurs exemples de témoignages incohérents faits par Mme D. et M. Paul.

 

[43]           Il est raisonnablement permis à la SAI de conclure que ces témoignages de Mme D. et de M. Paul n’étaient pas crédibles ou cohérents. J’estime qu’une telle conclusion n’est pas incohérente avec celle formulée par le commissaire durant l’audience. Celui-ci n’a pas dit qu’il croyait Mme D., mais seulement qu’elle avait fourni une explication raisonnable quant aux circonstances entourant sa présentation à M. Paul , et quant au rôle joué par la sœur de M. Paul. Il s’agit d’une petite portion seulement de l’histoire.

 

 

[44]           Il n’est pas nécessaire que je répète les exemples d’incohérence dans les témoignages que le défendeur a laborieusement soulignés à l’audience. Qu’il suffise de dire que la Cour est convaincue de ce qui suit :

1.         il n’y a aucune incohérence entre la conclusion du commissaire figurant dans sa décision et les commentaires qu’il a émis durant l’audience. La conclusion tirée durant l’instance ne portait pas sur la crédibilité, mais uniquement sur le fait que Mme D. avait fourni une « explication raisonnable ». Le commissaire de la SAI a par la suite apprécié le poids de cette explication raisonnable par rapport à d’autres éléments de preuve;

 

2.         quant aux témoignages, il était raisonnablement loisible à la SAI de conclure que les témoignages de Mme D. et de M. Paul n’étaient pas crédibles ou cohérents.

 

[45]           Les conclusions défavorables quant à la crédibilité découlent de la conclusion de la SAI selon laquelle le couple a faussement présenté une portion des éléments de preuve durant leur  témoignage. Il n’y pas eu déni de justice naturelle.

 

 

CONCLUSION

[46]           Ce n’est pas le rôle ni la fonction de notre Cour de substituer son opinion à celle de la SAI quant à l’authenticité du mariage ou quant à la question de savoir s’il avait pour fin première l’immigration. La SAI a eu l’avantage de voir Mme D. alors qu’elle témoignait, et d’entendre M. Paul lorsqu’il a fait son témoignage par téléphone. La Cour ne peut reconsidérer la décision de la SAI portant sur ces questions. Il est cependant loisible à la Cour de conclure que les allégations de parti pris et de conclusions incohérentes tirées durant l’audience en relation avec les motifs ont soulevées de réelles questions de justice naturelle et d’équité, à l’égard desquelles la Cour doit conclure, après les avoir soigneusement examinées, qu’elles ne sont pas fondées.

 

[47]           Pour ces motifs, la Cour doit conclure qu’il était raisonnablement loisible à la SAI de conclure qu’il ne s’agissait pas d’un mariage authentique et qu’il avait été célébré pour fin première d’immigration.

 

QUESTION CERTIFIÉE

[48]           Les deux parties ont informé la Cour qu’à leur avis, l’affaire ne soulève aucune question grave de portée générale qui devrait être certifiée en vue d’un appel. La Cour partage cet avis.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-Jacques Goulet, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2547-09

 

INTITULÉ :                                       INDERJIT KAUR DHALIWAL c. LE MINISTREDE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 16 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE :                                               le 5 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lori O’Reilly

 

POUR LA DEMANDERESSE

Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lori O’Reilly

Avocats

O’Reilly Law Office

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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