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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100311

Dossier : IMM-2708-09

Référence : 2010 CF 278

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 11 mars 2010

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

ALLBA VALENTINA CARDENAS VIGGERS

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une adulte citoyenne du Mexique. Elle a été agente de bord et a une certaine connaissance de l’anglais; sa capacité mentale n’a pas été mise en cause.

 

[2]               La demanderesse est venue au Canada alléguant la violence familiale. Il semblerait que la question de la garde des enfants ne soit pas réglée entre elle et son ancien époux, qu’elle dit violent. La demanderesse a demandé l’asile à son arrivée au Canada et a retenu les services d’une avocate qui est entrée en correspondance avec la Commission de l’immigration et du statut de réfugié concernant sa demande d’asile.

 

[3]               La Commission a tenu audience. Il ressort de la transcription de l’audience que la demanderesse y est arrivée accompagnée de son avocate. À l’ouverture de l’audience, elle a déclaré, à la surprise apparente de tous, y compris de son avocate, qu’elle n’avait pas confiance en son avocate et souhaitait la renvoyer. La Commission a demandé à la demanderesse comment elle souhaitait poursuivre, ce à quoi elle a répondu « seule », précisant qu’elle aimerait présenter son affaire elle-même. À la suggestion de la Commission, la demanderesse et l’avocate qu’elle venait de renvoyer se sont retirées pour discuter. À leur retour, l’avocate a affirmé à la Commission avoir informé la demanderesse du danger de poursuivre sans connaître la loi et la preuve relative au pays.

 

[4]               La Commission a suspendu l’audience une fois de plus pour donner à l’agent de protection des réfugiés l’occasion d’expliquer à la demanderesse la neutralité de son rôle et de lui expliquer la procédure applicable à sa demande et au déroulement de l’audience. La demanderesse reconnaît avoir reçu ces explications.

 

[5]               L’audience s’est déroulée avec la demanderesse agissant pour son propre compte. Bien que l’avocat de la demanderesse m’ait indiqué des passages de la transcription où il prétend que la demanderesse a semblé déconcertée ou aurait pu donner une meilleure réponse, je suis convaincu que la Commission a pris des mesures raisonnables pour veiller à ce que l’audience soit menée de façon équitable envers la demanderesse.

 

[6]               L’avocat de la demanderesse a soulevé devant moi l’argument que la Commission avait l’obligation formelle d’ajourner l’audience ou du moins d’offrir à la demanderesse une véritable occasion de demander un ajournement pour être en mesure de retenir les services d’un autre avocat. La décision de la Cour rendue par le juge Harrington dans l’affaire Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, m’a été citée. Le juge Harrington a notamment affirmé, au paragraphe 25 :

On peut donc dégager les principes suivants de la jurisprudence : bien que le droit à l'avocat ne soit pas absolu dans une procédure administrative, le fait de refuser au justiciable la possibilité de se constituer un avocat en n'accordant pas une remise est susceptible de contrôle judiciaire si les facteurs suivants sont en jeu : la cause est complexe, les conséquences de la décision sont graves, le justiciable n'a pas les ressources, qu'il s'agisse de capacité intellectuelle ou de connaissances juridiques, pour bien représenter ses intérêts.

 

 

[7]               Je souscris à ce qu’a cru bon d’écrire le juge Harrington. Je suis toutefois d’avis que la présente affaire se rapproche davantage de celle qu’a examinée la juge Tremblay-Lamer dans la décision Austria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 423. La juge Tremblay-Lamer a écrit, aux paragraphes 6 à 8 :

6          Comme l’indique clairement cet arrêt, qui précise qu’une aide juridique rémunérée par l’État ne s’impose en vertu de la Constitution que dans certains cas, le droit aux services d’un avocat n’est pas absolu. En matière d’immigration plus précisément, la Cour fédérale a statué à maintes reprises que ce droit n’est pas absolu : Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, [2004] A.C.F. no 1460 (C.F.) (QL), aux paragraphes 17 à 25, où le juge Sean Harrington examine les règles de droit applicables au droit à un avocat. Ce qui est absolu, toutefois, c’est le droit à une audience équitable. Pour qu’une audience se déroule équitablement, le demandeur doit être capable de « participer utilement » à l’instance : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast, 2001 CFPI 1269, [2002] 3 C.F. 373 (C.F.), aux paragraphes 46 et 47.

 

7          C’est donc dire que, dans certaines circonstances, l’absence d’avocat peut donner lieu à une telle iniquité au cours de l’audience qu’il est justifié que la Cour intervienne. Je ne suis toutefois pas convaincue que ce soit le cas en l’espèce. Je crois que le demandeur a eu effectivement une audience équitable.

 

8          Je signale tout d’abord qu’il ressort clairement des notes sténographiques que le demandeur a indiqué sans l’ombre d’un doute qu’il était prêt à procéder sans avocat à l’audience du 20 avril 2005. Par ailleurs, aucun ajournement n’a été demandé et, contrairement à ce que laisse entendre le demandeur, rien n’indique qu’il a subi des pressions quelconques pour procéder. Il ne peut pas se plaindre maintenant de son choix, alors qu’il a eu toutes les chances possibles de le faire à l’audience.

 

[8]               Ayant lu la transcription de l’audience en l’espèce et entendu les arguments des avocats, je suis convaincu que la demanderesse s’est vu offrir une occasion équitable et raisonnable de décider si elle voulait effectivement poursuivre sans la présence d’un avocat. Elle a choisi de poursuivre sans la présence d’un avocat. Elle ne peut à présent se fonder sur ce choix clair et délibéré pour demander l’annulation d’une décision qui lui est défavorable.

 

[9]               L’avocat de la demanderesse a également soutenu que l’agent de protection des réfugiés, en expliquant la procédure à la demanderesse, s’est trouvé en situation de conflit d’intérêts. Cette prétention est manifestement dénuée de fondement. L’agent a prêté son concours à l’égard des questions de procédure de façon équitable et neutre.

 

[10]           Les autres arguments qu’a fait valoir l’avocat de la demanderesse sont dénués de fondement.

 

[11]           Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

 

 

 

 

 


JUGEMENT

            POUR LES MOTIFS EXPOSÉS,

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

    « Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2708-09

 

INTITULÉ :                                       ALLBA VALENTINA CARDENAS VIGGERS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 MARS 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 MARS 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Roland Luo

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roland Luo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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