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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100518

Dossier : IMM-4784-09

Référence : 2010 CF 548

[TRADUCTION CERTIFIÉE NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2010

En présence de monsieur le juge Mainville

 

 

ENTRE :

DAVEANANAD RAM

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               En l'espèce, Daveananad Ram (le demandeur) a présenté une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision rendue le 20 août 2009 par un agent de l'immigration (l’agent) chargé de procéder à l'examen des risques avant renvoi. L'agent avait conclu que le demandeur ne serait pas exposé à plus qu'une simple possibilité d'être persécuté et qu'il était improbable qu'il soit exposé à un risque d'être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de subir des peines cruelles ou inusitées s’il retournait au Guyana.

[2]               Pour les motifs énoncés ci-après, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen du Guyana qui est arrivé au Canada comme visiteur le 19 septembre 1997. Il a subséquemment déposé une demande d'asile, qui a été retirée en juillet 2001. Le demandeur a également déposé une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), mais cette demande a été rejetée le 24 janvier 2004. Il a déposé une deuxième demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire en janvier 2009; une décision quant à cette deuxième demande n'a toutefois pas encore été rendue. Il a ensuite demandé un examen des risques avant renvoi (ERAR) en mai 2009. La décision relative à cet examen a été rendue le 20 août 2009 et fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Les documents dont l'agent disposait indiquent que le demandeur est une personne travailleuse et respectueuse des lois qui a réussi à accumuler des biens et à s'établir confortablement au Canada. Le demandeur a une sœur qui vit au Canada. Sa mère et ses deux autres sœurs vivent au Guyana.

 

[5]               La demande d’ERAR qu’a présentée le demandeur fait état de risques généraux qui existent au Guyana relativement à la criminalité ainsi que de certains risques particuliers auxquels s’expose le demandeur. Le demandeur décrit ces risques particuliers comme suit :


[traduction]

Ma vie était un véritable enfer au Guyana en raison de ce que j'ai dû supporter. Les gens qui me voulaient du mal quand j'étais là ne cessaient de s'enquérir de mes allées et venues et je me sentais ciblé en raison de mes origines raciales et de mes fortes opinions politiques. D'ailleurs, tout récemment, lors d'un entretien téléphonique avec un ami qui vit toujours au pays, j'ai appris que la rumeur circulait qu’ils entendaient bien me retrouver si je retournais au Guyana, à cause de mes opinions politiques.

 

[…]

J'ai tenté à plusieurs reprises d'obtenir l'aide de la police, mais elle n'a jamais réagi ni fait quoi que ce soit pour assurer ma sécurité. Même si j'essayais de vivre incognito, le Guyana étant un petit pays, ce ne serait qu'une question de temps avant qu’on ne me retrouve.

 

Quand je travaillais au domaine sucrier, j'étais harcelé et terrorisé tous les jours par un groupe d'hommes afro-guyanais qui vivaient dans mon quartier. Parce que nous appuyions eux et moi des groupes politiques différents, ils estimaient qu'ils pouvaient me traiter comme ils le voulaient et être violents envers moi. Ils profitaient de mon retour à la maison pour me dévaliser et me battre. Ils me prenaient tout mon argent pour lequel je travaillais si fort et disaient qu'ils me tueraient si je ne changeais pas mes opinions politiques. Je ne pouvais plus supporter ce harcèlement constant et ces passages à tabac. Partout où j'allais, cette bande d'hommes me harcelait et me suivait. Ils me battaient si je ne leur donnais pas tout mon argent, et ils m'ont menacé plusieurs fois si je ne changeais pas le groupe politique que j'ai appuyais. Ils ont même découvert où j'habitais et ont obtenu mon numéro de téléphone, et ils ont commencé à me téléphoner sans répit pour me harceler et me menacer.

 

La décision contestée

[6]               Lors de l’ERAR, l'agent a accordé une faible valeur probante et peu de poids à la déclaration du demandeur reproduite ci-dessus. Il a expliqué sa décision comme suit :

[traduction]

Pour ce qui est de la brève déclaration du demandeur selon laquelle, lors d'un entretien téléphonique avec un ami vivant au pays, il a appris que « la rumeur circulait qu’ils entendaient bien me retrouver si je retournais au Guyana, à cause de mes opinions politiques », je note qu’aucun élément de preuve corroborant cette déclaration n’a été présenté (p. ex. un affidavit sous serment de l’« ami » du demandeur). De plus, la déclaration citée ci-dessus est vague, brève et générale. Dans sa déclaration non datée et non signée, le demandeur ne précise ni les motifs de ses craintes, par exemple des événements précis qui seraient survenus, ni qui étaient les prétendus auteurs des actes en question. Par conséquent, j'accorde une faible valeur probante à cette déclaration.

 

Dans le même ordre d'idées, j’estime que la déclaration suivante du demandeur : « J'ai tenté à plusieurs reprises d'obtenir l'aide de la police, mais elle n'a jamais réagi ni fait quoi que ce soit pour assurer ma sécurité. » est vague et générale. Elle ne renferme pas de détails particuliers sur les mesures qu'il a prises pour entrer en contact avec les autorités locales et sur la façon dont la police a omis de le protéger dans le passé. Jusqu’à présente, aucune preuve corroborante n’a été présentée à cet égard (p. ex. dossier de police ou affidavits sous serment). Pour cette raison, j'accorde peu de poids à la déclaration ci-dessus.

 

 

[7]               L'agent a ensuite procédé à un examen détaillé des documents portant sur la situation dans le pays en cause. Il a reconnu que certains documents sur le pays étaient anciens; il a donc accordé davantage de poids aux éléments de preuve plus récents fournis par le demandeur à propos de la situation au pays. L'agent a toutefois accordé encore plus de poids aux State Country Reports on Human Rights Practices de 2008 et à l’International Narcotic Control Strategy Report de 2009, deux rapports produits par le Département d’État des États-Unis, ainsi qu'aux réponses aux demandes d'information GUY100762.EF et GUY101029.EF de la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, puisqu'il s'agissait là de sources récentes donnant un portrait exhaustif et global des conditions qui ont cours au Guyana.

 

[8]               L’agent a conclu, à la suite de son analyse des conditions dans le pays, que bien que le Guyana constitue une démocratie qui fonctionne, la criminalité et la violence y sont généralisées. Il a aussi conclu que le gouvernement du Guyana était déterminé à protéger ses citoyens de la violence criminelle et qu'il faisait des efforts soutenus pour lutter contre la criminalité et la violence. Bien que le taux de criminalité soit déplorable dans ce pays, l'agent n'en a pas moins conclu qu'il était possible pour le demandeur d'obtenir une protection adéquate de l'État dans son pays d'origine, s'il en avait besoin.

 

[9]               L'agent a finalement conclu qu’à la lumière des éléments de preuve fournis, il estimait que le demandeur n'était pas personnellement exposé à des risques au Guyana.

 

Position du demandeur

[10]           Selon le demandeur, l'agent a agi de façon arbitraire et déraisonnable en accordant une faible valeur probante et peu de poids à sa déclaration, et il n’a pas suffisamment expliqué pourquoi il n'a pas tenu compte de cette déclaration.

 

[11]           Cette erreur commise par l'agent a entraîné une analyse tendancieuse des conditions qui ont cours au pays de même que de l'accès du demandeur à la protection de l'État au Guyana. En effet, bien que le demandeur ait exprimé des inquiétudes concernant les risques généralisés de criminalité au Guyana, sa situation personnelle était celle d’un Indo-guyanais ayant des opinions politiques. Il était donc exposé à plus de risques que la population en général. L'agent a donc omis de tenir compte de la situation personnelle du demandeur dans son analyse de l'accès à la protection de l'État.

 

[12]           Par conséquent, l'agent n'a pas accordé suffisamment de poids aux documents portant sur la situation au pays fournis par le demandeur et n’a pas tenu compte de renseignements sur les conditions en cours au pays que contenaient la réponse à la demande d'information GUY100762.EF de la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à laquelle l’agent fait référence. Plus précisément, les éléments de preuve quant à l'application inadéquate des lois et la polarisation raciale des forces de l'ordre au Guyana ont été laissés de côté.

 

Position du défendeur

[13]           Le défendeur soutient que les conclusions de faits tirées par l'agent commandent un degré élevé de retenue de la part de la Cour. L’agent a conclu que la déclaration du demandeur était vague et manquait de détails et, par conséquent, lui a accordé peu de valeur probante. Sa conclusion était raisonnable dans les circonstances de l'espèce.

 

[14]           Le défendeur ajoute que l'agent a réalisé une analyse exhaustive et approfondie des conditions qui ont cours au Guyana. L'agent a reconnu que le taux de criminalité y était élevé et que l'application de la loi laissait à désirer sous certains aspects. Toutefois, il a aussi raisonnablement conclu que le gouvernement était déterminé à protéger les citoyens du Guyana de la violence criminelle et qu'il faisait des efforts soutenus pour lutter contre la criminalité et la violence. L’agent a également raisonnablement conclu que le demandeur pouvait obtenir une protection adéquate de l'État dans son pays d'origine, s'il en avait besoin.

 

Dispositions pertinentes de la Loi

[15]           Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les dispositions pertinentes de la Loi sont l’alinéa 96a), les sous-alinéas 97(1)b)(i) et (ii), le paragraphe 112(1) de même que les alinéas 113c) et 114(1)a), dont le texte est le suivant :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

[…]

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

[…]

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; […]

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

 

 

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

[…]

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

[…]

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

114. (1) A decision to allow the application for protection has

 

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection;

 

 

 

 

Norme de contrôle

[16]           Comme l'a signalé la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 (l'arrêt Dunsmuir), aux paragraphes 54, 57 et 62, la première étape à suivre pour arrêter la bonne norme de contrôle consiste à vérifier si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier.

 

[17]           Dans Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 39, [2004] A.C.F. no 30 (QL), aux paragraphes 5 à 10, puis dans Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, [2005] 4 R.C.F. 387, 262 F.T.R. 219, [2005] A.C.F. no 458 (QL), au paragraphe 51, le juge Martineau a conclu que la norme de contrôle qu'il faut appliquer aux décisions des agents d’ERAR sur une question de fait, comme celle de la situation au pays, est celle de la décision raisonnable simpliciter. Depuis l'arrêt Dunsmuir, la norme de la décision raisonnable simpliciter est disparue au profit de la norme de la décision raisonnable et, par conséquent, la Cour a appliqué invariablement cette norme au contrôle judiciaire des décisions des agents d’ERAR qui ne soulèvent aucune question de justice naturelle ou d'équité procédurale : Ramanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ), 2008 CF 843, [2008] A.C.F. no 1064 (QL), aux paragraphes 16 à 18; Christopher c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), 2008 CF 964, [2008] A.C.F. no 1199 (QL), aux paragraphes 11 et 12; Hnatusko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 18, [2010] A.C.F. n21 (QL), aux paragraphes 25 et 26.

 

Analyse

[18]           L’agent a accordé une faible valeur probante et peu de poids à la déclaration du demandeur en raison de son caractère vague et de l’absence de détails. Comme le juge Zinn l'a noté dans la décision Ferguson c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1067, [2008] A.C.F. no 1308 (QL), au paragraphe 33,

Le poids que le juge des faits accorde à la preuve présentée dans une instance ne relève pas de la science. Différentes personnes peuvent accorder un poids différent à la preuve, mais l’évaluation du poids de la preuve devrait entrer à l’intérieur de certains paramètres raisonnables. La retenue s’impose lorsque les agents d’ERAR évaluent la valeur probante de la preuve dont ils disposent. Si leur évaluation entre dans les paramètres de la raisonnabilité, elle ne devrait pas être modifiée. Selon moi, le poids accordé à la déclaration de l’avocate dans la présente affaire entre dans ces paramètres.

 

 

[19]           La déclaration du demandeur manque de détails et est vague. Personne n'est identifié par son nom; aucune date précise n'est fournie pour les événements; l’[traduction] « ami » du demandeur qui l’a récemment informé d'une [traduction] « rumeur » demeure non identifié; la déclaration n'est ni assermentée ni signée; et aucun élément de preuve corroborant n'a été fourni pour confirmer la déclaration. Par ailleurs, certains des événements évoqués par le demandeur remontent à bien plus de 10 ans. Dans de telles circonstances, la décision de l'agent d'accorder une faible valeur probante et peu de poids à la déclaration est raisonnable.

 

[20]           L'agent a également soigneusement examiné les conditions qui ont cours au pays, y compris les éléments de preuve fournis par le demandeur à cet égard. À la lumière de cet examen, l'agent a déterminé que la protection de l'État au Guyana était suffisante, à défaut d'être parfaite. Il a fondé sa conclusion sur des sources variées et nombreuses. Pour pouvoir demander à la Cour d'infirmer cette conclusion, le demandeur doit prouver que la décision de l'agent n'était pas raisonnable. Dans l'arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada enseigne ce qui suit pour ce qui est du caractère raisonnable d’une décision :

 

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[21]           En l'espèce, l'analyse de l'agent était dans une large mesure constituée de longues citations des documents portant sur la situation au pays. Après ces longues citations, l'agent a conclu comme suit :

[traduction]

Selon la preuve documentaire citée précédemment, la violence criminelle n'est pas tolérée par le gouvernement du Guyana. Cela ressort clairement des tentatives récentes du gouvernement de réprimer la violence criminelle par l'entremise de programmes de lutte contre la criminalité, y compris un plan anti-crime national et des programmes de prévention de la criminalité. En 2005, le gouvernement a rehaussé la visibilité de la police et a créé des unités de police communautaires. Au nombre des autres efforts du gouvernement pour renforcer les activités d'application de la loi figurent la rénovation et la construction de postes de police partout au pays, l'achat de nouveaux véhicules et la prestation de divers programmes de formation aux agents (Guyana, le 31 octobre 2005). Ces efforts soutenus témoignent de la détermination du gouvernement de lutter contre le crime et la violence et, donc, de protéger ses citoyens.

 

En conclusion, j'estime que le gouvernement du Guyana est déterminé à protéger ses citoyens de la violence criminelle. Dans ces circonstances, il est raisonnable de conclure que le demandeur pourra obtenir la protection adéquate de l'État de son pays d'origine s’il en avait besoin. Si le demandeur se heurte à des problèmes, il pourrait aussi solliciter la protection de la Police Complaints Authority (PCA) (le service national d'examen des plaintes concernant la police) et de l’ombudsman.

 

 

[22]           L'avocat du demandeur soutient que l'agent a procédé à un simple exercice de [traduction] « couper/coller » plutôt qu'à une véritable analyse des conditions qui ont cours au pays et des risques encourus par le demandeur.

 

[23]           Je suis d'accord avec l'avocat du demandeur que la simple citation de longs passages de documents portant sur la situation d’un pays, sans plus, pourrait conduire à la conclusion que l'agent d’ERAR n'a pas effectué une analyse des risques en bonne et due forme ou n'a pas tenu compte de renseignements pertinents. Les agents d’ERAR sont investis d'une importante responsabilité en vertu de la Loi et ont vraisemblablement les compétences nécessaires pour déterminer les risques qui existent dans divers pays, comme le Guyana en l’espèce. Ces importantes responsabilités et ces compétences spécialisées impliquent que les agents d’ERAR font plus que simplement copier de longs passages de documents portant sur la situation d'un pays donné. On s'attend à tout le moins qu’ils analysent de tels documents pour déterminer si la situation particulière du demandeur expose ce dernier à des risques à la lumière des conditions qui existent dans son pays.

 

[24]           Toutefois, il incombe aussi aux demandeurs de fournir aux agents d’ERAR suffisamment de renseignements pour que l'analyse ait un certain sens dans leur situation particulière. Après tout, une analyse des risques est une analyse personnalisée et hautement contextualisée. Un demandeur qui s'en tient à des généralités sur la criminalité ou d'autres conditions qui prévalent dans son pays fournit à l’agent d’ERAR bien peu de matière pour réaliser une analyse des risques personnalisée et contextualisée.

 

[25]           En l'espèce, le demandeur a présenté des déclarations vagues sur les risques qu'il encourait et a fait des observations générales sur les conditions qui avaient cours dans son pays, fournissant donc à l’agent d’ERAR très peu de données à partir desquelles travailler. Par conséquent, bien que je sois conscient que l'analyse de la situation du pays réalisée en l'espèce est très générale et manque de profondeur, cette situation est en grande partie attribuable à l'omission du demandeur de présenter à l'agent d’ERAR des faits substantiels permettant une analyse contextualisée.

 

[26]           Essentiellement, le demandeur a évoqué ici un risque général de criminalité plutôt qu’un risque personnel. Le demandeur allègue essentiellement que les citoyens qui retournent au Guyana d’un autre pays sont réputés être bien nantis, et, à cause de cela, deviennent la cible des bandes criminalisées et des voleurs de son pays. Il n'a toutefois fait ressortir aucun élément de preuve des documents sur la situation dans son pays à l'appui de son allégation. En outre, la Cour a rejeté des allégations semblables concernant le Guyana dans la décision Katwaru c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 196, [2010] A.C.F. no 232 (QL), au paragraphe 28. Des analogies peuvent également être faites avec des allégations semblables qui ont toutes été rejetées concernant des personnes rapatriées au Honduras, soit la décision Carias c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 602, [2007] A.C.F. no 817 (QL), et en Haïti, soit la décision Prophète c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 331, [2008] A.C.F. no 415 (QL), confirmée par 2008 CAF 31, [2009] A.C.F. no 143 (QL), pour ne citer que ces décisions parmi beaucoup d'autres.

 

[27]           Par conséquent, compte tenu de l'information fournie par le demandeur (ou plutôt du manque d'information), la décision de l'agent était raisonnable dans les circonstances particulières de l'espèce. La décision en l'espèce appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[28]           Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question de ce genre n'est ici justifiée. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée sous le régime de l’alinéa 74d) de la Loi.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4784-09

 

 

INTITULÉ :                                       DAVEANANAD RAM c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

 

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 12 mai 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 18 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Etienne

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Khatidja Moloo

 

      POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

         POUR LE DÉFENDEUR

 

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