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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


 

Date : 20100204

Dossier : IMM-863-09
IMM-864-09

 

Référence : 2010 CF 115

Ottawa (Ontario), le 4 février 2010

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

ZAHARAH SANIF,

MUSA AHMAD

et

KHAIRUL ANUAR MUSA

parties demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

parties défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les présents motifs du jugement et le jugement se rapportent à deux demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27 (LIPR), instruites conjointement.

[2]               La demande au dossier IMM-864-09 vise le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 1er décembre 2008par l’agent d’immigration Chong, du haut-commissariat du Canada à Singapour, par laquelle il refusait une demande de résidence permanente au Canada présentée au titre de la catégorie de l’immigration économique, division des travailleurs qualifiés. L’agent fondait son refus sur le fait que la demandeure principale, Mme Zaharah Sanif, n’avait pas respecté les paragraphes 16(1) et 11(1) de la LIPR.

 

[3]               La seconde demande de contrôle judiciaire au dossier IMM-863-09 vise une décision rendue le 20 février 2009 par le représentant du ministre, M. Blais, en vertu de laquelle ont été prises des mesures d’exclusion à l’endroit des demandeurs, conformément à l’article 41 et à l’alinéa 20(1)a) de la LIPR et à l’article 6 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR).

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, les deux demandes sont rejetées.

 

Contexte

 

[5]               La demandeure principale, Mme Zaharah Sanif, a demandé la résidence permanente en janvier 2008, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), en s’appuyant sur une offre d’emploi faite à Mme Sanif en provenance de Scarborough, en Ontario, et émanant de la société DPI Media Group Ltd, ainsi que sur un avis d’emploi réservé (AER) favorable émis par Service Canada. Mme Sanif et son mari ont trois enfants à charge : un fils et deux filles. Tous étaient compris dans la demande. Celle-ci a été approuvée et les demandeurs se sont vu délivrer des visas de résident permanent le 3 novembre 2008.

[6]               Le 13 novembre 2008 ou vers cette date, M. Chong, l’agent d’immigration responsable du dossier, a appris par un collègue de Kuala Lumpur que le futur employeur de Mme Sanif au Canada était lié à des demandes de visa considérées comme douteuses. L’un des demandeurs concernés avait déclaré à un agent des visas à Kuala Lumpur avoir payé un passeur environ 20 000 $ CAN contre une offre d’emploi frauduleuse. D’autres cas impliquant ce passeur faisaient l’objet d’une enquête.

 

[7]               Le 26 ou 27 novembre 2008 (la preuve quant à la date est contradictoire, mais il s’agit plus probablement du 26, qui tombait un mercredi), M. Chong a ordonné à son adjointe de convoquer Mme Sanif à une entrevue au haut-commissariat. L’adjointe a téléphoné à Mme Sanif et l’a priée de venir au haut-commissariat afin de discuter de problèmes touchant son visa.

 

[8]               Nul ne conteste que Mme Sanif a été convoquée au haut-commissariat pour une entrevue au sujet des visas. Les demandeurs ont soumis une transcription de l’appel à partir d’un enregistrement effectué à des fins de gestion par l’employeur de Mme Sanif à Singapour. D’après la transcription, il semble que l’adjointe aurait dit à Mme Sanif qu’elle devait se présenter à cause d’un problème lié à l’impression des visas. Mme Sanif a accepté de venir à une entrevue pour discuter de ce problème. Elle a précisé qu’elle ne pourrait venir avant la fin de la semaine, car elle terminait son emploi; elle a proposé une rencontre le lundi suivant, soit le 1er décembre 2008. Le 27 novembre 2008, Mme Sanif achetait des billets d’avion à destination du Canada pour elle-même, son mari et leur fils; le départ était prévu pour le 2 décembre 2008. Les filles, qui étaient à l’école, suivraient plus tard.

 

[9]               À midi le 1er décembre 2008, Mme Sanif ne s’était pas présentée au haut-commissariat. M. Chong a prié son adjointe de contacter Mme Sanif afin de savoir pourquoi elle n’était pas venue. Suivant le témoignage de l’adjointe, celle-ci a composé tous les numéros indiqués sur la demande de visa. Le numéro du cellulaire de Mme Sanif a été composé et la personne qui a répondu a affirmé que Mme Sanif n’était pas disponible, puis elle a raccroché. On a alors composé le numéro du mari de Mme Sanif. La personne qui a répondu a refusé de passer l’appareil à Mme Sanif ou à son mari. On entend quelqu’un donner des conseils à cette personne, puis l’appel prend brusquement fin.

 

[10]           Comme Mme Sanif ne s’est pas présentée au haut-commissariat afin de dissiper les doutes sur son visa, qu’on a tenté en vain de la joindre et que son offre d’emploi n’était peut-être pas authentique, M. Chong est parvenu à la conclusion que Mme Sanif était interdite de territoire et ne rendrait pas volontairement les visas au bureau, d’après les notes qu’il a entrées le 1er décembre 2008 dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI). M. Chong a ensuite annulé les visas et a entré une alerte dans le Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL), pour transmettre le message aux agents d’immigration des points d’entrée au Canada. Il a aussi envoyé une lettre recommandée à l’adresse des demandeurs à Singapour, les informant de l’annulation de leurs visas. La lettre a par la suite été renvoyée avec la mention « non réclamée ».

 

[11]           Le 2 décembre 2008, les demandeurs s’envolaient pour le Canada. Au point d’entrée, on leur a appris que leurs visas avaient été annulés par le haut-commissariat à Singapour. Ils ont alors choisi de retirer leurs demandes et de signer des formulaires « Autorisation de quitter ». On leur a permis d’entrer au pays pour un examen plus poussé. Les demandeurs ont ensuite omis de se présenter le jour prévu pour leur départ, le lendemain, ayant décidé de se trouver un avocat.

 

[12]           Les demandeurs sont retournés à l’aéroport pour une entrevue, le 27 décembre 2008. L’examen a alors été reporté au 14 janvier 2009, afin de permettre à l’avocat des demandeurs d’explorer la question. L’examen a de nouveau été reporté, au 20 février 2009 cette fois, sur demande de l’avocat des demandeurs. Entre-temps, on a pu confirmer que l’offre d’emploi émanant de DPI Media Group Inc. était maintenue et une enquête, menée dans cette entreprise le 16 décembre 2008, n’a pas permis de démontrer que l’offre d’emploi faite à Mme Sanif était frauduleuse. D’après le rapport préparé par des agents de l’ASFC, Mme Sanif n’avait pas fait appel au passeur que l’on croyait impliqué dans les demandes frauduleuses.

 

[13]           Pendant l’entrevue avec le représentant du ministre, Mme Sanif a déclaré ne pas avoir été informée que les visas avaient été annulés par le haut-commissariat à Singapour le 1er décembre 2008. Reconnaissant néanmoins qu’on lui avait téléphoné pour l’informer d’un problème concernant les visas et de la nécessité de se rendre au haut-commissariat, Mme Sanif a précisé ne pas avoir tenu compte de l’appel, car la rencontre n’avait pas été confirmée par lettre. Auparavant, quand on la convoquait en entrevue, elle recevait une lettre de confirmation qu’elle montrait à la porte pour être autorisée à entrer au haut-commissariat.

 

[14]           Mme Sanif a expliqué avoir examiné les visas, n’y avoir décelé aucune irrégularité et avoir décidé de les utiliser pour venir au Canada. Le représentant du ministre a expliqué que la situation dont il a été saisi ne se serait pas présentée si Mme Sanif était allée à l’entrevue prévue au haut-commissariat à Singapour, comme on l’en avait priée.

 

[15]           Pendant l’examen, le représentant du ministre a pris en compte les renseignements fournis par l’avocat. Toutefois, il a considéré que, comme l’offre d’emploi était jugée suspecte et au vu du comportement des demandeurs — leur choix de ne pas se présenter à l’entrevue au bureau des visas de Singapour et leur décision de ne pas saisir l’occasion de retirer leurs demandes en ne se présentant pas le jour prévu pour leur départ —, il n’avait d’autre choix que de prendre des mesures de renvoi. Ces mesures ont donc été prises à l’endroit des demandeurs le 20 février 2009.

 

[16]           Je remarque que les demandeurs ont demandé des permis de séjour temporaires (PST) après avoir reçu les mesures d’exclusion. Ces demandes ont été refusées et font l’objet d’une autre demande de contrôle judiciaire (IMM-4289-09) en instance devant la Cour.

 

Décisions visées par le contrôle

 

Refus de la demande de résidence permanente (IMM-864-09)

 

[17]           Les notes entrées par l’agent d’immigration dans le STIDI et sa lettre, toutes datées du 1er décembre 2008, résument les motifs de sa décision :

[traduction] D’après les renseignements que nous avons reçus, l’offre d’emploi pourrait être frauduleuse. Cet employeur — DPI Media Group — est lié à d’autres cas douteux.

 

Nous avons donc prié la DP de venir au bureau afin d’éclaircir certaines questions et de nous démontrer qu’elle n’est pas interdite de territoire au Canada.

 

Le 27 nov. 2008, nous (MEL en mon nom) avons contacté la DP par téléphone. MEL lui a parlé et lui a expliqué qu’elle devait apporter ses passeports et visas à notre bureau. On l’a convoquée le vendredi (28 nov.). Elle a répondu qu’elle était occupée ce jour-là et a proposé le lundi suivant (1er déc. 2008). Nous avons accepté.

 

La DP devait se présenter à une entrevue à notre bureau à 9 h ce matin. Elle n’est pas venue.

 

MEL lui a téléphoné à midi pour obtenir une explication de cette absence. Elle a composé le numéro au domicile de la DP et quelqu’un a répondu. Cette personne a indiqué que sa mère n’était pas à la maison et a raccroché. MEL a ensuite téléphoné au mari de la DP et, encore une fois, quelqu’un a pris l’appel mais a refusé de passer le téléphone à la DP ou à son mari. MEL pouvait entendre quelqu’un qui donnait des consignes en arrière-plan et la personne qui avait répondu lui a paru à la fois impolie et nerveuse. Encore une fois, la personne a raccroché brusquement.

 

Il nous a été impossible d’entrer en contact avec la DP par la suite.

 

Comme la DP ne s’est pas présentée pour répondre aux questions et dissiper nos doutes, j’ai conclu que, selon la prépondérance des probabilités, elle n’est pas interdite de territoire et ne nous rendrait probablement pas volontairement les visas de RP.

 

Par conséquent, la demande est refusée.

 

Les visas de RP sont annulés et déclarés invalides.

 

Lettre pour informer la DP de ne pas se rendre au Canada avec ces visas.

 

B0531 93114 NYC 01 — DÉC.-2008

 

 

[traduction]

SECTION DES VISAS

B.P. 845

RUE ROBINSON

S1NGAPOUR 901645

 

RECOMMANDÉ

 

Date : Le 1er décembre 2008

 

Numéro de dossier : B0531 9311 4

 

Zahara Sanif

101 Lorong Sarina

No 01-01

Singapour 416729

 

Madame,

 

La présente concerne votre demande de résidence permanente au Canada.

 

En vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, vous devez fournir tout document exigé par un agent des visas afin que celui-ci évalue votre admissibilité au Canada. Vous n’avez pas satisfait à l’exigence prévue par ce paragraphe, ainsi libellé :

 

16(1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

 

Nous avons récemment reçu des renseignements qui ont soulevé des doutes quant à l’authenticité de votre offre d’emploi. Le 27 novembre 2008, mon adjointe vous a téléphoné et vous a informée que vous deviez vous présenter à une entrevue avec un agent le 1er décembre 2008. On vous a aussi priée d’apporter les passeports et visas de résident permanent délivrés précédemment par notre bureau.

 

Le paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit qu’un étranger doit, avant d’entrer au Canada, solliciter auprès d’un agent un visa ou tout autre document exigé par le Règlement. Le visa ou le document est ensuite délivré si, après examen, l’agent est convaincu que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la Loi.

 

À défaut d’une offre d’emploi authentique et valide, vous n’obtiendriez pas la note minimum. Vous n’avez pas accédé à notre demande de vous présenter à l’entrevue et de dissiper nos doutes. Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, je ne suis pas convaincu que vous n’êtes pas interdite de territoire et que vous vous conformez à la loi. Votre demande est donc refusée et les visas délivrés à vous et à vos personnes à charge le 3 novembre 2008 sont annulés. Ces visas ne sont plus valides pour entrer au Canada.

 

Veuillez noter que les points d’entrée ont été informés de notre décision et que toute tentative d’utiliser les visas, par vous ou vos personnes à charge, donnera lieu à un refus de vous laisser entrer au Canada et pourrait entraîner un renvoi.

 

Meilleures salutations,

 

M. Y. Chong

Agent d’immigration

Section d’immigration

 

Mesures d’exclusion datées du 20 février 2009 (IMM-863-09)

 

[18]           Le représentant du ministre, M. Blais, a pris les mesures d’exclusion conformément à la LIPR, étant convaincu de ce qui suit :

a.       La demandeure principale était visée par l’article 41 de la Loi, car, selon la prépondérance des probabilités, il existe des raisons de croire qu’elle est une étrangère interdite de territoire pour manquement à la Loi en raison d’un fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la Loi. Plus précisément :

b.      L’alinéa 20(1)a) exige que tout étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner prouve, pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence.

c.       L’article 6 du Règlement (RIPR) prévoit que l’étranger ne peut entrer au Canada pour s’y établir en permanence que s’il a d’abord obtenu un visa de résident permanent.

 

[19]           Le représentant du ministre a conclu que les visas n’étaient plus valides quand ils ont été présentés. Les visas avaient été annulés le 1er décembre 2008 et les demandeurs sont arrivés le 2 décembre.

 

Questions en litige

 

[20]           Les questions soulevées par les parties peuvent être résumées ainsi :

 

          1.            Quel effet juridique a la décision prise par l’agent d’immigration d’annuler les visas détenus par les demandeurs le 1er décembre 2008 (IMM-864-09)?

 

          2.            Le représentant du ministre a-t-il commis une erreur susceptible de révision quand il a pris les mesures d’exclusion en se fondant sur les faits dont il était saisi (IMM-863-09)?

Analyse

 

[21]           Suivant bon nombre de décisions rendues par la Cour, Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9, n’a pas changé la jurisprudence en ce qui a trait aux conclusions de fait assujetties aux restrictions énoncées à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales : De Medeiros c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 386, [2008] A.C.F. no 509; Obeid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 503, [2008] A.C.F. no 633; Naumets c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 522, [2008] A.C.F. no 655. Il a été aussi conclu que la décision d’un tribunal concernant des questions de fait est susceptible de révision suivant la norme du caractère raisonnable : Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 427, [2008] A.C.F. no 515, voir aussi Navarro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 358, [2008] A.C.F. no 463, paragraphes 11 à 15.

 

[22]           L’analyse fortement axée sur les faits à laquelle se livre l’agent d’immigration et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sont des composantes primordiales de son rôle de juge des faits. C’est pourquoi l’instance révisionnelle a un devoir de réserve à l’égard des conclusions que l’agent tire des faits. Ces conclusions doivent l’emporter, sauf si le raisonnement tenu était boiteux et si la décision qui en résulte ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir, précité, paragraphe 47.

 

[23]           Le devoir de réserve disparaît si la Cour établit que le décideur d’un tribunal administratif n’a pas respecté le principe d’équité procédurale : Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, [2003] A.C.S. no 28, paragraphe 100. De telles questions continuent de ressortir à la fonction de surveillance de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Dunsmuir, paragraphes 129 et 151.

 

[24]           Selon ma compréhension de l’esprit de la loi, un étranger qui souhaite entrer au Canada doit demander un visa à un agent (paragraphe 11(1) de la LIPR). L’agent peut alors procéder à un contrôle (paragraphe 15(1)). Le visa peut être délivré si, par suite du contrôle, l’agent est convaincu que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme aux exigences prévues par la Loi. En l’instance, nul ne conteste que les visas détenus par les demandeurs étaient valides quand ils ont été délivrés et le sont demeurés jusqu’au 1er décembre 2008.

 

[25]           Voici la version anglaise du paragraphe 16(1) de la LIPR : « A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires », et en voici la version française : « L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis. »

 

[26]           En lisant le paragraphe 16(1), je constate qu’aucune limite de temps ne s’applique aux exigences de répondre véridiquement et de présenter tous les documents requis, y compris les visas, aux fins du contrôle. La mention des visas dans le libellé doit être interprétée de la manière suivante : le législateur a prévu qu’un agent pourrait devoir exiger la production d’un visa déjà délivré aux fins d’un contrôle subséquent. L’agent a donc agi dans l’esprit de la loi quand il a prié la demandeure principale de se représenter au haut-commissariat et de produire les visas délivrés à la famille.

 

[27]           Il existe une présomption voulant que, une fois délivré, un visa demeure valide pendant toute la durée de la période pour laquelle il est accordé. La seule exception à ce principe général est celle où le visa est révoqué ou annulé par un agent des visas : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hundal, [1995] 3 C.F. 32, [1995] A.C.F. no 918, (1re inst.), paragraphe 19. Il  a été statué que l’entrée en vigueur de la LIPR n’a rien changé à ce pouvoir conféré à l’agent : Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 593, [2007] A.C.F. no 795. 

[28]           Dans le cas de Zhang, un visa a été révoqué pour fausses déclarations. La demandeure avait été informée par téléphone de la révocation, mais elle avait néanmoins acheté un billet d’avion et était venue au Canada. La question consistait à savoir si la Section d’appel de l’immigration avait compétence pour entendre son appel en vertu du paragraphe 63(2) de la LIPR. Mme Zhang arguait dans ce cas que Hundal, précité, ne faisait plus autorité, car cette décision avait été rendue sous le régime de l’ancienne loi, et non de la LIPR. Le juge de Montigny n’était pas d’accord et a statué que l’arrêt Hundal continuait de s’appliquer. Je suis du même avis.

 

[29]           D’après le raisonnement tenu dans Zhang, au paragraphe 11, relativement à l’intention du législateur, les dispositions de la LIPR ne s’appliquent qu’à un demandeur qui « est titulaire » d’un visa de résident permanent. Comme les visas des demandeurs avaient été révoqués par l’agent d’immigration, ils ont cessé d’être valides le 1er décembre 2008. Les demandeurs n’étaient donc pas titulaires de visas de résident permanent quand ils sont arrivés au Canada le 2 décembre 2008.

 

[30]           Je me range aussi à l’opinion exprimée par le juge de Montigny dans Zhang, au paragraphe 13, selon laquelle « on ne peut dire que le législateur avait l’intention de permettre à un étranger d’utiliser un visa révoqué par des agents canadiens pour qu’il tente d’entrer frauduleusement au Canada ». Enfin, comme on peut le lire au paragraphe 16 de Zhang, le fait que les demandeurs possédaient encore la copie papier des visas ne change rien aux conséquences juridiques de la révocation de ces documents, pas plus que ne l’a fait l’évaluation qui a suivi.

 

[31]           Dans Hundal, le juge Rothstein a établi que le pouvoir de révocation est conféré par voie de conséquence nécessaire, en partie parce que la loi en vigueur à l’époque exigeait que la personne cherchant à être admise possède un « visa d’immigrant valide ». Il a conclu, au paragraphe 19, que lorsqu’un agent des visas annule un visa, ce dernier n’est plus « valide », invoquant Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Rogelio Astudillo Gudino, [1982] 2 C.F. 40 (C.A.F.). Bien que la loi en vigueur ne mentionne pas la validité, je pense que l’obligation énoncée à l’alinéa 20(1)a) de la LIPR implique que tout étranger souhaitant entrer au Canada afin d’en devenir résident permanent doit établir qu’il est titulaire du visa exigé par règlement. Je pense aussi que la notion de validité est implicite étant donné l’obligation, prévue à l’article 6 du Règlement, faite à tout étranger de se procurer un visa de résident permanent avant d’entrer au Canada pour demeurer en permanence. La révocation ou annulation du visa suppose que l’agent des visas en prend la décision. Dès qu’une décision de révoquer ou d’annuler un visa est prise, ce visa n’est plus valide.

 

[32]           Dans Hundal, on a établi que le visa était valide au départ, comme en l’espèce, et que le haut-commissariat avait seulement l’intention de mener une enquête (Hundal, paragraphe 21). Souhaitant enquêter sur l’offre d’emploi suspecte, le haut-commissariat a convoqué Mme Sanif en entrevue. C’est seulement en constatant que Mme Sanif ne s’était pas présentée à l’entrevue tenue dans ce but que le haut-commissariat a annulé les visas à la lumière des circonstances, notamment les difficultés rencontrées quand on a tenté de téléphoner à Mme Sanif le 1er décembre 2008.

 

[33]           En l’occurrence, l’agent a agi raisonnablement à partir de l’information dont il disposait. La validité de l’offre d’emploi avait été mise en doute et la demandeure principale ne s’était pas présentée à l’entrevue prévue pour examiner cette validité. L’agent avait compétence pour annuler ou révoquer les visas le 1er décembre 2008 s’il n’était pas convaincu que les demandeurs n’étaient pas interdits de territoire. Une fois annulés par l’agent Chong, les visas n’étaient plus valides et ne pouvaient servir à entrer au Canada.

 

[34]           L’agent n’a pas manqué à l’obligation d’équité procédurale en procédant comme il l’a fait. Mme Sanif a été informée qu’il y avait un problème avec les visas et on lui a donné la possibilité d’en discuter lors d’une entrevue avec l’agent d’immigration. L’agent, par l’intermédiaire de son adjointe, a tenu compte de l’horaire chargé de Mme Sanif et a reporté l’entrevue au lundi suivant.

 

[35]           Mme Sanif ne peut se plaindre maintenant en alléguant qu’on ne lui a pas permis d’être entendue avant de prendre une décision : Mugu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 384, [2009] A.C.F. no 457, paragraphe 64; La nation Wayzhushk Onigum c. Kakeway, 2001 CFPI 819, [2001] A.C.F. no 1167; Begum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 164, [2006] A.C.F. no 196, paragraphe 32.

 

[36]           Aucun fait unique ou particulier ne justifie l’absence de Mme Sanif à l’entrevue prévue : Ghofrani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 767, [2008] A.C.F. no 1005, paragraphe  2. Elle ne pouvait pas choisir de ne pas se présenter uniquement parce qu’un examen des visas ne lui avait révélé aucune irrégularité. Les demandeurs avaient l’obligation constante de démontrer qu’ils étaient admissibles à l’obtention d’un visa : Ghofrani, précité.

 

[37]           En l’instance, l’admissibilité des demandeurs reposait sur l’offre d’emploi. Quand un doute a été semé dans son esprit au sujet de l’authenticité de cette offre d’emploi, l’agent pouvait conclure avec raison que la demandeure principale ne l’avait pas convaincu de son admissibilité. Le recours malencontreux à une double négation dans les notes du STIDI ne change rien à la conclusion très clairement exprimée dans la lettre du 1er décembre 2008.

 

[38]           Étant donné l’entrevue manquée et les tentatives de l’adjointe pour contacter la demandeure par téléphone, l’agent d’immigration avait des raisons valables de soupçonner que Mme Sanif éludait ses tentatives de mettre l’affaire au clair. Il a pris des mesures pour l’informer de l’annulation des visas en lui envoyant une lettre le jour de l’entrevue manquée. La demandeure principale n’a pas reçu la lettre, étant déjà partie pour le Canada. Mme Sanif ne peut prétendre, dans ces circonstances, qu’elle n’a pas reçu d’avis lui indiquant que son visa avait été annulé.

 

[39]           L’agent d’immigration pouvait soit permettre l’entrée au Canada à des personnes auxquelles on n’aurait peut-être pas dû délivrer de visas de résident permanent, soit annuler ces visas. Il a choisi l’option qui préservait l’intégrité du système d’immigration. En l’occurrence, sa décision était fondée.

 

[40]           Je suis d’accord avec le défendeur : les autres facteurs que ceux envisagés par l’agent d’immigration, par exemple la preuve obtenue par la suite au sujet du prétendu AER frauduleux et le résultat de l’enquête menée ensuite par l’ASFC, ne peuvent servir à mettre en cause une décision qui était justifiée au moment où elle a été prise.

 

[41]           Par conséquent, il n’est pas loisible à la Cour de substituer à cette décision l’issue qui serait à son avis préférable maintenant que des éléments additionnels ont été mis au jour, éléments dont ne disposait pas l’agent d’immigration au moment où il a pris sa décision : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] A.C.S. no 12, paragraphe 59. La demande de contrôle judiciaire faisant l’objet du dossier IMM-864-09 doit donc être rejetée.

 

[42]           Quant à la décision rendue par le représentant du ministre, M. Blais, de prendre des mesures d’exclusion, comme on l’a déjà remarqué précédemment, les décisions touchant à des questions de fait sont susceptibles de révision suivant la norme du caractère raisonnable : Sukhu, précité; voir aussi Navarro, précité, paragraphes 11 à 15.

 

[43]           L’analyse des faits à laquelle procède le représentant du ministre est une composante essentielle de son rôle de juge des faits. C’est pourquoi l’instance révisionnelle a un devoir de réserve à l’égard des conclusions du représentant. Celles-ci doivent l’emporter, sauf si le raisonnement tenu était boiteux et si la décision qui en résulte ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir, précité, paragraphe 47.

 

[44]           Les demandeurs font valoir que le représentant du ministre avait à tort l’impression a) que la demandeure principale avait été informée par téléphone de l’annulation des visas avant son départ pour le Canada et b) que sa demande était liée au passeur suspect et aux autres demandes frauduleuses et que, par conséquent, les visas ont été annulés à cause d’un AER frauduleux.

 

[45]           Je suis d’accord avec les demandeurs que, hormis un courriel émanant de Patricia Brown, du haut-commissariat, destiné au représentant du ministre, M. Blais, le dossier indique que, à aucun moment pendant les appels téléphoniques venant du bureau de M. Chong, on n’a informé la demandeure principale de l’annulation des visas. En revanche, je ne suis pas d’accord avec eux quand ils soutiennent que les appels téléphoniques concernant des [traduction] « problèmes avec les visas » n’avaient rien à voir avec leur validité. À mes yeux, le dossier appuie la conclusion voulant que Mme Sanif ait été informée que la validité des visas était en cause.

 

[46]           À mon avis, même si le représentant du ministre avait été bien informé des faits évoqués par les demandeurs, l’issue aurait été la même. À leur arrivée au Canada, les demandeurs n’avaient pas de visas de résident permanent valides. Le représentant du ministre a fondé sa décision sur des facteurs pertinents : les demandeurs ont tenté d’entrer au Canada munis de visas annulés et, quand on leur en a fait part, ils ont refusé l’offre qui leur était faite de retourner chez eux.

 

[47]           D’après les notes qu’il a consignées le 19 février 2009 (la veille de la prise des mesures d’exclusion) à l’occasion de l’examen, le représentant du ministre a conclu que les visas avaient été annulés à compter du 1er décembre 2008 et que les sujets étaient arrivés le 2 décembre. Il a été établi que les visas n’avaient pas été présentés pendant leur période de validité.

 

[48]           Les notes d’examen indiquent aussi que le représentant du ministre avait des réserves quant à la décision prise par l’agent d’immigration d’annuler le visa, puisque, apparemment, il existait toujours une offre d’emploi. Le représentant a toutefois reconnu, avec raison, qu’il n’avait pas compétence pour délivrer un nouveau visa de résident permanent.

 

[49]           Le représentant disposait d’une preuve montrant que les visas des demandeurs avaient été révoqués avant leur entrée au Canada pour en devenir résidents permanents. Il lui était loisible de conclure que les demandeurs ne répondaient pas aux exigences d’obtention d’un visa. C’est pourquoi j’estime justifiées et la conclusion d’interdiction de territoire en vertu de l’article 41 de la LIPR, et la décision de prendre des mesures d’exclusion.

 

[50]           Mme Sanif ne pouvait pas simplement présumer, après que le haut-commissariat à Singapour lui eut appris l’existence de problèmes concernant les visas, que ceux-ci demeureraient valides si la famille parvenait au Canada. En affirmant qu’ils comptaient à bon droit sur la validité des visas, les demandeurs allèguent, essentiellement, l’existence d’un droit substantiel, lequel échappe au principe défini dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.S. no 39, paragraphe 26.

 

[51]           D’après le dossier, l’obligation d’équité procédurale a été respectée. Le représentant du ministre a fait preuve d’ouverture d’esprit, il a rencontré les demandeurs pour discuter des inquiétudes qu’ils éprouvaient peut-être relativement aux mesures d’exclusion et il a permis des reports afin que les demandeurs puissent se trouver un avocat et se préparer à l’entrevue.

 

[52]           Au vu des faits qu’il connaissait à l’époque — notamment un AER « suspect », la décision prise par la demandeure principale de ne pas se présenter à l’entrevue au haut-commissariat à Singapour, le retrait des demandes des demandeurs au point d’entrée et leur choix de ne pas se présenter au moment prévu pour leur départ —, il était sensé pour le représentant de prendre les mesures d’exclusion.

 

[53]           Il était également sensé pour le représentant du ministre de se fier à la décision rendue par l’agent d’immigration à Singapour, car le fait de posséder un visa de résident permanent valide détermine l’admissibilité au Canada.

 

[54]           Malgré les doutes du représentant concernant le rôle de Mme Sanif relativement à l’offre d’emploi « suspecte », je suis d’accord avec sa conclusion voulant que la situation ne se serait pas produite si Mme Sanif s’était présentée à l’entrevue prévue au haut-commissariat à Singapour et avait dissipé les doutes de l’agent.

 

[55]           Comme la prise de mesures d’exclusion par le représentant du ministre me semble fondée et me paraît appartenir aux issues possibles acceptables, il n’est pas loisible à la Cour de substituer à cette décision l’issue qui serait à son avis préférable maintenant que des éléments additionnels ont été mis au jour au sujet de la légitimité de l’offre d’emploi réservé : Dunsmuir, précité, paragraphe 47; Khosa, précité, paragraphe 59. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire faisant l’objet du dossier IMM-863-09 doit aussi être rejetée.

 

[56]           Les demandeurs proposent aux fins de certification sept questions qu’ils estiment graves et de portée générale. Voici ces questions :

1.         Comme aucune disposition de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) ou du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) n’autorise un agent à annuler ou à révoquer un visa après sa délivrance et comme les guides d’immigration ne mentionnent l’annulation ou la révocation d’un visa que lorsqu’il y a eu fraude ou fausses déclarations, un agent des visas a-t-il compétence pour révoquer un visa de résident permanent délivré à un étranger s’il constate que ce dernier ne se conforme pas à la Loi (LIPR, article 41)?

 

2.         Dans les circonstances décrites à la question 1, en présumant qu’on y répond par l’affirmative, un agent des visas est-il tenu d’en venir à une conclusion précise quant à l’admissibilité avant d’annuler un visa de résident permanent déjà délivré?

 

3.         La série de cas apparentés à Hundal c. Canada (1995 CanLII 3609) et tranchés avant l’entrée en vigueur de la LIPR de même que Zhang c. Canada (2007 CF 593) ne traitent nullement de la situation particulière où un agent des visas peut annuler ou révoquer un visa, à quatre exceptions près : De Decaro, où un visa devient automatiquement invalide lorsqu’une condition nécessaire à sa délivrance n’est pas remplie ou est impossible à remplir; 2) Wong, où un visa est invalide parce qu’une condition d’octroi du visa lui-même n’est pas remplie au moment de le délivrer; (3) un visa perd sa validité quand il vient à échéance et (4) un visa n’est plus valide s’il est révoqué ou annulé par un agent des visas. Quand il conclut qu’un étranger s’étant vu délivrer un visa de résident permanent ne se conforme pas à la loi, l’agent des visas a-t-il compétence pour annuler le visa de résident permanent en raison d’un changement de situation qui n’est pas irrévocable et dont la véracité n’a pas été démontrée selon la prépondérance des probabilités, comme dans l’exception 4?

 

4.         D’après le paragraphe 16(1) de la LIPR, l’agent doit procéder à un contrôle de l’admissibilité. Cette disposition se limite-t-elle à un contrôle au point d’entrée ou peut-elle englober un contrôle effectué par un agent des visas après la délivrance du visa?

 

5.         Conformément aux paragraphes 19(2), 21(1) et 31(2) ainsi qu’à l’alinéa 20(1)a) de la LIPR et à l’article 51 du RIPR,  un représentant du ministre doit-il se livrer à une enquête indépendante en matière d’admissibilité quand un étranger présente un visa annulé mais encore valide selon la période de validité indiquée sur le visa, ou le représentant doit-il s’en remettre à la conclusion de l’agent des visas qui a annulé le visa en vue de prendre une mesure d’exclusion?

 

6.         Dans le contexte de la question 5, au point d’entrée, un représentant du ministre doit-il évaluer la légalité de l’annulation d’un visa de résident permanent lorsqu’il examine l’admissibilité d’un étranger titulaire d’un visa de résident permanent annulé ou doit-il s’en remettre à la conclusion de l’agent des visas qui a annulé le visa en vue de prendre une mesure d’exclusion?

 

7. Quand la Cour fédérale statue que l’annulation d’un visa était illégale, le visa de résident permanent est-il automatiquement revalidé?

 

[57]           Pour résumer, voici le point de vue des défendeurs : les questions proposées ne feraient que remettre en litige la demande de contrôle judiciaire à la Cour d’appel. En outre, les défendeurs font valoir que les questions proposées ne répondent pas aux critères de certification, car elles ne sont pas d’application générale et elles ne permettraient pas de trancher en l’espèce : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage (C.A.F.), (1994), 176 N.R. 4, [1994] A.C.F. no 1637.

 

[58]           Le critère de certification figure à l’alinéa 74d) de la LIPR et au paragraphe 18(1) des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration et de protection des réfugiés/DORS 93-22, modifiées. Dans Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89; 318 N.R. 365 (Zazai), le critère de certification a été défini ainsi : « une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel » (paragraphe 11).

 

[59]           Dans Kunkel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 347, [2009] A.C.F. no 170, la Cour d’appel fédérale a statué qu’une question certifiée doit se prêter à une démarche générale menant à une réponse d’application générale. Autrement dit, la question doit dépasser le contexte particulier dans lequel elle a été soulevée. Je ne saurais conclure que les questions proposées par les demandeurs dépassent les faits particuliers de l’espèce.

 

[60]           Les demandeurs arguent, entre autres, que la question de savoir si un visa peut être annulé pour non-conformité avec le paragraphe 16(1) de la Loi n’a pas été réglée par Zhang, précité, qui traitait de fausses déclarations et pas de non-conformité. Je ne puis me ranger à cet avis, car le principe établi dans Hundal et appliqué dans Zhang, selon lequel il y a exception à la présomption de validité quand un visa est révoqué ou annulé, ne repose pas sur le motif de la révocation ou de l’annulation. À mes yeux, cet argument répond aux questions un à quatre.

 

[61]           Les cinquième et sixième questions proposées par les demandeurs aux fins de certification, à savoir si le représentant du ministre doit se livrer à une enquête indépendante en matière d’admissibilité et doit évaluer la légalité de l’annulation d’un visa de résident permanent, ne permettraient nullement de trancher un appel sur ce point. Les demandeurs sont arrivés au Canada munis de visas annulés et le représentant du ministre avait compétence pour prendre les mesures d’exclusion à partir des renseignements dont il disposait.

 

[62]           Dans Hundal, précité, au paragraphe 13, on lit que le processus d’immigration compte deux étapes : la première, où un agent des visas procède à un contrôle et décide s’il convient de délivrer un visa, et la deuxième, où un agent d’immigration au point d’entrée procède à un contrôle et décide s’il convient d’accorder l’établissement à l’étranger. Un visa permet seulement à son titulaire de se présenter à un point d’entrée, où il doit se soumettre à un second contrôle visant à décider s’il répond toujours aux exigences de la Loi et du Règlement en matière d’établissement.

[63]           Dans le cas de Mme Sanif, le représentant du ministre tenait le rôle de l’agent à la deuxième étape du processus d’immigration en décidant que les demandeurs ne répondaient pas aux exigences de la Loi et du Règlement en matière d’établissement, car ils n’étaient pas munis de visas de résident permanent valides le 2 décembre 2008. Voyant que les demandeurs avaient des visas annulés, le représentant du ministre a procédé à une évaluation indépendante de leur admissibilité et il avait compétence pour prendre en compte les motifs sur lesquels l’agent d’immigration avait fondé sa décision d’annuler ces visas.

 

[64]           Dans Liyanagamage, précité, au paragraphe 4, la Cour d’appel fédérale a statué qu’une question certifiée doit, de l’avis de la Cour, porter sur des enjeux de portée et d’application générales, transcender les intérêts des parties au litige et être déterminante quant à l’issue de l’appel. Encore une fois, comme je crois que cette affaire repose sur les faits en cause, je ne pense pas que les questions des demandeurs répondent à ces critères. Je ne puis donc certifier ces questions.

 

[65]           Comme je l’ai déjà mentionné, il n’existait pas de circonstances uniques ou particulières justifiant l’absence de Mme Sanif à l’entrevue prévue et l’agent d’immigration a réagi comme il se doit, en annulant les visas, afin de préserver l’intégrité du système d’immigration. La situation soumise à la Cour aux fins de contrôle ne se serait pas produite si Mme Sanif s’était présentée à l’entrevue convenue avec le haut-commissariat à Singapour. Le résultat peut sembler dur à la famille des demandeurs, mais il découle de leur décision précipitée d’acheter les billets et de partir pour le Canada sans tenter de dissiper les doutes de l’agent. S’il doit y avoir redressement, je pense que c’est au ministre d’envisager l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi et lui permet d’accorder une exemption aux exigences en matière de visa.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que les demandes de contrôle judiciaire relatives aux dossiers IMM‑863‑09 et IMM-864-09 soient rejetées. Une copie du présent jugement sera versée dans chaque dossier. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alain Hogue, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-863-09

                                                            IMM-864-09

 

INTITULÉ :                                       ZAHARAH SANIF, MUSA AHMAD

                                                            et KHAIRUL ANUAR MUSA

                                                            et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 février 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Mario Bellissimo

Joshua Lang

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Martin Anderson

Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MARIO BELLISSIMO

JOSHUA LANG

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                 

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