Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date :  20100119

Dossier :  T-725-09

Référence :  2010 CF 49

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

ERIC TURCOTTE

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le 3 avril 2009, la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (« la Section d’appel ») a confirmé la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles (« la Commission »), rendue le 7 janvier 2009, interdisant la mise en liberté du demandeur, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.


[2]               Rappelons ici que le demandeur a été condamné à des peines concurrentes de deux ans et sept mois pour plusieurs délits, incluant un délit de harcèlement criminel selon l’article 264 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46 (« le Code »). Le harcèlement criminel est une infraction visée à l’annexe I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 2 (« la Loi »). Or, le 18 juillet 2008, le cas du demandeur a été déféré par le Service correctionnel du Canada (le « Service ») à la Commission selon le paragraphe 129(2) de la Loi pour un examen en vue de son maintien en incarcération au cours de sa période de libération d’office.

 

[3]               Selon le demandeur, il n’y avait aucune base légale pour renvoyer son cas à la Commission. D’une part, le demandeur prétend qu’il n’y a pas de preuve au dossier indiquant qu’il a causé un dommage grave à une de ses victimes. D’autre part, le demandeur soumet que préalablement à l’audition, la Commission ne s’est pas véritablement demandée, comme l’exige la Loi et la Directive du commissaire du Service numéro 705‑8, si le renvoi en question était ou non conforme à l’article 129 de la Loi. Il s’ensuit, selon le demandeur, que l’audition et les procédures subséquentes devant la Commission et la Section d’appel sont frappées de nullité. Le demandeur demande donc à la Cour de déclarer illégales les décisions de la Commission et de la Section d’appel. En outre, dans son avis introductif d’instance, le demandeur demande également à la Cour d’ordonner sa libération immédiate. 

 

[4]               Les deux parties reconnaissent que cette dernière partie de la demande de réparation est devenue académique; en effet, le demandeur a commencé à purger sa peine le 7 mai 2007 et il a été libéré le 6 décembre 2009. Toutefois, le demandeur maintient que la Cour doit quand même entendre la présente demande de contrôle judiciaire. À l’ouverture de l’audition, le procureur du demandeur, qui était accompagné de son client, a soutenu que la question de l’illégalité soulevée dans les procédures n’est pas théorique puisque l’annulation des décisions contestées est nécessaire à l’exercice d’un recours éventuel en dommages. En effet, le demandeur a été détenu plus longtemps que prévu, et ce, à cause des deux décisions illégalement rendues par la Commission. Répliquant qu’en vertu de l’article 154 de la Loi, les membres de la Commission bénéficient de l’immunité pour les actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions, l’avocate représentant le défendeur a invité la Cour à ne pas exercer sa discrétion d’entendre l’affaire et à rejeter préliminairement le présent pourvoi.

 

[5]               À l’audition, j’ai décidé de réserver la décision finale de la Cour quant à la considération de l’exercice ou non de ma discrétion de refuser de casser les décisions en cause ou de prononcer leur illégalité parce que l’affaire serait académique. Aujourd’hui, après avoir entendu au mérite les parties, j’ai conclu que les arguments du demandeur sont sans fondement et que la présente demande doit, par conséquent, échouer. En effet, il n’a pas été démontré à la satisfaction de la Cour que la Commission a manqué à un principe d’équité procédurale ou a autrement agi à l’encontre de la Loi ou de toute directive du commissaire applicable en l’espèce.

 

[6]               La Loi exige que le Service étudie le cas du demandeur préalablement à la date prévue pour la libération d’office. Dans les conditions prévues à l’article 129 de la Loi, le Service doit notamment déférer le cas et transmettre à la Commission tous les renseignements pertinents concernant une infraction visée à l’annexe I de la Loi, lorsque le Service estime que l’infraction a causé la mort ou un dommage grave à une autre personne et qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le délinquant commettra, avant l’expiration légale de sa peine, une telle infraction (sous‑alinéa 129(2)a)(i)).

 

[7]               En l’espèce, rien au dossier ne permet à la Cour de conclure que la Commission a ignoré les conditions de l’article 129 de la Loi. Bien au contraire, selon la preuve au dossier, préalablement à la convocation à l’audition, la Commission avait en main tous les renseignements pertinents fournis par le Service, incluant l’évaluation en vue d’une décision. Ces renseignements lui permettaient, à ce stade, d’examiner le cas du demandeur et de tenir une audition, ce qui est conforme au paragraphe 130(1) de la Loi qui autorise la Commission à procéder « à cet examen ainsi qu’à toutes les enquêtes qu’elle juge nécessaires à cet égard ».

 

[8]               De plus, rien n’empêchait le demandeur de faire des représentations pour démontrer à la Commission qu’il n’a pas causé de dommage grave à la victime, tel qu’il le prétend. D’autre part, ni la directive du commissaire qu’invoque le demandeur, ni les principes d’équité procédurale, n’exigent que la Commission motive par écrit la décision administrative et préliminaire d’étudier le cas.

 

[9]               Enfin, selon la preuve au dossier, il est clair que la Commission a tenu compte de l’ensemble des informations contenues au dossier du demandeur et de toutes les représentations qui lui ont été faites par le demandeur. En l’espèce, la Section d’appel, après avoir écouté l’audience tenue devant la Commission le 7 janvier 2009, a mentionné dans sa décision que la Commission a invité le demandeur, à plus d’une reprise, à exprimer son point de vue et à formuler ses objections quant à l’existence de dommages graves à la victime.

 

[10]           N’ayant trouvé aucune illégalité, ni motif raisonnable pour intervenir ou casser les décisions en cause, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de l’exercice de la discrétion de la Cour de refuser d’accorder un remède au motif qu’une question est devenue académique.

 

[11]           Compte tenu du résultat, le défendeur aura droit aux dépens.


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑725-09

 

INTITULÉ :                                                   ERIC TURCOTTE c.

                                                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 13 JANVIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 19 JANVIER 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Pierre Tabah                                              POUR LE DEMANDEUR

 

Me Michèle Lavergne                                       POUR LE DÉFENDEUR

                                                                         

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Labelle, Boudrault, Côté & Associés                POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.